"Ligne azur" : le CE annule la décision du ministre pour non respect de la neutralité du service public de l'éduc nat http://t.co/608wnYq1Oz
— Conseil d'État (@Conseil_Etat) 15 Octobre 2014
N° 369965
Confédération nationale des associations familiales catholiques
4ème et 5ème sous-sections réunies
Séance du 24 septembre 2014
Lecture du 15 octobre 2014
CONCLUSIONS
M. Rémi KELLER, rapporteur public
Par une circulaire du 4 janvier 2013, le ministre de l'éducation nationale a demandé aux recteurs de mettre en place une campagne de lutte contre l'homophobie en milieu scolaire. Il les a notamment invités « à relayer avec la plus grande énergie, au début de l'année, la campagne de communication relative à la « ligne azur », ligne d'écoute pour les jeunes en questionnement à l'égard de leur orientation ou leur identité sexuelles. » Il s’agit d’une ligne téléphonique gérée par l'association Sida Info Service (SIS), qui bénéficie d’un agrément national au titre des actions éducatives complémentaires de l’enseignement public. La ligne téléphonique, de même que le site internet qui lui est associé, se présentent comme un « Dispositif de soutien et d’information pour toute personne qui se pose des questions sur son orientation sexuelle et/ou son identité de genre ».
La confédération nationale des associations familiales catholiques vous demande d'annuler la circulaire en tant qu’elle invite les recteurs à relayer la campagne « ligne azur ». Elle fait notamment valoir que le site internet associé à la ligne comprend des contenus pornographiques, fait « la promotion de comportements sexuels que la morale réprouve » et encourage à la violation de la loi en matière de procréation médicale assistée et d'insémination artificielle, portant ainsi atteinte à la neutralité du service public et à la liberté de conscience des élèves, des parents et des enseignants. Signalons au passage que la campagne « ligne azur » a été reconduite en 2014.
Vous êtes compétents pour statuer sur cette demande dirigée contre une circulaire ministérielle de portée générale. La disposition contestée est impérative, et vous admettrez l'intérêt pour agir de la confédération requérante - qui n'est d'ailleurs pas contesté -, comme vous l'avez fait dans une précédente affaire Confédération nationale des associations familiales catholiques du 29 juillet 1998 (n° 180803, aux tables pour un autre motif), où la confédération contestait une circulaire ministérielle sur l'éducation à la sexualité.
I. - Le ministre oppose deux fins de non-recevoir que vous devrez écarter.
1. D'abord, la circonstance que le ministre précédent, Luc Chatel, avait lui aussi demandé aux recteurs de relayer la campagne contestée ne suffit pas à regarder la disposition contestée comme purement confirmative puisque la circulaire précédente ne s'appliquait pas à l’année 2013 mais à l’année 2012.
Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par
le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public
qui en est l’auteur.
2. Par ailleurs, la circulaire contestée ne constitue pas un simple document
préparatoire puisqu'elle ordonne aux recteurs de relayer une campagne de communication
mise en oeuvre au moyen d'une ligne téléphonique - et peu importe à cet égard que les
affichettes et les tracts servant de supports à cette campagne n’aient été adressés
qu’ultérieurement aux établissements.(1)
3. Ajoutons que si la circulaire a été entièrement exécutée, cela ne rend pas la
demande sans objet puisque la disposition contestée a produit des effets(2). Le ministre ne se
place d'ailleurs pas sur ce terrain.
II. - Vous devez donc examiner les moyens de la requête.
1. Le moyen unique de légalité externe est tiré du défaut de consultation du Conseil
supérieur de l'éducation.
Il y a quelques années, ce motif avait permis à la requérante d'obtenir l'annulation
d'une circulaire de 1996 relative à l'éducation à la sexualité (29 juillet 1998, Confédération
nationale des associations familiales catholiques déjà cité, t. p. 695). Mais, dans cette affaire,
la circulaire avait institué dans les collèges un nouvel enseignement obligatoire de 2 heures
consacré à l'éducation sexuelle. Vous l'aviez en conséquence assimilée à un « règlement
relatif aux programmes (…) et à la scolarité » sur lequel le Conseil supérieur de l'éducation
devait être consulté en application de l'article 1er du décret du 7 juin 1990 – devenu R. 231-1
du code de l'éducation.
Mais tel n'est pas le cas de la disposition incriminée, qui ne concerne ni les
programmes ni la scolarité proprement dite, et qui n'entre dans aucune des autres catégories
de consultation obligatoire du conseil prévues à l'article R. 231-1, y compris celle des
« questions d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation ».
2. Sur le fond, comme nous l'avons indiqué, ce n'est pas la ligne téléphonique
« azur » elle-même qui est contestée mais le contenu du site internet qui lui est associé. Vous
pourriez donc être tentés de considérer que les moyens sont inopérants puisque la circulaire
du ministre ne fait pas allusion au site internet.
Mais il nous paraît impossible de dissocier les deux car le site est étroitement associé
à la ligne et porte d'ailleurs le même nom LigneAzur.org Cette dissociation serait d'autant
plus artificielle qu’à la suite de la circulaire ministérielle, des « supports de communication »
ont été adressés aux chefs d'établissement sous la forme d’affiches et de tracts qui invitaient
les élèves non seulement à s’adresser à la ligne téléphonique mais également à consulter le
site internet.
Les moyens dirigés contre le contenu de ce site sont en conséquence opérants.
1 Cf. la décision qui arrête le principe de la construction d'un centre de conférences internationales (sect., 30 oct. 1992, Min.
des aff. étrangères c/ Ass. de sauvegarde du site Alma-Champ-de-Mars, p. 384) ; également, ou la délibération du conseil de
la communauté urbaine de Bordeaux arrêtant le principe de la création d'un métro léger en site propre (sect., 6 mai 1996, Ass.
Aquitaine Alternatives, p. 144, sol. impl.).
2 Section, 12 oct. 1984, H…, p. 328 : 21 avr. 2000, N…, t. p. 1163. Comme le dit le professeur Chapus : « L’action du juge ne
saurait être arrêtée par le fait accompli » (R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 13è éd. p. 943).
Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par
3. La requérante soulève cinq moyens de légalité interne dont quatre pourront être rapidement écartés.
Elle déplore d'abord que le site internet fasse la promotion de la « théorie du genre », selon laquelle « le genre (…) masculin ou féminin ne procèderait que d’une construction sociale à l’exclusion de toute réalité biologique ». Mais à supposer que tel soit le cas, le moyen manque de précisions car la requérante ne vous indique pas quels textes ou quels principes seraient méconnus par la théorie en question.
La confédération requérante invoque également une violation du caractère propre des établissements privés sous contrat – auxquels la circulaire est en principe destinée, contrairement à ce que soutient le ministre. Mais vous pouvez en faire une interprétation neutralisante en disant que les responsables de ces établissements ne sont pas tenus d’organiser la campagne de sensibilisation qui ne fait pas partie des « programmes d’enseignement » qu’ils sont tenus de respecter en application de l’article L. 442-5 du code de l’éducation.
Par ailleurs, l’organisation d’une campagne d'information sur l’orientation sexuelle n’est pas contraire aux dispositions de l'article L. 312-16 du code de l'éducation qui prévoient une éducation à la sexualité à raison d'au moins trois séances annuelles – la circulaire n’ayant ni pour objet ni pour effet de substituer cette campagne aux séances d’éducation en question.
Enfin, le seul fait d'organiser cette campagne ne constitue ni une violation de l'autorité parentale affirmée à l'article 371-1 du code civil, ni une méconnaissance du rôle éducatif des parents prévu à l'article L. 111-2 du code de l'éducation.
4. Il reste un moyen beaucoup plus sérieux : il est tiré de l'atteinte aux principes de neutralité et de liberté de conscience des élèves affirmés à l'article 2 de la Constitution, à l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'État et à l'article L. 141-2 du code de l'éducation. La requérante invoque aussi l'article 14-1° de la Convention internationale des droits de l'enfant aux termes duquel « les Etats parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion », mais ces stipulations nous paraissent dépourvues d'effet direct.
Pour le reste, le moyen est bien entendu opérant : vous avez en effet jugé, par une décision Association Promouvoir du 18 octobre 2000 (p. 391), que le principe de laïcité de l'enseignement public, « lequel est un élément de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect, d'une part, de cette neutralité par les programmes et par les enseignants et, d'autre part, de la liberté de conscience des élèves. »3
Et ce principe doit s'appliquer non seulement à l'enseignement proprement dit, mais également aux autres activités à visée éducative organisées par l'administration au sein des établissements scolaires.
Voir aussi l’avis du Conseil d’Etat sur le « foulard islamique » du 27 novembre 1989 ; également : 20 mai 1996, Ministre de l'éducation nationale c/ A…, p. 187.
Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par
A l’appui de son moyen, la requérante cite certains contenus du site internet qui nous paraissent en effet pour le moins critiquables - et dont certains ont d'ailleurs été retirés dans les mois qui ont suivi la circulaire contestée.
Nous nous limiterons à citer quelques exemples :
- le site définit la pédophilie comme une simple « attirance sexuelle pour les enfants, quelle que soit l’orientation sexuelle de la personne », sans préciser qu'il s'agit d'une infraction pénale ; - on peut lire le témoignage d'un jeune qui dit « s'être touché avec un des moniteurs » pendant une colonie de vacances et qui confesse que « ça lui a plu » ;
- à la rubrique Prendre soin de soi, il est proposé de « réduire les risques avec des produits (tabac, alcool, drogues, médicaments) » ;
- le site fait valoir que l'usage de drogues « peut faire tomber les inhibitions » et qu’il est pour beaucoup « associé à des moments festifs », sans préciser que la consommation de drogues constitue une infraction pénale.
Par ailleurs, le site internet oriente ses lecteurs vers une brochure intitulée « Tomber la culotte » qui se prononce en faveur de l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de même sexe, qui est interdite par la loi, et propose aussi une technique d'insémination artificielle à domicile, également interdite par la loi. En outre, la brochure fait l'éloge du sado-masochisme, de l’échangisme et du libertinage, et elle décrit en détail des pratiques sexuelles diverses, dans des termes crus que nous serions fort gênés de reprendre dans cette enceinte et qui sont manifestement inadaptés aux élèves – et pas seulement les plus jeunes. La brochure en question fait également la promotion des sextoys. On peut y lire qu’« il est important de pouvoir négocier ensemble les pratiques que l'on souhaite mettre en oeuvre et les objets que l'on souhaite faire intervenir. » Il est précisé qu’« il est devenu facile de s’en procurer sur internet » et la brochure propose même un « guide pratique » pour leur entretien.
Dans l’affaire Association Promouvoir que nous avons évoquée, l'association requérante demandait l'annulation de la décision du gouvernement d'organiser une campagne de sensibilisation à la contraception dans les lycées et les classes de troisième des collèges. Vos 1ère et 2ème sous-sections réunies avaient rejeté cette demande en relevant notamment que le dépliant distribué aux élèves dans le cadre de cette campagne se bornait à donner des informations sur les différents modes de contraception, « sans inciter à adopter un comportement sexuel particulier ni comporter de mentions susceptibles de porter atteinte à la liberté de conscience des élèves ou de méconnaître la liberté des parents d'élever leurs enfants mineurs dans un sens conforme à leurs convictions ».
Il ne nous paraît pas possible d’adopter une telle solution en l'espèce. Comme on vient de le voir, le site internet critiqué prend position sur des questions de société, telles que la procréation médicalement assistée, qui font l'objet de débats et qui divisent la classe politique. La promotion de ce site par l’administration est donc contraire au principe de neutralité.
Plus grave encore, le site encourage des pratiques interdites par la loi, et encourage à des comportements sexuels particuliers. Enfin, comment ne pas comprendre que des parents – et des enfants - soient choqués à la lecture des contenus que nous avons évoqués ? Aussi respectable que soit l'objectif de la campagne décidée par le gouvernement, il « doit se concilier avec le respect des convictions des familles et de la personnalité de jeunes élèves »,
Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.
comme le soulignait notre collègue Rémy Schwartz en concluant sur l'affaire Confédération nationale des associations familiales catholiques déjà citée du 29 juillet 1998.
Or, le contenu du site internet est susceptible, aussi bien sur le fond qu’en raison des termes employés, de porter atteinte aux convictions morales ou religieuses des élèves, des parents et des enseignants. Et ce n’est pas faire preuve d'une pudibonderie excessive que de constater que la présentation quasiment pornographique de certaines activités sexuelles est manifestement inadaptée aux élèves et qu’elle n'a certainement pas sa place dans les établissements d'enseignement secondaire. On ne peut que s'étonner de la légèreté du ministre qui a encouragé des enfants – parfois âgés de dix ans à peine - à consulter ce site. L’administration se défend d'ailleurs particulièrement mal dans cette affaire.
Nous vous proposons en conséquence de juger qu'en ordonnant aux recteurs de relayer « avec la plus grande énergie » la campagne de communication relative à la « ligne azur », le ministre a porté atteinte au principe de neutralité de l'enseignement et à la liberté de conscience des élèves et de leurs parents.
Par ces motifs, nous concluons :
- à l'annulation de la disposition contestée de la circulaire du 4 janvier 2013 ;
- à ce qu'une somme de 3 000 € soit mise à la charge de l'État au titre des frais exposés par la confédération requérante et non compris dans les dépens.
Fil d'actualité sur la "ligneAzue": Ici
Mme NajatVallaud-Belkacem, Ministre de l'éducation nationale:
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Ligne Azur: CONCLUSIONS du rapporteur public du Conseil d'Etat
Ligne AZUR: le cache de l' ancien site avant modif du 8Fev 2014: ICI ou sur Dreuz.info
Le conseil d'état annule la décision de Vincent Peillon du 4 Janvier 2013 (15 Oct 2014)
Quest° de @jfpoisson78(@AssembleeNat) à @najatvb sur #LigneAzur, "Des excuses aux Parents ?":http://t.co/A7gydWB09p pic.twitter.com/epc3GL3Nub
— JF Poisson Président (@JFPoisson_2017) 19 Novembre 2014
Question écrite de Jean-Frédéric Poisson àMme NajatVallaud-Belkacem, Ministre de l'éducation nationale:
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Ligne Azur: CONCLUSIONS du rapporteur public du Conseil d'Etat
Ligne AZUR: le cache de l' ancien site avant modif du 8Fev 2014: ICI ou sur Dreuz.info
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"l’urgence de la chair" (Benoit dans "cahiers Libres")
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( Proposé aussi sur le site de l'académie de Grenoble)
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personnes homosexuelles" (Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi)
"Le tabou homosexuel " par Tugdual Derville
"Tomber la culotte" ET "morale laïque" de Vincent Peillon à l' école (LIGNE AZUR)
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Frigide Barjot n'a pas vu les violences mais 1.400.000 - ON LACHE RIEN
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