Synode sur la famille – « Ne nous laissons pas pénétrer par l’esprit du monde »
Mgr Zbignevs Stankevics, archevêque catholique de Riga (Lettonie)
de Paul VI et de Jean Paul II"
Par Thibaud Collin (14 Sept 2015) ⇝ [*]
"Nullités de mariage. Le pape François réforme le Droit canon"
"Divorcés-remariés : pourquoi la doctrine verrouillerait-elle la miséricorde ?"Réponse de Thibaud Collin au Fr. Garrigues ⇝ [*]
"Synode sur la famille : la voie de l’ordo paenitentium"
Par le Frère Thomas Michelet (20 Juillet 2015) ⇝ [*]
Divorcés remariés : la fidélité est-elle possible ?
Mgr Olivier de Germay, évêque d'Ajaccio (30 Mai 2015) ⇝ [*]
"Église : durant l’entre-deux-synodes, les lignes bougent"
Alex et Maud Lauriot-Prevost (26 Avril 2015) ⇝ [*]
"Divorcés remariés : les «sophismes» de Mgr Vesco" Thibaud Collin
(20 Avril 2015) ⇝ [*]
"Foi et culture face au mariage: pourquoi revenir à la théologie du corps
de Jean-Paul II" Cardinal Carlo Caffarra (20 Mars 2015) ⇝ [*]
3 minutes en vérité avec le père Cédric Burgun, prêtre de la
Communauté de l'Emmanuel (Famille Chrétienne) (30 Mars 2015) ⇝ [*]
Réflexions de Mgr Gerhard Ludwig Müller:
«Un témoignage en faveur du pouvoir de la grâce
sur l'indissolubilité du Mariage et le débat sur les divorcés
remariés civilement et les sacrements»
(Vatican) (23 Mars 2015) ⇝ [*]
Réflexions de Mgr Vincenzo Paglia: «les dix axes dégagés par les mouvements familiaux» (FChrétienne) (24 Mars 2015) ⇝ [*]
Mgr Jean Laffitte: « Il y a une contradiction à demander le sacrement du
mariage sans avoir la foi » (i.média) (14 Fév 2015) ⇝ [*]
Mgr Jean Legrez: « Ne pas marier pour marier »
(famille chrétienne) (22 Janvier 2015) ⇝ [*]
Traduction de la Catéchèse du pape François:
(traduction Zenit.org) (11 dec 2014) ⇝ [*]
Audience générale du pape François:
(vatican.va) (10 dec 2014) ⇝ [*]
Les questions pour la réception et l'approfondissement de "Relatio Synodi"
(vatican.va) (9 dec 2014) ⇝ [*]
Les "Lineamenta" pour le prochain synode sur la famille d' oct 2015
(radiovaticana,New.va,vatican.va) (9 dec 2014) ⇝ [*]
LA "RETRACTATIO" - nouvelle conclusion de l’article de 1972,
réécrite par Joseph Ratzinger ( 3 dec 2014) ⇝ [*]
Intervention de Gérard Leclerc dans le 12/14 de sur LCI
(20 oct 2014) ⇝ [*]
Clôture et Cérémonie de béatification du Pape Paul VI
(19 oct 2014) ⇝ [*]
Journalier du Synode sur la Famille d' sept/Octobre 2014 ⇝ [*]
******************** 2 Octobre 2015 ********************
A l'occasion des Etats Généraux du Christianisme qui se tiennent à Strasbourg du 2 au 4 octobre 2015, Enjeux et espoirs du Synode sur la famille. Débat : l'Eglise doit-elle changer ? avec la participation de : Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran ; Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne. Débât animé par Jérôme Anciberro, rédacteur en chef à La Vie et Philippine de Saint-Pierre, directrice générale de KTO.
[↩]
A l'occasion des Etats Généraux du Christianisme qui se tiennent à Strasbourg du 2 au 4 octobre 2015, Enjeux et espoirs du Synode sur la famille. Débat : l'Eglise doit-elle changer ? avec la participation de : Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran ; Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne. Débât animé par Jérôme Anciberro, rédacteur en chef à La Vie et Philippine de Saint-Pierre, directrice générale de KTO.
[↩]
(source: théologieducorps)
[1] s'il manque un de ces "piliers", le mariage est nul
[2] oui, les catholiques français ont le chic pour critiquer leur évêque
[3] surtout en regard du premier tome, que nous avions évoqué ici
[4] Je proposais d'«exhorter plus fermement les familles catholiques à accueillir en leur sein ceux qui sont touchés par cette solitude. Ces familles s’évangélisent elles-mêmes en les accueillant.»
[↩]
[blog] nullité de mariage : vers un "divorce catholique" ? http://t.co/8jVIOONtGJ #Synod15
— incarnare (@incarnare) 17 Septembre 2015
Le Pape a publié deux motu proprio réformant la procédure judiciaire pour le traitement des causes de nullité de mariage. Quelques réflexions sur ces évolutions, qui sont plutôt bien résumées dans cet article de La Croix : outre la gratuité de la procédure, le défenseur du lien n'est plus tenu de faire appel d'une décision de nullité, une première instance pourra se faire avec un juge unique, et un "processus plus court" avec l'évêque diocésain comme juge unique est rendu possible pour les nullités flagrantes.
Vers un « divorce catholique » ?
C'est ainsi que titre un vaticaniste conservateur. A l'appui, il cite le cas des Etats-Unis, où une procédure similaire a été expérimentée entre 1971 et 1983 : le nombre de déclarations nullité y est passé de 400 par ans à plus de 25 000... Le nouveau code de droit canon de 1983 a mis un terme à l'expérimentation. Mais les Etats-Unis comptent toujours pour plus de 50% des causes de nullités dans l'Eglise catholique.
Alors, faut-il y voir l'émergence d'un "divorce catholique" ? je ne le crois pas. A contrario, il faut noter :
(i) que le motu proprio ne réforme pas les motifs de nullité : il doit toujours s'agir d'un vice du consentement (soit dans la capacité à consentir, soit dans l'acceptation de ce qu'est le mariage : un choix libre d'une communauté de vie, qui suppose l'unicité, est indissoluble, et doit comporter l'intention de la fécondité[1]). Cf. le billet "le mariage c'est canon", dont le contenu n'est en rien affecté par le motu proprio.
(ii) que le motu proprio conserve la gestion des cas de nullité dans l'ordre judiciaire, là où certains évêquent demandaient à pouvoir agir dans l'ordre administratif. En clair : un évêque ne peut décider seul, dans son bureau, qu'un mariage est invalide. Même juge unique, il doit juger dans le cadre d'une procédure judiciaire, qui comporte notamment un défenseur du lien, lequel n'hésitera pas à faire appel s'il le juge bon. Enfin, l'évêque ne s'auto-saisira pas : c'est l'Official qui décidera qu'une cause peut faire l'objet d'un "processus plus court".
(iii) contrairement aux Etats-Unis entre 1971 et 1983, c'est l'évêque qui est le juge unique du "processus plus court". Face à ceux qui pensent que certains évêques[2] pourraient faire preuve d'une indulgence coupable, ce processus ne saurait être massifié : quiconque a déjà vu un agenda d'évêque sait qu'il leur sera impossible d'absorber un volume conséquent de causes (sans compter que certains reconnaîtront avec humilité qu'ils n'ont pas les compétences en droit canonique pour ce faire).
Une nullité croissante ?
Faut-il anticiper une hausse du nombre de nullités du fait de cette procédure simplifiée et rendue gratuite, là où auparavant la reconnaissance de nullité était un véritable parcours d'obstacle ?
Notons d'abord que ce parcours était souvent doublé d'un réel combat : beaucoup de personnes ne songent en effet à demander une reconnaissance de nullité qu'au moment de sceller une union... et si certains attendent parfois avec héroïsme la décision de l'Eglise pour s'engager et cohabiter, celle-ci ne commet-elle pas une faute en demandant - par exemple - à une femme de 37-38 ans d'attendre 3 ans pour se marier, risquant de priver ainsi son couple de la fécondité qu'il pourrait légitimement espérer ?
Je m'inquiète d'une rhétorique qui craint en tant que telle une hausse du nombre de reconnaissance de nullité : on sent, sous-jacente, l'idée que l'engorgement actuel, finalement, ne serait pas une si mauvaise chose puisqu'il "sauverait" des mariages. C'est là - me semble-t-il - une erreur importante : l'Eglise, quand elle déclare une nullité, ne fait rien d'autre que la reconnaître. En d'autres termes, le jour du mariage, il y avait ou il n'y avait pas mariage : c'est faire oeuvre de justice que de ne pas lier les personnes à un engagement qu'elles n'ont pu poser librement, du fait d'un consentement vicié.
Nombre de prêtres disent leur tristesse de célébrer "au bénéfice du doute" des unions dont ils parfois convaincus qu'elles sont nulles. Ils rejoignent en cela le Pape François qui, dans l'avion de Rio à Rome, disait aux journalistes :
Mon prédécesseur à Buenos Aires, le cardinal Quarracino, disait toujours: « Pour moi, la moitié des mariages sont nuls, parce qu’on se marie sans savoir que c’est pour toujours, parce qu’on le fait par convenance etc… ». Nous devons étudier également le thème de la nullité.
Quel est notre problème ? Que le nombre de reconnaissance de nullité croisse ? ou que nombre de mariage célébrés soient effectivement nuls ? Est-il plus urgent de s'insurger contre une réforme de procédure judicaire que de s'atteler à préparer concrètement les fiancés à prononcer un "oui" qui ait du poids ?
Urgence pastorale pour le Synode
Il y a urgence à trouver de nouvelles voies pour que les personnes s'engageant sur la route du mariage y trouvent une occasion de découverte du Christ et un moyen de grandir dans la sainteté. Le Synode court ici le risque d'être court-circuité par les débats sur l'opportunité de permettre la communion aux divorcés-remariés.
De ce point de vue, le livre des onze cardinaux, qui promet "un éclairage pastoral", est particulièrement décevant[3]. Hormis quelques passages du cardinal Robert Sarah sur "la préparation au mariage dans un monde sécularisé", quelques propositions du card. Meisner sur le même thème et un état des lieux des défis du mariage catholique en Afrique par le cardinal nigérian John Onaiyekan, les contributions s'illustrent par l'absence totale d'orientation pastorale, se réfugiant dans un propos défensif ou abstrait.
J'avais quitté le précédent Synode convaincus de l'importance de développer « l'art de l'accompagnement» ettenté en d'autres lieux quelques modestes propositions, dont la première[4] a trouvé un écho inattendu dans la proposition du Pape d'accueillir les migrants.
Confiant que l'Esprit Saint guide l'Eglise, je prie pour que, par-delà les revendications particulières et combats de chapelle, le Synode offre au Pape des pistes concrètes pour que le mariage redevienne pour les chrétiens un lieu de rencontre du Christ, et pour le monde un témoignage de la joie qu'Il donne.
[1] s'il manque un de ces "piliers", le mariage est nul
[2] oui, les catholiques français ont le chic pour critiquer leur évêque
[3] surtout en regard du premier tome, que nous avions évoqué ici
[4] Je proposais d'«exhorter plus fermement les familles catholiques à accueillir en leur sein ceux qui sont touchés par cette solitude. Ces familles s’évangélisent elles-mêmes en les accueillant.»
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******************** 14 Septembre 2015 ********************
Un collectif de théologiens réunis par la Conférence des évêques de France conteste l’enseignement de Paul VI et de Jean Paul II sur le mariage, la sexualité, le péché et la miséricorde. Le philosophe Thibaud Collin leur répond : quand la “stabilité” remplace “l’indissolubilité”, ou “les limites” le “péché”, ni le mariage, ni la miséricorde ne s'y retrouvent.
LA CONFERENCE DES EVEQUES de France, sous la responsabilité de Mgr Brunin, président du Conseil Famille et Société et lui-même père synodal, a souhaité participer au débat synodal actuel en publiant un ouvrage collectif dans lequel vingt-six théologiens francophones répondent aux questions posées dans la Relatio synodi. Ce volume, par nature composite, se signale cependant par sa très grande homogénéité : presque toutes les contributions sont en effet des critiques de l’enseignement de l’Église sur le mariage et la sexualité. À croire qu’il y a eu un grand vide magistériel sur ces sujets entre la fin des années 1960 et aujourd’hui.
Le refus répété d’Humanae vitae et de Veritatis splendor
Cet ouvrage est une confirmation supplémentaire que de larges sphères de l’Église de France n’ont toujours pas reçu l’encyclique du bienheureux Paul VI sur la régulation des naissances. Les arguments d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux développés par la Note de l’épiscopat français (novembre 1968) et par les grands théologiens contestataires (Fuchs, Rahner, Häring, Thévenot, etc.). Il s’agit de relativiser la portée de l’encyclique en rendant son enseignement optionnel ; ainsi le père Bordeyne, recteur de l’Institut catholique de Paris, demandant que le discernement des méthodes soit laissé à « la sagesse » (p.197-198) des époux et que les méthodes naturelles soient « recommandées comme un conseil évangélique ».
Cette proposition nie implicitement la notion d’acte intrinsèquement mauvais (c’est-à-dire qu’aucune intention ni circonstance ne transformera en objet d’un choix bon) et tout ce qu’elle présuppose… à savoir le déploiement magistral qu’en a donné saint Jean-Paul II quant à la nature de la vie morale chrétienne dans Veritatis splendor et quant à la nature de la vie conjugale dans ses catéchèses sur la « théologie du corps » ; le père Thomasset quant à lui s’emploie à critiquer frontalement le cœur de cette encyclique qu’il ne comprend manifestement pas.
Le retour de la casuistique
Nous assistons aujourd’hui, à l’occasion du synode sur la famille, à une nouvelle offensive pour acclimater la morale sexuelle de l’Église à l’esprit du temps. Un des arguments privilégiés est que les normes morales ne sont pas reçues par la majorité des fidèles et que la doctrine qui les fonde est inintelligible. Il s’agit donc de rendre les exigences morales facultatives pour cesser de « culpabiliser » (expression du Père Thomasset) les couples, cette démarche étant présentée comme l’exercice de la miséricorde d’une Église renonçant enfin à faire porter des fardeaux inutiles aux baptisés.
Tout cela repose sur des contresens quant à la nature de la conscience, de la loi morale, de la puissance de la grâce et bien sûr de la miséricorde divine [1].
De plus, nous sommes là devant un raisonnement circulaire. En effet, pourquoi cet enseignement moral de l’Église n’a-t-il pas été reçu par de nombreux fidèles français si ce n’est que, depuis plus de cinquante ans, la pastorale familiale dans notre pays consiste bien souvent à mettre sous le boisseau un tel enseignement et à refuser de prendre les moyens concrets permettant d’éclairer l’intelligence et de toucher le cœur des fidèles ?
Au lieu de travailler à une véritable maturation de la subjectivité chrétienne pour qu’elle se déploie librement selon la vérité de la personne humaine, on travaille donc à créer une nouvelle casuistique, signe même que l’on est resté dans une mentalité légaliste. Cette casuistique consiste à légitimer des exceptions à une loi morale vue comme un idéal inaccessible, alors que la loi morale est ce par quoi la personne découvre son vrai bien, c’est-à-dire le chemin de son bonheur.
La miséricorde sans péché
Bien sûr que personne n’est capable par ses seules forces de vivre à la hauteur de l’appel de Dieu sur ses enfants bien-aimés ! Bien sûr que Dieu est patient et pleinement miséricordieux, mais pourquoi s’ingénier à faire croire que la miséricorde consiste en une sorte d’indulgence pour soigner les « limites » (un des termes indéterminés de ce nouveau vocabulaire en remplacement de ce que l’on appelle au sens strict « péché »), indulgence consistant à fermer les yeux sur le péché et à refuser de le désigner comme tel.
Encore une fois, s’il n’y a plus de péché reconnu comme tel, la miséricorde est vaine. Or la miséricorde de Dieu que l’Église doit transmettre est celle qui suscite la conversion, le repentir, la reconnaissance et la haine de son péché. Alors, la découverte de son péché loin d’être un fardeau insupportable apparaît comme le fruit du salut offert gratuitement par Dieu et reçu humblement.
C’est la lumière sur l’infidélité qui ouvre au pardon
Comme le dit si fortement Mgr Lustiger dans un texte écrit à l’occasion du synode sur la famille de 1980 : « L’approche du Christ vers sa Passion (et la marche des disciples à sa suite) révèle de plus en plus violemment l’écart qui sépare l’exigence d’amour et de fidélité absolue proposée par le Christ d’avec la faiblesse des apôtres, dont ils ne finissent pas de prendre conscience. Aveuglés sur eux-mêmes, autant que sur le Christ, ils ne mesurent pas encore jusqu’où les conduira leur faiblesse : jusqu’au dernier moment ils veulent se croire fidèles envers Celui que, finalement, ils abandonneront. Et il faut pareille expérience de l’infidélité pour que, enfin, leur adviennent le pardon et une autre force de le suivre. […]
L’homme pris dans la condition historique que marque et blesse le péché, reste comme aveuglé devant cette lumière des commandements, et n’y mesure donc pas sa propre faiblesse ni sa propre faute. Il ne recevra la grandeur du commandement qu’en recevant en même temps la mesure de son péché. Et il ne recevra la mesure de son péché que dans la grandeur du pardon accordé. Ainsi donc,simultanément, le commandement de Dieu et la mesure du péché de l’homme découlent tous deux d’une grâce unique de miséricorde, qui marque le salut de l’homme. L’homme pécheur, aveuglé sur le commandement de Dieu, reste aussi bien aveuglé sur sa propre faute. À l’inverse plus augmenteront l’acceptation de la grâce et la fidélité à l’amour, plus aussi augmentera la conscience vive de son péché. Loin d’y voir une source de désespoir, nous devons y voir au contraire une source d’action de grâce ; car seule cette grâce mesure la grandeur de la miséricorde que Dieu accorde aux hommes qu’il aime [2]. »
Alors, prions pour que tous nos pasteurs et nos professeurs transmettent la richesse de la morale conjugale chrétienne, chemin de vie et de sainteté. L’enjeu est central, c’est celui du lien indissociable entre foi et morale et ultimement du lien entre miséricorde et conversion.
Thibaud Collin est philosophe. A publié Divorcés remariés, l’Église va-t-elle (enfin) évoluer ? DDB, 2014.
[1] Cf. un magnifique texte du cardinal Ratzinger « Conscience et vérité », Communio, n° XXI, 1- janvier-février 1996, p. 93-114 Accessible sur internet :http://www.communio.fr/images/pdf/19961093.pdf
[2] « Gradualité et conversion », La Documentation catholique, n° 1826- 21 mars 1982, p. 320 Accessible sur internet :http://www.institutlustiger.fr/documents/OC/JML_1982_Documentation_Catholique_Gradualite_et_conversion.pdf
[↩]
(source: blog Henry Hude)
Par Henry hude (14 Sept 2015)
Partie I
Le pape François vient de réviser le Droit canonique en matière de reconnaissance de nullité de mariage entre baptisés. Cette révision allège, accélère et rend gratuite la procédure pouvant conduire à une telle reconnaissance de nullité, aussi bien qu’au rejet d’une telle demande, devant les juridictions d’Eglise.
Cette réforme est publiée dans un texte intitulé Mitis Iudex Dominus Iesus, qu’on pourrait traduire Le Seigneur Jésus juge avec douceur.
En date du 11 septembre 2015, le texte n’était encore téléchargeable, sur le site du Saint-Siège, qu’en latin et en italien. Je l'ai lu en italien, vérifiant au besoin le sens du texte en me reportant à la version latine officielle.
Le moins qu’on puisse dire est que ce texte n’a pas été jugé avec douceur par certains lecteurs plus catholiques que le pape[i]. Il a aussi été reçu avec condescendance par d’autres, qui voudraient y voir un « petit pas » de Rome dans le sens du relativisme libéral en matière de mœurs[ii]. A mon avis, des deux bords on se trompe lourdement et de la même façon, bien qu’on valorise diversement la démarche papale, objet d’une égale incompréhension – volontaire ou involontaire.
Voici donc quelques pensées au sujet de ce motu proprio qui soulève tant d’émotion et qu’il importe de bien comprendre.
N’étant ni canoniste, ni théologien, je lirai surtout ce texte dans la lumière propre de la philosophie de l’Histoire et de la philosophie morale politique. Elle me semble ici très éclairante. Cela ne m’empêche pas de le recevoir aussi avec la docilité confiante du catholique fidèle.
A ces titres, je me permets les observations suivantes.
Le texte d'une douzaine de pages comporte trois parties.
Rien de changé dans la doctrine
Dans la première partie, le pape commence par rappeler avec solennité le pouvoir des clés » de l’évêque de Rome, successeur de Pierre, autorité plénière et universelle de l’Eglise[iv].
Puis, il inscrit le motu proprio dans la méditation séculaire de l’Eglise sur « l’indissolubilité du lien sacré du mariage ».
Il continue en rappelant la mise en place progressive, au cours de l’Histoire, de la procédure disciplinaire de reconnaissance de nullité.
En évoquant alors « la nullité du consentement », il rappelle un point tout à fait central de la doctrine catholique du mariage, à savoir que le consentement libre des époux à s’engager dans les liens du mariage constitue la cause humaine indispensable de celui-ci, que Dieu consacre par le lien sacramentel[v]. La forme du sacrement se trouve justement dans l’échange des consentements.
C’est pourquoi, il y a mariage là où existe un véritable accord entre vrais consentements, et un tel mariage est toujours indissoluble. Cette doctrine catholique remonte, sur ce point, aux paroles mêmes de Jésus-Christ[vi]. Par contre, là où les consentements font défaut, là ne peut exister un mariage.
La question de savoir si un homme et une femme sont mariés est donc une question de fait, à apprécier en cas de désaccord, par le juge compétent. Cette question de fait est détachable de la question théologique et de droit : savoir si le mariage est en soi indissoluble. Cette dernière a été tranchée dès le début de l’Eglise et par le Christ en Personne. Un mariage ne peut donc jamais être rompu, mais on peut reconnaître qu’un mariage apparent n’a jamais existé en réalité.
Il n’y a donc rien de changé dans la doctrine. Doit-on maintenant s’attendre à une révolution dans la pratique, qui équivaudrait à un rejet hypocrite de cette même doctrine ?
Révolution dans la pratique ?
Tenir à la fois l’indissolubilité du mariage et la possibilité de reconnaître des nullités ne comporte en soi aucune espèce d’hypocrisie de la part de l’Eglise. Un homme et une femme ou bien sont mariés ou bien ne sont pas mariés. Reconnaître ce qu’il en est réellement, quand cela devient nécessaire, n’est que le simple respect de la vérité des faits et de la justice envers les personnes.
Qu’il puisse y avoir, dans un tel processus judiciaire, fraude des parties, ou laxisme des juges, manœuvres dilatoires, ou autres fautes individuelles, cela fait partie de la misère inévitable de toute réalité humaine. Il en résulte pour les parties comme pour les juges un devoir strict de vérité et de justice, excluant tout mensonge, toute ruse, toute intention d’abuser du droit. Le motu proprio le rappelle fortement : « Il est de la responsabilité de l’évêque, dans l’exercice de son propre pouvoir judiciaire, de s’assurer qu’on ne se permette aucun laxisme[vii]. »
Qu’est-ce que cela signifie, concrètement ? Qu’il n’est pas permis de déclarer nul un mariage sans avoir acquis la « certitude morale » qu’il était objectivement nul. Ceci est précisé dans l’Article 12 des normes pratiques formant la troisième partie du motu proprio. Cet article dispose : « Pour obtenir la certitude morale nécessaire pour statuer, il ne suffit pas d’indices et de preuves d’importance supérieure, mais il faut que demeure tout à fait exclu n’importe quel doute prudent et positif d’erreur, dans le droit et dans le fait, bien que ne puisse être exclue la simple possibilité du contraire. »
Voici donc que la réforme se trouve solidement encadrée, d’un côté par la doctrine traditionnelle, de l’autre par des normes pratiques dépourvues de toute équivoque.
Il n’y a donc lieu, ni de se réjouir d’une évolution de l’Eglise dans le sens du relativisme moral libéral et libertaire, ni de s’en attrister. Par contre il faut comprendre la raison de ce changement dans la pratique juridique et pastorale. C’est là qu’il convient d’avoir recours aux clartés de la philosophie.
[i] Jean-Marie Guénois, Le Figaro, 9 septembre 2015.
[ii] Le Point, 8 septembre 2015. http://www.lepoint.fr/societe/mariage-le-petit-pas-du-vatican-08-09-2015-1963033_23.php
[iii] Livre VII du Code de Droit Canonique, Partie III, Titre I, Chapitre I, sur les causes pour la déclaration de nullité du mariage.
[iv] Code de Droit Canonique, canon 331 et suivants.
[v] Commentaire sur les Sentences, Livre IV, Distinction 27, Question 1, Article 2 etpassim (non moins de 305 occurrences dans le traité sur le mariage).
[vi] Mt., 19, 3-9.
[vii] Première Partie, Critères Fondamentaux, II.
Partie II
Expliquons donc maintenant pourquoi, aux yeux de la philosophie, la réforme de François paraît très judicieuse.
Les esprits sont imprégnés de culture relativiste, libertaire et individualiste. C’est vrai surtout en Occident et le devient dans le monde entier. Or, le mariage chrétien est tout le contraire de cette culture : fondé dans l’Absolu, lien perpétuel où s’accomplit la liberté, fondateur d’une communauté où se dépasse l’individualisme.
Par conséquent, (c’est mon opinion, mais elle n’est pas dans le texte du pape) les personnes complètement imprégnées de cette culture sont suspectes d’incapacité à contracter un mariage chrétien réel et non nul (comme d’ailleurs de signer n’importe quel contrat avec l’intention de s’y tenir). A leur consentement risquera en effet de faire défaut la toute première des conditions de tout consentement : la connaissance, ici la simple compréhension de ce dont il s’agit, la culture permettant de comprendre la possibilité, la nature et la valeur de l’union matrimoniale et d’en accepter les obligations.
Si donc de telles personnes pétries de relativisme ont apparemment contracté des mariages chrétiens, et même si elles viennent de familles chrétiennes et pratiquantes, il est possible que nombre de leurs mariages soient nuls. Même si l’autre conjoint avait l’intention sérieuse de se marier chrétiennement, l’union tout entière peut être frappée de nullité, parce qu’un seul vrai consentement ne suffit pas. Soumis à la logique relativiste, le mariage chrétien n’est en fait qu’un coup de goupillon donné sur une relation individualiste, libérale, hédoniste et malthusienne. Si donc un tel mariage fait faillite, comme c’est trop souvent le cas, sa nullité doit certainement être reconnue.
Dans un temps de société chrétienne et de culture réaliste, tous les mariages pouvaient être présumés valides, parce que les prérequis culturels étaient assez bien compris par tous. Dans un temps de culture et de société relativistes, la présomption est parfois presque inversée. Par suite, le souci de protéger la liberté (celle de se marier authentiquement) devient un moyen privilégié de la protection juridique du mariage, dans une situation où la culture en dilue l’authenticité. Telle est la situation.
La politique du pape et sa pastorale
Dans ces conditions, que demande de faire le pape ?
Trois choses.
Premièrement, rendre plus aisément leur liberté aux parties désireuses d’entrer au plus vite dans une relation non structurée par le relativisme, et donc non nulle de plein droit.
Deuxièmement, proposer à tous l’exemple de la sainteté la plus haute vécue dans le mariage, en dépit de toutes les difficultés inhérentes à la condition humaine (et aux imperfections de la culture). C’est ainsi que le pape se propose de canoniser bientôt les parents de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, doublement, c’est-à-dire chacun pris individuellement, et tous les deux pris ensemble dans leur unité conjugale.
[i] En vertu du canon 383, §1 du Code de Droit Canonique.
[ii] Cfr. can. 529 § 1.
[iii] Normes pratiques d’application, Art. 1.
[iv] Rm.8.
[v] 1ère partie, IV.
#Synode : réponse aux 26 théologiens qui contestent l’enseignement de Paul VI et de J-P II http://t.co/ajGYkloDrE pic.twitter.com/VwUdi2cyEH
— Liberté politique ن (@LiberTPolitique) 14 Septembre 2015
(source: libertPolitique)
"Synode : 26 théologiens français remettent en cause l’enseignement
de Paul VI et de Jean Paul II"
Par Thibaud Collin (14 Sept 2015)
Un collectif de théologiens réunis par la Conférence des évêques de France conteste l’enseignement de Paul VI et de Jean Paul II sur le mariage, la sexualité, le péché et la miséricorde. Le philosophe Thibaud Collin leur répond : quand la “stabilité” remplace “l’indissolubilité”, ou “les limites” le “péché”, ni le mariage, ni la miséricorde ne s'y retrouvent.
LA CONFERENCE DES EVEQUES de France, sous la responsabilité de Mgr Brunin, président du Conseil Famille et Société et lui-même père synodal, a souhaité participer au débat synodal actuel en publiant un ouvrage collectif dans lequel vingt-six théologiens francophones répondent aux questions posées dans la Relatio synodi. Ce volume, par nature composite, se signale cependant par sa très grande homogénéité : presque toutes les contributions sont en effet des critiques de l’enseignement de l’Église sur le mariage et la sexualité. À croire qu’il y a eu un grand vide magistériel sur ces sujets entre la fin des années 1960 et aujourd’hui.
Conception subjectiviste
Omissions et contresens sont légion dans ces quelques 300 pages. Ainsi par exemple, la bibliste Anne-Marie Pelletier, professeur aux Bernardins, semblant ignorer l’enseignement de saint Jean-Paul II sur les versets d’Ephésiens 5 concernant le rapport du Christ à l’Église et soulignant l’urgence d’affronter des questions sur « la soumission de la femme à son mari » (p. 59) que le pape polonais a traité avec minutie et profondeur voilà plus de trente ans.
On constate également le contresens récurrent consistant à accuser les encycliques Humanae vitae(1968) et Veritatis splendor (1993) d’être légalistes et naturalistes (p. 182, 186, 208) pour mieux les opposer au concile Vatican II censé être personnaliste et légitimer ainsi une conception subjectiviste de la morale. Comme si Paul VI et Jean-Paul II avaient moins bien compris le concile que le père jésuite Alain Thomasset, professeur au Centre Sèvres…
On remarque encore l’omniprésence de certains mots sur lesquels cette nouvelle (mais en réalité très datée) morale s’articulerait. Un des plus significatifs est celui de stabilité, en passe, semble-t-il, de devenir la clef de voûte de cette morale sexuelle en remplacement de l’indissolubilité, bon moyen de s’habituer à considérer comme légitimes les couples de même sexe et les divorcés remariés. Cela suscite néanmoins une question : combien de temps doit durer la stabilité pour devenir aux yeux de ses promoteurs un réel critère éthique ?
Omissions et contresens sont légion dans ces quelques 300 pages. Ainsi par exemple, la bibliste Anne-Marie Pelletier, professeur aux Bernardins, semblant ignorer l’enseignement de saint Jean-Paul II sur les versets d’Ephésiens 5 concernant le rapport du Christ à l’Église et soulignant l’urgence d’affronter des questions sur « la soumission de la femme à son mari » (p. 59) que le pape polonais a traité avec minutie et profondeur voilà plus de trente ans.
On constate également le contresens récurrent consistant à accuser les encycliques Humanae vitae(1968) et Veritatis splendor (1993) d’être légalistes et naturalistes (p. 182, 186, 208) pour mieux les opposer au concile Vatican II censé être personnaliste et légitimer ainsi une conception subjectiviste de la morale. Comme si Paul VI et Jean-Paul II avaient moins bien compris le concile que le père jésuite Alain Thomasset, professeur au Centre Sèvres…
On remarque encore l’omniprésence de certains mots sur lesquels cette nouvelle (mais en réalité très datée) morale s’articulerait. Un des plus significatifs est celui de stabilité, en passe, semble-t-il, de devenir la clef de voûte de cette morale sexuelle en remplacement de l’indissolubilité, bon moyen de s’habituer à considérer comme légitimes les couples de même sexe et les divorcés remariés. Cela suscite néanmoins une question : combien de temps doit durer la stabilité pour devenir aux yeux de ses promoteurs un réel critère éthique ?
Le refus répété d’Humanae vitae et de Veritatis splendor
Cet ouvrage est une confirmation supplémentaire que de larges sphères de l’Église de France n’ont toujours pas reçu l’encyclique du bienheureux Paul VI sur la régulation des naissances. Les arguments d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux développés par la Note de l’épiscopat français (novembre 1968) et par les grands théologiens contestataires (Fuchs, Rahner, Häring, Thévenot, etc.). Il s’agit de relativiser la portée de l’encyclique en rendant son enseignement optionnel ; ainsi le père Bordeyne, recteur de l’Institut catholique de Paris, demandant que le discernement des méthodes soit laissé à « la sagesse » (p.197-198) des époux et que les méthodes naturelles soient « recommandées comme un conseil évangélique ».
Cette proposition nie implicitement la notion d’acte intrinsèquement mauvais (c’est-à-dire qu’aucune intention ni circonstance ne transformera en objet d’un choix bon) et tout ce qu’elle présuppose… à savoir le déploiement magistral qu’en a donné saint Jean-Paul II quant à la nature de la vie morale chrétienne dans Veritatis splendor et quant à la nature de la vie conjugale dans ses catéchèses sur la « théologie du corps » ; le père Thomasset quant à lui s’emploie à critiquer frontalement le cœur de cette encyclique qu’il ne comprend manifestement pas.
Le retour de la casuistique
Nous assistons aujourd’hui, à l’occasion du synode sur la famille, à une nouvelle offensive pour acclimater la morale sexuelle de l’Église à l’esprit du temps. Un des arguments privilégiés est que les normes morales ne sont pas reçues par la majorité des fidèles et que la doctrine qui les fonde est inintelligible. Il s’agit donc de rendre les exigences morales facultatives pour cesser de « culpabiliser » (expression du Père Thomasset) les couples, cette démarche étant présentée comme l’exercice de la miséricorde d’une Église renonçant enfin à faire porter des fardeaux inutiles aux baptisés.
Tout cela repose sur des contresens quant à la nature de la conscience, de la loi morale, de la puissance de la grâce et bien sûr de la miséricorde divine [1].
De plus, nous sommes là devant un raisonnement circulaire. En effet, pourquoi cet enseignement moral de l’Église n’a-t-il pas été reçu par de nombreux fidèles français si ce n’est que, depuis plus de cinquante ans, la pastorale familiale dans notre pays consiste bien souvent à mettre sous le boisseau un tel enseignement et à refuser de prendre les moyens concrets permettant d’éclairer l’intelligence et de toucher le cœur des fidèles ?
Au lieu de travailler à une véritable maturation de la subjectivité chrétienne pour qu’elle se déploie librement selon la vérité de la personne humaine, on travaille donc à créer une nouvelle casuistique, signe même que l’on est resté dans une mentalité légaliste. Cette casuistique consiste à légitimer des exceptions à une loi morale vue comme un idéal inaccessible, alors que la loi morale est ce par quoi la personne découvre son vrai bien, c’est-à-dire le chemin de son bonheur.
La miséricorde sans péché
Bien sûr que personne n’est capable par ses seules forces de vivre à la hauteur de l’appel de Dieu sur ses enfants bien-aimés ! Bien sûr que Dieu est patient et pleinement miséricordieux, mais pourquoi s’ingénier à faire croire que la miséricorde consiste en une sorte d’indulgence pour soigner les « limites » (un des termes indéterminés de ce nouveau vocabulaire en remplacement de ce que l’on appelle au sens strict « péché »), indulgence consistant à fermer les yeux sur le péché et à refuser de le désigner comme tel.
Encore une fois, s’il n’y a plus de péché reconnu comme tel, la miséricorde est vaine. Or la miséricorde de Dieu que l’Église doit transmettre est celle qui suscite la conversion, le repentir, la reconnaissance et la haine de son péché. Alors, la découverte de son péché loin d’être un fardeau insupportable apparaît comme le fruit du salut offert gratuitement par Dieu et reçu humblement.
C’est la lumière sur l’infidélité qui ouvre au pardon
Comme le dit si fortement Mgr Lustiger dans un texte écrit à l’occasion du synode sur la famille de 1980 : « L’approche du Christ vers sa Passion (et la marche des disciples à sa suite) révèle de plus en plus violemment l’écart qui sépare l’exigence d’amour et de fidélité absolue proposée par le Christ d’avec la faiblesse des apôtres, dont ils ne finissent pas de prendre conscience. Aveuglés sur eux-mêmes, autant que sur le Christ, ils ne mesurent pas encore jusqu’où les conduira leur faiblesse : jusqu’au dernier moment ils veulent se croire fidèles envers Celui que, finalement, ils abandonneront. Et il faut pareille expérience de l’infidélité pour que, enfin, leur adviennent le pardon et une autre force de le suivre. […]
L’homme pris dans la condition historique que marque et blesse le péché, reste comme aveuglé devant cette lumière des commandements, et n’y mesure donc pas sa propre faiblesse ni sa propre faute. Il ne recevra la grandeur du commandement qu’en recevant en même temps la mesure de son péché. Et il ne recevra la mesure de son péché que dans la grandeur du pardon accordé. Ainsi donc,simultanément, le commandement de Dieu et la mesure du péché de l’homme découlent tous deux d’une grâce unique de miséricorde, qui marque le salut de l’homme. L’homme pécheur, aveuglé sur le commandement de Dieu, reste aussi bien aveuglé sur sa propre faute. À l’inverse plus augmenteront l’acceptation de la grâce et la fidélité à l’amour, plus aussi augmentera la conscience vive de son péché. Loin d’y voir une source de désespoir, nous devons y voir au contraire une source d’action de grâce ; car seule cette grâce mesure la grandeur de la miséricorde que Dieu accorde aux hommes qu’il aime [2]. »
Alors, prions pour que tous nos pasteurs et nos professeurs transmettent la richesse de la morale conjugale chrétienne, chemin de vie et de sainteté. L’enjeu est central, c’est celui du lien indissociable entre foi et morale et ultimement du lien entre miséricorde et conversion.
Thibaud Collin est philosophe. A publié Divorcés remariés, l’Église va-t-elle (enfin) évoluer ? DDB, 2014.
[1] Cf. un magnifique texte du cardinal Ratzinger « Conscience et vérité », Communio, n° XXI, 1- janvier-février 1996, p. 93-114 Accessible sur internet :http://www.communio.fr/images/pdf/19961093.pdf
[2] « Gradualité et conversion », La Documentation catholique, n° 1826- 21 mars 1982, p. 320 Accessible sur internet :http://www.institutlustiger.fr/documents/OC/JML_1982_Documentation_Catholique_Gradualite_et_conversion.pdf
[↩]
******************** 14 Septembre 2015 ********************
(source: blog Henry Hude)
Un article en deux temps sur le pape et le mariage.
http://t.co/QpvXBYWDeT
http://t.co/RP40c6G5sh
— Henri Hude (@HenriHude) 14 Septembre 2015
"Nullités de mariage. Le pape François réforme le Droit canon"Par Henry hude (14 Sept 2015)
Partie I
Le pape François vient de réviser le Droit canonique en matière de reconnaissance de nullité de mariage entre baptisés. Cette révision allège, accélère et rend gratuite la procédure pouvant conduire à une telle reconnaissance de nullité, aussi bien qu’au rejet d’une telle demande, devant les juridictions d’Eglise.
Cette réforme est publiée dans un texte intitulé Mitis Iudex Dominus Iesus, qu’on pourrait traduire Le Seigneur Jésus juge avec douceur.
En date du 11 septembre 2015, le texte n’était encore téléchargeable, sur le site du Saint-Siège, qu’en latin et en italien. Je l'ai lu en italien, vérifiant au besoin le sens du texte en me reportant à la version latine officielle.
Le moins qu’on puisse dire est que ce texte n’a pas été jugé avec douceur par certains lecteurs plus catholiques que le pape[i]. Il a aussi été reçu avec condescendance par d’autres, qui voudraient y voir un « petit pas » de Rome dans le sens du relativisme libéral en matière de mœurs[ii]. A mon avis, des deux bords on se trompe lourdement et de la même façon, bien qu’on valorise diversement la démarche papale, objet d’une égale incompréhension – volontaire ou involontaire.
Voici donc quelques pensées au sujet de ce motu proprio qui soulève tant d’émotion et qu’il importe de bien comprendre.
N’étant ni canoniste, ni théologien, je lirai surtout ce texte dans la lumière propre de la philosophie de l’Histoire et de la philosophie morale politique. Elle me semble ici très éclairante. Cela ne m’empêche pas de le recevoir aussi avec la docilité confiante du catholique fidèle.
A ces titres, je me permets les observations suivantes.
Le texte d'une douzaine de pages comporte trois parties.
- La première expose les considérants de cette réforme du droit interne de l’Eglise ;
- Dans la seconde en est donné le contenu, c’est-à-dire la nouvelle rédaction d’un chapitre du Code de Droit Canonique[iii] ;
- la troisième fournit des normes pour la bonne compréhension et l’application correcte du droit ainsi révisé.
Rien de changé dans la doctrine
Dans la première partie, le pape commence par rappeler avec solennité le pouvoir des clés » de l’évêque de Rome, successeur de Pierre, autorité plénière et universelle de l’Eglise[iv].
Puis, il inscrit le motu proprio dans la méditation séculaire de l’Eglise sur « l’indissolubilité du lien sacré du mariage ».
Il continue en rappelant la mise en place progressive, au cours de l’Histoire, de la procédure disciplinaire de reconnaissance de nullité.
En évoquant alors « la nullité du consentement », il rappelle un point tout à fait central de la doctrine catholique du mariage, à savoir que le consentement libre des époux à s’engager dans les liens du mariage constitue la cause humaine indispensable de celui-ci, que Dieu consacre par le lien sacramentel[v]. La forme du sacrement se trouve justement dans l’échange des consentements.
C’est pourquoi, il y a mariage là où existe un véritable accord entre vrais consentements, et un tel mariage est toujours indissoluble. Cette doctrine catholique remonte, sur ce point, aux paroles mêmes de Jésus-Christ[vi]. Par contre, là où les consentements font défaut, là ne peut exister un mariage.
La question de savoir si un homme et une femme sont mariés est donc une question de fait, à apprécier en cas de désaccord, par le juge compétent. Cette question de fait est détachable de la question théologique et de droit : savoir si le mariage est en soi indissoluble. Cette dernière a été tranchée dès le début de l’Eglise et par le Christ en Personne. Un mariage ne peut donc jamais être rompu, mais on peut reconnaître qu’un mariage apparent n’a jamais existé en réalité.
Il n’y a donc rien de changé dans la doctrine. Doit-on maintenant s’attendre à une révolution dans la pratique, qui équivaudrait à un rejet hypocrite de cette même doctrine ?
Révolution dans la pratique ?
Tenir à la fois l’indissolubilité du mariage et la possibilité de reconnaître des nullités ne comporte en soi aucune espèce d’hypocrisie de la part de l’Eglise. Un homme et une femme ou bien sont mariés ou bien ne sont pas mariés. Reconnaître ce qu’il en est réellement, quand cela devient nécessaire, n’est que le simple respect de la vérité des faits et de la justice envers les personnes.
Qu’il puisse y avoir, dans un tel processus judiciaire, fraude des parties, ou laxisme des juges, manœuvres dilatoires, ou autres fautes individuelles, cela fait partie de la misère inévitable de toute réalité humaine. Il en résulte pour les parties comme pour les juges un devoir strict de vérité et de justice, excluant tout mensonge, toute ruse, toute intention d’abuser du droit. Le motu proprio le rappelle fortement : « Il est de la responsabilité de l’évêque, dans l’exercice de son propre pouvoir judiciaire, de s’assurer qu’on ne se permette aucun laxisme[vii]. »
Qu’est-ce que cela signifie, concrètement ? Qu’il n’est pas permis de déclarer nul un mariage sans avoir acquis la « certitude morale » qu’il était objectivement nul. Ceci est précisé dans l’Article 12 des normes pratiques formant la troisième partie du motu proprio. Cet article dispose : « Pour obtenir la certitude morale nécessaire pour statuer, il ne suffit pas d’indices et de preuves d’importance supérieure, mais il faut que demeure tout à fait exclu n’importe quel doute prudent et positif d’erreur, dans le droit et dans le fait, bien que ne puisse être exclue la simple possibilité du contraire. »
Voici donc que la réforme se trouve solidement encadrée, d’un côté par la doctrine traditionnelle, de l’autre par des normes pratiques dépourvues de toute équivoque.
Il n’y a donc lieu, ni de se réjouir d’une évolution de l’Eglise dans le sens du relativisme moral libéral et libertaire, ni de s’en attrister. Par contre il faut comprendre la raison de ce changement dans la pratique juridique et pastorale. C’est là qu’il convient d’avoir recours aux clartés de la philosophie.
[i] Jean-Marie Guénois, Le Figaro, 9 septembre 2015.
[ii] Le Point, 8 septembre 2015. http://www.lepoint.fr/societe/mariage-le-petit-pas-du-vatican-08-09-2015-1963033_23.php
[iii] Livre VII du Code de Droit Canonique, Partie III, Titre I, Chapitre I, sur les causes pour la déclaration de nullité du mariage.
[iv] Code de Droit Canonique, canon 331 et suivants.
[v] Commentaire sur les Sentences, Livre IV, Distinction 27, Question 1, Article 2 etpassim (non moins de 305 occurrences dans le traité sur le mariage).
[vi] Mt., 19, 3-9.
[vii] Première Partie, Critères Fondamentaux, II.
Partie II
Expliquons donc maintenant pourquoi, aux yeux de la philosophie, la réforme de François paraît très judicieuse.
Les esprits sont imprégnés de culture relativiste, libertaire et individualiste. C’est vrai surtout en Occident et le devient dans le monde entier. Or, le mariage chrétien est tout le contraire de cette culture : fondé dans l’Absolu, lien perpétuel où s’accomplit la liberté, fondateur d’une communauté où se dépasse l’individualisme.
Par conséquent, (c’est mon opinion, mais elle n’est pas dans le texte du pape) les personnes complètement imprégnées de cette culture sont suspectes d’incapacité à contracter un mariage chrétien réel et non nul (comme d’ailleurs de signer n’importe quel contrat avec l’intention de s’y tenir). A leur consentement risquera en effet de faire défaut la toute première des conditions de tout consentement : la connaissance, ici la simple compréhension de ce dont il s’agit, la culture permettant de comprendre la possibilité, la nature et la valeur de l’union matrimoniale et d’en accepter les obligations.
Si donc de telles personnes pétries de relativisme ont apparemment contracté des mariages chrétiens, et même si elles viennent de familles chrétiennes et pratiquantes, il est possible que nombre de leurs mariages soient nuls. Même si l’autre conjoint avait l’intention sérieuse de se marier chrétiennement, l’union tout entière peut être frappée de nullité, parce qu’un seul vrai consentement ne suffit pas. Soumis à la logique relativiste, le mariage chrétien n’est en fait qu’un coup de goupillon donné sur une relation individualiste, libérale, hédoniste et malthusienne. Si donc un tel mariage fait faillite, comme c’est trop souvent le cas, sa nullité doit certainement être reconnue.
Dans un temps de société chrétienne et de culture réaliste, tous les mariages pouvaient être présumés valides, parce que les prérequis culturels étaient assez bien compris par tous. Dans un temps de culture et de société relativistes, la présomption est parfois presque inversée. Par suite, le souci de protéger la liberté (celle de se marier authentiquement) devient un moyen privilégié de la protection juridique du mariage, dans une situation où la culture en dilue l’authenticité. Telle est la situation.
La politique du pape et sa pastorale
Dans ces conditions, que demande de faire le pape ?
Trois choses.
Premièrement, rendre plus aisément leur liberté aux parties désireuses d’entrer au plus vite dans une relation non structurée par le relativisme, et donc non nulle de plein droit.
Deuxièmement, proposer à tous l’exemple de la sainteté la plus haute vécue dans le mariage, en dépit de toutes les difficultés inhérentes à la condition humaine (et aux imperfections de la culture). C’est ainsi que le pape se propose de canoniser bientôt les parents de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, doublement, c’est-à-dire chacun pris individuellement, et tous les deux pris ensemble dans leur unité conjugale.
Troisièmement, renforcer la paroisse comme lieu de préparation au mariage, lieu de soutien mutuel et lieu d’accueil des souffrances humaines.
Le thème de la miséricorde
La culture relativiste aboutit à la solitude et la désespérance. Elle produit une effrayante misère affective et morale, sans parler d’un nouvel esclavage économique. Dans ces conditions, il faut moins montrer aux hommes un visage de juge sévère, qui accroîtrait leur désarroi, que le visage de Dieu sauveur, Jésus-Christ, icône de la miséricorde divine.
C’est l’évêque qui « est tenu[i] de suivre avec un esprit apostolique, les conjoints séparés ou divorcés [selon le droit civil], qui ont fini par abandonner la pratique religieuse à cause de leur condition de vie. Il partage avec les curés de paroisse[ii] la sollicitude pastorale envers ces fidèles en difficulté[iii]. »
La miséricorde consiste à juger le moins possible les personnes, car il n’y a pas de péché sans conscience de la loi. Or, le relativisme faisant du respect de la liberté arbitraire la seule loi, émousse tellement le sens du bien et du mal, qu’on peut assez souvent présumer l’absence de faute personnelle grave même chez ceux qui commettent manifestement des actes matériellement graves.
La miséricorde consiste alors à faire de l’Eglise l’hôpital des consciences, où elles retrouvent leur vigueur, leur lucidité, la conscience de la loi et où surtout elles puisent la grâce. C’est elle qui permet de vivre au-delà de la loi et dans la liberté, sans rien faire contre la loi : car telle est la vie dans l’Esprit[iv].
En vérité, il s’agit moins aujourd’hui de « défendre le mariage », comme s’il existait encore évidemment, que de permettre à nouveau aux gens de se marier vraiment, et aux gens mariés de le redécouvrir et, pour ainsi dire, de se remarier pour de bon avec leurs conjoints. Mais il faut, pour cela, se libérer d’une culture malade :
- incapable de voir la vérité du désir sexuel au-delà de la concupiscence, et celle de l’éros en dehors de la fornication ou de l’adultère,
- incapable de saisir la beauté de la vie et de la fidélité,
- incapable de comprendre la puissance symbolique et sacramentelle du mariage.
Dans un monde de matérialisme technocratique et de liberté arbitraire, l’Eglise doit redevenir visiblement une famille, une maison familiale, et perdre toute apparence de bureaucratie impersonnelle. Cela passe par le retour en force de la figure paternelle de l’évêque sur le terrain.
L’introduction de la procédure simplifiée dans l’examen des cas de nullité est ici l’occasion d’obtenir l’implication personnelle de l’évêque dans un processus curatif et de faire de lui un responsable visible de la réaffirmation de l’indissolubilité.
« Il ne m’a pas échappé, écrit le pape[v], qu’une procédure de jugement courte puisse faire courir un risque au principe de l’indissolubilité du mariage. C’est précisément pour cela que j’ai voulu que l’évêque lui-même soit intégré dans une telle procédure, parce qu’il est avec Pierre, en vertu de son office le meilleur garant de l’unité catholique dans la foi et la discipline. »
Le thème de la miséricorde
La culture relativiste aboutit à la solitude et la désespérance. Elle produit une effrayante misère affective et morale, sans parler d’un nouvel esclavage économique. Dans ces conditions, il faut moins montrer aux hommes un visage de juge sévère, qui accroîtrait leur désarroi, que le visage de Dieu sauveur, Jésus-Christ, icône de la miséricorde divine.
C’est l’évêque qui « est tenu[i] de suivre avec un esprit apostolique, les conjoints séparés ou divorcés [selon le droit civil], qui ont fini par abandonner la pratique religieuse à cause de leur condition de vie. Il partage avec les curés de paroisse[ii] la sollicitude pastorale envers ces fidèles en difficulté[iii]. »
La miséricorde consiste à juger le moins possible les personnes, car il n’y a pas de péché sans conscience de la loi. Or, le relativisme faisant du respect de la liberté arbitraire la seule loi, émousse tellement le sens du bien et du mal, qu’on peut assez souvent présumer l’absence de faute personnelle grave même chez ceux qui commettent manifestement des actes matériellement graves.
La miséricorde consiste alors à faire de l’Eglise l’hôpital des consciences, où elles retrouvent leur vigueur, leur lucidité, la conscience de la loi et où surtout elles puisent la grâce. C’est elle qui permet de vivre au-delà de la loi et dans la liberté, sans rien faire contre la loi : car telle est la vie dans l’Esprit[iv].
En vérité, il s’agit moins aujourd’hui de « défendre le mariage », comme s’il existait encore évidemment, que de permettre à nouveau aux gens de se marier vraiment, et aux gens mariés de le redécouvrir et, pour ainsi dire, de se remarier pour de bon avec leurs conjoints. Mais il faut, pour cela, se libérer d’une culture malade :
- incapable de voir la vérité du désir sexuel au-delà de la concupiscence, et celle de l’éros en dehors de la fornication ou de l’adultère,
- incapable de saisir la beauté de la vie et de la fidélité,
- incapable de comprendre la puissance symbolique et sacramentelle du mariage.
Dans un monde de matérialisme technocratique et de liberté arbitraire, l’Eglise doit redevenir visiblement une famille, une maison familiale, et perdre toute apparence de bureaucratie impersonnelle. Cela passe par le retour en force de la figure paternelle de l’évêque sur le terrain.
L’introduction de la procédure simplifiée dans l’examen des cas de nullité est ici l’occasion d’obtenir l’implication personnelle de l’évêque dans un processus curatif et de faire de lui un responsable visible de la réaffirmation de l’indissolubilité.
« Il ne m’a pas échappé, écrit le pape[v], qu’une procédure de jugement courte puisse faire courir un risque au principe de l’indissolubilité du mariage. C’est précisément pour cela que j’ai voulu que l’évêque lui-même soit intégré dans une telle procédure, parce qu’il est avec Pierre, en vertu de son office le meilleur garant de l’unité catholique dans la foi et la discipline. »
[i] En vertu du canon 383, §1 du Code de Droit Canonique.
[ii] Cfr. can. 529 § 1.
[iii] Normes pratiques d’application, Art. 1.
[iv] Rm.8.
[v] 1ère partie, IV.
******************** 20 juillet 2015 ******************
(Source: liberté Politique)
DÉBAT | Dans un texte intitulé « La doctrine ne verrouille pas la miséricorde [1] », le Fr. Jean-Miguel Garrigues revient sur les objections qui lui ont été faites [2] à propos de sa thèse validant un régime de dérogation en faveur de la communion de certains divorcés-remariés, à la suite de son entretien paru dans La Civiltà cattolica [3]. Thibaud Collin confirme et précise ses objections.
Le Fr. Garrigues revendique une liberté de parole voulue par le Pape François lui-même qui permettrait enfin aux théologiens de sortir du silence qu'ils ont dû garder sous les deux derniers pontificats sur le sujet de l'accès des divorcés remariés aux sacrements. Il réclame « le droit de soumettre une opinion théologique sans que l'on crie au scandale ». J'ai utilisé ce dernier terme [4]dans son sens strict car il me semble que la deuxième dérogation que le Père Garrigues envisage (que des divorcés remariés reconnaissant la validité de leur premier mariage et ayant une vie maritale puissent néanmoins communier à la condition de mener « une vie chrétienne ») est de fait formellement contraire à la Parole de Dieu lue dans la Tradition et interprétée par le Magistère.
Qu'elle soit soutenue dans « une revue autorisée » ne fait à mes yeux que renforcer le trouble et la confusion sur un sujet, le mariage, comportant une dimension publique et objective. Le Père Garrigues admet que l'on discute de l'opportunité de ces dérogations exceptionnelles car il considère qu' « en matière de prudence, personne ne peut être totalement sûr de ce qu'il avance ». Je considère au contraire que les dérogations que le Père Garrigues envisage touchent directement les principes de la morale chrétienne et de la vie sacramentelle et qu'à ce titre elles ne relèvent pas d'un légitime exercice de la prudence. Je pense même que lorsqu'il parle de « système verrouillé » il remet en cause les enseignements de saint Jean-Paul II et de Benoit XVI. D'ailleurs, il ne me semble pas prendre en compte les textes clairs de ceux-ci sur notre sujet pour en proposer une nouvelle lecture mais se contenter de faire une réponse procédurale.
Sur l'interprétation de saint Thomas
Le Père Garrigues revient sur les textes de saint Thomas mais ne répond pas, selon moi, aux objections qui ont été adressées à la lecture qu'il en donne. Je vais donc les rappeler et les approfondir. Il cite un premier texte de la Somme de Théologie, IIa IIae q.120, a.1 (et non 21) : « Parce que les actes humains pour lesquels on porte des lois consistent en des cas singuliers et contingents, variables à l’infini, il a toujours été impossible d’instituer une règle légale qui ne serait jamais en défaut. Or les législateurs, attentifs à ce qui se produit le plus souvent, ont porté des lois en ce sens. Cependant, en certains cas, les observer va contre l’égalité de la justice et contre le bien commun visé par la loi ».
Le Père Garrigues s'appuie sur un tel texte pour justifier dans certains cas une dérogation à la discipline interdisant que les divorcés remariés communient, discipline ultimement fondée sur la loi divine de l'indissolubilité du mariage [5] et sur la nature des sacrements. Or dans cet article saint Thomas parle de la loi civile [6], promulguée par un législateur humain en charge du bien commun temporel, et non pas de la loi morale promulguée dans les cœurs par Dieu qui est le bien commun de l’Univers. La loi civile est nécessairement silencieuse dans certains cas, puisqu’elle ne peut pas tout envisager. Il faut donc parfois suppléer aux « vides juridiques » sous peine de déni de justice. Dans l’article 2, ad 1, saint Thomas dit bien que l’épikie fait partie de la justice légale bien comprise, qu’elle est même supérieure à la justice légale si l'on comprend cette justice comme étant celle qui ne s’attache qu’à la lettre de la loi. Son lieu est donc la lettre de la loi, et son fondement la distinction entre la lettre de la loi et son esprit.
Le sujet qui nous occupe concerne l'application de la loi morale puisque la dérogation exceptionnelle consisterait à reconnaître dans certaines circonstances la légitimité d'une vie sexuelle hors mariage. Or la loi morale, dont la conscience nous indique le bien à effectuer dans un cas concret déterminé, n’est pas une loi inscrite dans une lettre mais dans les cœurs ; elle est une loi de la raison. Il n’y a donc pas de vide juridique : il n’y a que des consciences droites ou des consciences erronées. Pour ce qui est de la loi évangélique, pour saint Thomas, la loi nouvelle est l’Esprit Saint [7]. S’il y avait une opposition entre la lettre et l’esprit, ce serait entre la justice légale de l’Ancien Testament et son esprit véritable que nous révèle le Christ. Mais dans le Christ, il n’y a plus de lettre ni d’épikie, il n’y a plus que la loi de charité qui ne souffre aucune exception. Le paradoxe est que le Père Garrigues reproche au camps des « purs et durs » d’être juridique à l’extrême alors que c’est lui qui ramène la loi évangélique à une lettre dont il faudrait rechercher l’esprit, alors que la loi évangélique est l’Esprit Saint communiquant la charité, ce qui ne souffre aucune exception car ce serait alors pécher contre l’Esprit.
Le deuxième texte que cite le Père Garrigues est tiré de la Somme de théologie, Ia IIae, q. 94, a.4 et 5 lorsque saint Thomas parle de la loi naturelle dont les principes généraux sont toujours universels ; mais plus « on aborde les choses particulières, plus on rencontre des exceptions. ». Le Père Garrigues prétend que ce texte peut être utilisé pour légitimer une dérogation quant à notre sujet. Il me semble qu'il n'en est rien. En effet, saint Thomas parle ici de la concrétion effectuée par la vertu de prudence à la recherche du juste dans les choses de la vie. Il ne s'agit donc pas d'une exception à une loi civile, le législateur n'ayant pu prévoir tel ou tel cas concret.
Là encore, le Père Garrigues a une lecture paradoxalement légaliste de saint Thomas. De plus, l'objet de la dérogation envisagée étant un acte intrinsèquement mauvais, aucune circonstance ne peut le rendre bon. Le Père Garrigues aborde d'ailleurs directement ce point : « A qui fera-t-on croire que ces dérogations, que le Pères de l'Église ont pratiquées, seraient un « acte intrinsèquement mauvais » qui ne pourrait par sa nature connaître d'exception ? » [8] Ce n'est bien sûr pas l'acte de la dérogation comme tel qui est intrinsèquement mauvais mais le fait d'avoir une relation extra-conjugale. Comment le Père Garrigues peut-il soutenir qu'une telle situation puisse, à certaines conditions, faire l'objet d'une dérogation au lien requis entre l'état de grâce et la communion eucharistique ? Le Père Garrigues semble penser que ses objecteurs s'opposent à de telles dérogations pour des raisons pédagogiques, au vu des conséquences qu'elles entraîneraient. Elles auraient certes des conséquences catastrophiques, nous y reviendrons, mais ce n'est pas d'abord pour cela qu'elles sont à refuser, c'est pour des raisons intrinsèques.
Je cite un extrait significatif de la réponse du Père Garrigues : « Mais est-ce miséricordieux, est-ce même juste dans le cas de ces couples, si de fait dans le premier cas il n’y avait pas eu de mariage religieux valide et si, dans le second, il y a vrai repentir mais conflit de devoirs par rapport à un retour au statu quo ante ? » La continence est certes la voie de crête toute droite, et Dieu donne à certains divorcés remariés la force admirable de l’embrasser dans ce qui reste à bien des égards une vie de couple, mais ceux qui n’ont pas cette vertu éminente sont-ils pour autant « dans le péché » ? » Pourquoi le Père Garrigues voit-il un « conflit de devoirs » dans la vie des divorcés remariés ? Parce que selon lui le second mariage civil peut créer des devoirs empêchant le retour à la fidélité au premier mariage (il s'agit le plus souvent des devoirs envers les enfants nés de la seconde union).
Mais l'Église a déjà reconnu que dans ces situations la séparation normalement requise pour accéder aux sacrements pouvait être remplacée par un engagement à la continence complète. L'opinion du Père Garrigues, à la suite du cardinal Kasper, consiste à refuser dans certains cas cette discipline vue comme trop dure et engendrant des « conflits de devoirs ». Mais de quels devoirs parle-t-il vraiment ? Depuis quand la vie sexuelle extra-conjugale comme telle serait-elle l'objet d'un devoir ? Notre théologien ne peut envisager les choses ainsi que parce qu'il comprend « vie de couple » dans un sens humain, pour ne pas dire mondain, susceptible d'embrasser les deux situations (la vie conjugale légitime fondée sur le sacrement et l'union de fait) devenues dès lors de facto quasi-équivalentes. Or pour l'Église il n'y a de vie conjugale entre deux baptisés que fondée sur le sacrement de mariage, ce qui n'est bien sûr pas le cas ici. En rigueur de termes, il n'y a donc pas de « conflit de devoirs » appelant la création d'une troisième voie indulgente permettant aux divorcés remariés de communier sans s'engager à une continence complète. Présenter cela comme un conflit de devoirs dont les pasteurs devraient soulager la conscience morale des fidèles biaise la position du problème et dispose le lecteur à une solution « pastorale » erronée.
Il est bon de lire la réponse que saint Jean-Paul II fait à ce genre d'approche dans Veritatis splendor :
(Source: liberté Politique)
DÉBAT | Dans un texte intitulé « La doctrine ne verrouille pas la miséricorde [1] », le Fr. Jean-Miguel Garrigues revient sur les objections qui lui ont été faites [2] à propos de sa thèse validant un régime de dérogation en faveur de la communion de certains divorcés-remariés, à la suite de son entretien paru dans La Civiltà cattolica [3]. Thibaud Collin confirme et précise ses objections.
Le Fr. Garrigues revendique une liberté de parole voulue par le Pape François lui-même qui permettrait enfin aux théologiens de sortir du silence qu'ils ont dû garder sous les deux derniers pontificats sur le sujet de l'accès des divorcés remariés aux sacrements. Il réclame « le droit de soumettre une opinion théologique sans que l'on crie au scandale ». J'ai utilisé ce dernier terme [4]dans son sens strict car il me semble que la deuxième dérogation que le Père Garrigues envisage (que des divorcés remariés reconnaissant la validité de leur premier mariage et ayant une vie maritale puissent néanmoins communier à la condition de mener « une vie chrétienne ») est de fait formellement contraire à la Parole de Dieu lue dans la Tradition et interprétée par le Magistère.
Qu'elle soit soutenue dans « une revue autorisée » ne fait à mes yeux que renforcer le trouble et la confusion sur un sujet, le mariage, comportant une dimension publique et objective. Le Père Garrigues admet que l'on discute de l'opportunité de ces dérogations exceptionnelles car il considère qu' « en matière de prudence, personne ne peut être totalement sûr de ce qu'il avance ». Je considère au contraire que les dérogations que le Père Garrigues envisage touchent directement les principes de la morale chrétienne et de la vie sacramentelle et qu'à ce titre elles ne relèvent pas d'un légitime exercice de la prudence. Je pense même que lorsqu'il parle de « système verrouillé » il remet en cause les enseignements de saint Jean-Paul II et de Benoit XVI. D'ailleurs, il ne me semble pas prendre en compte les textes clairs de ceux-ci sur notre sujet pour en proposer une nouvelle lecture mais se contenter de faire une réponse procédurale.
Sur l'interprétation de saint Thomas
Le Père Garrigues revient sur les textes de saint Thomas mais ne répond pas, selon moi, aux objections qui ont été adressées à la lecture qu'il en donne. Je vais donc les rappeler et les approfondir. Il cite un premier texte de la Somme de Théologie, IIa IIae q.120, a.1 (et non 21) : « Parce que les actes humains pour lesquels on porte des lois consistent en des cas singuliers et contingents, variables à l’infini, il a toujours été impossible d’instituer une règle légale qui ne serait jamais en défaut. Or les législateurs, attentifs à ce qui se produit le plus souvent, ont porté des lois en ce sens. Cependant, en certains cas, les observer va contre l’égalité de la justice et contre le bien commun visé par la loi ».
Le Père Garrigues s'appuie sur un tel texte pour justifier dans certains cas une dérogation à la discipline interdisant que les divorcés remariés communient, discipline ultimement fondée sur la loi divine de l'indissolubilité du mariage [5] et sur la nature des sacrements. Or dans cet article saint Thomas parle de la loi civile [6], promulguée par un législateur humain en charge du bien commun temporel, et non pas de la loi morale promulguée dans les cœurs par Dieu qui est le bien commun de l’Univers. La loi civile est nécessairement silencieuse dans certains cas, puisqu’elle ne peut pas tout envisager. Il faut donc parfois suppléer aux « vides juridiques » sous peine de déni de justice. Dans l’article 2, ad 1, saint Thomas dit bien que l’épikie fait partie de la justice légale bien comprise, qu’elle est même supérieure à la justice légale si l'on comprend cette justice comme étant celle qui ne s’attache qu’à la lettre de la loi. Son lieu est donc la lettre de la loi, et son fondement la distinction entre la lettre de la loi et son esprit.
Le sujet qui nous occupe concerne l'application de la loi morale puisque la dérogation exceptionnelle consisterait à reconnaître dans certaines circonstances la légitimité d'une vie sexuelle hors mariage. Or la loi morale, dont la conscience nous indique le bien à effectuer dans un cas concret déterminé, n’est pas une loi inscrite dans une lettre mais dans les cœurs ; elle est une loi de la raison. Il n’y a donc pas de vide juridique : il n’y a que des consciences droites ou des consciences erronées. Pour ce qui est de la loi évangélique, pour saint Thomas, la loi nouvelle est l’Esprit Saint [7]. S’il y avait une opposition entre la lettre et l’esprit, ce serait entre la justice légale de l’Ancien Testament et son esprit véritable que nous révèle le Christ. Mais dans le Christ, il n’y a plus de lettre ni d’épikie, il n’y a plus que la loi de charité qui ne souffre aucune exception. Le paradoxe est que le Père Garrigues reproche au camps des « purs et durs » d’être juridique à l’extrême alors que c’est lui qui ramène la loi évangélique à une lettre dont il faudrait rechercher l’esprit, alors que la loi évangélique est l’Esprit Saint communiquant la charité, ce qui ne souffre aucune exception car ce serait alors pécher contre l’Esprit.
Le deuxième texte que cite le Père Garrigues est tiré de la Somme de théologie, Ia IIae, q. 94, a.4 et 5 lorsque saint Thomas parle de la loi naturelle dont les principes généraux sont toujours universels ; mais plus « on aborde les choses particulières, plus on rencontre des exceptions. ». Le Père Garrigues prétend que ce texte peut être utilisé pour légitimer une dérogation quant à notre sujet. Il me semble qu'il n'en est rien. En effet, saint Thomas parle ici de la concrétion effectuée par la vertu de prudence à la recherche du juste dans les choses de la vie. Il ne s'agit donc pas d'une exception à une loi civile, le législateur n'ayant pu prévoir tel ou tel cas concret.
Là encore, le Père Garrigues a une lecture paradoxalement légaliste de saint Thomas. De plus, l'objet de la dérogation envisagée étant un acte intrinsèquement mauvais, aucune circonstance ne peut le rendre bon. Le Père Garrigues aborde d'ailleurs directement ce point : « A qui fera-t-on croire que ces dérogations, que le Pères de l'Église ont pratiquées, seraient un « acte intrinsèquement mauvais » qui ne pourrait par sa nature connaître d'exception ? » [8] Ce n'est bien sûr pas l'acte de la dérogation comme tel qui est intrinsèquement mauvais mais le fait d'avoir une relation extra-conjugale. Comment le Père Garrigues peut-il soutenir qu'une telle situation puisse, à certaines conditions, faire l'objet d'une dérogation au lien requis entre l'état de grâce et la communion eucharistique ? Le Père Garrigues semble penser que ses objecteurs s'opposent à de telles dérogations pour des raisons pédagogiques, au vu des conséquences qu'elles entraîneraient. Elles auraient certes des conséquences catastrophiques, nous y reviendrons, mais ce n'est pas d'abord pour cela qu'elles sont à refuser, c'est pour des raisons intrinsèques.
Je cite un extrait significatif de la réponse du Père Garrigues : « Mais est-ce miséricordieux, est-ce même juste dans le cas de ces couples, si de fait dans le premier cas il n’y avait pas eu de mariage religieux valide et si, dans le second, il y a vrai repentir mais conflit de devoirs par rapport à un retour au statu quo ante ? » La continence est certes la voie de crête toute droite, et Dieu donne à certains divorcés remariés la force admirable de l’embrasser dans ce qui reste à bien des égards une vie de couple, mais ceux qui n’ont pas cette vertu éminente sont-ils pour autant « dans le péché » ? » Pourquoi le Père Garrigues voit-il un « conflit de devoirs » dans la vie des divorcés remariés ? Parce que selon lui le second mariage civil peut créer des devoirs empêchant le retour à la fidélité au premier mariage (il s'agit le plus souvent des devoirs envers les enfants nés de la seconde union).
Mais l'Église a déjà reconnu que dans ces situations la séparation normalement requise pour accéder aux sacrements pouvait être remplacée par un engagement à la continence complète. L'opinion du Père Garrigues, à la suite du cardinal Kasper, consiste à refuser dans certains cas cette discipline vue comme trop dure et engendrant des « conflits de devoirs ». Mais de quels devoirs parle-t-il vraiment ? Depuis quand la vie sexuelle extra-conjugale comme telle serait-elle l'objet d'un devoir ? Notre théologien ne peut envisager les choses ainsi que parce qu'il comprend « vie de couple » dans un sens humain, pour ne pas dire mondain, susceptible d'embrasser les deux situations (la vie conjugale légitime fondée sur le sacrement et l'union de fait) devenues dès lors de facto quasi-équivalentes. Or pour l'Église il n'y a de vie conjugale entre deux baptisés que fondée sur le sacrement de mariage, ce qui n'est bien sûr pas le cas ici. En rigueur de termes, il n'y a donc pas de « conflit de devoirs » appelant la création d'une troisième voie indulgente permettant aux divorcés remariés de communier sans s'engager à une continence complète. Présenter cela comme un conflit de devoirs dont les pasteurs devraient soulager la conscience morale des fidèles biaise la position du problème et dispose le lecteur à une solution « pastorale » erronée.
Il est bon de lire la réponse que saint Jean-Paul II fait à ce genre d'approche dans Veritatis splendor :
« Il ne manque pas d'esprits pour estimer que ce processus de maturation morale se verrait contrarié par la position trop catégorique que prend, sur bien des questions morales, le Magistère de l'Église, dont les interventions feraient naître, chez les fidèles, d'inutiles conflits de conscience. Pour justifier de telles positions, certains ont proposé une sorte de double statut de la vérité morale. En plus du niveau doctrinal et abstrait, il faudrait reconnaître l'originalité d'une certaine considération existentielle plus concrète. Celle-ci, compte tenu des circonstances et de la situation, pourrait légitimement fonder des exceptions à la règle générale et permettre ainsi d'accomplir pratiquement, avec une bonne conscience, ce que la loi morale qualifie d'intrinsèquement mauvais. Ainsi s'instaure dans certains cas une séparation, voire une opposition, entre la doctrine du précepte valable en général et la norme de la conscience de chacun, qui déciderait effectivement, en dernière instance, du bien et du mal. Sur ce fondement, on prétend établir la légitimité de solutions prétendument “pastorales”, contraires aux enseignements du Magistère, et justifier une herméneutique “créatrice”, d'après laquelle la conscience morale ne serait nullement obligée, dans tous les cas, par un précepte négatif particulier. Il n'est personne qui ne comprenne qu'avec ces positions on se trouve devant une mise en question de l'identité même de la conscience morale face à la liberté de l'homme et à la Loi de Dieu. Seuls les éclaircissements apportés plus haut sur le lien entre liberté et loi, lien fondé sur la vérité, rendent possible le discernement à faire sur cette interprétation “créative” de la conscience [9]. »
On pourrait citer d'autres textes [10] dans lesquels le Magistère récent s'est prononcé de telle manière qu'envisager un changement de discipline et donc de doctrine présuppose une vision très volontariste, pour ne pas dire arbitraire, de l'exercice du Magistère.
Sur l'épikie dans le Nouveau Testament
C’est un peu surprenant de voir le Père Garrigues insister tellement sur l’épikie (επιεικεια), qui prendrait selon lui le sens d’indulgence dans le Nouveau Testament. Les dictionnaires parlent plutôt de « Douceur, gentillesse, honnêteté, clémence, bonté ». La source est ἐπιεικής : « apparemment convenable, équitable, juste, beau, doux, gentil ».
Le mot n’est pas très fréquent, on ne le rencontre que sept fois dans le Nouveau Testament (επιεικεια ou ἐπιεικής) [11] et jamais le mot επιεικεια n’y est appliqué à la justice légale. Il est pris dans le sens purement moral de bienveillance, douceur. Il s’applique une seule fois au Christ, sans beaucoup de précision. Et ce n’est pas pour dire que le Christ établit des règles générales qu’il écarterait lui-même dans des cas particuliers ; mais au contraire, semble-t-il, cela désigne l’indulgence de Dieu qui pourrait condamner toute l’humanité, puisque tous ont péché, et cependant ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il vive. Pour cela il a envoyé son propre Fils pour faire miséricorde à tous. Dieu fait preuve de patience à notre égard ; il laisse à l’homme le temps de se convertir. Mais jamais on ne voit que le Christ écarte la loi de charité qu’il a lui-même promulguée, au nom d’une autre justice (ce qui lui en ferait deux…). Au contraire, on a toujours dit que Dieu aimait le pécheur mais détestait son péché, et c’est toujours au nom de l’amour du pécheur que Dieu vient le libérer de son péché.
On peut donc soutenir que les tenants de « dérogations exceptionnelles » sont en train de mettre en place un nouvel Évangile, dans lequel l’épikie consisterait à écarter la loi évangélique pour lui substituer une autre loi, jugée plus « miséricordieuse ». On prend la place du Christ et de l’Esprit Saint, en remplaçant sa loi de charité par une miséricorde à la manière des hommes. Or si l’on écarte la Loi évangélique au nom de la justice ou de la miséricorde, ce n’est plus la Loi évangélique. Encore une fois, cela vient du fait qu’au départ, on a transformé la loi évangélique (qui est l’Esprit Saint lui-même pour saint Thomas) en une loi à la manière des hommes, et c’est celle-là que l’on veut alors écarter pour retrouver la loi évangélique. On se plaint d’une morale de la loi que l’on voudrait écarter, mais c’est parce que l’on a transformé au préalable l’Évangile en morale de la loi, et la loi morale en casuistique. Bref, parler d’épikie pour écarter la Parole du Christ montre tout simplement que l’on conçoit la Parole de Dieu comme une loi humaine, comme un code écrit, une norme légale. Ce n’est pas la conception de saint Thomas, et ce n’est pas la conception de l’Évangile. La loi de charité ne souffre aucune exception. Concluons maintenant sur deux points soulignant l'ampleur d'une telle discussion.
Sur le sens de la miséricorde et de la pastorale
Imaginer que la doctrine puisse « verrouiller » la miséricorde présuppose une étrange vision de la mission de l'Église. Celle-ci « doit rendre témoignage de la Miséricorde de Dieu révélée par le Christ tout au long de sa Mission de Messie [12] ». L'exigence fondamentale qui est faite à l'Église est de professer et de proclamer la conversion. L'attitude de la conversion est la réponse humaine adaptée à la révélation de la miséricorde divine, un peu comme le concave s'adapte au convexe. Qui donc en effet croit en la miséricorde ? Non pas celui qui pense ne point en avoir besoin parce qu'il se considère juste. Ni même celui qui pense ne point pouvoir en bénéficier parce qu'il se considère comme impardonnable. Mais celui qui en identifiant et détestant son péché, revient à Dieu par grâce, avec l'assurance qu'il peut compter sur son inextinguible volonté de « pardonner soixante-dix fois sept fois ».
Une Église qui accepterait les dérogations envisagées par certains serait une Église qui se résignerait à ne plus proclamer la miséricorde infinie et l'appel à la conversion puisqu’elle reconnaîtrait par là qu'il existe des situations en lesquelles il est impossible à l'homme et à la femme de vivre pleinement la sainteté de leur mariage et de rester fidèles au plan de Dieu sur l'amour humain. Or comme le rappelle saint Jean-Paul II :
« Ce serait une très grave erreur de conclure que la norme enseignée par l'Église est en elle-même un “idéal” qui doit ensuite être adapté, proportionné, comme on dit, aux possibilités concrètes de l'homme, d'après une “évaluation des divers biens en question”. Mais quelles sont “les possibilités concrètes de l'homme” ? Et de quel homme parle-t-on ? De l'homme dominé par la concupiscence ou de l'homme sauvé par le Christ ? Parce qu'il s'agit de cela : de la réalité de la rédemption du Christ. Le Christ nous a sauvés. Ce qui signifie : Il nous a donné la possibilité de réaliser l'entière vérité de notre être ; il a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence. [...] Le commandement de Dieu est certainement proportionné aux capacités de l'homme : mais aux capacités de l'homme à qui est donné le Saint-Esprit ; aux capacités de l'homme qui, même tombé dans le péché, peut toujours obtenir le pardon et jouir de la présence de l'Esprit [13]. »
Comment penser qu'un médecin est miséricordieux lorsque face à une tumeur cancéreuse, il se voit contraint de dire par « indulgence » à son patient qu'il s'agit d'une simple grippe ?
Retour sur une analogie
Nous avons déjà souligné que le Père Garrigues répond aux objections de manière assez procédurale, notamment en établissant une analogie entre le débat synodal actuel et la période pré-conciliaire ; afin d'en appeler à la prudence et de condamner toute attitude « intégriste » de fermeture face au devenir de l'Église :
« L’histoire de l’Église a montré, de l’Antiquité à nos jours, qu’à plusieurs reprises les zélateurs du dernier concile ou du dernier pape, en ayant poussé ses principes jusqu’à l’extrême dans un système verrouillé, se sont retrouvés ensuite scandalisés par l’évolution du Magistère ultérieur, dont ils ne voyaient plus l’homogénéité avec ce qu’ils croyaient être le Magistère antérieur, mais qui était en fait leur Tradition, leur Concile ou leur Pape.
À la veille du concile Vatican II, il y avait des théologiens, voire des cardinaux, qui considéraient comme scandaleuses certaines choses que celui-ci allait approuver. Des mesures disciplinaires avaient même empêché que des théologiens enseignent certaines d’entre elles. Les réticences que d’aucuns manifestent aujourd’hui par rapport à des paroles, des actes et des orientations du pape François ne relèvent-elles pas d’un durcissement analogue ? »
Je ne critique pas le bien-fondé de la remarque générale ; je pense simplement qu'elle ne s'applique pas à notre débat. Comment en effet penser que le Magistère actuel puisse se déterminer en contradiction avec le Magistère antérieur sur des cas déjà envisagés en tant que tels et ce dans un contexte historique quasi identique (la sécularisation du mariage et la crise de la transmission de la foi et de la morale chrétiennes) ?
Tout ce débat fait naître en moi une autre analogie, en l'occurrence avec la période antérieure à l'encyclique Humanae Vitae. Là aussi, on retrouve la volonté de saint Jean XXIII d'affronter une situation pastorale tendue et de laisser le débat s'installer pour discerner la réponse adéquate. Au fur et à mesure que le débat se déploie, deux manières de penser le développement de la doctrine et de la discipline s'opposent. Certains ont tendance à ignorer les enseignements magistériels de Pie XI et de Pie XII sur la régulation des naissances et font comme s'il s'agissait de se déterminer à nouveaux frais. D'autres, comme Mgr Wojtyła, s'appuient sur le Magistère pour le ressaisir en profondeur et l'appliquer à la nouvelle situation historique.
Cette attitude est à la genèse de la fameuse et pourtant largement ignorée théologie du corps [14]qu'il commencera à donner dès 1979 pour préparer... le synode sur la famille de 1980 ! Il s'agit d'un modèle de développement homogène de la doctrine sachant puiser ce qu'il y a de meilleur dans la modernité pour annoncer aux hommes d'aujourd'hui la Bonne Nouvelle du mariage. Cette analogie avec la période d'Humane vitae permet de mettre le doigt sur la délicate question de la réception du Magistère. On peut raisonnablement penser que la manière dont le débat s'est déroulé en amont de l'encyclique a contribué à rendre inintelligible la parole du Bienheureux Paul VI. A titre d'exemple, on peut citer la Note pastorale de l'épiscopat français de novembre 1968 parlant (déjà !) de conflit de devoirs. Une telle lecture de l'encyclique a certes contribué à « déverrouiller » la doctrine qui y est exposée et à la rendre inopérante pratiquement. On en a goûté les fruits dans le résultat catastrophique de la pastorale du mariage quant à la paternité responsable ; pastorale qui dans de nombreux endroits ne s'en est toujours pas remise.
Je conclurai en renvoyant une nouvelle fois à la proposition [15] du Père Thomas Michelet sur l'opportunité de redécouvrir l'ordre des pénitents tel qu'il a existé dans les premiers siècles de l'Église. Ce chemin pénitentiel serait un réel approfondissement d'une pastorale adéquatement prise, c'est-à-dire ni « verrouillée » ni « déverrouillée » par la doctrine mais qui communique la vérité et la grâce de Dieu adressées à tous les hommes.
On pourrait citer d'autres textes [10] dans lesquels le Magistère récent s'est prononcé de telle manière qu'envisager un changement de discipline et donc de doctrine présuppose une vision très volontariste, pour ne pas dire arbitraire, de l'exercice du Magistère.
Sur l'épikie dans le Nouveau Testament
C’est un peu surprenant de voir le Père Garrigues insister tellement sur l’épikie (επιεικεια), qui prendrait selon lui le sens d’indulgence dans le Nouveau Testament. Les dictionnaires parlent plutôt de « Douceur, gentillesse, honnêteté, clémence, bonté ». La source est ἐπιεικής : « apparemment convenable, équitable, juste, beau, doux, gentil ».
Le mot n’est pas très fréquent, on ne le rencontre que sept fois dans le Nouveau Testament (επιεικεια ou ἐπιεικής) [11] et jamais le mot επιεικεια n’y est appliqué à la justice légale. Il est pris dans le sens purement moral de bienveillance, douceur. Il s’applique une seule fois au Christ, sans beaucoup de précision. Et ce n’est pas pour dire que le Christ établit des règles générales qu’il écarterait lui-même dans des cas particuliers ; mais au contraire, semble-t-il, cela désigne l’indulgence de Dieu qui pourrait condamner toute l’humanité, puisque tous ont péché, et cependant ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il vive. Pour cela il a envoyé son propre Fils pour faire miséricorde à tous. Dieu fait preuve de patience à notre égard ; il laisse à l’homme le temps de se convertir. Mais jamais on ne voit que le Christ écarte la loi de charité qu’il a lui-même promulguée, au nom d’une autre justice (ce qui lui en ferait deux…). Au contraire, on a toujours dit que Dieu aimait le pécheur mais détestait son péché, et c’est toujours au nom de l’amour du pécheur que Dieu vient le libérer de son péché.
On peut donc soutenir que les tenants de « dérogations exceptionnelles » sont en train de mettre en place un nouvel Évangile, dans lequel l’épikie consisterait à écarter la loi évangélique pour lui substituer une autre loi, jugée plus « miséricordieuse ». On prend la place du Christ et de l’Esprit Saint, en remplaçant sa loi de charité par une miséricorde à la manière des hommes. Or si l’on écarte la Loi évangélique au nom de la justice ou de la miséricorde, ce n’est plus la Loi évangélique. Encore une fois, cela vient du fait qu’au départ, on a transformé la loi évangélique (qui est l’Esprit Saint lui-même pour saint Thomas) en une loi à la manière des hommes, et c’est celle-là que l’on veut alors écarter pour retrouver la loi évangélique. On se plaint d’une morale de la loi que l’on voudrait écarter, mais c’est parce que l’on a transformé au préalable l’Évangile en morale de la loi, et la loi morale en casuistique. Bref, parler d’épikie pour écarter la Parole du Christ montre tout simplement que l’on conçoit la Parole de Dieu comme une loi humaine, comme un code écrit, une norme légale. Ce n’est pas la conception de saint Thomas, et ce n’est pas la conception de l’Évangile. La loi de charité ne souffre aucune exception. Concluons maintenant sur deux points soulignant l'ampleur d'une telle discussion.
Sur le sens de la miséricorde et de la pastorale
Imaginer que la doctrine puisse « verrouiller » la miséricorde présuppose une étrange vision de la mission de l'Église. Celle-ci « doit rendre témoignage de la Miséricorde de Dieu révélée par le Christ tout au long de sa Mission de Messie [12] ». L'exigence fondamentale qui est faite à l'Église est de professer et de proclamer la conversion. L'attitude de la conversion est la réponse humaine adaptée à la révélation de la miséricorde divine, un peu comme le concave s'adapte au convexe. Qui donc en effet croit en la miséricorde ? Non pas celui qui pense ne point en avoir besoin parce qu'il se considère juste. Ni même celui qui pense ne point pouvoir en bénéficier parce qu'il se considère comme impardonnable. Mais celui qui en identifiant et détestant son péché, revient à Dieu par grâce, avec l'assurance qu'il peut compter sur son inextinguible volonté de « pardonner soixante-dix fois sept fois ».
Une Église qui accepterait les dérogations envisagées par certains serait une Église qui se résignerait à ne plus proclamer la miséricorde infinie et l'appel à la conversion puisqu’elle reconnaîtrait par là qu'il existe des situations en lesquelles il est impossible à l'homme et à la femme de vivre pleinement la sainteté de leur mariage et de rester fidèles au plan de Dieu sur l'amour humain. Or comme le rappelle saint Jean-Paul II :
« Ce serait une très grave erreur de conclure que la norme enseignée par l'Église est en elle-même un “idéal” qui doit ensuite être adapté, proportionné, comme on dit, aux possibilités concrètes de l'homme, d'après une “évaluation des divers biens en question”. Mais quelles sont “les possibilités concrètes de l'homme” ? Et de quel homme parle-t-on ? De l'homme dominé par la concupiscence ou de l'homme sauvé par le Christ ? Parce qu'il s'agit de cela : de la réalité de la rédemption du Christ. Le Christ nous a sauvés. Ce qui signifie : Il nous a donné la possibilité de réaliser l'entière vérité de notre être ; il a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence. [...] Le commandement de Dieu est certainement proportionné aux capacités de l'homme : mais aux capacités de l'homme à qui est donné le Saint-Esprit ; aux capacités de l'homme qui, même tombé dans le péché, peut toujours obtenir le pardon et jouir de la présence de l'Esprit [13]. »
Comment penser qu'un médecin est miséricordieux lorsque face à une tumeur cancéreuse, il se voit contraint de dire par « indulgence » à son patient qu'il s'agit d'une simple grippe ?
Retour sur une analogie
Nous avons déjà souligné que le Père Garrigues répond aux objections de manière assez procédurale, notamment en établissant une analogie entre le débat synodal actuel et la période pré-conciliaire ; afin d'en appeler à la prudence et de condamner toute attitude « intégriste » de fermeture face au devenir de l'Église :
« L’histoire de l’Église a montré, de l’Antiquité à nos jours, qu’à plusieurs reprises les zélateurs du dernier concile ou du dernier pape, en ayant poussé ses principes jusqu’à l’extrême dans un système verrouillé, se sont retrouvés ensuite scandalisés par l’évolution du Magistère ultérieur, dont ils ne voyaient plus l’homogénéité avec ce qu’ils croyaient être le Magistère antérieur, mais qui était en fait leur Tradition, leur Concile ou leur Pape.
À la veille du concile Vatican II, il y avait des théologiens, voire des cardinaux, qui considéraient comme scandaleuses certaines choses que celui-ci allait approuver. Des mesures disciplinaires avaient même empêché que des théologiens enseignent certaines d’entre elles. Les réticences que d’aucuns manifestent aujourd’hui par rapport à des paroles, des actes et des orientations du pape François ne relèvent-elles pas d’un durcissement analogue ? »
Je ne critique pas le bien-fondé de la remarque générale ; je pense simplement qu'elle ne s'applique pas à notre débat. Comment en effet penser que le Magistère actuel puisse se déterminer en contradiction avec le Magistère antérieur sur des cas déjà envisagés en tant que tels et ce dans un contexte historique quasi identique (la sécularisation du mariage et la crise de la transmission de la foi et de la morale chrétiennes) ?
Tout ce débat fait naître en moi une autre analogie, en l'occurrence avec la période antérieure à l'encyclique Humanae Vitae. Là aussi, on retrouve la volonté de saint Jean XXIII d'affronter une situation pastorale tendue et de laisser le débat s'installer pour discerner la réponse adéquate. Au fur et à mesure que le débat se déploie, deux manières de penser le développement de la doctrine et de la discipline s'opposent. Certains ont tendance à ignorer les enseignements magistériels de Pie XI et de Pie XII sur la régulation des naissances et font comme s'il s'agissait de se déterminer à nouveaux frais. D'autres, comme Mgr Wojtyła, s'appuient sur le Magistère pour le ressaisir en profondeur et l'appliquer à la nouvelle situation historique.
Cette attitude est à la genèse de la fameuse et pourtant largement ignorée théologie du corps [14]qu'il commencera à donner dès 1979 pour préparer... le synode sur la famille de 1980 ! Il s'agit d'un modèle de développement homogène de la doctrine sachant puiser ce qu'il y a de meilleur dans la modernité pour annoncer aux hommes d'aujourd'hui la Bonne Nouvelle du mariage. Cette analogie avec la période d'Humane vitae permet de mettre le doigt sur la délicate question de la réception du Magistère. On peut raisonnablement penser que la manière dont le débat s'est déroulé en amont de l'encyclique a contribué à rendre inintelligible la parole du Bienheureux Paul VI. A titre d'exemple, on peut citer la Note pastorale de l'épiscopat français de novembre 1968 parlant (déjà !) de conflit de devoirs. Une telle lecture de l'encyclique a certes contribué à « déverrouiller » la doctrine qui y est exposée et à la rendre inopérante pratiquement. On en a goûté les fruits dans le résultat catastrophique de la pastorale du mariage quant à la paternité responsable ; pastorale qui dans de nombreux endroits ne s'en est toujours pas remise.
Je conclurai en renvoyant une nouvelle fois à la proposition [15] du Père Thomas Michelet sur l'opportunité de redécouvrir l'ordre des pénitents tel qu'il a existé dans les premiers siècles de l'Église. Ce chemin pénitentiel serait un réel approfondissement d'une pastorale adéquatement prise, c'est-à-dire ni « verrouillée » ni « déverrouillée » par la doctrine mais qui communique la vérité et la grâce de Dieu adressées à tous les hommes.
[1] http ://www.france-catholique.fr/DIVORCES-REMARIES-LA-DOCTRINE-NE.html
[2] http ://www.famillechretienne.fr/famille-education/couple/divorces-remaries-caeur-tendre-et-esprit-mou ainsi que http ://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1351059?fr=y
[3] http ://www.france-catholique.fr/EGLISE-DE-PURS-OU-NASSE-MELEE.html
[4] Plusieurs personnes ont trouvé « violent » le ton de mon article intitulé « Coeur tendre et esprit mou » et ma critique trop polémique car ad hominem. Faut-il rappeler que je ne faisais que reprendre les termes par lesquels le Père Garrigues nommait les auteurs de certaines thèses qu'il critiquait (les autres étant émises par des « esprits durs » mais au « cœur sec »). De plus, il me semble difficile de critiquer le contenu d'un texte sans nommer son auteur. Je n'ai aucune animosité envers le Père Garrigues que je respecte profondément ; mais le respect de la personne peut aller de pair voire réclame avec une critique argumentée de sa pensée si on la considère fausse.
[5] « Le lien matrimonial est donc établi par Dieu lui-même, de sorte que le mariage conclu et consommé entre baptisés ne peut jamais être dissout. Ce lien qui résulte de l’acte humain libre des époux et de la consommation du mariage, est une réalité désormais irrévocable et donne origine à une alliance garantie par la fidélité de Dieu. Il n’est pas au pouvoir de l’Église de se prononcer contre cette disposition de la sagesse divine (cf. CIC, can. 1141) ». CEC n. 1640
[6] Voici la suite du corps de l'article : « Ainsi la loi statue que les dépôts doivent être rendus, parce qu'elle est juste dans la plupart des cas. Il arrive pourtant parfois que ce soit dangereux, par exemple si un furieux a mis une épée en dépôt et la réclame pendant une crise, ou encore si quelqu'un réclame une somme qui lui permettra de combattre sa patrie. En ces cas et d'autres semblables, le mal serait de suivre la loi établie ; le bien est, en négligeant la lettre de la loi, d'obéir aux exigences de la justice et du bien public. C'est à cela que sert l'épikie, que l'on appelle chez nous l'équité. Aussi est-il clair que l'épikie est une vertu. »
[7] Ia IIae Q. 106, a.1 et le commentaire magistral qu'en donne le Père S.T. Pinckaers, Les sources de la morale chrétienne, (1985) Fribourg/Paris, Editions Universitaires, Le Cerf, 1993, p. 184-200.
[8] Le cardinal Ratzinger a répondu clairement à cet argument : « Même si l'on sait que des solutions pastorales analogues furent proposées par certains Pères de l'Eglise et entrèrent en quelque mesure dans la pratique, elles ne recueillirent jamais le consensus des Pères et n'en vinrent jamais à constituer la doctrine commune de l'Eglise, ni à en déterminer la discipline. » Lettre aux évêques de 1994, n. 4.
[9] Veritatis splendor, n. 55-56. Les italiques sont dans le texte original.
[10] Par exemple celui-ci qui parle explicitement de la fornication : « En montrant l'existence d'actes intrinsèquement mauvais, l'Église reprend la doctrine de l'Ecriture Sainte. L'Apôtre Paul l'affirme catégoriquement : « Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu'ivrognes, insulteurs ou rapaces, n'hériteront du Royaume de Dieu » (1 Co 6, 9-10). Si les actes sont intrinsèquement mauvais, une intention bonne ou des circonstances particulières peuvent en atténuer la malice, mais ne peuvent pas la supprimer. Ce sont des actes « irrémédiablement » mauvais; par eux-mêmes et en eux-mêmes, ils ne peuvent être ordonnés à Dieu et au bien de la personne : « Quant aux actes qui sont par eux-mêmes des péchés (cum iam opera ipsa peccata sunt) — écrit saint Augustin —, comme le vol, la fornication, les blasphèmes, ou d'autres actes semblables, qui oserait affirmer que, accomplis pour de bonnes raisons (causis bonis), ils ne seraient pas des péchés ou, conclusion encore plus absurde, qu'ils seraient des péchés justifiés ? » De ce fait, les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte « subjectivement » honnête ou défendable comme choix. » Veritatis splendor n. 81.
[11] Voici les références :
- Actes 24, 4 : « Mais pour ne pas t’importuner davantage, je te prie de nous écouter un instant avec la bienveillance qui te caractérise. »
- 2 Corinthiens 10, 1 : « C’est moi, Paul en personne, qui vous en prie, par la douceur et l’indulgence du Christ, moi si humble avec vous face à face, mais absent, si hardi à votre égard. »
- Philippiens 4, 5 : « Que votre modération soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. »
- 1 Timothée 3, 3 : « ni buveur ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l’argent »
- Tite 3, 2 : « n’outrager personne, éviter les disputes, se montrer bienveillant, témoigner à tous les hommes une parfaite douceur. »
- Jacques 3, 17 : « Tandis que la sagesse d’en haut est tout d’abord pure, puis pacifique, indulgente, bienveillante, pleine de pitié et de bons fruits, sans partialité, sans hypocrisie. »
- 1 Pierre 2, 18 : « Vous les domestiques, soyez soumis à vos maîtres, avec une profonde crainte, non seulement aux bons et aux bienveillants, mais aussi aux difficiles. »
- Actes 24, 4 : « Mais pour ne pas t’importuner davantage, je te prie de nous écouter un instant avec la bienveillance qui te caractérise. »
- 2 Corinthiens 10, 1 : « C’est moi, Paul en personne, qui vous en prie, par la douceur et l’indulgence du Christ, moi si humble avec vous face à face, mais absent, si hardi à votre égard. »
- Philippiens 4, 5 : « Que votre modération soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. »
- 1 Timothée 3, 3 : « ni buveur ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l’argent »
- Tite 3, 2 : « n’outrager personne, éviter les disputes, se montrer bienveillant, témoigner à tous les hommes une parfaite douceur. »
- Jacques 3, 17 : « Tandis que la sagesse d’en haut est tout d’abord pure, puis pacifique, indulgente, bienveillante, pleine de pitié et de bons fruits, sans partialité, sans hypocrisie. »
- 1 Pierre 2, 18 : « Vous les domestiques, soyez soumis à vos maîtres, avec une profonde crainte, non seulement aux bons et aux bienveillants, mais aussi aux difficiles. »
[12] Saint Jean-Paul II, Dives in misericordia, n. 12
[13] Discours aux participants à un cours sur la procréation responsable, 1er mars 1984.
[14] Corpus republié sous ce titre par Yves Semen, Paris, Le Cerf, 2014.
[15] http ://novaetvetera.ch/index.php/fr/la-revue/a-la-une/40-synode-sur-la-famille-la-voie-de-l-ordo-paenitentium
[↩]
******************** 20 juillet 2015 ******************
(Source: Nova & Vetera)
"Synode sur la famille : la voie de l’ordo paenitentium"
Par le Frère Thomas Michelet
« Ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mt 19, 6). La famille fondée sur le mariage, alliance matrimoniale féconde, unique, stable et définitive, est une réalité précieuse aux yeux de Dieu, mais aussi une affaire ô combien délicate. Après avoir été fragilisée par l’individualisme, le libéralisme et la mutation profonde des structures socio-économiques, parfois contestée en tant qu’usage bourgeois, elle demeure pour la plupart de nos contemporains une valeur universelle des plus désirables, mais aussi un idéal difficile à atteindre et à maintenir dans toutes ses exigences : « Si telle est la situation de l’homme par rapport à sa femme, mieux vaut ne pas se marier » (Mt 19, 10).
Pour un sujet d’une telle importance, dont on a vu qu’il suscitait l’intérêt de l’opinion publique et du monde médiatique plus qu’aucune autre question ecclésiale ces dernières années, et devant la gravité de la situation présente, le pape François a voulu établir pour le synode des évêques un itinéraire spécial en deux étapes : une première année pour faire l’état des lieux, initiée par une vaste consultation du peuple de Dieu recueillie dans l’Instrumentum laboris et conclue par l’Assemblée Générale Extraordinaire des 5-19 octobre 2014 ; une seconde année d’approfondissement sur la base de la relatio synodiprésentée aux conférences épiscopales en tant que lineamenta pour l’Assemblée Générale Ordinaire d’octobre 2015 ; en faisant appel d’ici là aux contributions des théologiens, en particulier pour les points litigieux qui n’ont pas obtenu à mi-parcours le consensus des pères synodaux, comme la question de la communion sacramentelle des divorcés remariés, celle de leur communion spirituelle ou la loi de gradualité. S’il ne faudrait pas réduire l’évangile de la famille aux aspects négatifs ou aux cas particuliers, il convient néanmoins de rechercher des solutions adéquates pour ce qui fait difficulté et qui peut constituer une cause de grande souffrance, non seulement pour les intéressés mais pour les pasteurs qui s’y trouvent confrontés et pour le reste des fidèles.
Sans exposer pour elle-même et justifier la discipline actuelle de l’Église catholique, ni la remettre en cause, nous voudrions faire ici la proposition d’une « troisième voie » : celle de l’ordre des pénitents (ordo paenitentium), c’est-à-dire la reprise sous bénéfice d’inventaire de la pénitence antique, appelée au Moyen Âge pénitence publique et solennelle. En effet, nous ne voyons pas que l’on puisse modifier le régime des sacrements du mariage et de l’eucharistie dans le sens suggéré par certains[1] sans en changer aussitôt la doctrine, ce qui est impossible[2]. En revanche, le sacrement de la pénitence a connu au cours de son histoire des formes très différentes, successives ou simultanées, et pourrait se prêter quant à lui à de vrais changements, tout en respectant les conditions qui tiennent à la vérité du sacrement. Cela permettrait d’assumer la part juste et traditionnelle de l’idée d’un « chemin de pénitence »[3].
« Non possumus »
Nous ne pouvons pas écarter la règle de l’indissolubilité du mariage telle qu’elle est établie par le Christ lui-même, qui nous révèle qu’elle faisait partie dès l’origine de l’ordre naturel de la Création et de l’alliance divine faite en Adam avec toute l’humanité. Si le péché a pu en obscurcir la connaissance et en blesser la pratique, l’alliance nouvelle dans le Christ est venue la rétablir et la restaurer par la grâce tout en lui donnant une signification nouvelle : d’être signe et instrument (mysterium – sacramentum) de l’amour indéfectible du Christ pour son Église (Ep 5, 32), lui qui a livré sa vie pour elle (Ep 5, 25). Dès lors, il est impossible pour deux baptisés de vivre ensemble la conjugalité autrement que sous le sceau de cette alliance sacramentelle. De même est-il impossible de recevoir avec fruit le sacrement des Noces de l’Agneau par son corps et par son sang tout en le contredisant par une infidélité de sa vie, tout particulièrement lorsque l’amour humain est blessé dans une relation charnelle en absence ou en rupture d’alliance légitime. Il y aurait contradiction flagrante entre le propos de ces actes qui n’atteignent pas leur fin et ce que signifient proprement ces rites dans le Christ. Or les sacrementscommuniquent ce qu’ils signifient et ne sauraient procurer la grâce s’ils expriment un mensonge. Ce serait donc non seulement inutile, car infructueux, mais aussi dangereux[4] : « celui qui aura mangé le pain ou bu la coupe du Seigneur d’une manière indigne devra répondre du corps et du sang du Seigneur » (1 Co 11, 27).
Nous ne pouvons pas dans ce dernier cas renvoyer les fidèles à leur conscience[5] sans leur indiquer qu’elle serait erronée[6]. Car cela reviendrait non seulement à les laisser s’égarer en dehors de la lumière de l’Évangile, ne pas les assister dans leur quête de vérité, mais encore participer soi-même à l’établissement de leur jugement par une telle décision positive, et manquer ainsi doublement à la charité pastorale. En effet, cela donnerait à croire que l’on peut être marié simultanément à plusieurs personnes, ou que le mariage civil sans mariage ecclésial est légitime pour un baptisé, ou que les relations sexuelles hors mariage ne sont pas un péché grave, ou que l’on peut communier en persistant dans un état de péché grave[7], ou que l’on peut être pardonné sans détestation de son péché et ferme propos de ne plus recommencer. En laissant supposer que l’une au moins de ces cinq propositions serait valide, contrairement à l’enseignement de l’Église exprimé dans le Concile de Trente[8] et le Catéchisme de l’Église Catholique[9], on blesserait la vérité du mariage, de l’eucharistie et de la pénitence tout en niant la réalité du péché. Cela aboutirait à laisser le pécheur dans son état en lui donnant bonne conscience, avec pour résultat de lui faire perdre le sens de la nécessité de la conversion et de lui barrer la route d’un authentique progrès spirituel. Pseudo-miséricorde qui est à la vérité anti-évangélique. C’est au fond la justification forensique de Luther, à ceci près que l’on a pris la place de Dieu pour décréter que le pécheur qui ne croit plus l’être ne l’est plus, changeant simplement l’étiquette sans toucher la réalité profonde de l’âme. On couvre le péché d’un voile de justice, alors que précisément le Seigneur fait miséricorde en éclairant l’intelligence et en transformant les cœurs, révélant à la fois la réalité du péché et le moyen de grâce d’en être délivré[10].
Nous ne pouvons pas présenter les modifications du régime sacramentel que certains réclament en tant que de simples exceptions aux principes, limitées à des cas particuliers, comme s’il s’agissait là d’un idéal qui devrait se conjuguer avec le réalisme de ce que les fidèles peuvent effectivement atteindre en pratique. Car ces règles n’énoncent pas un idéal mais la vérité de ce qui est. Autant déclarer que tout homme est image de Dieu « en principe », et multiplier ensuite les exceptions (ni les embryons, ni les personnes en fin de vie, ni celles dans un coma irréversible ou dénuées d’esprit, etc.) : ce serait ruiner aussitôt le principe et le remplacer par un autre tout différent, qui n’aurait plus le même fondement ni la même garantie de conformité à la Parole divine. On ne peut sans contradiction affirmer que le mariage est absolument indissoluble sauf dans certains cas. Or c’est bien à cela qu’aboutit la pratique des Églises orthodoxes d’un remariage non sacramentel « au titre de la pénitence » donnant accès à l’eucharistie, qui se sont écartées là-dessus de l’héritage commun des Pères[11]. En célébrant ce mariage à l’église et en priant Dieu de le bénir, on entretient le doute sur le fait qu’il n’est pas sacramentel ; en admettant à l’eucharistie, on ne tient plus vraiment qu’il soit pénitentiel ; en accordant l’absolution, on implique qu’il est légitime, que l’Église reconnaît donc le remariage après divorce ; en maintenant que le lien sacramentel n’est pas dissous, on en contredit le caractère exclusif qui est l’un de ses fondements.
À l’inverse, nous ne pouvons pas nous satisfaire de refuser l’accès aux sacrements, en laissant le fidèle dans le sentiment qu’il est excommunié, exclu de toute voie de sanctification et de salut. Nous ne pouvons pas nous contenter de projeter d’en-haut la lumière de la vérité comme un phare lointain, sans l’accompagner également sur sa route et dans son exode comme une torche[12], vive flamme d’amour qui réchauffe le cœur et illumine l’esprit. Nous ne pouvons pas fermer la porte de l’Église au nom de la sainteté de l’édifice, enfermer le pécheur dans son état et le laisser à demi-mort sur le bord du chemin, sans prendre la peine d’aller chercher la brebis perdue et la porter sur nos épaules, pour verser sur ses blessures l’huile de la guérison. Il serait paradoxal que le sacrement de la pénitence soit refusé précisément à ceux pour qui il est fait, et que l’on ne se soucie que des justes qui n’ont pas besoin de pardon.
Le propre de ces attitudes dénoncées vigoureusement au synode par le pape François comme autant de tentations opposées[13], c’est qu’elles sont des pastorales de la désespérance. Elles nous pressent de choisir entre deux abîmes contraires qui se rejoignent par les extrêmes : celui de la présomption d’un salut conçu à la manière des hommes au mépris de la réalité du péché ; et celui du désespoir d’un enfermement dans le mal, sans annonce complète et audible de la voie de réconciliation que Dieu ouvre à tous ceux qui le cherchent avec droiture. Entre les deux, le chemin de crête difficile mais vertueux de l’espérance consiste à attendre Dieu de Dieu (rien moins que lui, et de lui seul) en refusant le « tout ou rien », sans opposer la lumière de sa vérité à celle de son amour, dans le respect absolu des personnes et de l’Alliance divine. Mais la question demeure : comment faire en pratique ?
Chemin d’espérance
On avance souvent que la “libéralisation” des mœurs de nos sociétés sécularisées est sans précédent, qu’elle atteint un tel degré que cela ne peut plus être ignoré par l’Église, et que des mesures nouvelles autant qu’exceptionnelles s’imposent. C’est oublier un peu vite que le Christ a pris le contrepied de la législation de son temps qui autorisait la répudiation. Oublier également que le christianisme s’est implanté dans une antiquité grecque et romaine où le divorce était chose parfaitement admise et courante, sans compter les invasions barbares. Or non seulement les premiers chrétiens l’ont toujours rejeté pour demeurer fidèles à l’enseignement du Christ, alors que ce n’était guère plus facile qu’aujourd’hui, mais cette évangélisation de la famille a eu pour effet improbable de le faire disparaître au moins de l’Occident pendant des siècles, ce qui montre que cette parole du Christ était autant un commandement exigeant qu’une vraie promesse de vie. De nos jours, il semble que l’esprit du monde prenne sa revanche et gagne ici jusqu’aux chrétiens eux-mêmes et quelques-uns de leurs pasteurs. Le sel de l’Évangile se serait-il affadi ? Aurait-il perdu sa force de conviction, de conversion et de contradiction ? Avons-nous encore la foi dans la puissance du Christ à transformer et transfigurer l’ethos des fidèles et la culture des nations ? La ferme espérance que tout pécheur même le plus endurci peut changer radicalement de vie, non sans la grâce de Dieu ? La charité de l’enseigner en parole et en acte ?
Ce chemin d’espérance pour l’humanité et pour l’Église doit passer aussi par le cœur des hommes. Il ne suffit pas de dire « à tout péché, miséricorde », mais il faut préciser : à tout pécheur qui se repent, Dieu ne refuse jamais son pardon — le repentir étant déjà un effet de la grâce à laquelle le pécheur n’a pas fait obstacle. Encore faut-il être en présence d’un vrai repentir, d’une conversion radicale (metanoia) qui suppose un retournement complet de son existence (aversio a creatura et conversio ad Deum). Et il faut accepter que cela puisse prendre du temps, parfois beaucoup de temps. Mais Dieu prend patience… Certains prêtres qui ont consacré une bonne partie de leur ministère à la pastorale des divorcés remariés nous avertissent qu’il faut tabler sur dix à vingt ans. Sommes-nous prêts à nous engager dans la durée, dans une démarche d’accompagnement autrement plus difficile que le simple fait de fermer les yeux en accordant le sacrement à ceux qui ne sont pas prêts à le recevoir en vérité, ou en le leur refusant sans leur proposer aucune voie d’espérance ? Les mêmes peuvent témoigner que l’enjeu en vaut la peine, et que l’on est pleinement récompensé de voir l’œuvre de Dieu dans les cœurs blessés qu’il vient visiter, soulager et guérir par la force et la tendresse de sa miséricorde. À condition de ne pas prendre l’enseignement de l’Église comme un obstacle à surmonter, un simple idéal à atteindre à l’optatif plutôt qu’à l’impératif (quand ça n’est pas tenu pour un irréel du passé) ; mais l’indicatif toujours présent d’un chemin de libération et de sanctification auquel le Seigneur invite très largement, pour avancer avec lui et vers lui en eaux profondes[14].
Cette pastorale du cheminement ne peut fonctionner bien sûr qu’avec ceux qui le désirent et qui veulent vraiment progresser dans la vie spirituelle, soit qu’ils ont découvert ou redécouvert le Christ, soit qu’ils n’ont jamais perdu la foi théologale[15]. Une autre condition est que cela se fasse dans un groupe d’accueil qui forme avec eux une petite communauté chrétienne d’insertion dans l’Église. On doit avant tout les écouter, les laisser exprimer librement leur souffrance, leur colère, leurs interrogations. Puis on leur fera prendre conscience qu’ils sont toujours enfants de Dieu, fils et filles du Père des miséricordes, le caractère baptismal ne pouvant jamais être effacé ; qu’ils ont alors la possibilité et la charge d’une vie filiale avec une mission à remplir dans l’Église ; peut-être déjà une certaine pratique de la prière et du service du prochain qu’il faut reconnaître et valoriser à juste titre. Dans un second temps, ils seront conduits à relire le propos du mariage et duministère[16] matrimonial (parental et conjugal) qui leur a été confié par le Christ, en se demandant comment ils peuvent encore l’exercer à la place qui est la leur. La question de la validité de leur lien sacramentel risquant de se poser régulièrement, il faudra les inviter à faire la vérité à ce sujet ; entamer si besoin est une procédure canonique de reconnaissance de nullité en les aidant à vaincre les appréhensions qu’elle peut susciter. Ils auront aussi à approfondir leur connaissance notionnelle et spirituelle du mystère de l’Eucharistie, de son fruit personnel et ecclésial, la soif de la communion pouvant être une source de progrès remarquable. Enfin, ce chemin passera par des pardons à accorder et à recevoir, et par une préparation lointaine au sacrement de pénitence, incluant l’étude de ses conditions et de ses effets ; mais aussi des gestes symboliques ou liturgiques qui ont une efficacité à ne pas négliger, tel le lavement des pieds que le Seigneur nous a commandé de faire à son exemple (mandatum). Pour certains, un aveu sans absolution peut être parfois envisagé.
L’expérience montre qu’un tel chemin est possible, exigeant mais fructueux, et qu’il peut déboucher sur une réconciliation et une pleine communion sacramentelle, lorsqu’on est parvenu à se situer dans la vérité et la fidélité à son alliance nuptiale indéfectible, fût-ce sur le mode de la séparation si la reprise de la vie commune n’est pas envisageable[17]. On sait que cela passe alors par l’engagement de vivre en « frère et sœur »[18] ou en amis dans le Seigneur. S’il ne faut pas le brandir trop vite devant des couples qui ne sont pas forcément prêts à l’entendre, et que l’on conçoit que cela puisse prendre à rebours l’hédonisme ambiant, il ne faudrait pas non plus le jeter trop facilement aux oubliettes comme étant passé de mode, incongru ou artificiel. Là encore, l’expérience montre que des couples qui veulent avancer sur un chemin de sainteté finissent par le comprendre, le désirer, le pratiquer et même apprécier cette voie d’une belle amitié qui est pour eux le seul moyen de retrouver une paix authentique, durable et profonde, dans la fidélité renouvelée à leur mariage sacramentel et le respect total de l’alliance avec le Christ. Et donc, il est permis de l’espérer et de le proposer en son temps.
Ordre des pénitents
La vraie difficulté n’est pas la communion eucharistique mais l’absolution, qui suppose le renoncement à son péché. C’est ce qui explique l’impossibilité d’admettre à l’eucharistie pas seulement les divorcés remariés mais « ceux qui persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste » (CIC, can. 915), appelés autrefois « pécheurs publics ». On gagnerait à le rappeler, sans doute en des termes moins abrupts, afin que les divorcés remariés ne se croient plus les seuls concernés par ce qui n’est d’ailleurs pas une mesure disciplinaire de l’Église, mais une impossibilité qui s’impose d’abord à elle. Et donc, notre réponse pastorale ne devrait pas non plus se focaliser sur leur seul cas — avec le risque de les enfermer dans une catégorie de péché, sans voir qu’ils sont avant tout des baptisés en quête de Dieu —, mais elle devrait être pensée plus largement pour tous ceux qui se trouvent dans la même situation, et que l’on pourrait appeler faute de mieux des « impénitents » ou des « non-sacramentalisables »[19].
Si l’on ne peut pas leur donner le sacrement de la pénitence, cela tient autant à l’obstacle qui se trouve en eux qu’aux conditions actuelles du sacrement, lequel suppose pour y entrer que la personne soit prête à recevoir l’absolution et à poser les trois actes du pénitent : le repentir (contrition), l’aveu de son péché (confession) et sa réparation (satisfaction)[20], avec le ferme propos de s’en détacher si ce n’est déjà fait, de ne plus recommencer et de faire pénitence. Ces éléments sont intangibles en eux-mêmes, faisant l’objet de définitions conciliaires, mais l’ordre dans lequel ils interviennent ne l’est pas, puisque ce n’est qu’autour de l’an 1000 que la pénitence a suivi habituellement l’absolution comme un effet du sacrement en vue de la réparation, alors qu’elle en était la condition préalable dans la pénitence antique[21], certes au titre de peine réparatrice mais aussi en tant que disposition à la contrition. De même la forme ordinaire du sacrement est devenue si l’on peut dire « instantanée », rassemblant tous ces éléments dans un acte rituel unique et bref, tandis que la pénitence antique s’étalait sur de nombreuses années et en plusieurs étapes liturgiques, depuis l’entrée dans l’ordre des pénitents jusqu’à la réconciliation finale. Or c’est exactement le cas de figure des divorcés remariés, et plus généralement de tous ceux qui peinent à se détacher complètement de leur péché, qui ont besoin pour cela d’un cheminement sur le temps long. Dans sa forme actuelle, le sacrement de la pénitence ne peut plus intégrer cette dimension temporelle et progressive, alors que c’était le propre de la pénitence antique, qui se pratiquait d’ailleurs encore au Moyen Âge et qui n’a jamais été supprimée[22]. Sur ces deux points, le régime de la pénitence serait donc susceptible de s’enrichir de nouveau, et il serait bon qu’il le fasse car c’est là un vrai manque[23], en intégrant à côté des trois formes sacramentelles déjà prévues dans le rituel en vigueur[24], une autre forme « extraordinaire », à la fois nouvelle et profondément traditionnelle. L’histoire encore récente montre que pour engager une telle réforme, un simple motu proprio paraît suffire ; mais il serait sans doute opportun d’y consacrer d’abord une assemblée du synode des évêques, de même que le synode de 1980 sur la famille[25] avait été suivi par celui de 1983 sur la pénitence[26].
Outre l’avantage de la durée, qui était aussi sa faiblesse en l’absence d’autres formes, la pénitence antique conférait un statut canonique et ecclésial selon un régime fixé par les canons des Conciles, d’où son nom courant à l’époque de « pénitence canonique ». On peut évidemment le recevoir comme une peine afflictive et infamante ; et en cela, la discipline de l’Église a bien changé, qui dissocie désormais le for judiciaire du for sacramentel. Mais il s’agit d’abord d’une marque de protection et de reconnaissance d’un lien qui demeure établi malgré tout. En effet, le pécheur reste membre de l’Église ; elle est même faite pour lui, car l’Église est sainte quoique faite de pécheurs, afin qu’ils reçoivent la sainteté qu’elle tient de son époux le Christ. Il faut donc redire sans cesse que le divorcé remarié n’est pas excommunié en tant que tel, même s’il est exclu de la communion eucharistique comme les autres « pécheurs publics ». Mais il comprendra d’autant mieux qu’il fait bel et bien partie de l’Église si l’on peut lui annoncer officiellement qu’il a sa place traditionnelle dans un « ordo », à côté de l’ordre des vierges et de l’ordre des veuves, de l’ordre des catéchumènes et de l’ordre des moines. Et cela n’est pas rien : d’expérience, cette simple reconnaissance de son existence ecclésiale peut déjà le pacifier et ôter un premier obstacle à la réconciliation.
Mais il y a plus. L’ordo ne consiste pas seulement à ranger chaque chose dans un tout selon un certain critère d’ordre ; il ne se contente pas d’établir un statut ou un état de vie de manière statique. Il indique aussi une finalité et une dynamique (ordo ad finem), un ordre de marche et de progrès, une règle de vie et une mission. Ainsi, ceux que l’on désigne comme des « états de perfection » sont plutôt en réalité des « voies de perfectionnement », la sainteté (in facto esse) restant à acquérir (in fieri). C’est encore plus clair pour l’ordre des catéchumènes, qui prépare de manière transitoire à recevoir les sacrements de l’initiation, de même que l’ordre des pénitents prépare à la réconciliation. On comprend que les deux itinéraires aient été mis en parallèle (la pénitence comme un « second baptême », ou « baptême des larmes ») et qu’on les retrouve l’un et l’autre dans les institutions liturgiques du Carême auxquelles ils ont donné naissance : imposition des cendres, jeûne quadragésimal et réconciliation publique des pénitents au soir du Jeudi saint (c’est justement le lavement des pieds) ; accueil décisif, grandes catéchèses baptismales, scrutins et illumination des catéchumènes dans la Vigile Pascale. Dans les deux cas, une même renonciation à Satan et à ses pompes, une même lutte contre le péché jusqu’en ses conséquences, un même salut obtenu par la victoire finale du Christ sur la Croix, recueilli dans le sang de l’Agneau.
D’où la proposition formulée au synode de 1983 de s’inspirer du nouveau Rituel de l’Initiation chrétienne des adultes pour établir une liturgie de l’accueil et de la réconciliation de ceux qui reviennent à l’Église après un temps d’éloignement et qui pourraient constituer là aussi un nouvel ordre des pénitents[27]. Cela revient à considérer cette démarche de réconciliation par étapes et dans la durée comme un second catéchuménat (c’est également l’idée du « chemin néo-catéchuménal », qu’on pourrait encore qualifier d’itinéraire deutéro-baptismal). On gagnera donc à imiter le nouveau rituel de l’initiation, pas seulement pour le transposer à la situation des « recommençants » et plus largement de tous ceux qui ont besoin d’un cheminement pénitentiel ; mais en faisant comme lui la restauration d’une institution remontant aux IIIe et IVe siècles, dont on avait perdu peu à peu l’utilité en régime de chrétienté, mais qui redevient nécessaire dans le temps qui est le nôtre.
Pour autant, il ne s’agirait pas d’une reprise à l’identique, pas plus que le nouvel ordo des catéchumènes n’a rétabli par exemple le « sacrement du sel »[28]. C’est que depuis, l’intelligence du dépôt a progressé, et certains éléments qui paraissaient typiques sont désormais compris comme n’étant pas attachés à l’essence de ces sacrements. De même pouvons-nous nous départir à présent de la confusion regrettable qui s’était établie jadis entre peine (poena) et pénitence (paenitentia, plutôt que poenitentia)[29]. Ainsi, nul besoin de rétablir le régime des peines de la pénitence antique dont la sévérité avait conduit à sa désaffection. D’ailleurs, la seule peine qui se soit imposée en tous temps et en tous lieux pour tout péché public, et qui demeure aujourd’hui, consiste en la privation de l’eucharistie, qui n’est pas une peine (même si cela peut être vécu ainsi) mais une impossibilité tenant à la cohérence des sacrements.
Pénitence sacramentelle
Admettons qu’il y aurait un changement de taille dans la succession des actes requis du pénitent, qui n’est pas quant à elle intangible. Dans la pénitence antique, avant d’entrer dans l’ordo paenitentium, il fallait déjà avoir satisfait à la condition de renoncer à son péché et mis un terme au trouble public qu’il avait engendré. Ensuite, on faisait pénitence pour un temps, mesurée par la gravité de l’offense et par la disposition intérieure du pénitent ; sa durée pouvait donc, selon les cas et les époques, être fixée par avance (pénitence tarifée) ou rester au contraire indéterminée, le temps qu’il fallait pour être prêt à recevoir la réconciliation. Le régime actuel, on l’a vu, exige lui aussi un tel renoncement préalable au péché, mais la pénitence est reportée après le pardon. Dans l’ordo paenitentium rénové, il s’agirait de revenir au régime antérieur en ce qui concerne la pénitence, qui redeviendrait un préalable à la réconciliation ; ce qui correspond déjà à la pratique et ne devrait donc pas soulever en soi de difficulté majeure. En revanche, on n’exigerait plus la conversion totale à l’entrée de la pénitence ; elle en serait plutôt le fruit, la mesure de sa durée, et la condition du pardon. Autrement dit, on n’attendrait plus d’être parfaitement converti pour faire pénitence, mais on ferait pénitence jusqu’à être parfaitement converti, en vue d’obtenir cette conversion comme une grâce du sacrement et d’être ainsi rendu prêt à recevoir la réconciliation sacramentelle.
Le régime de cette pénitence préalable à la réconciliation a été fixé par le magistère : on invitera les divorcés remariés (et sans doute tous ceux visés par le canon 915) « à écouter la Parole de Dieu, à assister au Sacrifice de la messe, à persévérer dans la prière, à apporter leur contribution aux œuvres de charité et aux initiatives de la communauté en faveur de la justice, à élever leurs enfants dans la foi chrétienne, à cultiver l’esprit de pénitence et à en accomplir les actes, afin d’implorer, jour après jour, la grâce de Dieu »[30] — ou encore : « désirant qu’ils développent, autant que possible, un style de vie chrétien, par la participation à la Messe, mais sans recevoir la Communion, par l’écoute de la Parole de Dieu, par l’adoration eucharistique et la prière, par la participation à la vie de la communauté, par le dialogue confiant avec un prêtre ou un guide spirituel, par le dévouement à la charité vécue et les œuvres de pénitence, par l’engagement dans l’éducation de leurs enfants »[31].
Ce qui manque simplement, c’est de reconnaître que tout ceci correspond à un ordo, à un régime canonique de la pénitence ; et que cette pénitence est déjà sacramentelle, depuis les actes du pénitent qui en fournissent la matière jusqu’à la parole d’absolution qui en donne la forme pour constituer alors le sacrement proprement dit de la pénitence et de la réconciliation. On verrait mieux que la pénitence ainsi définie n’est pas détachée du sacrement en tant que simple condition préalable, mais qu’elle en fait partie intégrante, même à distance de plusieurs années de la réconciliation, car elle en constitue non seulement la matière mais aussi un fruit anticipé ; la grâce du sacrement venant prendre et soutenir cette pénitence à la fois extérieure et intérieure pour la transformer ultimement en contrition parfaite. Ainsi, ces pénitents ne seraient plus considérés comme étant exclus du régime sacramentel : au contraire, ils entreraient le sachant et le voulant dans ce grand sacrement de la résurrection qui, peu à peu, fera de ces « morts » des « vivants », pour qu’ils aient la vie en plénitude.
D’une certaine manière, le nouveau rituel de la pénitence a préparé la voie à une telle restauration de la pénitence antique : d’une part en voulant replacer la célébration du rite dans son cadre ecclésial communautaire et liturgique, ce qui lui redonne un caractère public et solennel ; d’autre part en prévoyant à côté des trois formes sacramentelles une quatrième forme pénitentielle[32], souvent méconnue (sans doute parce qu’elle ne se trouve que dans les rubriques). Il s’agit des « célébrations pénitentielles non sacramentelles », sans aveu individuel ni absolution, dont il est indiqué justement que les divorcés remariés peuvent s’y joindre comme tous les fidèles, et qu’elles préparent de manière utile à la confession en exprimant le repentir et le désir permanent de conversion, spécialement durant les temps favorables que sont l’Avent et le Carême. Il est dommage qu’elles soient présentées comme « non sacramentelles » du fait qu’elles ne comportent pas l’absolution, car les rubriques précisent pourtant qu’elles « peuvent intervenir comme étapes d’une réconciliation sacramentelle vers laquelle elles sont orientées », ce qui est justement une caractéristique de l’ordo paenitentium. On retrouve ici quelque chose du catéchuménat, dont les étapes sont orientées vers la célébration du baptême. Si elles ne sont pas sacramentelles, au sens où le sacrement proprement dit n’a pas encore été administré, elles font cependant partie de la célébration complète du rite, dans sa globalité. De même que la célébration de l’Eucharistie ne se réduit pas au récit de l’Institution mais comprend toute la Messe. Ces étapes et ces rites préparatoires s’analysent donc en autant de sacramentaux, non seulement en tant qu’ils sont relatifs au sacrement et qu’ils disposent à sa réception, mais parce qu’ils forment avec lui une unité liturgique. En jouant un peu sur les mots, ou plutôt en les prenant dans un sens strict mais quelque peu inhabituel, on pourrait considérer qu’il s’agit bien d’une pénitence sacramentelle mais non pas encore d’une réconciliationsacramentelle. Mais le sacrement, c’est le tout.
Loi de gradualité
La dernière assemblée du synode des évêques s’est aussi interrogée sur la « loi de gradualité »[33], qui avait été proposée au synode de 1980 sur la famille[34] et retenue par le pape Jean-Paul II dans Familiaris consortio n. 9, avec l’exigence remarquée au n. 34 de ne pas confondre « loi de gradualité et gradualité de la loi »[35]. Depuis,cette expression n’a pas été souvent reprise par le magistère[36] et nécessiterait des éclaircissements théologiques[37]. Le fait est que si la loi de gradualité reste comprise dans le cadre d’une morale de la loi, elle risque de relativiser celle-ci au vu de ce que les personnes peuvent actuellement en vivre dans la situation qui est la leur, ce qui aboutit à la « gradualité de la loi » que dénonçait Jean-Paul II ; alors qu’il faut au contraire présenter le but à atteindre en se proportionnant non pas à nos seules forces mais à celle de la Parole de Dieu et de sa grâce[38]. La loi de gradualité oblige donc à repenser l’ensemble de la théologie morale sous l’angle des vertus humaines et théologales, en y réintégrant toute la dimension du progrès spirituel[39] ; ce qui la transforme en un « cheminement pédagogique de croissance » et un « processus dynamique » constamment orienté et tendu vers le bien véritable, un itinéraire de conversion et de progression « pas à pas »[40] vers la sainteté.
Nous pensons que l’ordo paenitentium constitue non seulement un lieu d’application par excellence de la loi de gradualité mais déjà l’une de ses sources anciennes. Il en est aussi une pierre de touche, car il permet de vérifier objectivement que l’on n’est pas en train d’établir même sans le vouloir un régime de « gradualité de la loi » qui confondrait le chemin de conversion et de renoncement au mal avec un itinéraire de progrès spirituel dans le bien et dans l’état de grâce ; faisant de la distinction entre le bien et le mal une simple différence de degrés et non plus de nature. Entre l’état de grâce et l’état de péché, il n’y a pas de continuité ni d’intermédiaire, même s’il y a de part et d’autre la possibilité de progrès ou de régression. Aussi ne saurait-on prendre le schéma ecclésiologique des degrés de communion de Lumen Gentium n. 8 pour l’appliquer même par analogie au cheminement du pécheur[41], car précisément la pratique du dialogue œcuménique suppose qu’au-delà d’un siècle le frère séparé n’a plus l’intention personnelle de participer au péché de schisme, ce qui n’est pas le cas des premières générations qui sont toujours soumises à la discipline de l’Église. De même, le bien ne doit pas être présenté comme un idéal facultatif mais comme la fin que l’on doit s’efforcer réellement d’atteindre par des actes qui s’inscrivent toujours plus dans la bonne direction ; telle une marche à petits pas qui à force de persévérance finit par toucher le but. C’est seulement à cette condition que l’on peut admettre une réalisation progressive par étapes.
La pénitence antique témoignait ainsi d’une certaine gradualité, qui conduisait le pécheur d’étapes en étapes jusqu’à la réconciliation publique. Déjà Tertullien fait état de deux degrés : ceux qui doivent rester en dehors de l’église (paenitentia pro foribus ecclesiae) et ceux qui sont admis à l’intérieur (paenitentia in ecclesiam inducta). Puis on distingue parmi ces derniers entre ceux qui ont fait la démarche d’entrer en pénitence (petentes paenitentiam), qui doivent quitter l’église juste après la liturgie de la Parole et la prédication (audientes), et ceux qui y sont admis officiellement (proprie paenitentes), qui assistent à la célébration des mystères mais à genoux, afin de recevoir la bénédiction des pénitents qui est donnée en Occident à la fin du service divin. En Orient, cette bénédiction a lieu plus tôt, après le renvoi des catéchumènes, de sorte qu’il y a encore ceux qui partent une fois qu’ils l’ont reçue des mains de l’évêque (substrati), et ceux qui restent jusqu’à la fin de l’office et peuvent y assister debout (stantes ou consistentes),sans prendre part cependant aux oblations et à l’Eucharistie pour le temps qui les sépare de leur réconciliation[42]. Le temps de l’admission à la pénitence peut être lui-même assez long : Denys d’Alexandrie exige ainsi des apostats qu’ils demeurent trois ans audientes avant de passer dix ans substrati. Au total, on aboutit donc à quatre classes de pénitents ou quatre « stations pénitentielles », attestées dans leur ensemble dans les Églises d’Asie mineure, comme chez Grégoire le Thaumaturge : « Ceux qui pleurent en dehors des portes de l’église (flentes) ; ceux qui sont admis dans le narthex à écouter les lectures liturgiques et sont renvoyés aussitôt après (audientes) ; ceux qui sont admis dans l’église même, y demeurent prosternés et sortent avec les catéchumènes (substrati) ; ceux enfin qui restent debout pendant que s’accomplit la synaxe eucharistique mais qui ne peuvent participer aux dons consacrés (stantes). »[43]
Peut-être est-il possible de reprendre ces « stations » liturgiques et canoniques pour décrire un processus spirituel en étapes, inspirées aussi du catéchuménat et de la pastorale du cheminement décrite plus haut. Le critère ne peut plus être « physique », l’admission au bâtiment église ou à telle partie de la célébration, puisqu’on ne le fait plus pour les catéchumènes. Mais on peut retenir les dons reçus au fur et à mesure, les lumières découvertes et acquises, le degré de détachement du péché et d’enracinement dans la conversion ; en somme le passage effectif à un autre stade ou état intérieur, ce qui doit se vérifier par l’accompagnement et le discernement spirituel[44]. Cela pourrait donner lieu aux quatre étapes suivantes :
1. « Pleurants » (flentes) — Il s’agit d’abord d’accueillir ou plutôt d’aller chercher[45] tous ceux qui pleurent en dehors de l’Église parce qu’ils s’en croient rejetés, excommuniés. D’établir avec eux un climat de confiance et de bienveillance, d’estime et d’écoute ; de leur laisser exprimer ce qu’ils ont sur le cœur : leurs difficultés, leur révolte, leur propre analyse de la situation ; puis de leur montrer par une reformulation de leurs attentes qu’ils sont entendus. Ce sera le lieu d’une première annonce kérygmatique et d’une invitation à prendre le temps d’écouter eux aussi la réponse du Christ à leurs questions. S’ils veulent alors faire leur chemin en Église, on pourra passer à l’étape suivante, en concluant par une prière liturgique de bénédiction qui leur fera entendre la voix du Père qui pose la main sur eux et reconnaît en eux ses enfants perdus, la voix du Fils qui a livré d’avance sa vie pour eux, la voix de l’Esprit qui parle à leur esprit pour les conduire à travers des voies qu’ils ignorent jusqu’à la vraie vie.
2. « Auditeurs » (audientes) — Dans la deuxième étape, on les invitera à être assidus à l’écoute de la Parole de Dieu, dans le silence de leur méditation personnelle et dans la grande assemblée ; user le seuil de la Maison de Dieu en assistant à la célébration des mystères ; ressaisir dans une catéchèse d’adulte les points qui font difficulté en les replaçant dans un tout selon la connexion des mystères entre eux et la hiérarchie des vérités de la foi ; reprendre conscience du don reçu au baptême et à la confirmation, puis dans le mariage sacramentel ; établir ce qu’ils vivent déjà de l’Évangile ; relire enfin l’action de Dieu dans toute leur vie. Cette étape peut être marquée par la remise liturgique des Écritures, avec le parrainage d’un ou deux membres de la communauté, ou même d’un couple si cela convient.
3. « Appelés » (substrati) — Lorsque la personne est prête, elle peut faire la demande d’entrer officiellement dans l’ordre des pénitents, de préférence par un appel décisif de l’évêque avec imposition liturgique des cendres au début du Carême (in capite jejunii) et inscription du nom sur le registre des pénitents. Cela marque une étape spirituelle importante, celle du cœur qui se déchire pour s’ouvrir à la grâce. Durant le temps qui commence alors, le pénitent est invité à mener une vie de fidélité au devoir d’état et à ses responsabilités selon le programme défini plus haut[46] ; accomplissant en particulier les traditionnelles œuvres de miséricorde chères aux confréries de pénitents, qui pourraient retrouver ici leur origine. Cette pénitence est tout simplement celle du Carême selon ses trois axes (jeûne, prière, partage), ce que tout chrétien devrait toujours faire en temps normal. La pénitence extérieure étant le signe et l’instrument de la pénitence intérieure, qui doit conduire à la contrition, à la reconnaissance devant Dieu de son péché et à la demande insistante de son pardon ; il sera alors nécessaire d’implorer du Seigneur sa lumière sur les multiples pardons à accorder et à recevoir, qui peuvent être enfouis très profondément dans le cœur. Pour accompagner cette étape au plan liturgique, il peut être bon de pratiquer les « cérémonies pénitentielles non sacramentelles » déjà signalées, qui prolongent la liturgie pénitentielle de chaque messe, ou encore l’aveu sans absolution sacramentelle s’il est bien compris, sans oublier le geste si parlant du lavement des pieds, qui n’est pas réservé au Jeudi saint. Dans le parallèle avec l’initiation des catéchumènes, c’est le temps de la purification et de l’illumination avec les « scrutins » : exorcismes, tradition et reddition du Credo, onction de l’huile sainte.
Cela n’aurait aucun sens d’entrer dans un tel « chemin de pénitence » si l’on ne reconnaissait pas humblement son péché avec le désir d’en être purifié, de « s’étendre à même le sol » (substrati) devant le Seigneur pour qu’il vienne lui-même nous relever. De même, il ne serait pas juste d’y mettre un terme par la réconciliation sacramentelle si les conditions n’en étaient pas remplies, donc tant que subsiste le lien qui s’y oppose, que ce soit celui d’un remariage ou de tout autre engagement contraire à l’Évangile. Une telle absolution serait mensongère, et l’on est fondé à croire qu’elle serait invalide. Ce temps est avant tout celui de la libération des chaînes intérieures, ce qui n’est pas à la portée des hommes et que Dieu seul peut accorder en son temps, même si ce n’est peut-être pas pour cette terre. On peut du moins espérer que pour ceux qui en auront pris résolument le chemin, la mort sera leur réconciliation et leur porte du salut, de même que le catéchumène rappelé au Seigneur avant son baptême et dans de bonnes dispositions en recevra alors la grâce sans le signe.
4. « Engagés » (stantes) — Pour certains, le travail de la grâce leur donnera finalement la force de s’engager à rompre définitivement leur lien désordonné d’une manière ou d’une autre, de sorte qu’ils pourront se remettre debout (stantes). Dans le cas des divorcés remariés, cela peut se produire simplement par la mort du conjoint, qu’on ne saurait bien sûr souhaiter. Autrement, en dehors des cas moins rarissimes qu’on ne le croit d’une reprise de la vie commune, la seule solution sera l’engagement à vivre « en frère et sœur ». Il ne s’agit pas simplement de la continence, mais bien de la transformation du regard et de l’acquisition de la pureté intérieure qui permet de redevenir fidèle en vérité à son alliance, fût-ce sur le mode d’une séparation qui a pu s’avérer légitime. Le fait est que seule la grâce donne de comprendre et de vivre ce qui relève déjà de la justice naturelle, dont les hommes ont perdu l’intelligence. Si un tel engagement est donc possible et souhaitable, il reste qu’il doit être longuement mûri et librement choisi, avec la confirmation de l’accompagnateur spirituel. Un premier engagement privé pourra être suivi d’une période de probation au moins jusqu’au Carême, pour permettre la réconciliation solennelle par l’évêque au soir du Jeudi saint, selon un rituel parallèle à celui des néophytes de la Vigile Pascale, dans la pureté des vêtements blancs lavés par le sang de l’Agneau. Ensuite s’ouvre le temps de grâce de la mystagogie et du témoignage.
Communion spirituelle
Une autre expression qui a laissé les pères synodaux dans la perplexité[47] est celle de la communion spirituelle : si l’on peut communier spirituellement, pourquoi ne pourrait-on pas communier sacramentellement ? Si la grâce est donnée sans le signe, qu’est-ce qui empêche d’en recevoir aussi le signe ? Au-delà de la cohérence déjà signalée entre les sacrements se trouve engagée ici une difficulté théologique d’une grande ampleur : le risque de disjoindre dans les sacrements l’ordre du rite de l’ordre de la grâce, reproduisant l’erreur bellarminienne d’une ecclésiologie de la visibilité et de l’institution séparable (et du coup séparée) d’une ecclésiologie de l’intériorité et de la communion que revendiquait Luther. Pourquoi me compromettre avec la société des pécheurs si j’ai part à celle des saints ? Quel manque y a-t-il à être privé de l’Eucharistie si je puis en être nourri sans même la recevoir ? Et plus largement, pourquoi le Verbe s’est-il incarné si je puis aussi bien entrer en communion avec Dieu sans passer par la chair de l’Église et des sacrements ? La question est donc d’importance.
Nous nous bornerons ici à rappeler comme d’autres l’ont déjà fait[48] que l’expression « communion spirituelle » est analogique et qu’elle comprend en réalité trois sens possibles qu’il serait dangereux de confondre, même en étant bien intentionné. Le premier sens est celui de la grâce du sacrement : en recevant le signe sacramentel dans de bonnes dispositions, on en reçoit également la grâce. On a fait alors une communion non seulement sacramentelle mais spirituelle. Tandis que si l’on est mal disposé ou indigne, on reçoit le signe sans la grâce ; la communion est alors « seulement sacramentelle ». Le second sens est le plus usuel : il vise un chrétien qui vit habituellement de la grâce des sacrements, et qui là encore est en de bonnes dispositions, donc en état de grâce, mais qui pour une raison accidentelle n’a pas pu recevoir le sacrement. Il peut faire alors une offrande spirituelle, dans la foi vive c’est-à-dire informée par la charité, et recevoir la grâce du sacrement sans le signe. C’est la « communion de désir », et plus largement le « sacrement de désir » : c’est le cas du catéchumène qui se prépare à recevoir le baptême par une foi droite et qui pourrait déjà en recevoir la grâce (l’adoption filiale et l’effacement du péché originel), ce qui ne le dispense pas de recevoir le signe sans lequel il n’aurait pas le caractère qui lui donne accès aux autres sacrements. Ce que l’on ne perçoit pas la plupart du temps, c’est que le magistère a utilisé récemment cette expression[49] dans un sens en apparence proche mais en réalité complètement nouveau, et qui constitue un troisième sens à distinguer très soigneusement des deux précédents.
Le troisième sens vise celui qui ne peut pas recevoir le sacrement, non pour une raison accidentelle mais parce que quelque chose y fait obstacle en lui. S’il s’agit du catéchumène, l’obstacle à la réception de l’eucharistie est qu’il n’a pas encore reçu le baptême ; mais s’il est dans de bonnes dispositions, il peut en recevoir la grâce : cela nous ramène au sens précédent. De même, l’enfant qui n’a pas fait sa première communion, s’il est bien disposé, peut et doit faire des communions spirituelles pour se préparer à la communion sacramentelle. L’obstacle que l’on considère dans le troisième sens est donc d’un autre ordre : il s’agit plutôt de celui qui est indigne, mal disposé ou dans un état de péché. On comprend alors qu’il ne puisse pas en recevoir le signe, car il ne peut pas non plus en recevoir la grâce ; autrement le signe serait mensonger et il le recevrait comme dit l’Apôtre pour sa propre condamnation. Reste qu’il peut et qu’il doit conserver le désir du sacrement, qui n’est pas un sacrement de désir mais l’espérance et la ferme intention que l’obstacle qui se dresse entre lui et le sacrement puisse un jour être levé et qu’il puisse alors y accéder. C’est donc si l’on veut une « communion spirituelle » mais « en espérance » seulement et non en fruit de charité. Elle ne produit pas la grâce sanctifiante en tant que donnée par le sacrement, mais elle peut néanmoins être source de grâce, celle du repentir et de la contrition. Tant que le pécheur conserve ce désir du sacrement avec la perception d’autant plus vive de ce qui l’en sépare, il reste un espoir qu’il se convertisse et change de vie. Autrement, s’il perd et le désir de la communion et le sens de son péché, il risque alors de s’y enfermer durablement.
Fort bien, mais la question lancinante se repose : en quoi le divorcé remarié est-il concerné par ce dernier cas de figure ? Peut-on dire qu’il soit en « état de péché », alors qu’il n’en a pas conscience, qu’il vit par ailleurs de belles choses et témoigne de fruits de grâce dans sa vie ? Qu’il y ait des grâces, c’est indéniable, mais elles peuvent être liées à la foi théologale que le péché ne fait pas disparaître (sauf s’il s’agit d’un péché contre la foi). Qu’il n’y ait pas de sens de péché, c’est justement là le problème ; même si cela ne doit pas nous étonner, car le monde actuel n’a de cesse de le nier, qui voudrait « donner le Bon Dieu sans confession ». Reste que le divorcé remarié a posé un acte qui contredit l’engagement pris dans son premier mariage qui, s’il est valide, demeure le seul véritable. On ne peut pas se contenter d’opposer ici l’aspect objectif des choses à la dimension subjective des intentions et des sentiments : le mariage est par nature un acte public de volonté qui unit les deux plans. Il y a bien eu dans le premier mariage la volonté de chacun des deux futurs époux de s’engager avec l’autre dans une communauté de vie stable, définitive et exclusive, l’échange d’un « oui pour la vie » ; et dans le cas du divorcé remarié, une parole de rupture, de révocation de cette alliance, et une autre parole publique d’un engagement nouveau avec une tierce personne qui vient exclure de manière plus radicale encore le premier conjoint. Certes, on peut être une partie innocente dans un divorce, mais le réengagement est bien quant à lui un acte libre et responsable. Et il ne faudrait pas invoquer trop vite des circonstances qui viendraient diminuer voire supprimer la responsabilité, ou la méconnaissance de ce que ces engagements impliquent réellement, car ce serait du coup un motif de nullité de l’un ou l’autre mariage et la question serait toute différente. Ce serait d’ailleurs la même situation pour un concubinage sans remariage : même s’il n’y a pas eu de parole publique de réengagement, il reste un lien de fait qui est l’expression tant objective que subjective de ne pas respecter la parole échangée lors du premier mariage. Or cet acte de volonté contraire au vœu du mariage demeure aussi longtemps que dure la volonté de mener la vie commune avec un autre que son conjoint légitime. Et même si l’on voulait rompre cette seconde union sans pouvoir y parvenir, à cause de sa faiblesse, du refus du conjoint ou de la responsabilité des enfants, il reste encore la volonté de n’en rien faire. D’où la difficulté de parler ici de « communion spirituelle » en un sens qui impliquerait que la grâce d’un sacrement puisse être donnée en contradiction avec la grâce d’un autre sacrement. Il ne peut s’agir que d’un désir de communion, d’une communion en espérance.
L’enjeu est bien ici celui d’un discernement spirituel au service des âmes. Cette vérité peut être dure à entendre, mais ce n’est pas une raison pour la taire ou la nier. Cela doit se faire dans la charité, en acceptant que l’autre puisse avoir besoin de temps pour « aller à la vérité », la faire émerger dans son cœur, la reconnaître comme telle, l’accepter et en tirer les conséquences. Il y a aussi une charité du langage, qui consiste à trouver les termes justes pour le dire de manière audible, sans pour autant faire entorse à la vérité. Car la vérité sans la charité n’est pas la vérité ; de même que la charité sans la vérité n’est pas la charité. On le voit par exemple pour ce qui concerne la « nullité » du mariage, qui ne doit pas être comprise comme une nullité existentielle de ce que les couples ont vécu, ou des fruits que sont les enfants. Pourtant, il faut être ferme sur ce vocabulaire, qui ne doit pas non plus faire croire que l’Église « annule » un mariage tandis qu’elle se borne ici à reconnaître ce qui est ou n’est pas. De même devrait-on être attentif à l’expression « divorcé-remarié », qui est impossible à éviter si l’on veut bien se faire comprendre, mais qui n’est pas juste puisque l’Église ne reconnaît ni le divorce, ni le remariage, mais simplement la séparation et l’existence d’un réengagement qui ne peut pas être un mariage. Il serait donc plus exact de parler de « séparés-réengagés »[50], tant dans le magistère que dans la pastorale, afin de bien manifester que l’Église n’adopte pas sur cette question le point de vue du monde, ce qui est une condition de sa libération.
En plus de la communion spirituelle eucharistique, qu’il faut bien entendre, l’Église dispose de nombreux autres gestes qui manifestent en elle l’amour du Seigneur pour le pécheur et non pour son péché et le lien qu’il désire conserver avec lui pour l’en délivrer. Ce sont donc des gestes de communion pour tous ceux qui, sans être en communion plénière avec Dieu et son Église, ne sont pas non plus en rupture totale, à qui il convient d’exprimer la charité que l’on conserve à leur égard, et même la communion à leur souffrance. Il existe ainsi tout un panel de bénédictions et de sacramentaux, qui ne consistent pas à « dire du bien » du péché mais à reconnaître et soutenir le propos du pécheur de s’en écarter progressivement. Traditionnellement, il y avait la bénédiction générale des pénitents à la fin de la messe, qui a été remplacée par l’usage déjà fort répandu[51] mais qui reste encore à évaluer[52] d’une bénédiction individuelle dans la procession de communion, avec tous ceux qui pour une raison ou pour une autre ne peuvent pas encore communier (enfants avant leur première communion, catéchumènes, etc.). Dans ce registre, on peut regretter la disparition de la pratique pourtant très ancienne et universelle dupain béni ou eulogie[53], qui signifiait d’une manière sensible et chaleureuse la communion de l’Église avec les non-communiants.
Pèlerins de l’Alliance
Ne nous leurrons pas : la pénitence n’a jamais eu bonne presse et ne saurait attirer les foules. Mais il ne faudrait pas qu’elle devienne cette pilule amère qui décourage le malade au point de le faire désespérer de la guérison. Le fait est que la pénitence antique s’est condamnée elle-même par un régime excessif qui n’était pas lié à son essence, au bénéfice de formes pénitentielles plus accessibles qui ont fini par la remplacer. Il convient d’en conserver la double leçon. Parmi ces formes de substitution, le pèlerinage pénitentiel (peregrinatio)[54] eut son heure de gloire, d’abord du VIe au XIIe siècle dans le cadre de la pénitence tarifée, puis à partir du XIIIe siècle en s’affirmant comme une troisième forme de pénitence, publique et non solennelle, à côté de la pénitence publique solennelle et de la pénitence privée. Tout pèlerinage ne relevait pas de la pénitence expiatoire, loin s’en faut, puisqu’il y a toujours eu ce que l’on peut appeler par contre-distinction le pèlerinage dévotionnel ; mais tout pèlerinage comportait du fait de sa difficulté et de sa dangerosité une part d’aventure, de sacrifice et de pénitence. Après avoir presque disparu dans les temps modernes, étant assimilé par les pouvoirs publics au vagabondage (un Benoît Labre en fit parfois les frais), le pèlerinage trouve depuis quelques décennies un certain regain d’actualité, puisque l’on assiste à un nouvel engouement pour les sanctuaires et les chemins de pèlerinage, à commencer par celui de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il faut être attentif au fait qu’il est dans bien des cas le lieu d’expression d’une religiosité pas seulement populaire[55] mais marginale, pour un certain nombre de ceux qui ne trouvent plus leur place dans l’Église et dans les églises paroissiales, du fait de leur situation « hors-norme » au plan de la foi ou des mœurs. Cela reste pour eux un lieu de rattachement alternatif et de communion informelle non seulement à Dieu mais aux ancêtres dans la foi, conduisant leurs pas sur leurs traces. Avec les cendres et les rameaux, cela fait également partie de ces gestes religieux que peuvent encore accomplir même les plus grands pécheurs et ceux qui sont loin de l’Église, d’où leur popularité qui ne se dément pas.
Pour toutes ces raisons, il peut être judicieux de présenter le « chemin pénitentiel » dont il a été question dans ces pages avant tout comme un chemin de pèlerinage ; l’essentiel n’étant pas d’arriver mais de partir et de persévérer dans la bonne direction, comme l’enseigne le Psaume premier qui déclare bienheureux celui qui s’avance sur une voie de bonheur. C’est la condition voyagère du chrétien[56], homo viator, en marche sur cette terre vers la patrie céleste ; car c’est la condition adoptée par le Christ[57] viator et comprehensor, mais aussi celle de l’Église, « voyageuse » et « en marche vers Dieu », qui « accomplit son pèlerinage sur terre » et « sa marche vers l’éternelle béatitude », et qui « ne recevra son achèvement que dans la gloire céleste »[58]. Il n’était pas inhabituel de rester à vie dans l’ordre des pénitents ; de même aujourd’hui certains pécheurs restent prisonniers de liens dont ils n’arrivent pas à s’extraire, sans que l’on trouve de vraie solution. Puissent-ils au moins faire ce qu’ils peuvent et être trouvés par le Seigneur en condition de marche vers la Jérusalem céleste.
Des études ont montré que les couples qui tiennent sont ceux qui savent pardonner. Il en va de même pour les communautés, et pour l’Église à travers les âges. La désaffection pour le sacrement de la pénitence n’est pas que le signe d’une crise religieuse : elle en est aussi la cause. Gageons qu’une rénovation de ce grand sacrement de la libération et de la résurrection entraînera un nouvel élan pour l’Église, tel celui que fit naître le cri de S. Dominique : « Mon Dieu, ma miséricorde ! Que vont devenir les pécheurs ? »
Thomas Michelet, op
[↩]
******************** 20 juillet 2015 ******************
(Source: Nova & Vetera)
"Synode sur la famille : la voie de l’ordo paenitentium"
Par le Frère Thomas Michelet
« Ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mt 19, 6). La famille fondée sur le mariage, alliance matrimoniale féconde, unique, stable et définitive, est une réalité précieuse aux yeux de Dieu, mais aussi une affaire ô combien délicate. Après avoir été fragilisée par l’individualisme, le libéralisme et la mutation profonde des structures socio-économiques, parfois contestée en tant qu’usage bourgeois, elle demeure pour la plupart de nos contemporains une valeur universelle des plus désirables, mais aussi un idéal difficile à atteindre et à maintenir dans toutes ses exigences : « Si telle est la situation de l’homme par rapport à sa femme, mieux vaut ne pas se marier » (Mt 19, 10).
Pour un sujet d’une telle importance, dont on a vu qu’il suscitait l’intérêt de l’opinion publique et du monde médiatique plus qu’aucune autre question ecclésiale ces dernières années, et devant la gravité de la situation présente, le pape François a voulu établir pour le synode des évêques un itinéraire spécial en deux étapes : une première année pour faire l’état des lieux, initiée par une vaste consultation du peuple de Dieu recueillie dans l’Instrumentum laboris et conclue par l’Assemblée Générale Extraordinaire des 5-19 octobre 2014 ; une seconde année d’approfondissement sur la base de la relatio synodiprésentée aux conférences épiscopales en tant que lineamenta pour l’Assemblée Générale Ordinaire d’octobre 2015 ; en faisant appel d’ici là aux contributions des théologiens, en particulier pour les points litigieux qui n’ont pas obtenu à mi-parcours le consensus des pères synodaux, comme la question de la communion sacramentelle des divorcés remariés, celle de leur communion spirituelle ou la loi de gradualité. S’il ne faudrait pas réduire l’évangile de la famille aux aspects négatifs ou aux cas particuliers, il convient néanmoins de rechercher des solutions adéquates pour ce qui fait difficulté et qui peut constituer une cause de grande souffrance, non seulement pour les intéressés mais pour les pasteurs qui s’y trouvent confrontés et pour le reste des fidèles.
Sans exposer pour elle-même et justifier la discipline actuelle de l’Église catholique, ni la remettre en cause, nous voudrions faire ici la proposition d’une « troisième voie » : celle de l’ordre des pénitents (ordo paenitentium), c’est-à-dire la reprise sous bénéfice d’inventaire de la pénitence antique, appelée au Moyen Âge pénitence publique et solennelle. En effet, nous ne voyons pas que l’on puisse modifier le régime des sacrements du mariage et de l’eucharistie dans le sens suggéré par certains[1] sans en changer aussitôt la doctrine, ce qui est impossible[2]. En revanche, le sacrement de la pénitence a connu au cours de son histoire des formes très différentes, successives ou simultanées, et pourrait se prêter quant à lui à de vrais changements, tout en respectant les conditions qui tiennent à la vérité du sacrement. Cela permettrait d’assumer la part juste et traditionnelle de l’idée d’un « chemin de pénitence »[3].
« Non possumus »
Nous ne pouvons pas écarter la règle de l’indissolubilité du mariage telle qu’elle est établie par le Christ lui-même, qui nous révèle qu’elle faisait partie dès l’origine de l’ordre naturel de la Création et de l’alliance divine faite en Adam avec toute l’humanité. Si le péché a pu en obscurcir la connaissance et en blesser la pratique, l’alliance nouvelle dans le Christ est venue la rétablir et la restaurer par la grâce tout en lui donnant une signification nouvelle : d’être signe et instrument (mysterium – sacramentum) de l’amour indéfectible du Christ pour son Église (Ep 5, 32), lui qui a livré sa vie pour elle (Ep 5, 25). Dès lors, il est impossible pour deux baptisés de vivre ensemble la conjugalité autrement que sous le sceau de cette alliance sacramentelle. De même est-il impossible de recevoir avec fruit le sacrement des Noces de l’Agneau par son corps et par son sang tout en le contredisant par une infidélité de sa vie, tout particulièrement lorsque l’amour humain est blessé dans une relation charnelle en absence ou en rupture d’alliance légitime. Il y aurait contradiction flagrante entre le propos de ces actes qui n’atteignent pas leur fin et ce que signifient proprement ces rites dans le Christ. Or les sacrementscommuniquent ce qu’ils signifient et ne sauraient procurer la grâce s’ils expriment un mensonge. Ce serait donc non seulement inutile, car infructueux, mais aussi dangereux[4] : « celui qui aura mangé le pain ou bu la coupe du Seigneur d’une manière indigne devra répondre du corps et du sang du Seigneur » (1 Co 11, 27).
Nous ne pouvons pas dans ce dernier cas renvoyer les fidèles à leur conscience[5] sans leur indiquer qu’elle serait erronée[6]. Car cela reviendrait non seulement à les laisser s’égarer en dehors de la lumière de l’Évangile, ne pas les assister dans leur quête de vérité, mais encore participer soi-même à l’établissement de leur jugement par une telle décision positive, et manquer ainsi doublement à la charité pastorale. En effet, cela donnerait à croire que l’on peut être marié simultanément à plusieurs personnes, ou que le mariage civil sans mariage ecclésial est légitime pour un baptisé, ou que les relations sexuelles hors mariage ne sont pas un péché grave, ou que l’on peut communier en persistant dans un état de péché grave[7], ou que l’on peut être pardonné sans détestation de son péché et ferme propos de ne plus recommencer. En laissant supposer que l’une au moins de ces cinq propositions serait valide, contrairement à l’enseignement de l’Église exprimé dans le Concile de Trente[8] et le Catéchisme de l’Église Catholique[9], on blesserait la vérité du mariage, de l’eucharistie et de la pénitence tout en niant la réalité du péché. Cela aboutirait à laisser le pécheur dans son état en lui donnant bonne conscience, avec pour résultat de lui faire perdre le sens de la nécessité de la conversion et de lui barrer la route d’un authentique progrès spirituel. Pseudo-miséricorde qui est à la vérité anti-évangélique. C’est au fond la justification forensique de Luther, à ceci près que l’on a pris la place de Dieu pour décréter que le pécheur qui ne croit plus l’être ne l’est plus, changeant simplement l’étiquette sans toucher la réalité profonde de l’âme. On couvre le péché d’un voile de justice, alors que précisément le Seigneur fait miséricorde en éclairant l’intelligence et en transformant les cœurs, révélant à la fois la réalité du péché et le moyen de grâce d’en être délivré[10].
Nous ne pouvons pas présenter les modifications du régime sacramentel que certains réclament en tant que de simples exceptions aux principes, limitées à des cas particuliers, comme s’il s’agissait là d’un idéal qui devrait se conjuguer avec le réalisme de ce que les fidèles peuvent effectivement atteindre en pratique. Car ces règles n’énoncent pas un idéal mais la vérité de ce qui est. Autant déclarer que tout homme est image de Dieu « en principe », et multiplier ensuite les exceptions (ni les embryons, ni les personnes en fin de vie, ni celles dans un coma irréversible ou dénuées d’esprit, etc.) : ce serait ruiner aussitôt le principe et le remplacer par un autre tout différent, qui n’aurait plus le même fondement ni la même garantie de conformité à la Parole divine. On ne peut sans contradiction affirmer que le mariage est absolument indissoluble sauf dans certains cas. Or c’est bien à cela qu’aboutit la pratique des Églises orthodoxes d’un remariage non sacramentel « au titre de la pénitence » donnant accès à l’eucharistie, qui se sont écartées là-dessus de l’héritage commun des Pères[11]. En célébrant ce mariage à l’église et en priant Dieu de le bénir, on entretient le doute sur le fait qu’il n’est pas sacramentel ; en admettant à l’eucharistie, on ne tient plus vraiment qu’il soit pénitentiel ; en accordant l’absolution, on implique qu’il est légitime, que l’Église reconnaît donc le remariage après divorce ; en maintenant que le lien sacramentel n’est pas dissous, on en contredit le caractère exclusif qui est l’un de ses fondements.
À l’inverse, nous ne pouvons pas nous satisfaire de refuser l’accès aux sacrements, en laissant le fidèle dans le sentiment qu’il est excommunié, exclu de toute voie de sanctification et de salut. Nous ne pouvons pas nous contenter de projeter d’en-haut la lumière de la vérité comme un phare lointain, sans l’accompagner également sur sa route et dans son exode comme une torche[12], vive flamme d’amour qui réchauffe le cœur et illumine l’esprit. Nous ne pouvons pas fermer la porte de l’Église au nom de la sainteté de l’édifice, enfermer le pécheur dans son état et le laisser à demi-mort sur le bord du chemin, sans prendre la peine d’aller chercher la brebis perdue et la porter sur nos épaules, pour verser sur ses blessures l’huile de la guérison. Il serait paradoxal que le sacrement de la pénitence soit refusé précisément à ceux pour qui il est fait, et que l’on ne se soucie que des justes qui n’ont pas besoin de pardon.
Le propre de ces attitudes dénoncées vigoureusement au synode par le pape François comme autant de tentations opposées[13], c’est qu’elles sont des pastorales de la désespérance. Elles nous pressent de choisir entre deux abîmes contraires qui se rejoignent par les extrêmes : celui de la présomption d’un salut conçu à la manière des hommes au mépris de la réalité du péché ; et celui du désespoir d’un enfermement dans le mal, sans annonce complète et audible de la voie de réconciliation que Dieu ouvre à tous ceux qui le cherchent avec droiture. Entre les deux, le chemin de crête difficile mais vertueux de l’espérance consiste à attendre Dieu de Dieu (rien moins que lui, et de lui seul) en refusant le « tout ou rien », sans opposer la lumière de sa vérité à celle de son amour, dans le respect absolu des personnes et de l’Alliance divine. Mais la question demeure : comment faire en pratique ?
Chemin d’espérance
On avance souvent que la “libéralisation” des mœurs de nos sociétés sécularisées est sans précédent, qu’elle atteint un tel degré que cela ne peut plus être ignoré par l’Église, et que des mesures nouvelles autant qu’exceptionnelles s’imposent. C’est oublier un peu vite que le Christ a pris le contrepied de la législation de son temps qui autorisait la répudiation. Oublier également que le christianisme s’est implanté dans une antiquité grecque et romaine où le divorce était chose parfaitement admise et courante, sans compter les invasions barbares. Or non seulement les premiers chrétiens l’ont toujours rejeté pour demeurer fidèles à l’enseignement du Christ, alors que ce n’était guère plus facile qu’aujourd’hui, mais cette évangélisation de la famille a eu pour effet improbable de le faire disparaître au moins de l’Occident pendant des siècles, ce qui montre que cette parole du Christ était autant un commandement exigeant qu’une vraie promesse de vie. De nos jours, il semble que l’esprit du monde prenne sa revanche et gagne ici jusqu’aux chrétiens eux-mêmes et quelques-uns de leurs pasteurs. Le sel de l’Évangile se serait-il affadi ? Aurait-il perdu sa force de conviction, de conversion et de contradiction ? Avons-nous encore la foi dans la puissance du Christ à transformer et transfigurer l’ethos des fidèles et la culture des nations ? La ferme espérance que tout pécheur même le plus endurci peut changer radicalement de vie, non sans la grâce de Dieu ? La charité de l’enseigner en parole et en acte ?
Ce chemin d’espérance pour l’humanité et pour l’Église doit passer aussi par le cœur des hommes. Il ne suffit pas de dire « à tout péché, miséricorde », mais il faut préciser : à tout pécheur qui se repent, Dieu ne refuse jamais son pardon — le repentir étant déjà un effet de la grâce à laquelle le pécheur n’a pas fait obstacle. Encore faut-il être en présence d’un vrai repentir, d’une conversion radicale (metanoia) qui suppose un retournement complet de son existence (aversio a creatura et conversio ad Deum). Et il faut accepter que cela puisse prendre du temps, parfois beaucoup de temps. Mais Dieu prend patience… Certains prêtres qui ont consacré une bonne partie de leur ministère à la pastorale des divorcés remariés nous avertissent qu’il faut tabler sur dix à vingt ans. Sommes-nous prêts à nous engager dans la durée, dans une démarche d’accompagnement autrement plus difficile que le simple fait de fermer les yeux en accordant le sacrement à ceux qui ne sont pas prêts à le recevoir en vérité, ou en le leur refusant sans leur proposer aucune voie d’espérance ? Les mêmes peuvent témoigner que l’enjeu en vaut la peine, et que l’on est pleinement récompensé de voir l’œuvre de Dieu dans les cœurs blessés qu’il vient visiter, soulager et guérir par la force et la tendresse de sa miséricorde. À condition de ne pas prendre l’enseignement de l’Église comme un obstacle à surmonter, un simple idéal à atteindre à l’optatif plutôt qu’à l’impératif (quand ça n’est pas tenu pour un irréel du passé) ; mais l’indicatif toujours présent d’un chemin de libération et de sanctification auquel le Seigneur invite très largement, pour avancer avec lui et vers lui en eaux profondes[14].
Cette pastorale du cheminement ne peut fonctionner bien sûr qu’avec ceux qui le désirent et qui veulent vraiment progresser dans la vie spirituelle, soit qu’ils ont découvert ou redécouvert le Christ, soit qu’ils n’ont jamais perdu la foi théologale[15]. Une autre condition est que cela se fasse dans un groupe d’accueil qui forme avec eux une petite communauté chrétienne d’insertion dans l’Église. On doit avant tout les écouter, les laisser exprimer librement leur souffrance, leur colère, leurs interrogations. Puis on leur fera prendre conscience qu’ils sont toujours enfants de Dieu, fils et filles du Père des miséricordes, le caractère baptismal ne pouvant jamais être effacé ; qu’ils ont alors la possibilité et la charge d’une vie filiale avec une mission à remplir dans l’Église ; peut-être déjà une certaine pratique de la prière et du service du prochain qu’il faut reconnaître et valoriser à juste titre. Dans un second temps, ils seront conduits à relire le propos du mariage et duministère[16] matrimonial (parental et conjugal) qui leur a été confié par le Christ, en se demandant comment ils peuvent encore l’exercer à la place qui est la leur. La question de la validité de leur lien sacramentel risquant de se poser régulièrement, il faudra les inviter à faire la vérité à ce sujet ; entamer si besoin est une procédure canonique de reconnaissance de nullité en les aidant à vaincre les appréhensions qu’elle peut susciter. Ils auront aussi à approfondir leur connaissance notionnelle et spirituelle du mystère de l’Eucharistie, de son fruit personnel et ecclésial, la soif de la communion pouvant être une source de progrès remarquable. Enfin, ce chemin passera par des pardons à accorder et à recevoir, et par une préparation lointaine au sacrement de pénitence, incluant l’étude de ses conditions et de ses effets ; mais aussi des gestes symboliques ou liturgiques qui ont une efficacité à ne pas négliger, tel le lavement des pieds que le Seigneur nous a commandé de faire à son exemple (mandatum). Pour certains, un aveu sans absolution peut être parfois envisagé.
L’expérience montre qu’un tel chemin est possible, exigeant mais fructueux, et qu’il peut déboucher sur une réconciliation et une pleine communion sacramentelle, lorsqu’on est parvenu à se situer dans la vérité et la fidélité à son alliance nuptiale indéfectible, fût-ce sur le mode de la séparation si la reprise de la vie commune n’est pas envisageable[17]. On sait que cela passe alors par l’engagement de vivre en « frère et sœur »[18] ou en amis dans le Seigneur. S’il ne faut pas le brandir trop vite devant des couples qui ne sont pas forcément prêts à l’entendre, et que l’on conçoit que cela puisse prendre à rebours l’hédonisme ambiant, il ne faudrait pas non plus le jeter trop facilement aux oubliettes comme étant passé de mode, incongru ou artificiel. Là encore, l’expérience montre que des couples qui veulent avancer sur un chemin de sainteté finissent par le comprendre, le désirer, le pratiquer et même apprécier cette voie d’une belle amitié qui est pour eux le seul moyen de retrouver une paix authentique, durable et profonde, dans la fidélité renouvelée à leur mariage sacramentel et le respect total de l’alliance avec le Christ. Et donc, il est permis de l’espérer et de le proposer en son temps.
Ordre des pénitents
La vraie difficulté n’est pas la communion eucharistique mais l’absolution, qui suppose le renoncement à son péché. C’est ce qui explique l’impossibilité d’admettre à l’eucharistie pas seulement les divorcés remariés mais « ceux qui persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste » (CIC, can. 915), appelés autrefois « pécheurs publics ». On gagnerait à le rappeler, sans doute en des termes moins abrupts, afin que les divorcés remariés ne se croient plus les seuls concernés par ce qui n’est d’ailleurs pas une mesure disciplinaire de l’Église, mais une impossibilité qui s’impose d’abord à elle. Et donc, notre réponse pastorale ne devrait pas non plus se focaliser sur leur seul cas — avec le risque de les enfermer dans une catégorie de péché, sans voir qu’ils sont avant tout des baptisés en quête de Dieu —, mais elle devrait être pensée plus largement pour tous ceux qui se trouvent dans la même situation, et que l’on pourrait appeler faute de mieux des « impénitents » ou des « non-sacramentalisables »[19].
Si l’on ne peut pas leur donner le sacrement de la pénitence, cela tient autant à l’obstacle qui se trouve en eux qu’aux conditions actuelles du sacrement, lequel suppose pour y entrer que la personne soit prête à recevoir l’absolution et à poser les trois actes du pénitent : le repentir (contrition), l’aveu de son péché (confession) et sa réparation (satisfaction)[20], avec le ferme propos de s’en détacher si ce n’est déjà fait, de ne plus recommencer et de faire pénitence. Ces éléments sont intangibles en eux-mêmes, faisant l’objet de définitions conciliaires, mais l’ordre dans lequel ils interviennent ne l’est pas, puisque ce n’est qu’autour de l’an 1000 que la pénitence a suivi habituellement l’absolution comme un effet du sacrement en vue de la réparation, alors qu’elle en était la condition préalable dans la pénitence antique[21], certes au titre de peine réparatrice mais aussi en tant que disposition à la contrition. De même la forme ordinaire du sacrement est devenue si l’on peut dire « instantanée », rassemblant tous ces éléments dans un acte rituel unique et bref, tandis que la pénitence antique s’étalait sur de nombreuses années et en plusieurs étapes liturgiques, depuis l’entrée dans l’ordre des pénitents jusqu’à la réconciliation finale. Or c’est exactement le cas de figure des divorcés remariés, et plus généralement de tous ceux qui peinent à se détacher complètement de leur péché, qui ont besoin pour cela d’un cheminement sur le temps long. Dans sa forme actuelle, le sacrement de la pénitence ne peut plus intégrer cette dimension temporelle et progressive, alors que c’était le propre de la pénitence antique, qui se pratiquait d’ailleurs encore au Moyen Âge et qui n’a jamais été supprimée[22]. Sur ces deux points, le régime de la pénitence serait donc susceptible de s’enrichir de nouveau, et il serait bon qu’il le fasse car c’est là un vrai manque[23], en intégrant à côté des trois formes sacramentelles déjà prévues dans le rituel en vigueur[24], une autre forme « extraordinaire », à la fois nouvelle et profondément traditionnelle. L’histoire encore récente montre que pour engager une telle réforme, un simple motu proprio paraît suffire ; mais il serait sans doute opportun d’y consacrer d’abord une assemblée du synode des évêques, de même que le synode de 1980 sur la famille[25] avait été suivi par celui de 1983 sur la pénitence[26].
Outre l’avantage de la durée, qui était aussi sa faiblesse en l’absence d’autres formes, la pénitence antique conférait un statut canonique et ecclésial selon un régime fixé par les canons des Conciles, d’où son nom courant à l’époque de « pénitence canonique ». On peut évidemment le recevoir comme une peine afflictive et infamante ; et en cela, la discipline de l’Église a bien changé, qui dissocie désormais le for judiciaire du for sacramentel. Mais il s’agit d’abord d’une marque de protection et de reconnaissance d’un lien qui demeure établi malgré tout. En effet, le pécheur reste membre de l’Église ; elle est même faite pour lui, car l’Église est sainte quoique faite de pécheurs, afin qu’ils reçoivent la sainteté qu’elle tient de son époux le Christ. Il faut donc redire sans cesse que le divorcé remarié n’est pas excommunié en tant que tel, même s’il est exclu de la communion eucharistique comme les autres « pécheurs publics ». Mais il comprendra d’autant mieux qu’il fait bel et bien partie de l’Église si l’on peut lui annoncer officiellement qu’il a sa place traditionnelle dans un « ordo », à côté de l’ordre des vierges et de l’ordre des veuves, de l’ordre des catéchumènes et de l’ordre des moines. Et cela n’est pas rien : d’expérience, cette simple reconnaissance de son existence ecclésiale peut déjà le pacifier et ôter un premier obstacle à la réconciliation.
Mais il y a plus. L’ordo ne consiste pas seulement à ranger chaque chose dans un tout selon un certain critère d’ordre ; il ne se contente pas d’établir un statut ou un état de vie de manière statique. Il indique aussi une finalité et une dynamique (ordo ad finem), un ordre de marche et de progrès, une règle de vie et une mission. Ainsi, ceux que l’on désigne comme des « états de perfection » sont plutôt en réalité des « voies de perfectionnement », la sainteté (in facto esse) restant à acquérir (in fieri). C’est encore plus clair pour l’ordre des catéchumènes, qui prépare de manière transitoire à recevoir les sacrements de l’initiation, de même que l’ordre des pénitents prépare à la réconciliation. On comprend que les deux itinéraires aient été mis en parallèle (la pénitence comme un « second baptême », ou « baptême des larmes ») et qu’on les retrouve l’un et l’autre dans les institutions liturgiques du Carême auxquelles ils ont donné naissance : imposition des cendres, jeûne quadragésimal et réconciliation publique des pénitents au soir du Jeudi saint (c’est justement le lavement des pieds) ; accueil décisif, grandes catéchèses baptismales, scrutins et illumination des catéchumènes dans la Vigile Pascale. Dans les deux cas, une même renonciation à Satan et à ses pompes, une même lutte contre le péché jusqu’en ses conséquences, un même salut obtenu par la victoire finale du Christ sur la Croix, recueilli dans le sang de l’Agneau.
D’où la proposition formulée au synode de 1983 de s’inspirer du nouveau Rituel de l’Initiation chrétienne des adultes pour établir une liturgie de l’accueil et de la réconciliation de ceux qui reviennent à l’Église après un temps d’éloignement et qui pourraient constituer là aussi un nouvel ordre des pénitents[27]. Cela revient à considérer cette démarche de réconciliation par étapes et dans la durée comme un second catéchuménat (c’est également l’idée du « chemin néo-catéchuménal », qu’on pourrait encore qualifier d’itinéraire deutéro-baptismal). On gagnera donc à imiter le nouveau rituel de l’initiation, pas seulement pour le transposer à la situation des « recommençants » et plus largement de tous ceux qui ont besoin d’un cheminement pénitentiel ; mais en faisant comme lui la restauration d’une institution remontant aux IIIe et IVe siècles, dont on avait perdu peu à peu l’utilité en régime de chrétienté, mais qui redevient nécessaire dans le temps qui est le nôtre.
Pour autant, il ne s’agirait pas d’une reprise à l’identique, pas plus que le nouvel ordo des catéchumènes n’a rétabli par exemple le « sacrement du sel »[28]. C’est que depuis, l’intelligence du dépôt a progressé, et certains éléments qui paraissaient typiques sont désormais compris comme n’étant pas attachés à l’essence de ces sacrements. De même pouvons-nous nous départir à présent de la confusion regrettable qui s’était établie jadis entre peine (poena) et pénitence (paenitentia, plutôt que poenitentia)[29]. Ainsi, nul besoin de rétablir le régime des peines de la pénitence antique dont la sévérité avait conduit à sa désaffection. D’ailleurs, la seule peine qui se soit imposée en tous temps et en tous lieux pour tout péché public, et qui demeure aujourd’hui, consiste en la privation de l’eucharistie, qui n’est pas une peine (même si cela peut être vécu ainsi) mais une impossibilité tenant à la cohérence des sacrements.
Pénitence sacramentelle
Admettons qu’il y aurait un changement de taille dans la succession des actes requis du pénitent, qui n’est pas quant à elle intangible. Dans la pénitence antique, avant d’entrer dans l’ordo paenitentium, il fallait déjà avoir satisfait à la condition de renoncer à son péché et mis un terme au trouble public qu’il avait engendré. Ensuite, on faisait pénitence pour un temps, mesurée par la gravité de l’offense et par la disposition intérieure du pénitent ; sa durée pouvait donc, selon les cas et les époques, être fixée par avance (pénitence tarifée) ou rester au contraire indéterminée, le temps qu’il fallait pour être prêt à recevoir la réconciliation. Le régime actuel, on l’a vu, exige lui aussi un tel renoncement préalable au péché, mais la pénitence est reportée après le pardon. Dans l’ordo paenitentium rénové, il s’agirait de revenir au régime antérieur en ce qui concerne la pénitence, qui redeviendrait un préalable à la réconciliation ; ce qui correspond déjà à la pratique et ne devrait donc pas soulever en soi de difficulté majeure. En revanche, on n’exigerait plus la conversion totale à l’entrée de la pénitence ; elle en serait plutôt le fruit, la mesure de sa durée, et la condition du pardon. Autrement dit, on n’attendrait plus d’être parfaitement converti pour faire pénitence, mais on ferait pénitence jusqu’à être parfaitement converti, en vue d’obtenir cette conversion comme une grâce du sacrement et d’être ainsi rendu prêt à recevoir la réconciliation sacramentelle.
Le régime de cette pénitence préalable à la réconciliation a été fixé par le magistère : on invitera les divorcés remariés (et sans doute tous ceux visés par le canon 915) « à écouter la Parole de Dieu, à assister au Sacrifice de la messe, à persévérer dans la prière, à apporter leur contribution aux œuvres de charité et aux initiatives de la communauté en faveur de la justice, à élever leurs enfants dans la foi chrétienne, à cultiver l’esprit de pénitence et à en accomplir les actes, afin d’implorer, jour après jour, la grâce de Dieu »[30] — ou encore : « désirant qu’ils développent, autant que possible, un style de vie chrétien, par la participation à la Messe, mais sans recevoir la Communion, par l’écoute de la Parole de Dieu, par l’adoration eucharistique et la prière, par la participation à la vie de la communauté, par le dialogue confiant avec un prêtre ou un guide spirituel, par le dévouement à la charité vécue et les œuvres de pénitence, par l’engagement dans l’éducation de leurs enfants »[31].
Ce qui manque simplement, c’est de reconnaître que tout ceci correspond à un ordo, à un régime canonique de la pénitence ; et que cette pénitence est déjà sacramentelle, depuis les actes du pénitent qui en fournissent la matière jusqu’à la parole d’absolution qui en donne la forme pour constituer alors le sacrement proprement dit de la pénitence et de la réconciliation. On verrait mieux que la pénitence ainsi définie n’est pas détachée du sacrement en tant que simple condition préalable, mais qu’elle en fait partie intégrante, même à distance de plusieurs années de la réconciliation, car elle en constitue non seulement la matière mais aussi un fruit anticipé ; la grâce du sacrement venant prendre et soutenir cette pénitence à la fois extérieure et intérieure pour la transformer ultimement en contrition parfaite. Ainsi, ces pénitents ne seraient plus considérés comme étant exclus du régime sacramentel : au contraire, ils entreraient le sachant et le voulant dans ce grand sacrement de la résurrection qui, peu à peu, fera de ces « morts » des « vivants », pour qu’ils aient la vie en plénitude.
D’une certaine manière, le nouveau rituel de la pénitence a préparé la voie à une telle restauration de la pénitence antique : d’une part en voulant replacer la célébration du rite dans son cadre ecclésial communautaire et liturgique, ce qui lui redonne un caractère public et solennel ; d’autre part en prévoyant à côté des trois formes sacramentelles une quatrième forme pénitentielle[32], souvent méconnue (sans doute parce qu’elle ne se trouve que dans les rubriques). Il s’agit des « célébrations pénitentielles non sacramentelles », sans aveu individuel ni absolution, dont il est indiqué justement que les divorcés remariés peuvent s’y joindre comme tous les fidèles, et qu’elles préparent de manière utile à la confession en exprimant le repentir et le désir permanent de conversion, spécialement durant les temps favorables que sont l’Avent et le Carême. Il est dommage qu’elles soient présentées comme « non sacramentelles » du fait qu’elles ne comportent pas l’absolution, car les rubriques précisent pourtant qu’elles « peuvent intervenir comme étapes d’une réconciliation sacramentelle vers laquelle elles sont orientées », ce qui est justement une caractéristique de l’ordo paenitentium. On retrouve ici quelque chose du catéchuménat, dont les étapes sont orientées vers la célébration du baptême. Si elles ne sont pas sacramentelles, au sens où le sacrement proprement dit n’a pas encore été administré, elles font cependant partie de la célébration complète du rite, dans sa globalité. De même que la célébration de l’Eucharistie ne se réduit pas au récit de l’Institution mais comprend toute la Messe. Ces étapes et ces rites préparatoires s’analysent donc en autant de sacramentaux, non seulement en tant qu’ils sont relatifs au sacrement et qu’ils disposent à sa réception, mais parce qu’ils forment avec lui une unité liturgique. En jouant un peu sur les mots, ou plutôt en les prenant dans un sens strict mais quelque peu inhabituel, on pourrait considérer qu’il s’agit bien d’une pénitence sacramentelle mais non pas encore d’une réconciliationsacramentelle. Mais le sacrement, c’est le tout.
Loi de gradualité
La dernière assemblée du synode des évêques s’est aussi interrogée sur la « loi de gradualité »[33], qui avait été proposée au synode de 1980 sur la famille[34] et retenue par le pape Jean-Paul II dans Familiaris consortio n. 9, avec l’exigence remarquée au n. 34 de ne pas confondre « loi de gradualité et gradualité de la loi »[35]. Depuis,cette expression n’a pas été souvent reprise par le magistère[36] et nécessiterait des éclaircissements théologiques[37]. Le fait est que si la loi de gradualité reste comprise dans le cadre d’une morale de la loi, elle risque de relativiser celle-ci au vu de ce que les personnes peuvent actuellement en vivre dans la situation qui est la leur, ce qui aboutit à la « gradualité de la loi » que dénonçait Jean-Paul II ; alors qu’il faut au contraire présenter le but à atteindre en se proportionnant non pas à nos seules forces mais à celle de la Parole de Dieu et de sa grâce[38]. La loi de gradualité oblige donc à repenser l’ensemble de la théologie morale sous l’angle des vertus humaines et théologales, en y réintégrant toute la dimension du progrès spirituel[39] ; ce qui la transforme en un « cheminement pédagogique de croissance » et un « processus dynamique » constamment orienté et tendu vers le bien véritable, un itinéraire de conversion et de progression « pas à pas »[40] vers la sainteté.
Nous pensons que l’ordo paenitentium constitue non seulement un lieu d’application par excellence de la loi de gradualité mais déjà l’une de ses sources anciennes. Il en est aussi une pierre de touche, car il permet de vérifier objectivement que l’on n’est pas en train d’établir même sans le vouloir un régime de « gradualité de la loi » qui confondrait le chemin de conversion et de renoncement au mal avec un itinéraire de progrès spirituel dans le bien et dans l’état de grâce ; faisant de la distinction entre le bien et le mal une simple différence de degrés et non plus de nature. Entre l’état de grâce et l’état de péché, il n’y a pas de continuité ni d’intermédiaire, même s’il y a de part et d’autre la possibilité de progrès ou de régression. Aussi ne saurait-on prendre le schéma ecclésiologique des degrés de communion de Lumen Gentium n. 8 pour l’appliquer même par analogie au cheminement du pécheur[41], car précisément la pratique du dialogue œcuménique suppose qu’au-delà d’un siècle le frère séparé n’a plus l’intention personnelle de participer au péché de schisme, ce qui n’est pas le cas des premières générations qui sont toujours soumises à la discipline de l’Église. De même, le bien ne doit pas être présenté comme un idéal facultatif mais comme la fin que l’on doit s’efforcer réellement d’atteindre par des actes qui s’inscrivent toujours plus dans la bonne direction ; telle une marche à petits pas qui à force de persévérance finit par toucher le but. C’est seulement à cette condition que l’on peut admettre une réalisation progressive par étapes.
La pénitence antique témoignait ainsi d’une certaine gradualité, qui conduisait le pécheur d’étapes en étapes jusqu’à la réconciliation publique. Déjà Tertullien fait état de deux degrés : ceux qui doivent rester en dehors de l’église (paenitentia pro foribus ecclesiae) et ceux qui sont admis à l’intérieur (paenitentia in ecclesiam inducta). Puis on distingue parmi ces derniers entre ceux qui ont fait la démarche d’entrer en pénitence (petentes paenitentiam), qui doivent quitter l’église juste après la liturgie de la Parole et la prédication (audientes), et ceux qui y sont admis officiellement (proprie paenitentes), qui assistent à la célébration des mystères mais à genoux, afin de recevoir la bénédiction des pénitents qui est donnée en Occident à la fin du service divin. En Orient, cette bénédiction a lieu plus tôt, après le renvoi des catéchumènes, de sorte qu’il y a encore ceux qui partent une fois qu’ils l’ont reçue des mains de l’évêque (substrati), et ceux qui restent jusqu’à la fin de l’office et peuvent y assister debout (stantes ou consistentes),sans prendre part cependant aux oblations et à l’Eucharistie pour le temps qui les sépare de leur réconciliation[42]. Le temps de l’admission à la pénitence peut être lui-même assez long : Denys d’Alexandrie exige ainsi des apostats qu’ils demeurent trois ans audientes avant de passer dix ans substrati. Au total, on aboutit donc à quatre classes de pénitents ou quatre « stations pénitentielles », attestées dans leur ensemble dans les Églises d’Asie mineure, comme chez Grégoire le Thaumaturge : « Ceux qui pleurent en dehors des portes de l’église (flentes) ; ceux qui sont admis dans le narthex à écouter les lectures liturgiques et sont renvoyés aussitôt après (audientes) ; ceux qui sont admis dans l’église même, y demeurent prosternés et sortent avec les catéchumènes (substrati) ; ceux enfin qui restent debout pendant que s’accomplit la synaxe eucharistique mais qui ne peuvent participer aux dons consacrés (stantes). »[43]
Peut-être est-il possible de reprendre ces « stations » liturgiques et canoniques pour décrire un processus spirituel en étapes, inspirées aussi du catéchuménat et de la pastorale du cheminement décrite plus haut. Le critère ne peut plus être « physique », l’admission au bâtiment église ou à telle partie de la célébration, puisqu’on ne le fait plus pour les catéchumènes. Mais on peut retenir les dons reçus au fur et à mesure, les lumières découvertes et acquises, le degré de détachement du péché et d’enracinement dans la conversion ; en somme le passage effectif à un autre stade ou état intérieur, ce qui doit se vérifier par l’accompagnement et le discernement spirituel[44]. Cela pourrait donner lieu aux quatre étapes suivantes :
1. « Pleurants » (flentes) — Il s’agit d’abord d’accueillir ou plutôt d’aller chercher[45] tous ceux qui pleurent en dehors de l’Église parce qu’ils s’en croient rejetés, excommuniés. D’établir avec eux un climat de confiance et de bienveillance, d’estime et d’écoute ; de leur laisser exprimer ce qu’ils ont sur le cœur : leurs difficultés, leur révolte, leur propre analyse de la situation ; puis de leur montrer par une reformulation de leurs attentes qu’ils sont entendus. Ce sera le lieu d’une première annonce kérygmatique et d’une invitation à prendre le temps d’écouter eux aussi la réponse du Christ à leurs questions. S’ils veulent alors faire leur chemin en Église, on pourra passer à l’étape suivante, en concluant par une prière liturgique de bénédiction qui leur fera entendre la voix du Père qui pose la main sur eux et reconnaît en eux ses enfants perdus, la voix du Fils qui a livré d’avance sa vie pour eux, la voix de l’Esprit qui parle à leur esprit pour les conduire à travers des voies qu’ils ignorent jusqu’à la vraie vie.
2. « Auditeurs » (audientes) — Dans la deuxième étape, on les invitera à être assidus à l’écoute de la Parole de Dieu, dans le silence de leur méditation personnelle et dans la grande assemblée ; user le seuil de la Maison de Dieu en assistant à la célébration des mystères ; ressaisir dans une catéchèse d’adulte les points qui font difficulté en les replaçant dans un tout selon la connexion des mystères entre eux et la hiérarchie des vérités de la foi ; reprendre conscience du don reçu au baptême et à la confirmation, puis dans le mariage sacramentel ; établir ce qu’ils vivent déjà de l’Évangile ; relire enfin l’action de Dieu dans toute leur vie. Cette étape peut être marquée par la remise liturgique des Écritures, avec le parrainage d’un ou deux membres de la communauté, ou même d’un couple si cela convient.
3. « Appelés » (substrati) — Lorsque la personne est prête, elle peut faire la demande d’entrer officiellement dans l’ordre des pénitents, de préférence par un appel décisif de l’évêque avec imposition liturgique des cendres au début du Carême (in capite jejunii) et inscription du nom sur le registre des pénitents. Cela marque une étape spirituelle importante, celle du cœur qui se déchire pour s’ouvrir à la grâce. Durant le temps qui commence alors, le pénitent est invité à mener une vie de fidélité au devoir d’état et à ses responsabilités selon le programme défini plus haut[46] ; accomplissant en particulier les traditionnelles œuvres de miséricorde chères aux confréries de pénitents, qui pourraient retrouver ici leur origine. Cette pénitence est tout simplement celle du Carême selon ses trois axes (jeûne, prière, partage), ce que tout chrétien devrait toujours faire en temps normal. La pénitence extérieure étant le signe et l’instrument de la pénitence intérieure, qui doit conduire à la contrition, à la reconnaissance devant Dieu de son péché et à la demande insistante de son pardon ; il sera alors nécessaire d’implorer du Seigneur sa lumière sur les multiples pardons à accorder et à recevoir, qui peuvent être enfouis très profondément dans le cœur. Pour accompagner cette étape au plan liturgique, il peut être bon de pratiquer les « cérémonies pénitentielles non sacramentelles » déjà signalées, qui prolongent la liturgie pénitentielle de chaque messe, ou encore l’aveu sans absolution sacramentelle s’il est bien compris, sans oublier le geste si parlant du lavement des pieds, qui n’est pas réservé au Jeudi saint. Dans le parallèle avec l’initiation des catéchumènes, c’est le temps de la purification et de l’illumination avec les « scrutins » : exorcismes, tradition et reddition du Credo, onction de l’huile sainte.
Cela n’aurait aucun sens d’entrer dans un tel « chemin de pénitence » si l’on ne reconnaissait pas humblement son péché avec le désir d’en être purifié, de « s’étendre à même le sol » (substrati) devant le Seigneur pour qu’il vienne lui-même nous relever. De même, il ne serait pas juste d’y mettre un terme par la réconciliation sacramentelle si les conditions n’en étaient pas remplies, donc tant que subsiste le lien qui s’y oppose, que ce soit celui d’un remariage ou de tout autre engagement contraire à l’Évangile. Une telle absolution serait mensongère, et l’on est fondé à croire qu’elle serait invalide. Ce temps est avant tout celui de la libération des chaînes intérieures, ce qui n’est pas à la portée des hommes et que Dieu seul peut accorder en son temps, même si ce n’est peut-être pas pour cette terre. On peut du moins espérer que pour ceux qui en auront pris résolument le chemin, la mort sera leur réconciliation et leur porte du salut, de même que le catéchumène rappelé au Seigneur avant son baptême et dans de bonnes dispositions en recevra alors la grâce sans le signe.
4. « Engagés » (stantes) — Pour certains, le travail de la grâce leur donnera finalement la force de s’engager à rompre définitivement leur lien désordonné d’une manière ou d’une autre, de sorte qu’ils pourront se remettre debout (stantes). Dans le cas des divorcés remariés, cela peut se produire simplement par la mort du conjoint, qu’on ne saurait bien sûr souhaiter. Autrement, en dehors des cas moins rarissimes qu’on ne le croit d’une reprise de la vie commune, la seule solution sera l’engagement à vivre « en frère et sœur ». Il ne s’agit pas simplement de la continence, mais bien de la transformation du regard et de l’acquisition de la pureté intérieure qui permet de redevenir fidèle en vérité à son alliance, fût-ce sur le mode d’une séparation qui a pu s’avérer légitime. Le fait est que seule la grâce donne de comprendre et de vivre ce qui relève déjà de la justice naturelle, dont les hommes ont perdu l’intelligence. Si un tel engagement est donc possible et souhaitable, il reste qu’il doit être longuement mûri et librement choisi, avec la confirmation de l’accompagnateur spirituel. Un premier engagement privé pourra être suivi d’une période de probation au moins jusqu’au Carême, pour permettre la réconciliation solennelle par l’évêque au soir du Jeudi saint, selon un rituel parallèle à celui des néophytes de la Vigile Pascale, dans la pureté des vêtements blancs lavés par le sang de l’Agneau. Ensuite s’ouvre le temps de grâce de la mystagogie et du témoignage.
Communion spirituelle
Une autre expression qui a laissé les pères synodaux dans la perplexité[47] est celle de la communion spirituelle : si l’on peut communier spirituellement, pourquoi ne pourrait-on pas communier sacramentellement ? Si la grâce est donnée sans le signe, qu’est-ce qui empêche d’en recevoir aussi le signe ? Au-delà de la cohérence déjà signalée entre les sacrements se trouve engagée ici une difficulté théologique d’une grande ampleur : le risque de disjoindre dans les sacrements l’ordre du rite de l’ordre de la grâce, reproduisant l’erreur bellarminienne d’une ecclésiologie de la visibilité et de l’institution séparable (et du coup séparée) d’une ecclésiologie de l’intériorité et de la communion que revendiquait Luther. Pourquoi me compromettre avec la société des pécheurs si j’ai part à celle des saints ? Quel manque y a-t-il à être privé de l’Eucharistie si je puis en être nourri sans même la recevoir ? Et plus largement, pourquoi le Verbe s’est-il incarné si je puis aussi bien entrer en communion avec Dieu sans passer par la chair de l’Église et des sacrements ? La question est donc d’importance.
Nous nous bornerons ici à rappeler comme d’autres l’ont déjà fait[48] que l’expression « communion spirituelle » est analogique et qu’elle comprend en réalité trois sens possibles qu’il serait dangereux de confondre, même en étant bien intentionné. Le premier sens est celui de la grâce du sacrement : en recevant le signe sacramentel dans de bonnes dispositions, on en reçoit également la grâce. On a fait alors une communion non seulement sacramentelle mais spirituelle. Tandis que si l’on est mal disposé ou indigne, on reçoit le signe sans la grâce ; la communion est alors « seulement sacramentelle ». Le second sens est le plus usuel : il vise un chrétien qui vit habituellement de la grâce des sacrements, et qui là encore est en de bonnes dispositions, donc en état de grâce, mais qui pour une raison accidentelle n’a pas pu recevoir le sacrement. Il peut faire alors une offrande spirituelle, dans la foi vive c’est-à-dire informée par la charité, et recevoir la grâce du sacrement sans le signe. C’est la « communion de désir », et plus largement le « sacrement de désir » : c’est le cas du catéchumène qui se prépare à recevoir le baptême par une foi droite et qui pourrait déjà en recevoir la grâce (l’adoption filiale et l’effacement du péché originel), ce qui ne le dispense pas de recevoir le signe sans lequel il n’aurait pas le caractère qui lui donne accès aux autres sacrements. Ce que l’on ne perçoit pas la plupart du temps, c’est que le magistère a utilisé récemment cette expression[49] dans un sens en apparence proche mais en réalité complètement nouveau, et qui constitue un troisième sens à distinguer très soigneusement des deux précédents.
Le troisième sens vise celui qui ne peut pas recevoir le sacrement, non pour une raison accidentelle mais parce que quelque chose y fait obstacle en lui. S’il s’agit du catéchumène, l’obstacle à la réception de l’eucharistie est qu’il n’a pas encore reçu le baptême ; mais s’il est dans de bonnes dispositions, il peut en recevoir la grâce : cela nous ramène au sens précédent. De même, l’enfant qui n’a pas fait sa première communion, s’il est bien disposé, peut et doit faire des communions spirituelles pour se préparer à la communion sacramentelle. L’obstacle que l’on considère dans le troisième sens est donc d’un autre ordre : il s’agit plutôt de celui qui est indigne, mal disposé ou dans un état de péché. On comprend alors qu’il ne puisse pas en recevoir le signe, car il ne peut pas non plus en recevoir la grâce ; autrement le signe serait mensonger et il le recevrait comme dit l’Apôtre pour sa propre condamnation. Reste qu’il peut et qu’il doit conserver le désir du sacrement, qui n’est pas un sacrement de désir mais l’espérance et la ferme intention que l’obstacle qui se dresse entre lui et le sacrement puisse un jour être levé et qu’il puisse alors y accéder. C’est donc si l’on veut une « communion spirituelle » mais « en espérance » seulement et non en fruit de charité. Elle ne produit pas la grâce sanctifiante en tant que donnée par le sacrement, mais elle peut néanmoins être source de grâce, celle du repentir et de la contrition. Tant que le pécheur conserve ce désir du sacrement avec la perception d’autant plus vive de ce qui l’en sépare, il reste un espoir qu’il se convertisse et change de vie. Autrement, s’il perd et le désir de la communion et le sens de son péché, il risque alors de s’y enfermer durablement.
Fort bien, mais la question lancinante se repose : en quoi le divorcé remarié est-il concerné par ce dernier cas de figure ? Peut-on dire qu’il soit en « état de péché », alors qu’il n’en a pas conscience, qu’il vit par ailleurs de belles choses et témoigne de fruits de grâce dans sa vie ? Qu’il y ait des grâces, c’est indéniable, mais elles peuvent être liées à la foi théologale que le péché ne fait pas disparaître (sauf s’il s’agit d’un péché contre la foi). Qu’il n’y ait pas de sens de péché, c’est justement là le problème ; même si cela ne doit pas nous étonner, car le monde actuel n’a de cesse de le nier, qui voudrait « donner le Bon Dieu sans confession ». Reste que le divorcé remarié a posé un acte qui contredit l’engagement pris dans son premier mariage qui, s’il est valide, demeure le seul véritable. On ne peut pas se contenter d’opposer ici l’aspect objectif des choses à la dimension subjective des intentions et des sentiments : le mariage est par nature un acte public de volonté qui unit les deux plans. Il y a bien eu dans le premier mariage la volonté de chacun des deux futurs époux de s’engager avec l’autre dans une communauté de vie stable, définitive et exclusive, l’échange d’un « oui pour la vie » ; et dans le cas du divorcé remarié, une parole de rupture, de révocation de cette alliance, et une autre parole publique d’un engagement nouveau avec une tierce personne qui vient exclure de manière plus radicale encore le premier conjoint. Certes, on peut être une partie innocente dans un divorce, mais le réengagement est bien quant à lui un acte libre et responsable. Et il ne faudrait pas invoquer trop vite des circonstances qui viendraient diminuer voire supprimer la responsabilité, ou la méconnaissance de ce que ces engagements impliquent réellement, car ce serait du coup un motif de nullité de l’un ou l’autre mariage et la question serait toute différente. Ce serait d’ailleurs la même situation pour un concubinage sans remariage : même s’il n’y a pas eu de parole publique de réengagement, il reste un lien de fait qui est l’expression tant objective que subjective de ne pas respecter la parole échangée lors du premier mariage. Or cet acte de volonté contraire au vœu du mariage demeure aussi longtemps que dure la volonté de mener la vie commune avec un autre que son conjoint légitime. Et même si l’on voulait rompre cette seconde union sans pouvoir y parvenir, à cause de sa faiblesse, du refus du conjoint ou de la responsabilité des enfants, il reste encore la volonté de n’en rien faire. D’où la difficulté de parler ici de « communion spirituelle » en un sens qui impliquerait que la grâce d’un sacrement puisse être donnée en contradiction avec la grâce d’un autre sacrement. Il ne peut s’agir que d’un désir de communion, d’une communion en espérance.
L’enjeu est bien ici celui d’un discernement spirituel au service des âmes. Cette vérité peut être dure à entendre, mais ce n’est pas une raison pour la taire ou la nier. Cela doit se faire dans la charité, en acceptant que l’autre puisse avoir besoin de temps pour « aller à la vérité », la faire émerger dans son cœur, la reconnaître comme telle, l’accepter et en tirer les conséquences. Il y a aussi une charité du langage, qui consiste à trouver les termes justes pour le dire de manière audible, sans pour autant faire entorse à la vérité. Car la vérité sans la charité n’est pas la vérité ; de même que la charité sans la vérité n’est pas la charité. On le voit par exemple pour ce qui concerne la « nullité » du mariage, qui ne doit pas être comprise comme une nullité existentielle de ce que les couples ont vécu, ou des fruits que sont les enfants. Pourtant, il faut être ferme sur ce vocabulaire, qui ne doit pas non plus faire croire que l’Église « annule » un mariage tandis qu’elle se borne ici à reconnaître ce qui est ou n’est pas. De même devrait-on être attentif à l’expression « divorcé-remarié », qui est impossible à éviter si l’on veut bien se faire comprendre, mais qui n’est pas juste puisque l’Église ne reconnaît ni le divorce, ni le remariage, mais simplement la séparation et l’existence d’un réengagement qui ne peut pas être un mariage. Il serait donc plus exact de parler de « séparés-réengagés »[50], tant dans le magistère que dans la pastorale, afin de bien manifester que l’Église n’adopte pas sur cette question le point de vue du monde, ce qui est une condition de sa libération.
En plus de la communion spirituelle eucharistique, qu’il faut bien entendre, l’Église dispose de nombreux autres gestes qui manifestent en elle l’amour du Seigneur pour le pécheur et non pour son péché et le lien qu’il désire conserver avec lui pour l’en délivrer. Ce sont donc des gestes de communion pour tous ceux qui, sans être en communion plénière avec Dieu et son Église, ne sont pas non plus en rupture totale, à qui il convient d’exprimer la charité que l’on conserve à leur égard, et même la communion à leur souffrance. Il existe ainsi tout un panel de bénédictions et de sacramentaux, qui ne consistent pas à « dire du bien » du péché mais à reconnaître et soutenir le propos du pécheur de s’en écarter progressivement. Traditionnellement, il y avait la bénédiction générale des pénitents à la fin de la messe, qui a été remplacée par l’usage déjà fort répandu[51] mais qui reste encore à évaluer[52] d’une bénédiction individuelle dans la procession de communion, avec tous ceux qui pour une raison ou pour une autre ne peuvent pas encore communier (enfants avant leur première communion, catéchumènes, etc.). Dans ce registre, on peut regretter la disparition de la pratique pourtant très ancienne et universelle dupain béni ou eulogie[53], qui signifiait d’une manière sensible et chaleureuse la communion de l’Église avec les non-communiants.
Pèlerins de l’Alliance
Ne nous leurrons pas : la pénitence n’a jamais eu bonne presse et ne saurait attirer les foules. Mais il ne faudrait pas qu’elle devienne cette pilule amère qui décourage le malade au point de le faire désespérer de la guérison. Le fait est que la pénitence antique s’est condamnée elle-même par un régime excessif qui n’était pas lié à son essence, au bénéfice de formes pénitentielles plus accessibles qui ont fini par la remplacer. Il convient d’en conserver la double leçon. Parmi ces formes de substitution, le pèlerinage pénitentiel (peregrinatio)[54] eut son heure de gloire, d’abord du VIe au XIIe siècle dans le cadre de la pénitence tarifée, puis à partir du XIIIe siècle en s’affirmant comme une troisième forme de pénitence, publique et non solennelle, à côté de la pénitence publique solennelle et de la pénitence privée. Tout pèlerinage ne relevait pas de la pénitence expiatoire, loin s’en faut, puisqu’il y a toujours eu ce que l’on peut appeler par contre-distinction le pèlerinage dévotionnel ; mais tout pèlerinage comportait du fait de sa difficulté et de sa dangerosité une part d’aventure, de sacrifice et de pénitence. Après avoir presque disparu dans les temps modernes, étant assimilé par les pouvoirs publics au vagabondage (un Benoît Labre en fit parfois les frais), le pèlerinage trouve depuis quelques décennies un certain regain d’actualité, puisque l’on assiste à un nouvel engouement pour les sanctuaires et les chemins de pèlerinage, à commencer par celui de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il faut être attentif au fait qu’il est dans bien des cas le lieu d’expression d’une religiosité pas seulement populaire[55] mais marginale, pour un certain nombre de ceux qui ne trouvent plus leur place dans l’Église et dans les églises paroissiales, du fait de leur situation « hors-norme » au plan de la foi ou des mœurs. Cela reste pour eux un lieu de rattachement alternatif et de communion informelle non seulement à Dieu mais aux ancêtres dans la foi, conduisant leurs pas sur leurs traces. Avec les cendres et les rameaux, cela fait également partie de ces gestes religieux que peuvent encore accomplir même les plus grands pécheurs et ceux qui sont loin de l’Église, d’où leur popularité qui ne se dément pas.
Pour toutes ces raisons, il peut être judicieux de présenter le « chemin pénitentiel » dont il a été question dans ces pages avant tout comme un chemin de pèlerinage ; l’essentiel n’étant pas d’arriver mais de partir et de persévérer dans la bonne direction, comme l’enseigne le Psaume premier qui déclare bienheureux celui qui s’avance sur une voie de bonheur. C’est la condition voyagère du chrétien[56], homo viator, en marche sur cette terre vers la patrie céleste ; car c’est la condition adoptée par le Christ[57] viator et comprehensor, mais aussi celle de l’Église, « voyageuse » et « en marche vers Dieu », qui « accomplit son pèlerinage sur terre » et « sa marche vers l’éternelle béatitude », et qui « ne recevra son achèvement que dans la gloire céleste »[58]. Il n’était pas inhabituel de rester à vie dans l’ordre des pénitents ; de même aujourd’hui certains pécheurs restent prisonniers de liens dont ils n’arrivent pas à s’extraire, sans que l’on trouve de vraie solution. Puissent-ils au moins faire ce qu’ils peuvent et être trouvés par le Seigneur en condition de marche vers la Jérusalem céleste.
Des études ont montré que les couples qui tiennent sont ceux qui savent pardonner. Il en va de même pour les communautés, et pour l’Église à travers les âges. La désaffection pour le sacrement de la pénitence n’est pas que le signe d’une crise religieuse : elle en est aussi la cause. Gageons qu’une rénovation de ce grand sacrement de la libération et de la résurrection entraînera un nouvel élan pour l’Église, tel celui que fit naître le cri de S. Dominique : « Mon Dieu, ma miséricorde ! Que vont devenir les pécheurs ? »
Thomas Michelet, op
[1] Par exemple, Card. W. Kasper, L’Évangile de la famille, Paris, Cerf, 2014 (texte de son intervention à l’ouverture du consistoire extraordinaire des cardinaux sur la famille, le 20 février 2014).
[2] Pour plus de détails, voir les argumentations suivantes : J. Corbett, O.P., et al., « Recent Proposals for the Pastoral Care of the Divorced and Remarried : A Theological Assessment », Nova et Vetera - English Edition, 12/3 (2014) 601-630 (traduction française en ligne) ; Card. G. L. Müller, Le pouvoir de la grâce, Les Plans-sur-Bex, Parole et Silence, 2014 ; Card. W. Brandmüller, R. L. Burke, C. Caffara, V. De Paolis, G. L. Müller et al., Demeurer dans la vérité du Christ, Perpignan, Artège, 2014 — V. aussi : Commission Théologique Internationale, La doctrine catholique sur le sacrement du mariage, 1977.
[3] Synode des Évêques,IIIe Assemblée générale extraordinaire, 2014, Relatio synodi, n. 52 (paragraphe n’ayant pas recueilli la majorité requise des deux-tiers) ; W. Kasper, ibid. ; P. De Clerck, « La réconciliation pour les fidèles divorcés remariés »,Revue théologique de Louvain 32/3 (2001) 321-352 ; B. Petrà, « The Divorced and Remarried : A New State within the Church? », INTAMS review 16/2 (2010) 194-207.
[4] B. de Margerie, Les divorcés remariés face à l’eucharistie, Paris, Téqui, 1979.
[5] O. Saier, K. Lehmann, W. Kasper, « Lettre pastorale des évêques allemands du Rhin supérieur » (11 juillet 1993),Documentation Catholique [DC] 90 n°2082 (1993) 986-994.
[6] Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre aux évêques sur l’accès à la communion eucharistique des divorcés remariés, 14 septembre 1994, n. 3 et 6 ; G. Grisez, J. Finnis, W. E. May, « Indissolubility, Divorce and Holy Communion. An open letter to Archbishop Saier, Bishop Lehmann and Bishop Kasper », New Blackfriars, 75/883 (1994) 321-330.
[7] Code de Droit canonique [CIC], Can. 915 : « Les excommuniés et les interdits, après l’infliction ou la déclaration de la peine et ceux qui persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste, ne seront pas admis à la sainte communion » ; Conseil Pontifical pour les textes législatifs, Déclaration du 6 juillet 2000 sur le canon 915.
[8] Concile de Trente, Décret sur la justification (1547), c. 14-15, Denz. 1542-1544 ; Décret sur le sacrement de l’eucharistie(1551), Denz. 1646-1647 ; Canons sur le très saint sacrement de la pénitence (1551), Denz. 1701-1715 ; Doctrine et canons sur le mariage (1563), Denz. 1797-1812 ; Décret Tametsi (1563), Denz. 1813-1816.
[9] Catéchisme de l’Église Catholique [CEC], n. 1650-1651, 1664-1665, 2382-2386, 2400.
[10] Pascal, Pensées, Laf. 192 : « La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l’orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu parce que nous y trouvons, et Dieu, et notre misère. » — Ibid., Laf. 352 : « La misère persuade le désespoir. L’orgueil persuade la présomption. L’Incarnation montre à l’homme la grandeur de sa misère par la grandeur du remède qu’il a fallu. »
[11] Cf. Card. J. Ratzinger, « À propos de quelques objections à la doctrine de l’Église concernant la réception de la communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés », in Congrégation pour la doctrine de la foi, Sulla pastorale dei divorziati risposati, « Documenti e Studi, 17 », Cité du Vatican, 1998, p. 20-29, n. 2.
[12] Synode des Évêques, IIIe Assemblée générale extraordinaire, Relatio synodi, n. 24 (Bollettino B770 du 18 octobre 2014) ; cf. Ibid., Relatio post disceptationem, n. 23 (Bollettino B751 du 13 octobre 2014).
[13] Pape François, Discours du samedi 18 octobre 2014 à la IIIe Assemblée générale extraordinaire du Synode des Évêques, 15e Congrégation générale (Bollettino B771 du 18 octobre 2014).
[14] J. Nourissat, « Au service des baptisés, divorcés remariés, quelques moyens », Christus 30/120 (1983) 464-471 ; Ibid., « Une expérience canadienne. Ouvriers de la onzième heure… (Mt 20, 1-16) », Christus 33/130 (1986) 216-224 ; É.Jacquinet et J. Nourrissat, Fidèles jusqu’à l’audace. Divorcés remariés : un chemin nouveau dans l’Église, Paris, Salvator, 2008 ; Mgr A.-M. Léonard, L’Église vous aime. Un chemin d’espérance pour les divorcés, séparés, remariés, 2e éd., Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2010 ; A. Bandelier, Le mariage chrétien à l’épreuve du divorce, Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2010 ; Ibid. (dir.), Séparés, divorcés à cœur ouvert. Témoignages, réflexions et propositions de fidèles et de pasteurs catholiques, Paris, P. Lethielleux, 2010 ; G. Berliet, Parcours Miséricorde et Vérité. Un chemin pour les personnes divorcées remariées, Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2011 ; Ibid. et N. Provencher, Divorcés remariés et Eucharistie, Montréal, Mediaspaul, 2011 ; M. Martin-Prevel, Divorcés, aimer encore. Des chemins d’espérance, Nouan-le-Fuzelier,Béatitudes, 2011. — Il faut signaler également les diverses associations et sessions consacrées à la pastorale des divorcés remariés : Amour et vérité (communauté de l’Emmanuel), Cana Samarie (communauté du Chemin Neuf), Miséricorde et vérité (P. Jacques Nourissat, aussi fondateur de la Fraternité Lataste en 1948 ; P. Gérard Berliet) ; sans oublier les séparés divorcés fidèles : Communion Notre-Dame de l’Alliance, Renaissance, Solitude Myriam.
[15 Le péché en effet ne supprime pas la foi, sauf lorsqu’il s’agit d’un péché contre la foi, tel l’hérésie.
[16] Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio du 22 novembre 1981, n. 38 : « Grâce au sacrement de mariage, la mission éducative est élevée à la dignité et à la vocation d’un “ministère” authentique de l’Église au service de l’édification de ses membres. Ce ministère éducatif des parents chrétiens est si grand et si beau que saint Thomas n’hésite pas à le comparer au ministère des prêtres : “Certains propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel, et cela revient au sacrement de l’ordre ;d’autres le font pour la vie à la fois corporelle et spirituelle, et cela se réalise par le sacrement de mariage, dans lequel l’homme et la femme s’unissent pour engendrer les enfants et leur enseigner le culte de Dieu” ».
[17] CIC, Can. 1151-1155, 1692-1696 ; CEC, n. 2383.
[18] Familiaris consortio, n. 84 ; CEC, n. 1650 ; Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre aux évêques sur l’accès à la communion eucharistique des divorcés remariés, 14 septembre 1994, n. 4 ; Conseil Pontifical pour les textes législatifs, Déclaration du 6 juillet 2000, n. 2 ; Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis, 22 février 2007, n. 29.
[19] A.-M. Henry, « Les non-sacramentalisables », Parole et Mission 8 (1960) 106-118.
[20] CEC n. 1450-1460.
[21] É. Amann, « Pénitence », DTC, 12/1 (1933) 749-948 ; P.-M. Gy, « Histoire liturgique du sacrement de la pénitence », La Maison Dieu 56 (1958) 5-21 ; H. Rondet, S.J., « Esquisse d’une histoire du Sacrement de Pénitence », Nouvelle Revue Théologique 80 (1958) 562-584 ; B. Poschmann, Pénitence et onction des malades, Paris, 1966 ; C. Vogel, Le pécheur et la pénitence dans l’Église ancienne, Paris, 1966 ; F. Berrouard, « La pénitence publique durant les six premiers siècles », La Maison Dieu118 (1974) 92-130 ; P. Adnès, « Pénitence », Dictionnaire de Spiritualité 14/1 (1984) 943-1010 ; J. A. Favazza,Ordo paenitentium. Historical roots and pastoral future, Leuven, 1986 (The Order of penitents, Collegeville, 1988) ; M. C.Mansfield, The Humiliation of Sinners. Public Penance in Thirteenth-Century France, Ithaca / Londres, 2005.
[22] Le rite solennel de l’exclusion et de la réconciliation publique du pénitent a été conservé dans le Pontifical romain jusqu’à nos jours, et fait donc toujours partie théoriquement du système pénitentiel, même s’il est tombé en désuétude. — Cf. P.-M.Gy, « Histoire liturgique du sacrement de la pénitence », dans La Maison Dieu 56 (1958) 16 ; P. Adnès, « Pénitence »,Dictionnaire de Spiritualité, 14/1 (1984) col. 970.
[23] D’autres l’ont souligné avant nous : A.-M. Henry, « Les non-sacramentalisables », p. 115-116, qui regrette le manque d’une communauté de ce qu’on appelait autrefois les « pénitents » ; A. Nocent, in L. Ligier et al., La Penitenza, dottrina, storia, catechesi e pastorale, Torino, « Quaderni di Rivista liturgica, 9 », 1968, qui fait la présentation générale de cette suggestion d’un nouvel ordo paenitentium, p. 11 ; V. Richard, Les divorcés remariés et l’admission au sacrement de pénitence, Mémoire de licence (dir. P. Adnès, S.J.), Rome, Pontificia universitas gregoriana, 1988, p. 164-166 ; Mgr JacquesJullien, « L’Alliance éprouvée. Les divorcés remariés dans l’Église », Christus 30/120 (1983) 388-400, avec une référence à l’ordo paenitentium, p. 400.
[24] Ordo paenitentiae, publié à Rome le 2 décembre 1973, editio typica, 1974. Nous renvoyons ici à la version pour les pays francophones, Célébrer la pénitence et la réconciliation. Nouveau rituel, Paris, 1978.
[25] Synode des Évêques, Ve Assemblée générale ordinaire (26 septembre - 25 octobre 1980), « La mission de la famille chrétienne dans le monde contemporain » ; Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Familiaris Consortio (22 novembre 1981).
[26] Synode des Évêques, VIe Assemblée générale ordinaire (29 septembre - 29 octobre 1983), « La réconciliation et la pénitence dans la mission de l’Église » ; Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984). — On relira également avec profit l’intervention prophétique de Mgr J.-M. Lustiger à la 6e congrégation générale (4 octobre 1983), « Une épreuve significative du destin spirituel de notre temps », DC 80 n°1861 (1983) 997-1000.
[27] Cette proposition de restaurer l’ordre des pénitents a été faite par le Cardinal Joseph Bernardin, alors archevêque de Chicago, au cours du synode des évêques de 1983 sur la pénitence et la réconciliation, à la suite d’un groupe de travail de laNorth American Academy of Liturgy. L’idée était de s’inspirer du modèle de l’initiation chrétienne des adultes pour l’appliquer à la pastorale des « recommençants » (returning catholics), ce qui donnerait quatre étapes fondamentales de durée variable selon les besoins de l’intéressé, marquées chacune par des rites appropriés : confession des péchés, pratique de la pénitence, célébration du sacrement de la réconciliation, prolongement dans l’expérience sacramentelle. Cette proposition, enrichie par une étude de J. Lopresti sur le processus de la conversion et l’initiation, a donné effectivement naissance à un programme pastoral implanté dans les paroisses, « Remembering Church ».— J. Bernardin, « New rite of penance suggested », Origins (Catholic News Service) 13 (1983) 324-326 ; J. Slattery, « Restore the Ordo Poenitentium ? Some Historical Notes », The Living Light 20 (1984) 248-253 ; R. Blondell, « The Order of Penitents », Celebration - A Creative Worship Service, Supplement, february (1984) 78 ; J. Lopresti, « RCIA and Reconciling the Alienated », in R. J. Kennedy (dir.), Reconciliation : The continuing agenda, Collegeville, 1987, p. 159-170 ; repris dans Church 1 (1985) 11-16 ; Ibid.,Penance : a reform proposal for the rite, Washington, D.C., 1987 ; J. A. Favazza, The Order of penitents, op. cit. p. 253-269; J. G. Schaller, « The Order of Penitents : Theological and Pastoral Directions », Worship 64/3 (1990) 207-224 ; R. J.O’Donnell, « Reconciling the Alienated Catholic », The Catholic World 236 n°1412 (1993) 60-66 ; J. Dallen, The reconciling community : the rite of penance, Collegeville, 1991, p. 390-395 ; Ibid., « History and the Reform of the Penance », in R. Kennedy (ed.), Reconciling Embrace. Foundations for the Future of Sacramental Reconciliation, Chicago, 1998, p. 79 et s.
[28] S. Augustin, Confess., I, XI, 1 ; De catechiz. rudibus, 26, 50 ; De peccat. merit., II, 26, 42 ; Premier concile de Carthage, Can. 5 — G.-H. Baudry, Le baptême et ses symboles : aux sources du salut, Paris, Beauchesne, 2001, p. 154 et s. ; Ibid.,Les symboles du christianisme ancien, Ier - VIIe siècle, Paris, Cerf, 2009, p. 151 et s.
[29] La confusion entre peine et pénitence s’est longtemps faite sur la base d’une fausse étymologie : A. Ernout et A. Meillet,Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, 1951, p. 840, 917 et 1051. — Paenitentia s’est écrit poenitentia, déjà dans le latin classique, par assimilation avec poena, « peine », au sens de « compensation versée pour une faute, rançon ; expiation, punition, châtiment », puis de « peine, chagrin », avec le dérivé punire ou poenire, « punir, venger ». D’où l’idée de la pénitence comme une peine vindicative et afflictive. — Or cela vient en réalité de paene, qui signifie « presque, à peine, pas assez, insuffisant » ; qui s’oppose donc à satis, « assez, suffisant », avec le dérivé satietas, « satiété, abondance, suffisance », auquel se rattache satur, « rassasié » (de nourriture). Le verbe impersonnel paenitet a pour sens premier « je n’ai pas assez de, je ne suis pas content ou satisfait de » ; puis l’on est passé au sens moral de « avoir du regret, se repentir », qui a entraîné alors la graphie poenitet sous l’influence de poena — La pénitence s’appuie donc bien sur le regret et le repentir, mais elle y voit moins la peine que le manque et vise davantage la satisfaction que le châtiment ; elle trouve ainsi son terme et son achèvement non pas tant dans la souffrance que dans la plénitude.
[30] Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio du 22 novembre 1981, n. 84 ; CEC, n. 1651.
[31] Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis, 22 février 2007, n. 29.
[32] Ordo paenitentiae, 1974, n. 36-37 ; Célébrer la pénitence et la réconciliation, 1978, n. 51-52.
[33] Synode des Évêques, IIIe Assemblée générale extraordinaire(2014), Relatio post disceptationem, n. 13 ; entièrement reformulée dans la Relatio synodi, n. 13, sans le terme de « gradualité ».
[34] Synode des Évêques, Ve Assemblée générale ordinaire (1980), Proposition 7, « Les 43 propositions du synode », DC 78 n°1809 (1981) 537-550, p. 538.
[35] Cf. Jean-Paul II, homélie à la messe de clôture du VIe Synode des Évêques, 25 octobre 1980, n. 8, AAS 72 (1980), p. 1083.
[36] Jean-Paul II, IIIe Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour la Famille, 13 décembre 1985, n. 3 ; Conseil Pontifical pour la Famille, Vade-mecum pour les confesseurs, 12 février 1997, n. 9 et note 43 ; Congrégation pour le clergé, Directoire général pour la catéchèse, 15 août 1997, part. I, ch. 3, « Le catéchuménat baptismal : structure et gradualité » ; Ibid., Le prêtre, maître de la parole, ministre des sacrements et guide de la communauté en vue du troisième millénaire chrétien, 19 mars 1999.
[37] J. Ratzinger, Lettre au clergé de Munich, « Lettre sur les 43 propositions du Synode », DC 78 n°1806 (1981)385-394 ;J.-M. Lustiger, « Gradualité et conversion », DC 79 n°1826 (1982) 315-322 ; P. Eyt, « La loi de gradualité et la formation des consciences », Documents Épiscopat 17, 1991 ; A. You, La loi de gradualité : une nouveauté en morale ?, Paris, Lethielleux, 1991 ; Ibid., « La loi de gradualité et non pas la gradualité de la loi », Esprit et vie, 101/8 (1991) 120-127 ; L. Melina, « La Loi de gradualité », in J. Laffitte et L. Melina, Amour conjugal et vocation à la sainteté, Paray-le-Monial, Éd. de l’Emmanuel, 2001 ; G. Irrazabal, « La ley de la gradualidad como cambio de paradigma », Moralia 27/102-103 (2004) 167-190 ; O.Bonnewijn, Éthique sexuelle et familiale, Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2006, ch. VIII, p. 219-241 ; M.-J. Huguenin, « La morale de gradualité. La morale catholique à l’aune de la miséricorde divine », Revue d’Éthique et de théologie morale n°280 (2014/3) 75-100.
[38] J.-M. Lustiger, « Gradualité et conversion », p. 318 et 321.
[39] M.-J. Huguenin, « La morale de gradualité. La morale catholique à l’aune de la miséricorde divine », p. 79-81. La fin de l’article, critique du magistère en ce qui concerne les divorcés remariés, en revient curieusement à la conception de la « gradualité de la loi » qu’il semblait d’abord dénoncer.
[40] J. Ratzinger, Lettre au clergé de Munich, p. 388 : « On déclare que la voie chrétienne tout entière est une “conversio” — une conversion, mais une conversion qui se produit à travers des pas progressifs » ; Jean-Paul II, Exhortation apostolique Ecclesia in Asia, n. 20 : « La présentation de Jésus Christ comme unique Sauveur oblige à suivre une pédagogiequi introduise les personnes, pas à pas, à la pleine appropriation du mystère » ; Pape François, Exhortation apostoliqueEvangelii Gaudium, n. 171.
[41] Synode des Évêques, IIIe Assemblée générale extraordinaire (2014), Relatio post disceptationem, n. 18.
[42] B. Poschmann, op. cit., p. 82.
[43] E. Amann, col. 804. — Voir P. Adnès, col. 961.
[44] Pape François, Evangelii Gaudium, n. 169-173.
[45] Pape François, Discours du samedi 18 octobre 2014 au synode des Évêques (op. cit.).
[46] Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio, n. 84 ; CEC, n. 1651 ; Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis, n. 29.
[47] Synode des Évêques, IIIe Assemblée générale extraordinaire(2014), Relatio synodi, n. 53 (non approuvé, faute d’avoir obtenu la majorité requise des deux-tiers).
[48] B.-D. de La Soujeole O.P., « Communion sacramentelle et communion spirituelle », Nova et Vetera, 86/2 (2011) 147-153 ; J. Corbett et al., op. cit., p. 616-617 ; P. Landucci, « Communio spiritualis », Dictionarium Morale et Canonicum I (1962) 790-793.
[49] Benoît XVI, Exhortation post-synodale Sacramentum caritatis, 22 février 2007, n. 55.
[50] Nous tenons cette expression de Mgr Bruno Feuillet, « La consultation en vue du synode dans le contexte de l’Évangélisation », Revue d’Éthique et de théologie morale n°280 (2014/3) 35-51, p. 45-48.
[51] Nous l’avons rencontré en France comme aux États-Unis, jusqu’en Californie. Qu’en est-il ailleurs ?
[52] Il semble que, dans une réponse à une lettre qui lui posait la question en 2008, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements ait estimé que cette pratique n’est pas permise. Comme cette réponse était privée, nous n’avons pas réussi à en trouver une autre source que celle-ci : Paul Matener, « Bénédictions à la procession de communion par des laïcs », site internet de la Schola Saint Maur, Jeudi 22 septembre 2011.
[53] N. Collin, Traité du pain béni, ou l’Église catholique justifiée sur l’usage du pain, Paris, 1777.
[54] C. Vogel, « Le pèlerinage pénitentiel », Revue des Sciences Religieuses 38 (1964) 113-153.
[55] Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie. Principes et orientations, décembre 2001, ch. 8, n. 261-287 : « Les sanctuaires et les pèlerinages ».
[56] J. Hofinger, « Le pèlerinage, symbole de la vie chrétienne », Lumen Vitae 13 (1958) 277-290 ; C. Spicq O.P., Vie chrétienne et pérégrination selon le Nouveau Testament, Paris, « Lectio divina, 71 », 1972 ; A.-M. Besnard, Par un long chemin vers Toi. Le pèlerinage chrétien, Paris, 1978.
[57] P. G. Carbone, O.P., « Homo viator et peregrinus dans les œuvres de S. Thomas d’Aquin », Nova et Vetera 75 (2000) 63-76 ; N. Bériou, « Parler de Dieu en images : Le Christ pèlerin au Moyen Âge », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 152/1 (2008) 157-201.
[58] Concile Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, n. 6, 21, 48 et 50.
[↩]
******************** 30 Mai 2015 ********************
(source: LaCroix)
Divorcés remariés : la fidélité est-elle possible ?
Mgr Olivier de Germay, évêque d'Ajaccio
Dans le cadre du débat souhaité par le pape François, je souhaiterais m'exprimer à propos des personnes divorcées et engagées dans une nouvelle union. En exposant mes convictions – mais aussi mes interrogations – je ne fais qu'apporter une contribution à la réflexion en cours, sûr que l'Esprit Saint saura nous montrer le bon chemin.
Le sujet est important, ne serait-ce qu'en raison des situations d'incompréhensions et de souffrances qui lui sont liées. L'Église doit être capable de mieux accompagner ces situations dans la fidélité à l'Évangile.
Beaucoup se sont prononcés pour l'accès aux sacrements, au moins sous certaines conditions. Les propositions, motivées par le souci de mieux manifester la miséricorde, sont souvent intéressantes. La plupart d'entre elles cependant posent comme postulat la nécessité de changer la discipline actuelle. Or la difficulté pastorale rencontrée aujourd'hui est liée, selon moi, à d'autres réalités qu'il nous faut regarder en face si nous voulons aller à la racine du problème. Sinon, nous risquons d'accompagner en douceur la sécularisation de l'Église sous une fausse apparence de miséricorde.
Beaucoup de prêtres n'ont pas été formés à l'accueil des personnes divorcées et remariées. Mal à l'aise, ils oscillent souvent entre la tentation de fermer les yeux et celle de rappeler sèchement la loi. L'urgence est d'enseigner cet « art de l'accompagnement » qu'appelle de ses vœux le pape François. Ceux qui le pratiquent savent combien il est beau d'accueillir ces personnes, d'entendre l'expression de leurs désirs, mais aussi de leurs souffrances, de leur dire qu'elles sont aimées de Dieu, qu'elles ont leur place dans l'Église, et en même temps de les aider à relire leur histoire sous l'éclairage de la foi, à comprendre comment Dieu s'est engagé dans leur mariage sacramentel, à faire le lien avec le sacrement de l'eucharistie. Un tel accompagnement est onéreux, mais il permet à ces personnes de comprendre qu'elles ont un chemin de sainteté à suivre, un chemin qui tient compte de la réalité objective de leur situation.
Ainsi accompagnées, ces personnes peuvent comprendre le sens de ce qui leur est demandé. En acceptant humblement de participer à l'eucharistie sans communier, elles posent un acte d'obéissance et de fidélité à l'Église et au Christ. D'une certaine façon, elles se présentent devant le Seigneur en lui disant: « Seigneur, je reconnais qu'aujourd'hui ma vie n'est plus en cohérence avec le signe de l'Alliance, mais je sais que tu ne me réduis pas à cet aspect de ma vie et que tu m'appelles toujours à te suivre. En me présentant devant toi comme le publicain de l'Évangile (1), je viens te dire mon désir de fidélité. » Si les aléas de la vie ont fait que le vœu de fidélité au conjoint n'a pas été tenu, ces personnes peuvent malgré tout exprimer leur désir de fidélité au Christ. Loin de tomber dans l'autojustification, elles manifestent leur soif de Dieu et leur foi en la médiation de l'Église, tout en faisant de leur désir de communion une offrande spirituelle.
Ce chemin spirituel n'est possible que dans le cadre d'une pastorale qui aide les fidèles à « participer activement » à l'eucharistie. Or c'est là, me semble-t-il, la vraie difficulté pastorale aujourd'hui. Alors que le concile Vatican II, insistant sur les deux dimensions de sacrifice et de repas de l'eucharistie, parlait de la participation des fidèles en articulant l'offrande et la communion (2), nous avons massivement fait abstraction de sa dimension sacrificielle en même temps que se généralisait la communion systématique des fidèles. L'immense majorité de nos pratiquants ignorent qu'ils sont invités, de par leur baptême, à offrir le Sacrifice du Christ au Père et à renouveler l'offrande spirituelle de leur vie. Dans un tel contexte, parler de participer à l'eucharistie sans communier devient incompréhensible.
Mon expérience m'a conduit à m'émerveiller devant la façon dont les personnes remariées civilement peuvent découvrir le sens profond de l'eucharistie. Leur « désir de communion » (cette expression me paraît plus juste que celle de « communion spirituelle ») ne prend sens que dans le prolongement de cette offrande – pour une part douloureuse – qui est en même temps l'expression d'un désir profond et d'une tension vers la pleine communion. Leur participation à l'eucharistie devient même un témoignage pour nous tous qui communions parfois avec désinvolture; un témoignage situé dans le prolongement de l'engagement de leur mariage. Elles manifestent qu'elles prennent au sérieux l'indissolubilité du mariage et donc la fidélité indéfectible du Christ pour son Église. Loin d'être une punition, le fait de ne pas communier devient une mission.
Certains ont proposé de réfléchir à un chemin pénitentiel qui précéderait l'accès aux sacrements. Ne risque-t-on pas de séparer d'une manière très subjective ceux qui ont des circonstances atténuantes de ceux qui n'en ont pas? Même s'il faut effectivement prendre en compte la diversité des situations, la question, me semble-t-il, est ailleurs. Lorsque Jésus parle à la Samaritaine de sa situation conjugale, il ne juge pas son passé, il l'aide à voir la réalité de sa situation présente: « Celui que tu as maintenant n'est pas ton mari. » Ainsi, va-t-il la conduire sur un chemin spirituel, non pas en faisant abstraction de sa situation, mais en l'intégrant jusqu'à faire d'elle un témoin: « Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait » (Jn 4, 29).
Gageons que l'Esprit Saint saura nous guider vers des solutions pastorales qui n'altèrent pas la lisibilité et la radicalité du signe de l'Alliance.
[↩]
******************** 26 Avril 2015 ********************
(source: Liberté Politique)
"Église : durant l’entre-deux-synodes, les lignes bougent"
Article rédigé par Alex et Maud Lauriot-Prevost, le 29 avril 2015
L’Église inaugure ces temps-ci avec le pape François un temps de réflexion et de discernement inédit : un synode thématique à double détente, qui s’opère en deux ans. La première session d’octobre dernier a connu — on le sait — des débats parfois houleux et des méthodes de travail quelque peu cavalières. Il est donc pertinent de faire le point à mi-parcours du débat qui émerge de cet « entre-deux-synodes ».
Malgré certaines divergences d’approche ou d’argumentation, il se dégage à nouveau un consensus général sur l’indissolubilité du mariage chrétien, bel et bien confirmée, puisque cette affirmation provient des paroles même du Christ : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
L’indissolubilité confirmée
Ce n’était pas évident au regard des débats de 2014, après tout la controverse provoquée par la conférence du cardinal Kasper prononcée devant le consistoire de février. Comme l’illustrent les récentes prises interventions des cardinaux Müller, Sarah ou Caffara, ou de Mgr Lafitte, secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, l’Église tient à réaffirmer très clairement qu’un « re-mariage » catholique est et restera impossible : la miséricorde, dont l’Église doit bien entendu se revêtir, ne peut justifier en rien qu’elle accepte de fait un remariage après un mariage reconnu valide. Ce serait de fait légitimer l’adultère.
Voyons Marie-Madeleine, Zachée ou la femme adultère dans l’Évangile : la miséricorde, le repentir et la conversion de vie sont indissociables pour le Christ ; la miséricorde chrétienne n’est en rien « on efface tout et on recommence » comme si de rien n’était ! Alors que le sol semblait parfois se dérober, et qu'on ne savait trop où certains débats allaient mener l’Église, ce consensus — « nouveau » pourrait-t-on dire — nous apparait comme un acquis fondamental, un socle de débat qui s’est comme re-solidifié depuis octobre dernier.
Être plus accueillant
Par ailleurs, il se dégage également des positions et réflexions des uns et des autres que l’Église doit se faire concrètement plus accueillante et aimante vis-à-vis de ceux — et ils sont nombreux — qui vivent des situations non-conformes aux « canons » de l’Église : divorcés, remariés, conjoints séparés, homosexuels, couples en union libre… En deux ans, le pape François nous a régulièrement exhortés, laïcs et pasteurs, à nous ouvrir aux périphéries, à rejoindre les gens sur leur chemin, là où ils en sont, à ouvrir nos cœurs, à quitter nos mondanités et à convertir notre pharisaïsme…
Tout cela a produit ses effets, y compris dans ces domaines très sensibles de la famille et du couple ; les lignes ont donc clairement bougé, ce qui est une très bonne chose.
Indissolubilité du mariage confirmée, exigence d’une mise en pratique générale de la miséricorde : tout cela témoigne selon nous d’une avancée qui va dans le bon sens et d’une plus grande communion dans l’Église, ou — pour faire court — se rapprochent les tenants de la Vérité et ceux de la Miséricorde, ce qui est d’ailleurs très biblique : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent » dit le psaume 84…
Foi et sacrement de mariage
Un autre sujet important émerge d’un bon nombre de débats depuis le début de l’année 2015 : il s’agit de celui concernant les critères de validité d’un sacrement de mariage ; c’est là d’ailleurs une réflexion qui n’est pas dissociée du thème précédent, et qui ressort même d’autant plus que l’indissolubilité se confirme et que la miséricorde doit se vivre bien plus concrètement et largement !
Dans l’avion qui le ramenait de Rio en 2013, le pape François avait soulevé la question de la validité des mariages en affirmant qu’il était d’accord avec les propos de son prédécesseur à Buenos Aires, qui considérait que 50 % des mariages célébrés dans son diocèse étaient invalides. Or, aucun pasteur, et en tout premier lieu le pape, ne peut se résoudre à ce que l’Église continue sans sourciller à célébrer des sacrements de mariage pour une bonne part « invalides ». Ce serait d’une grande hypocrisie pastorale, évangéliquement intenable. Pourtant, cette situation dure et s’aggrave partout dans le monde.
Des situations absurdes
Rappelons les dispositions canoniques : un mariage entre deux baptisés ne peut être que sacramentel. Sur ce principe, l’Église a de fait marié depuis des décennies quasiment tous les baptisés qui se sont présentés à elle : c’était sans doute compréhensible dans une société chrétienne, mais on voit bien où cette pratique conduit dans un monde fortement sécularisé.
La situation pastorale devient de plus en plus absurde, voire ubuesque parfois : parmi ceux qui se marient, de plus en plus ne mettent jamais les pieds dans une Église et ont comme culture chrétienne le « catéchisme » transmis par les médias.
Par ailleurs, certains divorcés redécouvrent une foi vivante, mais se trouvent « empêchés » de se marier à l’Église en découvrant que leur 1er mariage est indissoluble, alors qu’il n’était motivé par aucun sens chrétien. Tant de fiancés ne demandent en effet qu’un peu de symbolique sacrée dans une union 100% profane ! Ce qui renvoie aux propos du cardinal Etchegaray : « Beaucoup voient dans le sacrement de mariage un mariage civil saupoudré de quelques valeurs ou rites religieux, mais dans ce cas, on ne comprend strictement rien au mariage chrétien ! »
Ce sujet n’est d’ailleurs pas nouveau : le cardinal Ratzinger soulignait le lien organique entre la vie de foi et ce sacrement, en invitant l’Église à réfléchir sur l’évolution des critères retenus pour la validité d’un mariage. Jean-Paul II précisait que « c’est uniquement s’ils prennent part à l’amour du Christ, que les époux peuvent s’aimer jusqu’à la fin ». Benoît XVI appliquait au mariage les paroles du Christ : « Sans moi vous ne pouvez rien faire » et en concluait à « l'incapacité de l'homme d'accomplir seul la réalisation du vrai bien ».
Une fausse connaissance du mariage
Le dernier synode demande dans son rapport final que soit clarifié le « rôle de la foi des deux personnes qui demandent un sacrement de mariage » (§ 48).
Enfin, le pape François s’est prononcé précisément sur cette question lors de son discours au tribunal de la Rote en janvier : puisque « l’abandon d’une perspective de foi débouche inexorablement sur une fausse connaissance du mariage », il invite le juge matrimonial à « établir la vérité du moment du consentement », à examiner si l'échange des consentements « a été fidèle au Christ ou à la mentalité mondaine ».
Ainsi, poursuit-il, pour « mesurer la validité du consentement exprimé », le juge doit « tenir compte du contexte de valeurs et de foi, ou de leur absence, dans lequel l'intention matrimoniale s'est formée ». La réflexion de l’Église sur ce sujet est donc relancée au plus haut niveau en cet entre-deux-synodes.
La vie de foi des époux
La vie de foi des époux au moment du mariage pourrait devenir un critère pour « mesurer la validité du consentement » pour reprendre l’expression du pape. Si cette « mesure » est ainsi retenue pour apprécier la validité d’un consentement passé (discernement après un divorce), elle le sera nécessairement pour un consentement à venir (discernement avant un mariage). Ce serait alors un changement majeur de perspective, avec des incidences pastorales importantes.
En matière de préparation au mariage par exemple, l’Église accueille avec joie et bienveillance tous les baptisés qui se présentent pour se marier, mais, s’il est prioritaire de prendre le temps de les écouter et de bien comprendre leurs motivations, il serait donc désormais indispensable d’accompagner les futurs mariés par étape au travers d’un chemin de type catéchuménal (proposition du synode) pour les conduire à rencontrer le Christ vivant au cœur de leur amour, à goûter dans leurs vies ses œuvres de joie et de bénédiction. Bref, les évangéliser !
Cela leur permettra, une fois le Christ rencontré et confessé, de s’engager dans le mariage en ayant une pleine conscience devant Dieu et les hommes de leur alliance conjugale scellée avec Dieu lui-même. Alors, ils pourront consentir toute leur vie à la Parole de Jésus, « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » !
En matière de pastorale des divorcés, ce nouveau critère permettrait de reconnaître l’invalidité du mariage initial d’un bon nombre de divorcés actuels (cf. l’importance de l’invalidité qu’évoquait le pape), et leur ouvrirait la possibilité d’envisager un nouveau mariage à l’Église, désormais valide, dans la mesure où les conjoints le fondent sur le Christ.
Remise à plat et conversion pastorale
Même si le choix décisif en reviendra au pape, le synode de 2015 sera sans doute une étape déterminante dans le discernement de l’Église de choisir ou non la vie de foi des conjoints pour « mesurer la validité du consentement ». Si cette évolution est retenue, cela mettra d’autant plus en évidence la nécessaire « remise à plat » et la « conversion pastorale » en matière de préparation au mariage auxquelles nous invitent les pères synodaux : passer d’une pastorale du rite, du dogme et des valeurs, à une pastorale d’évangélisation, du témoignage, de la miséricorde, du kérygme conjugal, que ce soit avant le mariage ou après le mariage.
Une pastorale du kérygme conjugal
Certes, cette évolution n’est pas sans poser des questions sous certains angles théologiques ou pastoraux, et il est important d’y répondre ! Certes, il faudra du temps, de la pédagogie, de la formation un accompagnement dans la durée des pasteurs et des baptisés pour accompagner cette mutation pastorale !
Pourtant, elle nous apparaît d’une grande opportunité pour plusieurs raisons majeures : apporter plus de cohérence entre théologie et pastorale sacramentelles ; redonner toute leur place et de concert à la Vérité et à la Miséricorde dans la pastorale matrimoniale ; la dégager de bon nombre de ses ambiguïtés et déverrouiller les cas polémiques ; recentrer la pastorale conjugale sur l’évangélisation, sur une prédication qui parle au cœur de tous et aux périphéries ; lui impulser un nouvel élan missionnaire attractif et contagieux, que le synode et leur pape appellent de leur vœux.
Que notre prière à tous accompagne la réflexion et le discernement des pères synodaux !
Alex et Maud Lauriot-Prevost sont les auteurs d’Evangéliser le mariage et de Jésus sauve ton couple, Editions Salvator, 2013.
www.evangilepourlecouple.fr
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******************** 30 Mai 2015 ********************
(source: LaCroix)
Divorcés remariés : la fidélité est-elle possible ?
Mgr Olivier de Germay, évêque d'Ajaccio
Dans le cadre du débat souhaité par le pape François, je souhaiterais m'exprimer à propos des personnes divorcées et engagées dans une nouvelle union. En exposant mes convictions – mais aussi mes interrogations – je ne fais qu'apporter une contribution à la réflexion en cours, sûr que l'Esprit Saint saura nous montrer le bon chemin.
Le sujet est important, ne serait-ce qu'en raison des situations d'incompréhensions et de souffrances qui lui sont liées. L'Église doit être capable de mieux accompagner ces situations dans la fidélité à l'Évangile.
Beaucoup se sont prononcés pour l'accès aux sacrements, au moins sous certaines conditions. Les propositions, motivées par le souci de mieux manifester la miséricorde, sont souvent intéressantes. La plupart d'entre elles cependant posent comme postulat la nécessité de changer la discipline actuelle. Or la difficulté pastorale rencontrée aujourd'hui est liée, selon moi, à d'autres réalités qu'il nous faut regarder en face si nous voulons aller à la racine du problème. Sinon, nous risquons d'accompagner en douceur la sécularisation de l'Église sous une fausse apparence de miséricorde.
Beaucoup de prêtres n'ont pas été formés à l'accueil des personnes divorcées et remariées. Mal à l'aise, ils oscillent souvent entre la tentation de fermer les yeux et celle de rappeler sèchement la loi. L'urgence est d'enseigner cet « art de l'accompagnement » qu'appelle de ses vœux le pape François. Ceux qui le pratiquent savent combien il est beau d'accueillir ces personnes, d'entendre l'expression de leurs désirs, mais aussi de leurs souffrances, de leur dire qu'elles sont aimées de Dieu, qu'elles ont leur place dans l'Église, et en même temps de les aider à relire leur histoire sous l'éclairage de la foi, à comprendre comment Dieu s'est engagé dans leur mariage sacramentel, à faire le lien avec le sacrement de l'eucharistie. Un tel accompagnement est onéreux, mais il permet à ces personnes de comprendre qu'elles ont un chemin de sainteté à suivre, un chemin qui tient compte de la réalité objective de leur situation.
Ainsi accompagnées, ces personnes peuvent comprendre le sens de ce qui leur est demandé. En acceptant humblement de participer à l'eucharistie sans communier, elles posent un acte d'obéissance et de fidélité à l'Église et au Christ. D'une certaine façon, elles se présentent devant le Seigneur en lui disant: « Seigneur, je reconnais qu'aujourd'hui ma vie n'est plus en cohérence avec le signe de l'Alliance, mais je sais que tu ne me réduis pas à cet aspect de ma vie et que tu m'appelles toujours à te suivre. En me présentant devant toi comme le publicain de l'Évangile (1), je viens te dire mon désir de fidélité. » Si les aléas de la vie ont fait que le vœu de fidélité au conjoint n'a pas été tenu, ces personnes peuvent malgré tout exprimer leur désir de fidélité au Christ. Loin de tomber dans l'autojustification, elles manifestent leur soif de Dieu et leur foi en la médiation de l'Église, tout en faisant de leur désir de communion une offrande spirituelle.
Ce chemin spirituel n'est possible que dans le cadre d'une pastorale qui aide les fidèles à « participer activement » à l'eucharistie. Or c'est là, me semble-t-il, la vraie difficulté pastorale aujourd'hui. Alors que le concile Vatican II, insistant sur les deux dimensions de sacrifice et de repas de l'eucharistie, parlait de la participation des fidèles en articulant l'offrande et la communion (2), nous avons massivement fait abstraction de sa dimension sacrificielle en même temps que se généralisait la communion systématique des fidèles. L'immense majorité de nos pratiquants ignorent qu'ils sont invités, de par leur baptême, à offrir le Sacrifice du Christ au Père et à renouveler l'offrande spirituelle de leur vie. Dans un tel contexte, parler de participer à l'eucharistie sans communier devient incompréhensible.
Mon expérience m'a conduit à m'émerveiller devant la façon dont les personnes remariées civilement peuvent découvrir le sens profond de l'eucharistie. Leur « désir de communion » (cette expression me paraît plus juste que celle de « communion spirituelle ») ne prend sens que dans le prolongement de cette offrande – pour une part douloureuse – qui est en même temps l'expression d'un désir profond et d'une tension vers la pleine communion. Leur participation à l'eucharistie devient même un témoignage pour nous tous qui communions parfois avec désinvolture; un témoignage situé dans le prolongement de l'engagement de leur mariage. Elles manifestent qu'elles prennent au sérieux l'indissolubilité du mariage et donc la fidélité indéfectible du Christ pour son Église. Loin d'être une punition, le fait de ne pas communier devient une mission.
Certains ont proposé de réfléchir à un chemin pénitentiel qui précéderait l'accès aux sacrements. Ne risque-t-on pas de séparer d'une manière très subjective ceux qui ont des circonstances atténuantes de ceux qui n'en ont pas? Même s'il faut effectivement prendre en compte la diversité des situations, la question, me semble-t-il, est ailleurs. Lorsque Jésus parle à la Samaritaine de sa situation conjugale, il ne juge pas son passé, il l'aide à voir la réalité de sa situation présente: « Celui que tu as maintenant n'est pas ton mari. » Ainsi, va-t-il la conduire sur un chemin spirituel, non pas en faisant abstraction de sa situation, mais en l'intégrant jusqu'à faire d'elle un témoin: « Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait » (Jn 4, 29).
Gageons que l'Esprit Saint saura nous guider vers des solutions pastorales qui n'altèrent pas la lisibilité et la radicalité du signe de l'Alliance.
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******************** 26 Avril 2015 ********************
(source: Liberté Politique)
"Église : durant l’entre-deux-synodes, les lignes bougent"
Article rédigé par Alex et Maud Lauriot-Prevost, le 29 avril 2015
L’Église inaugure ces temps-ci avec le pape François un temps de réflexion et de discernement inédit : un synode thématique à double détente, qui s’opère en deux ans. La première session d’octobre dernier a connu — on le sait — des débats parfois houleux et des méthodes de travail quelque peu cavalières. Il est donc pertinent de faire le point à mi-parcours du débat qui émerge de cet « entre-deux-synodes ».
Malgré certaines divergences d’approche ou d’argumentation, il se dégage à nouveau un consensus général sur l’indissolubilité du mariage chrétien, bel et bien confirmée, puisque cette affirmation provient des paroles même du Christ : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
L’indissolubilité confirmée
Ce n’était pas évident au regard des débats de 2014, après tout la controverse provoquée par la conférence du cardinal Kasper prononcée devant le consistoire de février. Comme l’illustrent les récentes prises interventions des cardinaux Müller, Sarah ou Caffara, ou de Mgr Lafitte, secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, l’Église tient à réaffirmer très clairement qu’un « re-mariage » catholique est et restera impossible : la miséricorde, dont l’Église doit bien entendu se revêtir, ne peut justifier en rien qu’elle accepte de fait un remariage après un mariage reconnu valide. Ce serait de fait légitimer l’adultère.
Voyons Marie-Madeleine, Zachée ou la femme adultère dans l’Évangile : la miséricorde, le repentir et la conversion de vie sont indissociables pour le Christ ; la miséricorde chrétienne n’est en rien « on efface tout et on recommence » comme si de rien n’était ! Alors que le sol semblait parfois se dérober, et qu'on ne savait trop où certains débats allaient mener l’Église, ce consensus — « nouveau » pourrait-t-on dire — nous apparait comme un acquis fondamental, un socle de débat qui s’est comme re-solidifié depuis octobre dernier.
Être plus accueillant
Par ailleurs, il se dégage également des positions et réflexions des uns et des autres que l’Église doit se faire concrètement plus accueillante et aimante vis-à-vis de ceux — et ils sont nombreux — qui vivent des situations non-conformes aux « canons » de l’Église : divorcés, remariés, conjoints séparés, homosexuels, couples en union libre… En deux ans, le pape François nous a régulièrement exhortés, laïcs et pasteurs, à nous ouvrir aux périphéries, à rejoindre les gens sur leur chemin, là où ils en sont, à ouvrir nos cœurs, à quitter nos mondanités et à convertir notre pharisaïsme…
Tout cela a produit ses effets, y compris dans ces domaines très sensibles de la famille et du couple ; les lignes ont donc clairement bougé, ce qui est une très bonne chose.
Indissolubilité du mariage confirmée, exigence d’une mise en pratique générale de la miséricorde : tout cela témoigne selon nous d’une avancée qui va dans le bon sens et d’une plus grande communion dans l’Église, ou — pour faire court — se rapprochent les tenants de la Vérité et ceux de la Miséricorde, ce qui est d’ailleurs très biblique : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent » dit le psaume 84…
Foi et sacrement de mariage
Un autre sujet important émerge d’un bon nombre de débats depuis le début de l’année 2015 : il s’agit de celui concernant les critères de validité d’un sacrement de mariage ; c’est là d’ailleurs une réflexion qui n’est pas dissociée du thème précédent, et qui ressort même d’autant plus que l’indissolubilité se confirme et que la miséricorde doit se vivre bien plus concrètement et largement !
Dans l’avion qui le ramenait de Rio en 2013, le pape François avait soulevé la question de la validité des mariages en affirmant qu’il était d’accord avec les propos de son prédécesseur à Buenos Aires, qui considérait que 50 % des mariages célébrés dans son diocèse étaient invalides. Or, aucun pasteur, et en tout premier lieu le pape, ne peut se résoudre à ce que l’Église continue sans sourciller à célébrer des sacrements de mariage pour une bonne part « invalides ». Ce serait d’une grande hypocrisie pastorale, évangéliquement intenable. Pourtant, cette situation dure et s’aggrave partout dans le monde.
Des situations absurdes
Rappelons les dispositions canoniques : un mariage entre deux baptisés ne peut être que sacramentel. Sur ce principe, l’Église a de fait marié depuis des décennies quasiment tous les baptisés qui se sont présentés à elle : c’était sans doute compréhensible dans une société chrétienne, mais on voit bien où cette pratique conduit dans un monde fortement sécularisé.
La situation pastorale devient de plus en plus absurde, voire ubuesque parfois : parmi ceux qui se marient, de plus en plus ne mettent jamais les pieds dans une Église et ont comme culture chrétienne le « catéchisme » transmis par les médias.
Par ailleurs, certains divorcés redécouvrent une foi vivante, mais se trouvent « empêchés » de se marier à l’Église en découvrant que leur 1er mariage est indissoluble, alors qu’il n’était motivé par aucun sens chrétien. Tant de fiancés ne demandent en effet qu’un peu de symbolique sacrée dans une union 100% profane ! Ce qui renvoie aux propos du cardinal Etchegaray : « Beaucoup voient dans le sacrement de mariage un mariage civil saupoudré de quelques valeurs ou rites religieux, mais dans ce cas, on ne comprend strictement rien au mariage chrétien ! »
Ce sujet n’est d’ailleurs pas nouveau : le cardinal Ratzinger soulignait le lien organique entre la vie de foi et ce sacrement, en invitant l’Église à réfléchir sur l’évolution des critères retenus pour la validité d’un mariage. Jean-Paul II précisait que « c’est uniquement s’ils prennent part à l’amour du Christ, que les époux peuvent s’aimer jusqu’à la fin ». Benoît XVI appliquait au mariage les paroles du Christ : « Sans moi vous ne pouvez rien faire » et en concluait à « l'incapacité de l'homme d'accomplir seul la réalisation du vrai bien ».
Une fausse connaissance du mariage
Le dernier synode demande dans son rapport final que soit clarifié le « rôle de la foi des deux personnes qui demandent un sacrement de mariage » (§ 48).
Enfin, le pape François s’est prononcé précisément sur cette question lors de son discours au tribunal de la Rote en janvier : puisque « l’abandon d’une perspective de foi débouche inexorablement sur une fausse connaissance du mariage », il invite le juge matrimonial à « établir la vérité du moment du consentement », à examiner si l'échange des consentements « a été fidèle au Christ ou à la mentalité mondaine ».
Ainsi, poursuit-il, pour « mesurer la validité du consentement exprimé », le juge doit « tenir compte du contexte de valeurs et de foi, ou de leur absence, dans lequel l'intention matrimoniale s'est formée ». La réflexion de l’Église sur ce sujet est donc relancée au plus haut niveau en cet entre-deux-synodes.
La vie de foi des époux
La vie de foi des époux au moment du mariage pourrait devenir un critère pour « mesurer la validité du consentement » pour reprendre l’expression du pape. Si cette « mesure » est ainsi retenue pour apprécier la validité d’un consentement passé (discernement après un divorce), elle le sera nécessairement pour un consentement à venir (discernement avant un mariage). Ce serait alors un changement majeur de perspective, avec des incidences pastorales importantes.
En matière de préparation au mariage par exemple, l’Église accueille avec joie et bienveillance tous les baptisés qui se présentent pour se marier, mais, s’il est prioritaire de prendre le temps de les écouter et de bien comprendre leurs motivations, il serait donc désormais indispensable d’accompagner les futurs mariés par étape au travers d’un chemin de type catéchuménal (proposition du synode) pour les conduire à rencontrer le Christ vivant au cœur de leur amour, à goûter dans leurs vies ses œuvres de joie et de bénédiction. Bref, les évangéliser !
Cela leur permettra, une fois le Christ rencontré et confessé, de s’engager dans le mariage en ayant une pleine conscience devant Dieu et les hommes de leur alliance conjugale scellée avec Dieu lui-même. Alors, ils pourront consentir toute leur vie à la Parole de Jésus, « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » !
En matière de pastorale des divorcés, ce nouveau critère permettrait de reconnaître l’invalidité du mariage initial d’un bon nombre de divorcés actuels (cf. l’importance de l’invalidité qu’évoquait le pape), et leur ouvrirait la possibilité d’envisager un nouveau mariage à l’Église, désormais valide, dans la mesure où les conjoints le fondent sur le Christ.
Remise à plat et conversion pastorale
Même si le choix décisif en reviendra au pape, le synode de 2015 sera sans doute une étape déterminante dans le discernement de l’Église de choisir ou non la vie de foi des conjoints pour « mesurer la validité du consentement ». Si cette évolution est retenue, cela mettra d’autant plus en évidence la nécessaire « remise à plat » et la « conversion pastorale » en matière de préparation au mariage auxquelles nous invitent les pères synodaux : passer d’une pastorale du rite, du dogme et des valeurs, à une pastorale d’évangélisation, du témoignage, de la miséricorde, du kérygme conjugal, que ce soit avant le mariage ou après le mariage.
Une pastorale du kérygme conjugal
Certes, cette évolution n’est pas sans poser des questions sous certains angles théologiques ou pastoraux, et il est important d’y répondre ! Certes, il faudra du temps, de la pédagogie, de la formation un accompagnement dans la durée des pasteurs et des baptisés pour accompagner cette mutation pastorale !
Pourtant, elle nous apparaît d’une grande opportunité pour plusieurs raisons majeures : apporter plus de cohérence entre théologie et pastorale sacramentelles ; redonner toute leur place et de concert à la Vérité et à la Miséricorde dans la pastorale matrimoniale ; la dégager de bon nombre de ses ambiguïtés et déverrouiller les cas polémiques ; recentrer la pastorale conjugale sur l’évangélisation, sur une prédication qui parle au cœur de tous et aux périphéries ; lui impulser un nouvel élan missionnaire attractif et contagieux, que le synode et leur pape appellent de leur vœux.
Que notre prière à tous accompagne la réflexion et le discernement des pères synodaux !
Alex et Maud Lauriot-Prevost sont les auteurs d’Evangéliser le mariage et de Jésus sauve ton couple, Editions Salvator, 2013.
www.evangilepourlecouple.fr
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******************** 20 Avril 2015 ********************
Depuis que le pape François a annoncé la tenue de deux synodes sur la famille, l’Eglise connaît un vif débat sur la possibilité d’admettre aux sacrements de la réconciliation et de l’eucharistie les fidèles divorcés et remariés civilement. Mgr Jean-Paul Vesco offre une contribution à ce débat dans son ouvrage Tout amour véritable est indissoluble paru au Cerf en février 2015. Vatican II affirme que « les évêques sont les docteurs « authentiques », c’est-à-dire revêtus de l’autorité du Christ, qui prêchent au peuple qui leur est confié la foi qu’il doit croire et qu’il doit faire passer dans ses moeurs. » (Lumen gentium, §25) Or les positions de l’évêque d’Oran, fortement relayées par les médias catholiques français, sont de nature à jeter le trouble dans l’esprit des fidèles sur certains points de la doctrine et de la discipline de l’Eglise ainsi que sur la philosophie du mariage selon le droit naturel. Comme fidèle laïc marié et comme philosophe1, ses propos me sont apparus comme appelant une lecture critique. Pour cela, je m’appuierai sur la Parole de Dieu, transmise par l’Ecriture sainte et la Tradition et interprétée par le magistère (Dei Verbum, §10). Mais comme Mgr Vesco aborde ces questions en relevant leurs enjeux philosophiques et juridiques, l’usage de la simple raison sera également requis.
Sa réflexion s’enracine dans l’écoute des fidèles souffrant de se sentir exclus et incompris par l’Eglise. A de nombreuses reprises, il affirme que la discipline actuelle est impossible à vivre. L’alternative entre la séparation ou au moins la continence perpétuelle (pour pouvoir recevoir le pardon sacramentel et l’eucharistie) d’une part et d’autre part l’abstinence eucharistique perpétuelle et l’éloignement de la réconciliation (s’il y a persistance dans l’état de péché) lui paraît inhumaine et à ce titre constituerait un véritable contre-témoignage adressé au monde. Dès lors, il cherche à justifier une évolution disciplinaire, signe que l’Eglise aurait enfin compris la souffrance de ses enfants. Notons que Mgr Vesco, ancien avocat, développe une plaidoirie qui fait feu de tout bois pour convaincre son lecteur que cette évolution n’engendrerait aucune contradiction entre vérité et miséricorde. Il demande non pas que l’Eglise transige pour plaire au monde mais au contraire qu’elle saisisse l’occasion qu’offre cette douloureuse interpellation pour grandir dans sa réception de l’Evangile. L’enjeu de son livre en est d’autant renforcé car il offre une méthode qui pourrait être utilisée sur d’autres sujets, par exemple la bénédiction des unions entre personnes de même sexe.
Le nœud de l’argumentation est que l’Eglise ne peut demander aux « divorcés remariés » de rompre la « nouvelle alliance » qu’ils ont conclue. Pourquoi une telle demande serait-elle impossible ? La raison invoquée est que la seconde union comme « tout amour conjugal véritable » est indissoluble. Effectivement en bonne logique un lien indissoluble ne peut être délié. Mais en quoi la seconde union, qui semble prospérer sur la dissolution de la première, est-elle déclarée indissoluble? C’est là que Mgr Vesco fait preuve de prouesses pour convaincre son lecteur se demandant s’il n’est pas face à de magnifiques « sophismes » (ignorant les intentions profondes de notre auteur je ne peux que mettre entre guillemets ce terme) ! Il reprend la doctrine traditionnelle selon laquelle le mariage est institué par le Créateur et qu’à ce titre le mariage civil entre deux non-baptisés est indissoluble. Ce n’est donc pas le sacrement qui rend le lien conjugal indissoluble. Au contraire, à l’origine Dieu a créé l’homme et la femme afin qu’ils se donnent l’un à l’autre et ne forment plus qu’une seule chair ; et c’est pour cela que le Christ tout en rappelant le dessein divin originel a fait du mariage un sacrement qui conjointement communique la grâce nécessaire pour y être fidèle et signifie son union indissoluble avec l’Eglise. Comment s’appuyer sur une telle doctrine pour reconnaître que la seconde union étant indissoluble l’Eglise ne peut exiger une séparation pour avoir accès aux sacrements ? C’est que indissoluble désigne pour lui indélébile, ineffaçable ; un lien est dit indissoluble parce qu’il crée du « définitif » (par exemple les enfants nés de l’union) ayant donc une certaine objectivité que même l’Eglise doit respecter. La nouvelle acception de ce terme lui permet d’opposer à la discipline sacramentelle une réalité qui semble devoir s’imposer d’autant plus à l’Eglise qu’elle est présentée comme une propriété de « tout amour véritable qui vient de Dieu » (p. 61). Une fois validée la légitimité anthropologique de la seconde union, la seule question qui reste à régler est : l’Eglise peut-elle s’entêter à refuser la réconciliation et l’eucharistie indistinctement à tous ceux qui se sont engagés dans une nouvelle union ( = dans « un amour véritable ») ?
Pour rendre possible ce qui est aujourd’hui impossible, il convient de contester la notion de « persistance en état de péché » signifiant le refus du repentir et donc de la réconciliation (canon 915). En effet, une telle notion rend caduque toute l’élaboration à laquelle il est arrivé puisque cela présuppose que la nouvelle union n’est pas en soi définitive, bref que ce qui est appelé du définitif n’est en fait que la réitération d’un acte volontaire par définition contingent parce que libre. Pour cela Mgr Vesco, tournant le dos à une approche de théologie morale, va utiliser une distinction strictement juridique entre infraction instantanée et infraction continue. La première, nous dit-il, est circonscrite dans le temps. Il prend l’exemple du meurtre effectué à tel instant mais qui emporte des conséquences définitives sur lesquelles le meutrier ne peut plus rien. La seconde se prolonge dans le temps, tel le vol avec recel. Ici l’infraction se réalise aussi longtemps que la personne n’a pas volontairement mis fin à la situation. Pour l’Eglise actuelle, les fidèles vivant dans une seconde union sont dans une infraction continue. Mgr Vesco cherche à convaincre son lecteur qu’ils sont au contraire dans une infraction instantanée. La grande différence entre les deux est que, coupable d’une infraction instantanée, je peux être pardonné alors même que mon acte mauvais a causé des conséquences irréversibles. Le pardon éventuel que le meutrier repenti reçoit ne rend pas la vie à sa victime. En revanche, pour recevoir le pardon dans une infraction continue, il faut d’abord volontairement y mettre fin. Le bénéfice rhétorique de l’analogie est évident.
Les « divorcés remariés » étant installés dans une nouvelle union présentée comme définitive et indissoluble, il convient de dissocier l’acte mauvais (la rupture de la première union et l’entrée dans la seconde) des conséquences définitives en elles-mêmes bonnes (l’amour, la vie familiale, l’éducation des enfants etc.). De même que le meutrier peut recevoir le pardon de son acte sans que les conséquences définitives en soient modifiées, de même les divorcés remariés devraient pouvoir recevoir un pardon sans que l’Eglise leur demande préalablement de renoncer à leur vie maritale présentée de toute façon comme inéluctable et indissoluble. Le présupposé de toute l’argumentation est que les remariés civilement ne sont plus libres et responsables de ce qu’ils vivent aujourd’hui ! Ils ont peut-être été coupables jadis mais leur situation actuelle n’a plus de lien direct et vivant avec un tel choix. Cette atomisation de la volonté soulève la question de ce que Mgr Vesco entend par « amour véritable ». En effet, de deux choses l’une : soit cet amour est vu comme un don de soi libre et on peut difficilement affirmer que la situation actuelle est un fait échappant à la volonté des amants ; dans ce cas l’exigence de l’Eglise est réalisable, bien que peut-être héroïque ; soit cet amour est soustrait à l’empire de la volonté mais alors il s’agit d’une inclination passionnelle vécue comme une fatalité ; dans ce cas, on ne voit pas en quoi un tel amour pourrait être désigné comme « véritable » et exigerait de l’Eglise un respect absolu.
L’argumentation de Mgr Vesco est donc inconsistante car elle affirme comme nécessaire (la vie dans la deuxième union) ce qui est en réalité contingent (car reposant sur la volonté) pour contraindre l’Eglise à valider un changement de vie somme toute éminemment contingent (on peut certes subir un divorce mais on ne peut pas vivre en couple contre son gré) ! Cette erreur vient d’une ignorance de la nature du mariage aussi bien naturel que sacramentel. Le lien conjugal est le don de soi réciproque que l’homme et la femme font librement l’un à l’autre. Un don n’est pas un prêt, il ne peut donc qu’être unique et exclusif jusqu’à la mort d’un des deux conjoints. On ne peut se donner corps et âme qu’à une seule personne vivante. La mort seule peut ainsi détruire le lien conjugal. Tout engagement dans une nouvelle union est ipso facto une infidélité et un mensonge puisque signifiant un don de soi impossible à faire m’étant déjà donné à mon conjoint. Parler comme le fait Mgr Vesco tout au long de son livre (jusque dans son titre) d’ « amour véritable » implique une réduction psychologique de l’amour humain. La vérité objective de la conjugalité a été évacuée pour faire place à la sincérité subjective. Tout le soubassement anthropologique et éthique de la doctrine du mariage est occulté au profit d’une approche mesurée par les sciences humaines et l’esprit du positivisme juridique actuel. Tout cela lui permet de contourner la radicalité de la Parole de Dieu sur le mariage indissoluble. Ignorant la riche lecture que saint Jean-paul II en a donnée2, il prétend, dans une singulière projection, que les paroles du Christ renvoyant à l’origine sont à lire dans le contexte d’une discussion casuistique dont on ne peut universaliser les conclusions ! Contre les paroles explicites du Christ (Matthieu, 19 1-11) il considère, ayant préalablement réduit l’adultère à son acception mondaine de relation extra-conjugale impliquant duplicité et tromperie, que les « divorcés remariés » ne seraient donc pas adultères. Il arrive ainsi à soutenir que la bigamie constitue en droit pénal une infraction continue mais que la nouvelle union entre deux baptisés n’est qu’une infraction instantanée. La contradiction interne est totale.
Qui ne voit qu’au nom d’une empathie avec la souffrance de certains fidèles c’est le cœur du mariage chrétien qui est déconstruit ? Ce ne serait donc pas au pécheur de changer mais à l’Eglise. Il me revient à l’esprit les paroles fortes de saint Jean-Paul II sur « la perte du sens du péché » dont le « sécularisme » est la cause. Or si le péché n’est plus identifié comme péché, la miséricorde divine apparaît alors comme vaine et superflue. Dès lors, « rétablir un juste sens du péché, c’est la première façon d’affronter la grave crise spirituelle qui pèse sur l’homme de notre temps. Mais le sens du péché ne se rétablira que par un recours clair aux principes inaliénables de la raison et de la foi que la doctrine morale de l’Eglise a toujours soutenu » (Reconciliatio et paenitentia, § 18). Mgr Vesco au lieu d’annoncer à temps et à contretemps la Bonne Nouvelle du mariage intrinsèquement liée à l’appel universel à la sainteté (Lumen gentium §40)3, préfère en édulcorer la saveur pour la rendre audible par les hommes blessés et pécheurs que nous sommes tous. Le pape François si sensible à la miséricorde divine a clairement identifié à quel point le danger majeur de l’Eglise actuelle est la mondanité. Plus que jamais méditons l’exhortation de saint Paul aux Romains : « ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait. » (Rm 12,2)
1 Je me permets de renvoyer à mon livre: "Divorcés remériés, l’Eglise va-t-elle (enfin) changer ? Paris, DDB, 2014
2 Jean-Paul II, la théologie du corps, traduction et notes par Yves Semen, Paris, le Cerf, 2004
3 Pour une telle approche, véritablement pastoral, je renvoie à l’excellent article du père Thomas Michelet, op « Synode sur la famille : la voie de l’ordo paenitentium », Nova et vetera, n), 2015 accessible en ligne : http://www.novaetvetera.ch/index.php/fr/la-revue/a-la-une/40-synode-sur-la-famille-la-voie-de-l-ordo-paenitentium
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"Divorcés remariés : les «sophismes» de Mgr Vesco" Thibaud Collin
(Source: La Croix)
Depuis que le pape François a annoncé la tenue de deux synodes sur la famille, l’Eglise connaît un vif débat sur la possibilité d’admettre aux sacrements de la réconciliation et de l’eucharistie les fidèles divorcés et remariés civilement. Mgr Jean-Paul Vesco offre une contribution à ce débat dans son ouvrage Tout amour véritable est indissoluble paru au Cerf en février 2015. Vatican II affirme que « les évêques sont les docteurs « authentiques », c’est-à-dire revêtus de l’autorité du Christ, qui prêchent au peuple qui leur est confié la foi qu’il doit croire et qu’il doit faire passer dans ses moeurs. » (Lumen gentium, §25) Or les positions de l’évêque d’Oran, fortement relayées par les médias catholiques français, sont de nature à jeter le trouble dans l’esprit des fidèles sur certains points de la doctrine et de la discipline de l’Eglise ainsi que sur la philosophie du mariage selon le droit naturel. Comme fidèle laïc marié et comme philosophe1, ses propos me sont apparus comme appelant une lecture critique. Pour cela, je m’appuierai sur la Parole de Dieu, transmise par l’Ecriture sainte et la Tradition et interprétée par le magistère (Dei Verbum, §10). Mais comme Mgr Vesco aborde ces questions en relevant leurs enjeux philosophiques et juridiques, l’usage de la simple raison sera également requis.
Sa réflexion s’enracine dans l’écoute des fidèles souffrant de se sentir exclus et incompris par l’Eglise. A de nombreuses reprises, il affirme que la discipline actuelle est impossible à vivre. L’alternative entre la séparation ou au moins la continence perpétuelle (pour pouvoir recevoir le pardon sacramentel et l’eucharistie) d’une part et d’autre part l’abstinence eucharistique perpétuelle et l’éloignement de la réconciliation (s’il y a persistance dans l’état de péché) lui paraît inhumaine et à ce titre constituerait un véritable contre-témoignage adressé au monde. Dès lors, il cherche à justifier une évolution disciplinaire, signe que l’Eglise aurait enfin compris la souffrance de ses enfants. Notons que Mgr Vesco, ancien avocat, développe une plaidoirie qui fait feu de tout bois pour convaincre son lecteur que cette évolution n’engendrerait aucune contradiction entre vérité et miséricorde. Il demande non pas que l’Eglise transige pour plaire au monde mais au contraire qu’elle saisisse l’occasion qu’offre cette douloureuse interpellation pour grandir dans sa réception de l’Evangile. L’enjeu de son livre en est d’autant renforcé car il offre une méthode qui pourrait être utilisée sur d’autres sujets, par exemple la bénédiction des unions entre personnes de même sexe.
Le nœud de l’argumentation est que l’Eglise ne peut demander aux « divorcés remariés » de rompre la « nouvelle alliance » qu’ils ont conclue. Pourquoi une telle demande serait-elle impossible ? La raison invoquée est que la seconde union comme « tout amour conjugal véritable » est indissoluble. Effectivement en bonne logique un lien indissoluble ne peut être délié. Mais en quoi la seconde union, qui semble prospérer sur la dissolution de la première, est-elle déclarée indissoluble? C’est là que Mgr Vesco fait preuve de prouesses pour convaincre son lecteur se demandant s’il n’est pas face à de magnifiques « sophismes » (ignorant les intentions profondes de notre auteur je ne peux que mettre entre guillemets ce terme) ! Il reprend la doctrine traditionnelle selon laquelle le mariage est institué par le Créateur et qu’à ce titre le mariage civil entre deux non-baptisés est indissoluble. Ce n’est donc pas le sacrement qui rend le lien conjugal indissoluble. Au contraire, à l’origine Dieu a créé l’homme et la femme afin qu’ils se donnent l’un à l’autre et ne forment plus qu’une seule chair ; et c’est pour cela que le Christ tout en rappelant le dessein divin originel a fait du mariage un sacrement qui conjointement communique la grâce nécessaire pour y être fidèle et signifie son union indissoluble avec l’Eglise. Comment s’appuyer sur une telle doctrine pour reconnaître que la seconde union étant indissoluble l’Eglise ne peut exiger une séparation pour avoir accès aux sacrements ? C’est que indissoluble désigne pour lui indélébile, ineffaçable ; un lien est dit indissoluble parce qu’il crée du « définitif » (par exemple les enfants nés de l’union) ayant donc une certaine objectivité que même l’Eglise doit respecter. La nouvelle acception de ce terme lui permet d’opposer à la discipline sacramentelle une réalité qui semble devoir s’imposer d’autant plus à l’Eglise qu’elle est présentée comme une propriété de « tout amour véritable qui vient de Dieu » (p. 61). Une fois validée la légitimité anthropologique de la seconde union, la seule question qui reste à régler est : l’Eglise peut-elle s’entêter à refuser la réconciliation et l’eucharistie indistinctement à tous ceux qui se sont engagés dans une nouvelle union ( = dans « un amour véritable ») ?
Pour rendre possible ce qui est aujourd’hui impossible, il convient de contester la notion de « persistance en état de péché » signifiant le refus du repentir et donc de la réconciliation (canon 915). En effet, une telle notion rend caduque toute l’élaboration à laquelle il est arrivé puisque cela présuppose que la nouvelle union n’est pas en soi définitive, bref que ce qui est appelé du définitif n’est en fait que la réitération d’un acte volontaire par définition contingent parce que libre. Pour cela Mgr Vesco, tournant le dos à une approche de théologie morale, va utiliser une distinction strictement juridique entre infraction instantanée et infraction continue. La première, nous dit-il, est circonscrite dans le temps. Il prend l’exemple du meurtre effectué à tel instant mais qui emporte des conséquences définitives sur lesquelles le meutrier ne peut plus rien. La seconde se prolonge dans le temps, tel le vol avec recel. Ici l’infraction se réalise aussi longtemps que la personne n’a pas volontairement mis fin à la situation. Pour l’Eglise actuelle, les fidèles vivant dans une seconde union sont dans une infraction continue. Mgr Vesco cherche à convaincre son lecteur qu’ils sont au contraire dans une infraction instantanée. La grande différence entre les deux est que, coupable d’une infraction instantanée, je peux être pardonné alors même que mon acte mauvais a causé des conséquences irréversibles. Le pardon éventuel que le meutrier repenti reçoit ne rend pas la vie à sa victime. En revanche, pour recevoir le pardon dans une infraction continue, il faut d’abord volontairement y mettre fin. Le bénéfice rhétorique de l’analogie est évident.
Les « divorcés remariés » étant installés dans une nouvelle union présentée comme définitive et indissoluble, il convient de dissocier l’acte mauvais (la rupture de la première union et l’entrée dans la seconde) des conséquences définitives en elles-mêmes bonnes (l’amour, la vie familiale, l’éducation des enfants etc.). De même que le meutrier peut recevoir le pardon de son acte sans que les conséquences définitives en soient modifiées, de même les divorcés remariés devraient pouvoir recevoir un pardon sans que l’Eglise leur demande préalablement de renoncer à leur vie maritale présentée de toute façon comme inéluctable et indissoluble. Le présupposé de toute l’argumentation est que les remariés civilement ne sont plus libres et responsables de ce qu’ils vivent aujourd’hui ! Ils ont peut-être été coupables jadis mais leur situation actuelle n’a plus de lien direct et vivant avec un tel choix. Cette atomisation de la volonté soulève la question de ce que Mgr Vesco entend par « amour véritable ». En effet, de deux choses l’une : soit cet amour est vu comme un don de soi libre et on peut difficilement affirmer que la situation actuelle est un fait échappant à la volonté des amants ; dans ce cas l’exigence de l’Eglise est réalisable, bien que peut-être héroïque ; soit cet amour est soustrait à l’empire de la volonté mais alors il s’agit d’une inclination passionnelle vécue comme une fatalité ; dans ce cas, on ne voit pas en quoi un tel amour pourrait être désigné comme « véritable » et exigerait de l’Eglise un respect absolu.
L’argumentation de Mgr Vesco est donc inconsistante car elle affirme comme nécessaire (la vie dans la deuxième union) ce qui est en réalité contingent (car reposant sur la volonté) pour contraindre l’Eglise à valider un changement de vie somme toute éminemment contingent (on peut certes subir un divorce mais on ne peut pas vivre en couple contre son gré) ! Cette erreur vient d’une ignorance de la nature du mariage aussi bien naturel que sacramentel. Le lien conjugal est le don de soi réciproque que l’homme et la femme font librement l’un à l’autre. Un don n’est pas un prêt, il ne peut donc qu’être unique et exclusif jusqu’à la mort d’un des deux conjoints. On ne peut se donner corps et âme qu’à une seule personne vivante. La mort seule peut ainsi détruire le lien conjugal. Tout engagement dans une nouvelle union est ipso facto une infidélité et un mensonge puisque signifiant un don de soi impossible à faire m’étant déjà donné à mon conjoint. Parler comme le fait Mgr Vesco tout au long de son livre (jusque dans son titre) d’ « amour véritable » implique une réduction psychologique de l’amour humain. La vérité objective de la conjugalité a été évacuée pour faire place à la sincérité subjective. Tout le soubassement anthropologique et éthique de la doctrine du mariage est occulté au profit d’une approche mesurée par les sciences humaines et l’esprit du positivisme juridique actuel. Tout cela lui permet de contourner la radicalité de la Parole de Dieu sur le mariage indissoluble. Ignorant la riche lecture que saint Jean-paul II en a donnée2, il prétend, dans une singulière projection, que les paroles du Christ renvoyant à l’origine sont à lire dans le contexte d’une discussion casuistique dont on ne peut universaliser les conclusions ! Contre les paroles explicites du Christ (Matthieu, 19 1-11) il considère, ayant préalablement réduit l’adultère à son acception mondaine de relation extra-conjugale impliquant duplicité et tromperie, que les « divorcés remariés » ne seraient donc pas adultères. Il arrive ainsi à soutenir que la bigamie constitue en droit pénal une infraction continue mais que la nouvelle union entre deux baptisés n’est qu’une infraction instantanée. La contradiction interne est totale.
Qui ne voit qu’au nom d’une empathie avec la souffrance de certains fidèles c’est le cœur du mariage chrétien qui est déconstruit ? Ce ne serait donc pas au pécheur de changer mais à l’Eglise. Il me revient à l’esprit les paroles fortes de saint Jean-Paul II sur « la perte du sens du péché » dont le « sécularisme » est la cause. Or si le péché n’est plus identifié comme péché, la miséricorde divine apparaît alors comme vaine et superflue. Dès lors, « rétablir un juste sens du péché, c’est la première façon d’affronter la grave crise spirituelle qui pèse sur l’homme de notre temps. Mais le sens du péché ne se rétablira que par un recours clair aux principes inaliénables de la raison et de la foi que la doctrine morale de l’Eglise a toujours soutenu » (Reconciliatio et paenitentia, § 18). Mgr Vesco au lieu d’annoncer à temps et à contretemps la Bonne Nouvelle du mariage intrinsèquement liée à l’appel universel à la sainteté (Lumen gentium §40)3, préfère en édulcorer la saveur pour la rendre audible par les hommes blessés et pécheurs que nous sommes tous. Le pape François si sensible à la miséricorde divine a clairement identifié à quel point le danger majeur de l’Eglise actuelle est la mondanité. Plus que jamais méditons l’exhortation de saint Paul aux Romains : « ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait. » (Rm 12,2)
1 Je me permets de renvoyer à mon livre: "Divorcés remériés, l’Eglise va-t-elle (enfin) changer ? Paris, DDB, 2014
2 Jean-Paul II, la théologie du corps, traduction et notes par Yves Semen, Paris, le Cerf, 2004
3 Pour une telle approche, véritablement pastoral, je renvoie à l’excellent article du père Thomas Michelet, op « Synode sur la famille : la voie de l’ordo paenitentium », Nova et vetera, n), 2015 accessible en ligne : http://www.novaetvetera.ch/index.php/fr/la-revue/a-la-une/40-synode-sur-la-famille-la-voie-de-l-ordo-paenitentium
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******************** 3 Avril 2015 ********************
"Le mariage et la famille"
(Source: Evangile de la vie)
"Le mariage et la famille"
Conférence du Cardinal Caffarra, archevêque de Bologne
12 mars 2015
"Foi et Culture face au Mariage"
DOCUMENT | Professeur de théologie morale, le cardinal Caffara est archevêque de Bologne. Spécialiste du mariage, de la famille, de la procréation, il fut l’homme de confiance de saint Jean Paul II sur ces questions, et à ce titre, le premier président de l’Institut pontifical d'études sur le mariage et la famille créé en 1981 à l'université du Latran, à la suite du synode de 1980. Inlassable promoteur de la théologie du corps du pape polonais, il a émis des critiques sévères contre le rapport du cardinal Kasper en faveur d’une remise en cause de la doctrine de l’Église sur l’accès à la communion des divorcés-remariés. Le pape François lui a récemment témoigné toute son estime. Dans une conférence prononcée le 12 mars dernier, à Rome, à l’Université pontificale de la Sainte-Croix, il revient sur les défis dela proposition chrétienne en matière de mariage dans la culture occidentale.
IL EST NECESSAIRE, pour que je puisse indiquer avec la rigueur conceptuelle voulue? quel est exactement le thème de ma réflexion, de procéder à une clarification des termes qui vont être employés.
Foi : j’entends par là la fides quæ en ce qui concerne le mariage. Elle est synonyme d’“évangile du mariage” non seulement au sens objectif, c’est-à-dire ce que l’Évangile propose à propos du mariage, mais également au sens subjectif, c’est-à-dire l’Évangile, la bonne nouvelle qu’est le mariage. Il faut souligner que ma réflexion va porter sur la doctrine de foi à propos du mariage considérée non pas en soi, mais en tant qu’elle est communiquée dans un contexte culturel précis, celui de l’Occident. En bref : ma réflexion va porter sur la communication de la proposition chrétienne en matière de mariage dans la culture occidentale.
Je passe maintenant au second terme : culture. Par ce mot, j’entends la perception du mariage telle qu’elle est actuellement répandue en Occident. Et par perception, j’entends la manière de penser le mariage, qui s’exprime principalement dans les systèmes juridiques des États et dans les déclarations des organismes internationaux.
Je vais maintenant entrer dans le vif du sujet. Ma réflexion va être structurée en trois parties.
Dans la première, je chercherai à esquisser une présentation de la situation culturelle dans laquelle le mariage se trouve actuellement en Occident.
Dans la seconde, je chercherai à identifier les problèmes fondamentaux que cette situation culturelle pose à la proposition chrétienne en matière de mariage.
Dans la troisième, j’indiquerai quelques modalités fondamentales selon lesquelles l’Évangile du mariage doit être proposé aujourd’hui.
I- Situation du mariage en Occident
« Rari nantes in gurgite vasto. » Ce vers célèbre de Virgile donne une photographie parfaite de la situation du mariage en Occident. L’édifice du mariage n’a pas été détruit ; il a été déconstruit, démonté morceau par morceau. À la fin, nous avons tous les morceaux, mais il n’y a plus d’édifice.
Toutes les catégories qui constituent l’institution matrimoniale – conjugalité ; paternité-maternité ; filiation-fraternité – existent encore, mais elles n’ont plus une signification univoque.
Pourquoi et comment cette déconstruction a-t-elle pu se produire ? Si nous commençons à descendre en profondeur, nous constatons qu’est en train de se réaliser une institutionnalisation du mariage qui fait abstraction de la détermination bio-sexuelle de l’être humain. Il est de plus en plus possible de concevoir un mariage totalement séparé de la sexualité propre de chacun des deux époux. Cette séparation va jusqu’à impliquer une autre catégorie, celle de la paternité-maternité elle-même.
La conséquence la plus importante de cette débiologisation du mariage est que celui-ci est réduit à être une simple émotion privée, qui n’a plus une importance publique fondamentale.
Le processus qui a conduit à séparer l’institution matrimoniale de l’identité sexuelle des époux a été long et complexe.
1/ Le premier élément de ce processus est constitué par la manière de concevoir le rapport de l’individu avec son corps. Il s’agit là d’un thème qui a toujours accompagné la pensée chrétienne. Qu’il me soit permis de décrire l’évolution des choses au moyen d’une métaphore.
Il existe des aliments qui, lorsqu’ils sont ingérés, peuvent être métabolisés sans créer de problèmes, que ce soit dans l’immédiat ou ultérieurement ; ils ne provoquent pas non plus d’indigestions ni d’augmentation du taux de cholestérol. Il existe d’autre part des aliments qui, lorsqu’ils sont ingérés, sont d’une digestion difficile. Il existe enfin des aliments qui sont nuisibles pour l’organisme, y compris à long terme.
La pensée chrétienne a ingéré la conception platonicienne et néoplatonicienne de l’homme et cette décision a créé de graves problèmes de “métabolisme”. Pour reprendre une expression chère aux théologiens médiévaux, le vin de la foi risquait de devenir l’eau de Platon, au lieu que ce soit l’eau de Platon qui devienne le vin de la foi.
Augustin a vu très clairement et très profondément que la difficulté résidait dans l’humanitas-humilitas Verbi, dans le fait qu’il s’était fait chair, corps.
La difficulté proprement théologique ne pouvait pas ne pas devenir également une difficulté anthropologique concernant précisément le rapport individu-corps. La grande thèse de saint Thomas qui affirmait l’unité de substance de l’individu n’a pas triomphé.
2/ Second élément. La séparation du corps et de l’individu trouve une impulsion nouvelle dans la méthodologie qui est propre à la science moderne, consistant à éliminer de son sujet d’étude toute référence à la subjectivité, dans la mesure où celle-ci n’est pas une grandeur mesurable. Le parcours qui permet de séparer le corps et l’individu — la réduction, la transformation du corps en un pur objet — peut alors être considéré comme pratiquement achevé.
D’une part la donnée biologique est progressivement éliminée de la définition du mariage ; d’autre part et par conséquent en ce qui concerne la définition du mariage, les catégories d’une subjectivité réduite à une pure émotivité deviennent centrales.
Je m’arrête quelques instants sur ce point. Avant que ne soit pris le virage de la débiologisation, le “génome” du mariage et de la famille était constitué essentiellement de la relation entre deux relations : la relation de réciprocité (la conjugalité) et la relation intergénérationnelle (la génitorialité). Ces trois relations étaient intra-personnelles : elles étaient pensées comme des relations enracinées dans l’individu. Elles ne se réduisaient certainement pas aux données biologiques, mais les données biologiques étaient assumées et intégrées dans la totalité de l’individu. Le corps est un corps-individu et l’individu est un individu-corps.
Actuellement la conjugalité peut être ou bien hétérosexuelle, ou bien homosexuelle ; quant à la génitorialité, elle peut être obtenue au moyen d’un procédé technique. Comme l’a justement démontré Pier Paolo Donati, nous sommes en train d’assister non pas à un changement morphologique, mais à un changement du génome de la famille et de celui du mariage.
II- Problèmes posés à l’Évangile du mariage
Dans cette seconde partie, je voudrais identifier les problèmes fondamentaux que cette situation culturelle pose à la proposition chrétienne en matière de mariage.
Je pense qu’il ne s’agit pas en premier lieu d’un problème éthique, de comportements humains. La situation dans laquelle se trouvent actuellement le mariage et la famille ne peut pas être traitée en premier lieu par des exhortations morales. C’est une question radicalement anthropologique que celle qui est posée à l’annonce de l’Évangile du mariage. Je voudrais maintenant préciser en quel sens.
1/ La première dimension de la question anthropologique est la suivante. Il est bien connu que, selon la doctrine catholique, le mariage sacrement coïncide avec le mariage naturel. Je pense que la coïncidence entre l’un et l’autre ne peut plus, aujourd’hui, être mise en doute au point de vue théologique, même si, avec et après Duns Scot qui fut le premier à la nier, il y a eu de longues discussions à ce sujet au sein de l’Église latine.
Aujourd’hui, ce que l’Église voulait et veut toujours dire avec l’expression “mariage naturel” a été démoli dans la culture contemporaine. La “matière”, qu’il me soit permis de le dire, a été retirée au sacrement du mariage.
C’est à juste titre que les théologiens, les canonistes, et les pasteurs s’interrogent actuellement à propos du rapport foi-sacrement du mariage. Mais il existe un problème plus radical. Celui qui demande à contracter un mariage sacramentel, est-il capable de contracter un mariage naturel ? Ou bien : est-ce que ce n’est pas son humanité – plutôt que sa foi – qui est tellement dévastée qu’il n’est plus en mesure de se marier ? Il faut certainement avoir présents à l’esprit les canons 1096 (« Il faut que les contractants n'ignorent pas pour le moins que le mariage est une communauté permanente entre l'homme et la femme, ordonnée à la procréation ») et 1099. Cependant la præsumptio juris de l’alinéa 2 du canon 1096 (« Cette ignorance n'est pas présumée après la puberté ») ne doit pas être une occasion de désengagement par rapport à la situation spirituelle dans laquelle beaucoup de gens se trouvent en ce qui concerne le mariage naturel.
2/ La question anthropologique comporte une seconde dimension. Elle consiste en l’incapacité à percevoir la vérité — et par conséquent le caractère précieux — de la sexualité humaine. Je crois que c’est Augustin qui a décrit de la manière la plus précise cette manière d’être : « Submergé et aveuglé comme je l’étais, je n’étais pas en mesure de penser à la lumière de la vérité et à une beauté qui méritât d’être aimée pour elle-même, qui soit visible non pas au regard de la chair, mais seulement à l’œil intérieur » (Confessions, VI 16, 26).
L’Église doit se demander pourquoi elle s’est comportée, de fait, comme si le magistère de saint Jean-Paul II à propos de la sexualité et de l’amour humain n’existait pas. Nous devons aussi nous poser une autre question : comment et pourquoi l’Église, qui possède une grande école où elle apprend la vérité profonde du corps-individu — la liturgie — n’a pas su en tirer profit également en ce qui concerne la question anthropologique dont nous sommes en train de parler ? Jusqu’à quel point l’Église a-t-elle conscience du fait que la théorie du gender est un véritable tsunami, qui a pour cible principale non pas le comportement des individus, mais la destruction totale du mariage et de la famille ?
En résumé : le second problème fondamental qui est posé aujourd’hui à la proposition chrétienne en matière de mariage est la reconstruction d’une théologie et d’une philosophie du corps et de la sexualité qui créent un nouvel engagement éducatif dans toute l’Église.
3/La question anthropologique qui est posée à la proposition chrétienne en matière de mariage par la situation où celui-ci se trouve actuellement comporte une troisième dimension, qui est la plus grave.
La défaillance de la raison dans sa tension vers la vérité, dont il est question dans l'encyclique Fides et ratio (81-83), a également entraîné avec elle la volonté et la liberté de l’individu. L’appauvrissement de la raison a provoqué l’appauvrissement de la liberté. En conséquence du fait que nous désespérons de notre capacité à connaître une vérité totale et définitive, il nous est difficile de croire que l’individu puisse réellement se donner de manière totale et définitive et recevoir le don de soi-même total et définitif qui est effectué par quelqu’un d’autre.
L’annonce de l’Évangile du mariage a quelque chose à voir avec un individu dont la volonté et la liberté sont privées de leur consistance ontologique. Le résultat de cette inconsistance est, aujourd’hui, le fait que l’individu est incapable de penser l’indissolubilité du mariage autrement que sous la forme d’une loi exterius data : une grandeur inversement proportionnelle à la grandeur de la liberté. C’est là une question très sérieuse y compris dans l’Église.
Dans les systèmes juridiques civils, le passage du divorce pour faute au divorce par consentement mutuel institutionnalise la situation où se trouve, de nos jours, l’individu dans l’exercice de sa liberté.
4/ Avec cette dernière constatation nous sommes entrés dans la quatrième et dernière dimension de la question anthropologique posée à l’annonce de l’Évangile du mariage : la logique interne propre des systèmes juridiques des États en ce qui concerne le mariage et la famille. Non pas tellement le quid juris, mais le quid jus, dirait Kant. Sur cette question en général, Benoît XVI a formulé le magistère de l’Église dans un de ses discours fondamentaux, celui qu’il a prononcé à Berlin, le 22 septembre 2011, devant le parlement de la République fédérale d’Allemagne.
Les systèmes juridiques ont progressivement mis fin à l’enracinement du droit de la famille dans la nature de l’être humain. C’est une sorte de tyrannie de l’artificialité qui est en train de s’imposer et elle réduit la légitimité à la procédure.
Je viens de parler de « tyrannie de l’artificialité ». Prenons l’exemple de l’attribution de la conjugalité à la vie commune des homosexuels. Alors que jusqu’à présent les systèmes juridiques, partant du présupposé de la capacité naturelle qu’ont l’homme et la femme de contracter un mariage, se bornaient à déterminer les empêchements à l’exercice de cette capacité naturelle ou la forme selon laquelle elle devait être exercée, les lois actuelles tendant à l’égalité des droits s’attribuent l’autorité de créer la capacité d’exercer le droit de se marier. La loi s’arroge l’autorité nécessaire pour rendre possible artificiellement ce qui ne l’est pas naturellement.
Considérer – et agir en conséquence – que le mariage civil n’aurait pas de rapport avec l’Évangile du mariage et que ce dernier n’en aurait qu’avec le sacrement du mariage, serait une grave erreur. Cela reviendrait à abandonner le mariage civil aux dérives des sociétés libérales.
III- Modalités de l’annonce
Je voudrais maintenant, dans ce troisième et dernier point, indiquer quelques modalités selon lesquelles la proposition chrétienne en matière de mariage ne doit pas être faite et quelques modalités selon lesquelles elle peut être faite.
Il y a trois modalités qu’il faut éviter.
La modalité traditionnaliste, qui confond une manière particulière d’être une famille avec la famille et le mariage comme tels.
La modalité catacombale, qui choisit de retourner dans les catacombes ou d’y rester. Concrètement : les vertus “privées des époux” sont suffisantes ; il est préférable d’accepter que le mariage, du point de vue institutionnel, soit défini par ce que décide la société libérale.
La modalité conciliante, qui considère que la culture dont j’ai parlé précédemment est un processus historique qu’il est impossible d’arrêter. Elle propose donc de trouver avec celui-ci des compromis et d’en conserver ce qui semble pouvoir être reconnu comme bon.
Je n’ai pas le temps en ce moment de réfléchir plus longuement à chacune de ces trois modalités. Je vais donc indiquer maintenant quelques modalités positives.
Je pars d’une constatation. La reconstruction de la conception chrétienne du mariage dans la conscience de chaque individu et dans la culture occidentale doit être envisagée comme un processus long et difficile. Lorsqu’une pandémie s’abat sur une population, la première urgence est certainement de soigner ceux qui ont été atteints, mais il est également nécessaire d’éliminer les causes.
La première nécessité, dans ce cas, est de redécouvrir les évidences originelles concernant le mariage et la famille. Débarrasser les yeux du cœur de la cataracte des idéologies, qui nous empêchent de voir la réalité. C’est la pédagogie socratico-augustinienne du maître intérieur, pas simplement celle du consensus. C’est-à-dire : retrouver ce “connais-toi toi-même” qui a accompagné le cheminement spirituel de l’Occident.
Les évidences originelles sont inscrites dans la nature même de l’être humain. La vérité du mariage n’est pas une lex exterius data, mais une veritas indita.
La deuxième nécessité est de redécouvrir que le mariage naturel et le mariage-sacrement coïncident l’un avec l’autre. S’ils sont séparés l’un de l’autre, d’une part on finit par considérer la sacramentalité comme quelque chose d’ajouté, d’extrinsèque, et d’autre part on risque d’abandonner l’institution matrimoniale à cette tyrannie de l’artificiel dont j’ai parlé tout à l’heure.
La troisième nécessité est de reprendre la “théologie du corps” qui est présente dans le magistère de saint Jean-Paul II. Le pédagogue chrétien a besoin, aujourd’hui, d’un travail théologique et philosophique qui ne peut plus être remis à plus tard, ni limité à une institution particulière.
Comme vous pouvez le constater, il s’agit de prendre au sérieux cette supériorité du temps sur l’espace dont il est question dans Evangelii gaudium (222-225). J’ai indiqué trois processus plutôt que trois interventions d’urgence.
En fin de compte je suis, moi aussi, de l’avis de George Weigel, pour qui, à la base des discussions du synode, il y a le rapport que l’Église veut avoir avec la postmodernité, dans laquelle les éléments qui sont le reste de la déconstruction du mariage constituent la réalité la plus dramatique et la plus indiscutable.
+ Card. Carlo Caffara
[↩]
"Foi et Culture face au Mariage"
DOCUMENT | Professeur de théologie morale, le cardinal Caffara est archevêque de Bologne. Spécialiste du mariage, de la famille, de la procréation, il fut l’homme de confiance de saint Jean Paul II sur ces questions, et à ce titre, le premier président de l’Institut pontifical d'études sur le mariage et la famille créé en 1981 à l'université du Latran, à la suite du synode de 1980. Inlassable promoteur de la théologie du corps du pape polonais, il a émis des critiques sévères contre le rapport du cardinal Kasper en faveur d’une remise en cause de la doctrine de l’Église sur l’accès à la communion des divorcés-remariés. Le pape François lui a récemment témoigné toute son estime. Dans une conférence prononcée le 12 mars dernier, à Rome, à l’Université pontificale de la Sainte-Croix, il revient sur les défis dela proposition chrétienne en matière de mariage dans la culture occidentale.
IL EST NECESSAIRE, pour que je puisse indiquer avec la rigueur conceptuelle voulue? quel est exactement le thème de ma réflexion, de procéder à une clarification des termes qui vont être employés.
Foi : j’entends par là la fides quæ en ce qui concerne le mariage. Elle est synonyme d’“évangile du mariage” non seulement au sens objectif, c’est-à-dire ce que l’Évangile propose à propos du mariage, mais également au sens subjectif, c’est-à-dire l’Évangile, la bonne nouvelle qu’est le mariage. Il faut souligner que ma réflexion va porter sur la doctrine de foi à propos du mariage considérée non pas en soi, mais en tant qu’elle est communiquée dans un contexte culturel précis, celui de l’Occident. En bref : ma réflexion va porter sur la communication de la proposition chrétienne en matière de mariage dans la culture occidentale.
Je passe maintenant au second terme : culture. Par ce mot, j’entends la perception du mariage telle qu’elle est actuellement répandue en Occident. Et par perception, j’entends la manière de penser le mariage, qui s’exprime principalement dans les systèmes juridiques des États et dans les déclarations des organismes internationaux.
Je vais maintenant entrer dans le vif du sujet. Ma réflexion va être structurée en trois parties.
Dans la première, je chercherai à esquisser une présentation de la situation culturelle dans laquelle le mariage se trouve actuellement en Occident.
Dans la seconde, je chercherai à identifier les problèmes fondamentaux que cette situation culturelle pose à la proposition chrétienne en matière de mariage.
Dans la troisième, j’indiquerai quelques modalités fondamentales selon lesquelles l’Évangile du mariage doit être proposé aujourd’hui.
I- Situation du mariage en Occident
« Rari nantes in gurgite vasto. » Ce vers célèbre de Virgile donne une photographie parfaite de la situation du mariage en Occident. L’édifice du mariage n’a pas été détruit ; il a été déconstruit, démonté morceau par morceau. À la fin, nous avons tous les morceaux, mais il n’y a plus d’édifice.
Toutes les catégories qui constituent l’institution matrimoniale – conjugalité ; paternité-maternité ; filiation-fraternité – existent encore, mais elles n’ont plus une signification univoque.
Pourquoi et comment cette déconstruction a-t-elle pu se produire ? Si nous commençons à descendre en profondeur, nous constatons qu’est en train de se réaliser une institutionnalisation du mariage qui fait abstraction de la détermination bio-sexuelle de l’être humain. Il est de plus en plus possible de concevoir un mariage totalement séparé de la sexualité propre de chacun des deux époux. Cette séparation va jusqu’à impliquer une autre catégorie, celle de la paternité-maternité elle-même.
La conséquence la plus importante de cette débiologisation du mariage est que celui-ci est réduit à être une simple émotion privée, qui n’a plus une importance publique fondamentale.
Le processus qui a conduit à séparer l’institution matrimoniale de l’identité sexuelle des époux a été long et complexe.
1/ Le premier élément de ce processus est constitué par la manière de concevoir le rapport de l’individu avec son corps. Il s’agit là d’un thème qui a toujours accompagné la pensée chrétienne. Qu’il me soit permis de décrire l’évolution des choses au moyen d’une métaphore.
Il existe des aliments qui, lorsqu’ils sont ingérés, peuvent être métabolisés sans créer de problèmes, que ce soit dans l’immédiat ou ultérieurement ; ils ne provoquent pas non plus d’indigestions ni d’augmentation du taux de cholestérol. Il existe d’autre part des aliments qui, lorsqu’ils sont ingérés, sont d’une digestion difficile. Il existe enfin des aliments qui sont nuisibles pour l’organisme, y compris à long terme.
La pensée chrétienne a ingéré la conception platonicienne et néoplatonicienne de l’homme et cette décision a créé de graves problèmes de “métabolisme”. Pour reprendre une expression chère aux théologiens médiévaux, le vin de la foi risquait de devenir l’eau de Platon, au lieu que ce soit l’eau de Platon qui devienne le vin de la foi.
Augustin a vu très clairement et très profondément que la difficulté résidait dans l’humanitas-humilitas Verbi, dans le fait qu’il s’était fait chair, corps.
La difficulté proprement théologique ne pouvait pas ne pas devenir également une difficulté anthropologique concernant précisément le rapport individu-corps. La grande thèse de saint Thomas qui affirmait l’unité de substance de l’individu n’a pas triomphé.
2/ Second élément. La séparation du corps et de l’individu trouve une impulsion nouvelle dans la méthodologie qui est propre à la science moderne, consistant à éliminer de son sujet d’étude toute référence à la subjectivité, dans la mesure où celle-ci n’est pas une grandeur mesurable. Le parcours qui permet de séparer le corps et l’individu — la réduction, la transformation du corps en un pur objet — peut alors être considéré comme pratiquement achevé.
D’une part la donnée biologique est progressivement éliminée de la définition du mariage ; d’autre part et par conséquent en ce qui concerne la définition du mariage, les catégories d’une subjectivité réduite à une pure émotivité deviennent centrales.
Je m’arrête quelques instants sur ce point. Avant que ne soit pris le virage de la débiologisation, le “génome” du mariage et de la famille était constitué essentiellement de la relation entre deux relations : la relation de réciprocité (la conjugalité) et la relation intergénérationnelle (la génitorialité). Ces trois relations étaient intra-personnelles : elles étaient pensées comme des relations enracinées dans l’individu. Elles ne se réduisaient certainement pas aux données biologiques, mais les données biologiques étaient assumées et intégrées dans la totalité de l’individu. Le corps est un corps-individu et l’individu est un individu-corps.
Actuellement la conjugalité peut être ou bien hétérosexuelle, ou bien homosexuelle ; quant à la génitorialité, elle peut être obtenue au moyen d’un procédé technique. Comme l’a justement démontré Pier Paolo Donati, nous sommes en train d’assister non pas à un changement morphologique, mais à un changement du génome de la famille et de celui du mariage.
II- Problèmes posés à l’Évangile du mariage
Dans cette seconde partie, je voudrais identifier les problèmes fondamentaux que cette situation culturelle pose à la proposition chrétienne en matière de mariage.
Je pense qu’il ne s’agit pas en premier lieu d’un problème éthique, de comportements humains. La situation dans laquelle se trouvent actuellement le mariage et la famille ne peut pas être traitée en premier lieu par des exhortations morales. C’est une question radicalement anthropologique que celle qui est posée à l’annonce de l’Évangile du mariage. Je voudrais maintenant préciser en quel sens.
1/ La première dimension de la question anthropologique est la suivante. Il est bien connu que, selon la doctrine catholique, le mariage sacrement coïncide avec le mariage naturel. Je pense que la coïncidence entre l’un et l’autre ne peut plus, aujourd’hui, être mise en doute au point de vue théologique, même si, avec et après Duns Scot qui fut le premier à la nier, il y a eu de longues discussions à ce sujet au sein de l’Église latine.
Aujourd’hui, ce que l’Église voulait et veut toujours dire avec l’expression “mariage naturel” a été démoli dans la culture contemporaine. La “matière”, qu’il me soit permis de le dire, a été retirée au sacrement du mariage.
C’est à juste titre que les théologiens, les canonistes, et les pasteurs s’interrogent actuellement à propos du rapport foi-sacrement du mariage. Mais il existe un problème plus radical. Celui qui demande à contracter un mariage sacramentel, est-il capable de contracter un mariage naturel ? Ou bien : est-ce que ce n’est pas son humanité – plutôt que sa foi – qui est tellement dévastée qu’il n’est plus en mesure de se marier ? Il faut certainement avoir présents à l’esprit les canons 1096 (« Il faut que les contractants n'ignorent pas pour le moins que le mariage est une communauté permanente entre l'homme et la femme, ordonnée à la procréation ») et 1099. Cependant la præsumptio juris de l’alinéa 2 du canon 1096 (« Cette ignorance n'est pas présumée après la puberté ») ne doit pas être une occasion de désengagement par rapport à la situation spirituelle dans laquelle beaucoup de gens se trouvent en ce qui concerne le mariage naturel.
2/ La question anthropologique comporte une seconde dimension. Elle consiste en l’incapacité à percevoir la vérité — et par conséquent le caractère précieux — de la sexualité humaine. Je crois que c’est Augustin qui a décrit de la manière la plus précise cette manière d’être : « Submergé et aveuglé comme je l’étais, je n’étais pas en mesure de penser à la lumière de la vérité et à une beauté qui méritât d’être aimée pour elle-même, qui soit visible non pas au regard de la chair, mais seulement à l’œil intérieur » (Confessions, VI 16, 26).
L’Église doit se demander pourquoi elle s’est comportée, de fait, comme si le magistère de saint Jean-Paul II à propos de la sexualité et de l’amour humain n’existait pas. Nous devons aussi nous poser une autre question : comment et pourquoi l’Église, qui possède une grande école où elle apprend la vérité profonde du corps-individu — la liturgie — n’a pas su en tirer profit également en ce qui concerne la question anthropologique dont nous sommes en train de parler ? Jusqu’à quel point l’Église a-t-elle conscience du fait que la théorie du gender est un véritable tsunami, qui a pour cible principale non pas le comportement des individus, mais la destruction totale du mariage et de la famille ?
En résumé : le second problème fondamental qui est posé aujourd’hui à la proposition chrétienne en matière de mariage est la reconstruction d’une théologie et d’une philosophie du corps et de la sexualité qui créent un nouvel engagement éducatif dans toute l’Église.
3/La question anthropologique qui est posée à la proposition chrétienne en matière de mariage par la situation où celui-ci se trouve actuellement comporte une troisième dimension, qui est la plus grave.
La défaillance de la raison dans sa tension vers la vérité, dont il est question dans l'encyclique Fides et ratio (81-83), a également entraîné avec elle la volonté et la liberté de l’individu. L’appauvrissement de la raison a provoqué l’appauvrissement de la liberté. En conséquence du fait que nous désespérons de notre capacité à connaître une vérité totale et définitive, il nous est difficile de croire que l’individu puisse réellement se donner de manière totale et définitive et recevoir le don de soi-même total et définitif qui est effectué par quelqu’un d’autre.
L’annonce de l’Évangile du mariage a quelque chose à voir avec un individu dont la volonté et la liberté sont privées de leur consistance ontologique. Le résultat de cette inconsistance est, aujourd’hui, le fait que l’individu est incapable de penser l’indissolubilité du mariage autrement que sous la forme d’une loi exterius data : une grandeur inversement proportionnelle à la grandeur de la liberté. C’est là une question très sérieuse y compris dans l’Église.
Dans les systèmes juridiques civils, le passage du divorce pour faute au divorce par consentement mutuel institutionnalise la situation où se trouve, de nos jours, l’individu dans l’exercice de sa liberté.
4/ Avec cette dernière constatation nous sommes entrés dans la quatrième et dernière dimension de la question anthropologique posée à l’annonce de l’Évangile du mariage : la logique interne propre des systèmes juridiques des États en ce qui concerne le mariage et la famille. Non pas tellement le quid juris, mais le quid jus, dirait Kant. Sur cette question en général, Benoît XVI a formulé le magistère de l’Église dans un de ses discours fondamentaux, celui qu’il a prononcé à Berlin, le 22 septembre 2011, devant le parlement de la République fédérale d’Allemagne.
Les systèmes juridiques ont progressivement mis fin à l’enracinement du droit de la famille dans la nature de l’être humain. C’est une sorte de tyrannie de l’artificialité qui est en train de s’imposer et elle réduit la légitimité à la procédure.
Je viens de parler de « tyrannie de l’artificialité ». Prenons l’exemple de l’attribution de la conjugalité à la vie commune des homosexuels. Alors que jusqu’à présent les systèmes juridiques, partant du présupposé de la capacité naturelle qu’ont l’homme et la femme de contracter un mariage, se bornaient à déterminer les empêchements à l’exercice de cette capacité naturelle ou la forme selon laquelle elle devait être exercée, les lois actuelles tendant à l’égalité des droits s’attribuent l’autorité de créer la capacité d’exercer le droit de se marier. La loi s’arroge l’autorité nécessaire pour rendre possible artificiellement ce qui ne l’est pas naturellement.
Considérer – et agir en conséquence – que le mariage civil n’aurait pas de rapport avec l’Évangile du mariage et que ce dernier n’en aurait qu’avec le sacrement du mariage, serait une grave erreur. Cela reviendrait à abandonner le mariage civil aux dérives des sociétés libérales.
III- Modalités de l’annonce
Je voudrais maintenant, dans ce troisième et dernier point, indiquer quelques modalités selon lesquelles la proposition chrétienne en matière de mariage ne doit pas être faite et quelques modalités selon lesquelles elle peut être faite.
Il y a trois modalités qu’il faut éviter.
La modalité traditionnaliste, qui confond une manière particulière d’être une famille avec la famille et le mariage comme tels.
La modalité catacombale, qui choisit de retourner dans les catacombes ou d’y rester. Concrètement : les vertus “privées des époux” sont suffisantes ; il est préférable d’accepter que le mariage, du point de vue institutionnel, soit défini par ce que décide la société libérale.
La modalité conciliante, qui considère que la culture dont j’ai parlé précédemment est un processus historique qu’il est impossible d’arrêter. Elle propose donc de trouver avec celui-ci des compromis et d’en conserver ce qui semble pouvoir être reconnu comme bon.
Je n’ai pas le temps en ce moment de réfléchir plus longuement à chacune de ces trois modalités. Je vais donc indiquer maintenant quelques modalités positives.
Je pars d’une constatation. La reconstruction de la conception chrétienne du mariage dans la conscience de chaque individu et dans la culture occidentale doit être envisagée comme un processus long et difficile. Lorsqu’une pandémie s’abat sur une population, la première urgence est certainement de soigner ceux qui ont été atteints, mais il est également nécessaire d’éliminer les causes.
La première nécessité, dans ce cas, est de redécouvrir les évidences originelles concernant le mariage et la famille. Débarrasser les yeux du cœur de la cataracte des idéologies, qui nous empêchent de voir la réalité. C’est la pédagogie socratico-augustinienne du maître intérieur, pas simplement celle du consensus. C’est-à-dire : retrouver ce “connais-toi toi-même” qui a accompagné le cheminement spirituel de l’Occident.
Les évidences originelles sont inscrites dans la nature même de l’être humain. La vérité du mariage n’est pas une lex exterius data, mais une veritas indita.
La deuxième nécessité est de redécouvrir que le mariage naturel et le mariage-sacrement coïncident l’un avec l’autre. S’ils sont séparés l’un de l’autre, d’une part on finit par considérer la sacramentalité comme quelque chose d’ajouté, d’extrinsèque, et d’autre part on risque d’abandonner l’institution matrimoniale à cette tyrannie de l’artificiel dont j’ai parlé tout à l’heure.
La troisième nécessité est de reprendre la “théologie du corps” qui est présente dans le magistère de saint Jean-Paul II. Le pédagogue chrétien a besoin, aujourd’hui, d’un travail théologique et philosophique qui ne peut plus être remis à plus tard, ni limité à une institution particulière.
Comme vous pouvez le constater, il s’agit de prendre au sérieux cette supériorité du temps sur l’espace dont il est question dans Evangelii gaudium (222-225). J’ai indiqué trois processus plutôt que trois interventions d’urgence.
En fin de compte je suis, moi aussi, de l’avis de George Weigel, pour qui, à la base des discussions du synode, il y a le rapport que l’Église veut avoir avec la postmodernité, dans laquelle les éléments qui sont le reste de la déconstruction du mariage constituent la réalité la plus dramatique et la plus indiscutable.
+ Card. Carlo Caffara
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******************** 30 Mars 2015 ********************
3 minutes en vérité avec le père Cédric Burgun, prêtre de la Communauté de l'Emmanuel
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La discussion concernant la problématique des fidèles qui ont contracté un nouveau lien civil après un divorce n’est pas nouvelle et a toujours été suivie avec un grand sérieux par l’Église dans l’intention d’aider les personnes concernées. En effet, le mariage est un sacrement qui touche de manière particulièrement profonde la réalité personnelle, sociale et historique de l’homme. En raison du nombre croissant de personnes concernées dans les pays d’antique tradition chrétienne, il s’agit d’un problème pastoral de grande portée. Aujourd’hui, des personnes tout à fait croyantes se demandent sérieusement : l’Église ne peut-elle pas permettre aux fidèles divorcés remariés d’accéder, sous certaines conditions, aux sacrements ? L’Église a-t-elle les mains liées à jamais en cette matière ? Les théologiens ont-ils vraiment déjà dégagé toutes les implications et les conséquences relatives à cet égard ?
Ces questions doivent être discutées en accord avec la doctrine catholique sur le mariage. Une pastorale responsable présuppose une théologie qui s’en remet tout entière et librement à Dieu « dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait » (Concile Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, n. 5). Pour rendre compréhensible l’enseignement authentique de l’Église, nous devons procéder à partir de la Parole de Dieu qui est contenue dans l’Écriture Sainte, exposée dans la Tradition de l’Église et interprétée normativement par le Magistère.
Le témoignage de la Sainte Écriture
Le fait de placer immédiatement notre question dans le cadre de l’Ancien Testament n’est pas exempt de problèmes, parce que le mariage n’était alors pas encore considéré comme un sacrement. La Parole de Dieu dans l’Ancien Testament est toutefois significative pour nous, dans la mesure où Jésus s’inscrit dans cette tradition et argumente à partir d’elle. Dans le Décalogue l’on trouve le commandement « Tu ne commettras pas d’adultère » (Ex 20, 14), mais ailleurs le divorce est considéré comme possible. Selon Dt 24, 1-4, Moïse établit qu’un homme peut rédiger pour sa femme un acte de répudiation et peut la renvoyer de sa maison, lorsqu’elle ne trouve plus grâce à ses yeux. En conséquence de quoi l’homme et la femme peuvent contracter un nouveau mariage. Toutefois, à côté de la concession du divorce, l’on trouve dans l’Ancien Testament aussi un certain embarras à l’égard de cette pratique. Comme l’idéal de la monogamie, de même l’idéal de l’indissolubilité est compris dans la comparaison que les prophètes font entre l’alliance de Yahvé avec Israël et le lien matrimonial. Le prophète Malachie exprime clairement cela : «Qu’il n’y ait pas d’infidélité envers la femme de ta jeunesse […] la femme de ton alliance » (Ml 2, 14-15).
Ce furent surtout les controverses avec les pharisiens qui donnèrent à Jésus l’occasion de se confronter à ce thème. Il prit expressément ses distances d’avec la pratique vétérotestamentaire du divorce, que Moïse avait permise à cause de la « dureté de cœur » des hommes, et renvoya à la volonté originaire de Dieu : « Mais au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et les deux seront une seule chair ; […] Que l’homme ne sépare donc point ce que Dieu a uni » (Mc 10, 5-9 ; cf. Mt 19, 4-9 ; Lc 16, 18). L’Église catholique, dans son enseignement et dans sa pratique, s’est constamment référée à ces paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage. Le pacte qui unit intérieurement les deux conjoints est institué par Dieu lui-même. Il désigne une réalité qui vient de Dieu et n’est donc plus à la disposition des hommes.
Aujourd’hui, certains exégètes estiment que ces paroles du Seigneur auraient été appliquées avec une certaine souplesse dès les temps apostoliques : et précisément dans le cas de laporneia/fornication (cf. Mt 5, 32 ; 19, 9) et dans celui de la séparation entre un partenaire chrétien et un non chrétien (cf. 1 Co 7, 12-15). Les clauses sur la fornication ont été l’objet de discussions controversées dès le début dans l’exégèse. Beaucoup sont convaincus qu’il ne s’agit pas d’exceptions à l’indissolubilité du mariage, mais d’unions matrimoniales invalides.En tous cas, l’Église ne peut fonder sa doctrine et sa pratique sur des hypothèses exégétiques controversées. Elle doit s’en tenir à l’enseignement clair du Christ.
Paul annonce l’interdiction du divorce comme une volonté expresse du Christ : « Quant à ceux qui sont mariés, je leur prescris non pas moi toutefois, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare pas de son mari – et si elle se sépare, qu’elle demeure sans se remarier, ou qu’elle se réconcilie avec son mari – et que le mari ne quitte point sa femme » (1 Co 7, 10-11). Dans le même temps, se fondant sur sa propre autorité, Paul permet qu’un non chrétien peut se séparer de son partenaire devenu chrétien. Dans ce cas, le chrétien n’est « pas tenu » à demeurer non marié (1 Co 7, 12-16). À partir de ce passage, l’Église a reconnu que seul le mariage entre un homme baptisé et une femme baptisée est un sacrement au sens propre, et que l’indissolubilité sans condition ne vaut que pour eux. Bien que le mariage des non baptisés soit ordonné à l’indissolubilité, il peut être dissous dans certaines circonstances, en vue d’un bien supérieur (privilège paulin). Il ne s’agit donc pas ici d’une exception à la parole du Seigneur : l’indissolubilité du mariage sacramentel, du mariage dans le cadre du mystère du Christ, est sauvegardée.
La Lettre aux Éphésiens, dans laquelle on affirme : « Maris, aimez vos femmes, comme aussi Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle » (Ep 5, 25), possède une grande signification pour le fondement biblique de la compréhension sacramentelle du mariage. Un peu plus loin l’Apôtre écrit : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et les deux ne seront qu’une seule chair. Ce mystère est grand ; je le dis par rapport au Christ et à l’Église (Ep 5, 31-32). Le mariage chrétien est un signe efficace de l’alliance du Christ et de l’Église. Le mariage entre baptisés est un sacrement parce qu’il désigne et communique la grâce de cette alliance.
Le témoignage de la Tradition de l’Église
Les Pères de l’Église et les conciles constituent par la suite d’importants témoignages pour l’élaboration de la position ecclésiastique. Pour les Pères, les directives bibliques sont normatives. Ils récusent les lois civiles sur le divorce comme étant incompatibles avec l’exigence de Jésus. L’Église des Pères, en obéissance à l’Évangile, a rejeté le divorce et le remariage ; sur cette question, le témoignage des Pères est sans équivoque.
À l’époque patristique, les croyants divorcés qui s’étaient remariés civilement n’étaient pas admis aux sacrements, même après un temps de pénitence. Certains textes patristiques laissent entendre que les abus n’étaient pas toujours repoussés de façon rigoureuse et que, parfois, ont été recherchées des solutions pastorales pour de très rares cas-limites.
Plus tard, surtout en raison du maillage croissant entre Église et État, on en vint à de plus grands compromis dans certaines zones. En Orient, ce développement s’est poursuivi et a conduit, surtout après la séparation d’avec la Chaire de Pierre, à une pratique toujours plus libérale. Aujourd’hui, dans les Églises orthodoxes, il existe une multitude de motifs de divorce, qui sont généralement justifiés par le renvoi à l’oikonomia, la clémence pastorale pour des cas particuliers difficiles, et ouvrent la voie à un deuxième ou à un troisième mariage à caractère pénitentiel. Cette pratique n’est pas conciliable avec la volonté de Dieu, telle qu’elle est clairement exprimée dans les paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage, et cela représente un problème œcuménique qu’il ne faut pas sous-estimer.
En Occident, la réforme grégorienne a fait obstacle aux tendances de libéralisation et a reproposé la conception originelle des Écritures et des Pères. L’Église catholique a défendu l’indissolubilité absolue du mariage, même au prix de grands sacrifices et souffrances. Le schisme de « l’Église d’Angleterre », qui s’est séparée du Successeur de Pierre, n’est pas advenu à cause de différences doctrinales, mais parce que le Pape, en obéissance à la parole de Jésus, ne pouvait pas accéder à la requête d’Henri VIII en vue de l’annulation de son mariage.
Le Concile de Trente a confirmé la doctrine de l’indissolubilité du mariage sacramentel et a déclaré qu’elle correspond à l’enseignement de l’Évangile (cf. DH 1807). Parfois l’on soutient que l’Église a, de fait, toléré la pratique orientale, mais cela ne correspond pas à la vérité. Les canonistes ont toujours à nouveau parlé d’une pratique abusive, et il existe des témoignages d’après lesquels des groupes de chrétiens orthodoxes devenus catholiques durent signer une confession de foi contenant une référence explicite à l’impossibilité de deuxièmes ou de troisièmes noces.
Le Concile Vatican II a proposé une doctrine théologiquement et spirituellement profonde du mariage dans la Constitution pastorale Gaudium et spes sur l’Église dans le monde de ce temps. Il maintient clairement et distinctement l’indissolubilité du mariage. Celui-ci est entendu comme une communion corporelle et spirituelle complète de vie et d’amour entre un homme et une femme, qui se donnent et s’accueillent l’un l’autre en tant que personnes. À travers l’acte personnel et libre du « oui » réciproque, est fondée par droit divin une institution stable, qui est ordonnée au bien des époux et de leurs enfants, et qui ne dépend plus de l’arbitraire humain : « Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité » (n. 48). Au moyen du sacrement, Dieu offre aux époux une grâce spéciale : « De même en effet que Dieu prit autrefois l’initiative d’une alliance d’amour et de fidélité avec son peuple, ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Époux de l’Église, vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage. Il continue de demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel, puissent s’aimer dans une fidélité perpétuelle,comme lui-même a aimé l’Église et s’est livré pour elle » (ibid.). À travers le sacrement, l’indissolubilité du mariage renferme une signification nouvelle et plus profonde : elle devient l’image de l’amour constant de Dieu pour son peuple et de la fidélité irrévocable du Christ à son Église.
Il est possible de comprendre et de vivre le mariage comme sacrement uniquement dans le cadre du mystère du Christ. Si l’on sécularise le mariage ou si on le considère comme une réalité purement naturelle, l’accès à sa dimension sacramentelle demeure caché. Le mariage sacramentel appartient à l’ordre de la grâce et il est introduit dans la communion définitive d’amour du Christ avec son Église. Les chrétiens sont appelés à vivre leur mariage dans l’horizon eschatologique de la venue du Royaume de Dieu en Jésus Christ, le Verbe de Dieu incarné.
Le témoignage du Magistère à l’époque contemporaine
Le texte, aujourd’hui encore fondamental, de l’Exhortation apostolique Familiaris consortio, publiée par Jean-Paul II le 22 novembre 1981 à la suite du synode des évêques sur la famille chrétienne dans le monde contemporain, confirme avec insistance l’enseignement dogmatique de l’Église sur le mariage. Du point de vue pastoral, l’Exhortation post-synodale se soucie aussi des fidèles remariés civilement, mais qui sont encore liés par un mariage ecclésiastiquement valide. Le Pape fait preuve d’un haut degré de sollicitude et d’attention. Le n. 84 (« Les divorcés remariés ») contient les énoncés fondamentaux suivants :
Les pasteurs en charge d’âmes ont l’obligation, par amour de la vérité, « de bien discerner les diverses situations ». Il n’est pas possible d’évaluer tout et tous de la même manière.
Les pasteurs d’âmes et les communautés sont tenus à aider « avec une grande charité » les fidèles concernés ; eux aussi appartiennent à l’Église, ils ont droit à la sollicitude pastorale et doivent participer à la vie de l’Église.
L’admission à l’Eucharistie ne peut toutefois pas leur être accordée. Pour cela, un double motif est mentionné : a) « leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie » ; b) « si l’on admettait ces personnes à l’Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l’Église concernant l’indissolubilité du mariage ». Une réconciliation à travers le sacrement de la pénitence – qui ouvre la voie à la réception de l’Eucharistie – peut être accordée uniquement en cas de repentir sur ce qui a eu lieu, avec la disponibilité « à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l’indissolubilité du mariage ». Cela signifie, concrètement, que lorsqu’il n’est pas possible de mettre un terme à la nouvelle union pour des raisons sérieuses – telle que l’éducation des enfants –, les deux partenaires doivent prendre « l’engagement de vivre en complète continence ».
Pour des raisons internes sacramentelles et théologiques, et non à cause d’une obligation légaliste, il est expressément interdit au clergé, tant que subsiste le premier mariage sacramentellement valide, de procéder à des « cérémonies d’aucune sorte » en faveur de divorcés qui se remarient civilement.
La Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi concernant la réception de la Communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés du 14 septembre 1994confirme que la pratique de l’Église en ce domaine « ne peut être changée sur la base des différentes situations » (n. 5). Il est en outre spécifié que les croyants concernés ne doivent pas s’approcher de la sainte Communion sur la base du jugement de leur conscience : « Si ce fidèle jugeait possible de le faire, les pasteurs et les confesseurs auraient […] le grave devoir de l’avertir qu’un tel jugement de conscience est en opposition patente avec la doctrine de l’Église » (n. 6). Lorsqu’il existe des doutes quant à la validité d’un mariage ayant échoué, ceux-ci doivent être vérifiés par les tribunaux compétents en matière matrimoniale (cf. n. 9). Il demeure d’une importance fondamentale de faire « tout ce qui peut fortifier dans l’amour du Christ et de l’Église les fidèles qui se trouvent dans des situations matrimoniales irrégulières. C’est seulement ainsi qu’il leur sera possible d’accueillir pleinement le message du mariage chrétien et de supporter dans la foi la souffrance due à leur situation. Dans l’action pastorale, tout doit être mis en œuvre pour faire bien comprendre qu’il ne s’agit aucunement de discrimination, mais seulement de fidélité absolue à la volonté du Christ qui nous a redonné et confié de nouveau l’indissolubilité du mariage comme don du Créateur » (n. 10).
Dans l’Exhortation post-synodale Sacramentum caritatis du 22 février 2007, Benoît XVIrésume et poursuit le travail du précédent synode des évêques sur le thème de l’Eucharistie. Il en vient à parler de la situation des fidèles divorcés remariés au n. 29, où il la qualifie de « problème pastoral épineux et complexe ». Benoît XVI réaffirme « la pratique de l’Église, fondée sur la Sainte Écriture (cf. Mc 10, 2-12), de ne pas admettre aux sacrements les divorcés remariés », mais il conjure presque les pasteurs d’âmes à consacrer une « attention spéciale » aux personnes concernées, « désirant qu’elles développent, autant que possible, un style de vie chrétien, par la participation à la Messe, mais sans recevoir la Communion, par l’écoute de la Parole de Dieu, par l’adoration eucharistique et la prière, par la participation à la vie de la communauté, par le dialogue confiant avec un prêtre ou un guide spirituel, par le dévouement à la charité vécue et les œuvres de pénitence, par l’engagement dans l’éducation de leurs enfants ». En cas de doute quant à la validité de la communauté de vie matrimoniale qui s’est brisée, celui-ci doit être examiné avec attention par les tribunaux compétents en matière matrimoniale.
La mentalité contemporaine se place largement en opposition à la compréhension chrétienne du mariage, notamment par rapport à son indissolubilité ou à l’ouverture à la vie. Étant donné que beaucoup de chrétiens sont influencés par cette mentalité, les mariages sont probablement plus souvent invalides de nos jours qu’ils ne l’étaient par le passé, parce que manque la volonté de se marier selon le sens de la doctrine matrimoniale catholique et que la socialisation dans le contexte vivant de foi est trop réduite. C’est pourquoi une vérification de la validité du mariage est importante et peut conduire à une solution de problèmes. Là où il n’est pas possible de constater une nullité du mariage, l’absolution et la Communion eucharistique présupposent, selon la pratique éprouvée de l’Église, une vie commune « comme amis, comme frère et sœur ». Les bénédictions de liens irréguliers sont à éviter « dans tous les cas […] pour que ne surgissent pas chez les fidèles des confusions autour de la valeur du mariage». La bénédiction (bene-dictio : approbation de la part de Dieu) d’une relation qui s’oppose à la volonté divine est une contradiction en soi.
Dans l’homélie prononcée à Milan le 3 juin 2012, à l’occasion de la VIIe Rencontre mondiale des familles, Benoît XVI est revenu sur ce douloureux problème : « Je voudrais aussi réserver un mot aux fidèles qui, tout en partageant les enseignements de l’Église sur la famille, sont marqués par des expériences douloureuses d’échec et de séparation. Sachez que le Pape et l’Église vous soutiennent dans votre peine. Je vous encourage à rester unis à vos communautés, tout en souhaitant que les diocèses prennent des initiatives d’accueil et de proximité adéquates ».
Le dernier synode des évêques sur le thème « La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne » (7-28 octobre 2012) s’est à nouveau occupé de la situation des fidèles qui, suite à l’échec d’une communauté de vie matrimoniale (non pas l’échec du mariage, qui subsiste en tant que sacrement), ont noué une nouvelle union et vivent ensemble en dehors du lien sacramentel du mariage. Dans le message final, les pères synodaux se sont adressés avec ces mots aux fidèles concernés : « À tous ceux-là nous voulons dire que l’amour du Seigneur n’abandonne personne, que l’Église les aime aussi et reste une maison accueillante pour tous, qu’ils demeurent membres de l’Église même s’ils ne peuvent recevoir l’absolution sacramentelle et l’Eucharistie. Que les communautés catholiques soient accueillantes envers tous ceux qui vivent ces situations, et qu’elles favorisent des chemins de réconciliation ».
Considérations anthropologiques et théologico-sacramentelles
La doctrine de l’indissolubilité du mariage se heurte souvent à l’incompréhension dans un milieu sécularisé. Là où se sont perdues les raisons fondamentales de la foi chrétienne, une simple appartenance conventionnelle à l’Église n’est plus en mesure de porter des choix de vie importants et d’offrir un support dans les crises de l’état matrimonial – comme aussi du sacerdoce et de la vie consacrée. Beaucoup se demandent : comment puis-je me lier pour toute la vie à une seule femme ou à un seul homme ? Qui peut me dire comment cela sera après dix, vingt, trente, quarante ans de mariage ? D’ailleurs, un lien définitif avec une seule personne est-il possible ? Les nombreuses communautés matrimoniales qui se brisent aujourd’hui renforcent le scepticisme des jeunes à l’égard des décisions de vie définitives.
D’autre part, l’idéal de la fidélité entre un homme et une femme, fondé sur l’ordre de la création, n’a rien perdu de son attrait, comme le révèlent des enquêtes récentes parmi les jeunes. La plupart d’entre eux aspirent à une relation stable et durable, en tant qu’elle correspond aussi à la nature spirituelle et morale de l’homme. En outre, il faut rappeler la valeur anthropologique du mariage indissoluble : celui-ci soustrait les conjoints à l’arbitraire et à la tyrannie des sentiments et des états d’âme ; il les aide à traverser les difficultés personnelles et à surmonter les expériences douloureuses ; il protège surtout les enfants, qui pâtissent le plus de la rupture des mariages.
L’amour est plus que le sentiment et l’instinct ; dans son essence il est dévouement. Dans l’amour conjugal, deux personnes se disent l’une à l’autre consciemment et volontairement : seulement toi – et toi pour toujours. À la parole du Seigneur : « Ce que Dieu a uni… » correspond la promesse du couple : « Je te prends pour époux… je te prends pour épouse… Je veux t’aimer, te respecter et t’honorer tant que je vis, jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Le prêtre bénit l’alliance que les conjoints ont conclue entre eux devant Dieu. Quiconque a des doutes sur le fait que le lien matrimonial possède une qualité ontologique, voudra se laisser instruire par la Parole de Dieu : « Le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme, et a dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair.Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair » (Mt 19, 4-6).
Pour les chrétiens vaut le fait que le mariage entre baptisés, qui sont incorporés dans le Corps du Christ, possède un caractère sacramentel et représente par là une réalité surnaturelle. Un problème pastoral sérieux consiste dans le fait que certains, aujourd’hui, jugent le mariage exclusivement selon des critères mondains et pragmatiques. Celui qui pense selon « l’esprit du monde » (1 Co 2, 12) ne peut pas comprendre le caractère sacramentel du mariage. Au manque de compréhension croissant à propos de la sainteté du mariage, l’Église ne peut pas répondre par une adaptation pragmatique à ce qui apparaît inévitable, mais seulement en ayant confiance dans « l’Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits » (1 Co 2, 12). Le mariage sacramentel est un témoignage de la puissance de la grâce qui transforme l’homme et prépare toute l’Église pour la cité sainte, la nouvelle Jérusalem, l’Église, prête « comme une épouse parée pour son époux » (Ap 21, 2). L’Évangile de la sainteté du mariage doit être annoncé avec une audace prophétique. Un prophète fatigué cherche dans l’adaptation à l’esprit du temps son propre salut, mais pas le salut du monde en Jésus Christ. La fidélité aux promesses du mariage est un signe prophétique du salut que Dieu donne au monde : « qui peut comprendre, qu’il comprenne » (Mt 19, 12). L’amour conjugal est purifié, renforcé et élevé par la grâce sacramentelle : « Cet amour, ratifié par un engagement mutuel, et par dessus tout consacré par le sacrement du Christ, demeure indissolublement fidèle, de corps et de pensée, pour le meilleur et pour le pire ; il exclut donc tout adultère et tout divorce » (Gaudium et spes, n. 49). En vertu du sacrement du mariage, les époux participent à l’amour définitif et irrévocable de Dieu. Aussi peuvent-ils être des témoins de l’amour fidèle de Dieu, mais ils doivent nourrir constamment leur amour à travers une vie de foi et de charité.
Assurément, il existe des situations – tout pasteur d’âme le sait – dans lesquelles la coexistence matrimoniale devient pratiquement impossible à cause de graves motifs, comme par exemple en cas de violences physiques ou psychiques. Dans ces situations douloureuses, l’Église a toujours permis que les conjoints se séparent et ne vivent plus ensemble. Il faut toutefois considérer que lien conjugal d’un mariage valide perdure devant Dieu et que chacune des parties n’est pas libre de contracter un nouveau mariage tant que l’autre conjoint est en vie. Les pasteurs d’âmes et les communautés chrétiennes doivent s’engager pour promouvoir des chemins de réconciliation également dans ces cas ou, quand cela n’est pas possible, aider les personnes concernées à affronter dans la foi leur situation difficile.
Observations théologico-morales
On propose toujours à nouveau que la décision de s’approcher ou non de la Communion eucharistique devrait être laissée à la conscience personnelle des divorcés remariés. Cet argument, qui se fonde sur un concept problématique de « conscience », a déjà été repoussé dans la Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 1994. Assurément, dans chaque célébration de la Messe les fidèles sont tenus de s’examiner dans leur conscience s’il est possible de recevoir la Communion, ce à quoi s’oppose toujours un péché grave non confessé. Ils ont donc l’obligation de former leur conscience et de l’orienter selon la vérité ; ce faisant, ils obéissent également au magistère de l’Église, qui les aide « à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l’homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle » (Jean-Paul II, Lettre encyclique Veritatis splendor, n. 64).
Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement convaincus dans leur conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide, cela doit être objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière matrimoniale. En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre deux personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Église, un sacrement, sur la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Église, dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême. « Si le mariage précédent de fidèles divorcés et remariés est valide, leur nouvelle union ne peut être considérée en aucune circonstance comme conforme au droit et donc, pour des motifs intrinsèques, la réception des sacrements n’est pas possible. La conscience de chacun est liée, sans exception, par cette norme » (Card. Joseph Ratzinger, La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité, L’Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, 8 décembre 2011, p. 5).
La doctrine de l’epicheia, selon laquelle une loi est certes valable en termes généraux, mais ne recouvre pas toujours adéquatement l’agir humain concret, ne peut pas non plus être appliquée dans ce cas, car l’indissolubilité du mariage sacramentel est une norme de droit divin, qui n’est pas à la disposition du pouvoir discrétionnaire de l’Église. Celle-ci a cependant plein pouvoir – dans la ligne du privilège paulin – pour clarifier quelles conditions doivent être remplies pour qu’un mariage indissoluble existe selon le sens qui lui est attribué par Jésus. À partir de là, l’Église a établi des empêchements de mariage, reconnu des motifs de nullité de mariage et mis au point une procédure judiciaire détaillée.
Une proposition supplémentaire en faveur de l’admission des divorcés remariés aux sacrements consiste à invoquer l’argument de la miséricorde. Étant donné que Jésus lui-même s’est solidarisé avec les personnes qui souffrent en leur donnant son amour miséricordieux, la miséricorde serait un signe spécial d’une sequela authentique. Cela est vrai, mais c’est un argument insuffisant en matière théologico-sacramentaire, parce que tout l’ordre sacramentel est une œuvre de la divine miséricorde et ne peut pas être révoqué en faisant appel à cette même miséricorde. À travers ce qui est objectivement un faux appel à la miséricorde, on court de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. Au mystère de Dieu appartiennent, outre la miséricorde, également sa sainteté et sa justice. Si l’on occulte ces attributs de Dieu et que l’on ne prend pas au sérieux la réalité du péché, on ne peut finalement pas non plus communiquer sa miséricorde aux hommes. Jésus a rencontré la femme adultère avec une grande compassion, mais il lui a aussi dit : « Va, ne pèche plus » (Jn 8, 11). La miséricorde de Dieu n’est pas une dispense des commandements de Dieu et des instructions de l’Église. Elle accorde plutôt la force de la grâce pour leur accomplissement, pour se relever après la chute et pour une vie de perfection à l’image du Père céleste.
Le souci pastoral
Bien que l’admission des divorcés remariés aux sacrements ne soit pas possible en raison de la nature profonde de ces derniers, les efforts pastoraux s’imposent d’autant plus envers ces fidèles, même si ceux-ci doivent se conformer aux normes dérivant de la Révélation et du Magistère de l’Église. Le parcours indiqué par l’Église pour les personnes concernées n’est pas simple, mais elles doivent savoir et sentir que l’Église accompagne leur chemin en tant que communauté de salut. À travers leur effort pour comprendre la pratique de l’Église et ne pas s’approcher de la Communion, les partenaires rendent témoignage, à leur manière, à l’indissolubilité du mariage.
Le souci pour les divorcés remariés ne devrait certes pas se réduire à la question de la réception de l’Eucharistie. Il s’agit d’une pastorale plus globale qui cherche à tenir compte le plus possible des différentes situations. Il est important de savoir, à ce propos, qu’outre la Communion sacramentelle, il existe encore d’autres manières d’entrer en communion avec Dieu. La relation avec Dieu est réalisée lorsqu’on s’adresse à lui dans la foi, dans l’espérance et dans la charité, dans le repentir et dans la prière. Dieu peut accorder sa proximité et son salut aux hommes à travers diverses voies, même s’ils vivent des situations contradictoires. Comme le soulignent constamment les récents documents du Magistère, les pasteurs d’âmes et les communautés chrétiennes sont appelés à accueillir avec ouverture et cordialité les personnes vivant dans des situations irrégulières, pour être à leurs côtés avec empathie, les aidant et pour leur faire sentir l’amour du Bon Pasteur. Une pastorale fondée sur la vérité et sur l’amour trouvera toujours à nouveau dans ce domaine les voies et les formes justes.
3 minutes en vérité avec le père Cédric Burgun, prêtre de la Communauté de l'Emmanuel
[↩]
(Source: Vatican)
Réflexions de Mgr Gerhard Ludwig Müller:
«Un témoignage en faveur du pouvoir de la
grâce sur l'indissolubilité du Mariage et le
débat sur les divorcés remariés civilement
et les sacrements»
Réflexions de Mgr Gerhard Ludwig Müller:
«Un témoignage en faveur du pouvoir de la
grâce sur l'indissolubilité du Mariage et le
débat sur les divorcés remariés civilement
et les sacrements»
La discussion concernant la problématique des fidèles qui ont contracté un nouveau lien civil après un divorce n’est pas nouvelle et a toujours été suivie avec un grand sérieux par l’Église dans l’intention d’aider les personnes concernées. En effet, le mariage est un sacrement qui touche de manière particulièrement profonde la réalité personnelle, sociale et historique de l’homme. En raison du nombre croissant de personnes concernées dans les pays d’antique tradition chrétienne, il s’agit d’un problème pastoral de grande portée. Aujourd’hui, des personnes tout à fait croyantes se demandent sérieusement : l’Église ne peut-elle pas permettre aux fidèles divorcés remariés d’accéder, sous certaines conditions, aux sacrements ? L’Église a-t-elle les mains liées à jamais en cette matière ? Les théologiens ont-ils vraiment déjà dégagé toutes les implications et les conséquences relatives à cet égard ?
Ces questions doivent être discutées en accord avec la doctrine catholique sur le mariage. Une pastorale responsable présuppose une théologie qui s’en remet tout entière et librement à Dieu « dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait » (Concile Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, n. 5). Pour rendre compréhensible l’enseignement authentique de l’Église, nous devons procéder à partir de la Parole de Dieu qui est contenue dans l’Écriture Sainte, exposée dans la Tradition de l’Église et interprétée normativement par le Magistère.
Le témoignage de la Sainte Écriture
Le fait de placer immédiatement notre question dans le cadre de l’Ancien Testament n’est pas exempt de problèmes, parce que le mariage n’était alors pas encore considéré comme un sacrement. La Parole de Dieu dans l’Ancien Testament est toutefois significative pour nous, dans la mesure où Jésus s’inscrit dans cette tradition et argumente à partir d’elle. Dans le Décalogue l’on trouve le commandement « Tu ne commettras pas d’adultère » (Ex 20, 14), mais ailleurs le divorce est considéré comme possible. Selon Dt 24, 1-4, Moïse établit qu’un homme peut rédiger pour sa femme un acte de répudiation et peut la renvoyer de sa maison, lorsqu’elle ne trouve plus grâce à ses yeux. En conséquence de quoi l’homme et la femme peuvent contracter un nouveau mariage. Toutefois, à côté de la concession du divorce, l’on trouve dans l’Ancien Testament aussi un certain embarras à l’égard de cette pratique. Comme l’idéal de la monogamie, de même l’idéal de l’indissolubilité est compris dans la comparaison que les prophètes font entre l’alliance de Yahvé avec Israël et le lien matrimonial. Le prophète Malachie exprime clairement cela : «Qu’il n’y ait pas d’infidélité envers la femme de ta jeunesse […] la femme de ton alliance » (Ml 2, 14-15).
Ce furent surtout les controverses avec les pharisiens qui donnèrent à Jésus l’occasion de se confronter à ce thème. Il prit expressément ses distances d’avec la pratique vétérotestamentaire du divorce, que Moïse avait permise à cause de la « dureté de cœur » des hommes, et renvoya à la volonté originaire de Dieu : « Mais au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et les deux seront une seule chair ; […] Que l’homme ne sépare donc point ce que Dieu a uni » (Mc 10, 5-9 ; cf. Mt 19, 4-9 ; Lc 16, 18). L’Église catholique, dans son enseignement et dans sa pratique, s’est constamment référée à ces paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage. Le pacte qui unit intérieurement les deux conjoints est institué par Dieu lui-même. Il désigne une réalité qui vient de Dieu et n’est donc plus à la disposition des hommes.
Aujourd’hui, certains exégètes estiment que ces paroles du Seigneur auraient été appliquées avec une certaine souplesse dès les temps apostoliques : et précisément dans le cas de laporneia/fornication (cf. Mt 5, 32 ; 19, 9) et dans celui de la séparation entre un partenaire chrétien et un non chrétien (cf. 1 Co 7, 12-15). Les clauses sur la fornication ont été l’objet de discussions controversées dès le début dans l’exégèse. Beaucoup sont convaincus qu’il ne s’agit pas d’exceptions à l’indissolubilité du mariage, mais d’unions matrimoniales invalides.En tous cas, l’Église ne peut fonder sa doctrine et sa pratique sur des hypothèses exégétiques controversées. Elle doit s’en tenir à l’enseignement clair du Christ.
Paul annonce l’interdiction du divorce comme une volonté expresse du Christ : « Quant à ceux qui sont mariés, je leur prescris non pas moi toutefois, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare pas de son mari – et si elle se sépare, qu’elle demeure sans se remarier, ou qu’elle se réconcilie avec son mari – et que le mari ne quitte point sa femme » (1 Co 7, 10-11). Dans le même temps, se fondant sur sa propre autorité, Paul permet qu’un non chrétien peut se séparer de son partenaire devenu chrétien. Dans ce cas, le chrétien n’est « pas tenu » à demeurer non marié (1 Co 7, 12-16). À partir de ce passage, l’Église a reconnu que seul le mariage entre un homme baptisé et une femme baptisée est un sacrement au sens propre, et que l’indissolubilité sans condition ne vaut que pour eux. Bien que le mariage des non baptisés soit ordonné à l’indissolubilité, il peut être dissous dans certaines circonstances, en vue d’un bien supérieur (privilège paulin). Il ne s’agit donc pas ici d’une exception à la parole du Seigneur : l’indissolubilité du mariage sacramentel, du mariage dans le cadre du mystère du Christ, est sauvegardée.
La Lettre aux Éphésiens, dans laquelle on affirme : « Maris, aimez vos femmes, comme aussi Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle » (Ep 5, 25), possède une grande signification pour le fondement biblique de la compréhension sacramentelle du mariage. Un peu plus loin l’Apôtre écrit : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et les deux ne seront qu’une seule chair. Ce mystère est grand ; je le dis par rapport au Christ et à l’Église (Ep 5, 31-32). Le mariage chrétien est un signe efficace de l’alliance du Christ et de l’Église. Le mariage entre baptisés est un sacrement parce qu’il désigne et communique la grâce de cette alliance.
Le témoignage de la Tradition de l’Église
Les Pères de l’Église et les conciles constituent par la suite d’importants témoignages pour l’élaboration de la position ecclésiastique. Pour les Pères, les directives bibliques sont normatives. Ils récusent les lois civiles sur le divorce comme étant incompatibles avec l’exigence de Jésus. L’Église des Pères, en obéissance à l’Évangile, a rejeté le divorce et le remariage ; sur cette question, le témoignage des Pères est sans équivoque.
À l’époque patristique, les croyants divorcés qui s’étaient remariés civilement n’étaient pas admis aux sacrements, même après un temps de pénitence. Certains textes patristiques laissent entendre que les abus n’étaient pas toujours repoussés de façon rigoureuse et que, parfois, ont été recherchées des solutions pastorales pour de très rares cas-limites.
Plus tard, surtout en raison du maillage croissant entre Église et État, on en vint à de plus grands compromis dans certaines zones. En Orient, ce développement s’est poursuivi et a conduit, surtout après la séparation d’avec la Chaire de Pierre, à une pratique toujours plus libérale. Aujourd’hui, dans les Églises orthodoxes, il existe une multitude de motifs de divorce, qui sont généralement justifiés par le renvoi à l’oikonomia, la clémence pastorale pour des cas particuliers difficiles, et ouvrent la voie à un deuxième ou à un troisième mariage à caractère pénitentiel. Cette pratique n’est pas conciliable avec la volonté de Dieu, telle qu’elle est clairement exprimée dans les paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage, et cela représente un problème œcuménique qu’il ne faut pas sous-estimer.
En Occident, la réforme grégorienne a fait obstacle aux tendances de libéralisation et a reproposé la conception originelle des Écritures et des Pères. L’Église catholique a défendu l’indissolubilité absolue du mariage, même au prix de grands sacrifices et souffrances. Le schisme de « l’Église d’Angleterre », qui s’est séparée du Successeur de Pierre, n’est pas advenu à cause de différences doctrinales, mais parce que le Pape, en obéissance à la parole de Jésus, ne pouvait pas accéder à la requête d’Henri VIII en vue de l’annulation de son mariage.
Le Concile de Trente a confirmé la doctrine de l’indissolubilité du mariage sacramentel et a déclaré qu’elle correspond à l’enseignement de l’Évangile (cf. DH 1807). Parfois l’on soutient que l’Église a, de fait, toléré la pratique orientale, mais cela ne correspond pas à la vérité. Les canonistes ont toujours à nouveau parlé d’une pratique abusive, et il existe des témoignages d’après lesquels des groupes de chrétiens orthodoxes devenus catholiques durent signer une confession de foi contenant une référence explicite à l’impossibilité de deuxièmes ou de troisièmes noces.
Le Concile Vatican II a proposé une doctrine théologiquement et spirituellement profonde du mariage dans la Constitution pastorale Gaudium et spes sur l’Église dans le monde de ce temps. Il maintient clairement et distinctement l’indissolubilité du mariage. Celui-ci est entendu comme une communion corporelle et spirituelle complète de vie et d’amour entre un homme et une femme, qui se donnent et s’accueillent l’un l’autre en tant que personnes. À travers l’acte personnel et libre du « oui » réciproque, est fondée par droit divin une institution stable, qui est ordonnée au bien des époux et de leurs enfants, et qui ne dépend plus de l’arbitraire humain : « Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité » (n. 48). Au moyen du sacrement, Dieu offre aux époux une grâce spéciale : « De même en effet que Dieu prit autrefois l’initiative d’une alliance d’amour et de fidélité avec son peuple, ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Époux de l’Église, vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage. Il continue de demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel, puissent s’aimer dans une fidélité perpétuelle,comme lui-même a aimé l’Église et s’est livré pour elle » (ibid.). À travers le sacrement, l’indissolubilité du mariage renferme une signification nouvelle et plus profonde : elle devient l’image de l’amour constant de Dieu pour son peuple et de la fidélité irrévocable du Christ à son Église.
Il est possible de comprendre et de vivre le mariage comme sacrement uniquement dans le cadre du mystère du Christ. Si l’on sécularise le mariage ou si on le considère comme une réalité purement naturelle, l’accès à sa dimension sacramentelle demeure caché. Le mariage sacramentel appartient à l’ordre de la grâce et il est introduit dans la communion définitive d’amour du Christ avec son Église. Les chrétiens sont appelés à vivre leur mariage dans l’horizon eschatologique de la venue du Royaume de Dieu en Jésus Christ, le Verbe de Dieu incarné.
Le témoignage du Magistère à l’époque contemporaine
Le texte, aujourd’hui encore fondamental, de l’Exhortation apostolique Familiaris consortio, publiée par Jean-Paul II le 22 novembre 1981 à la suite du synode des évêques sur la famille chrétienne dans le monde contemporain, confirme avec insistance l’enseignement dogmatique de l’Église sur le mariage. Du point de vue pastoral, l’Exhortation post-synodale se soucie aussi des fidèles remariés civilement, mais qui sont encore liés par un mariage ecclésiastiquement valide. Le Pape fait preuve d’un haut degré de sollicitude et d’attention. Le n. 84 (« Les divorcés remariés ») contient les énoncés fondamentaux suivants :
Les pasteurs en charge d’âmes ont l’obligation, par amour de la vérité, « de bien discerner les diverses situations ». Il n’est pas possible d’évaluer tout et tous de la même manière.
Les pasteurs d’âmes et les communautés sont tenus à aider « avec une grande charité » les fidèles concernés ; eux aussi appartiennent à l’Église, ils ont droit à la sollicitude pastorale et doivent participer à la vie de l’Église.
L’admission à l’Eucharistie ne peut toutefois pas leur être accordée. Pour cela, un double motif est mentionné : a) « leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie » ; b) « si l’on admettait ces personnes à l’Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l’Église concernant l’indissolubilité du mariage ». Une réconciliation à travers le sacrement de la pénitence – qui ouvre la voie à la réception de l’Eucharistie – peut être accordée uniquement en cas de repentir sur ce qui a eu lieu, avec la disponibilité « à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l’indissolubilité du mariage ». Cela signifie, concrètement, que lorsqu’il n’est pas possible de mettre un terme à la nouvelle union pour des raisons sérieuses – telle que l’éducation des enfants –, les deux partenaires doivent prendre « l’engagement de vivre en complète continence ».
Pour des raisons internes sacramentelles et théologiques, et non à cause d’une obligation légaliste, il est expressément interdit au clergé, tant que subsiste le premier mariage sacramentellement valide, de procéder à des « cérémonies d’aucune sorte » en faveur de divorcés qui se remarient civilement.
La Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi concernant la réception de la Communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés du 14 septembre 1994confirme que la pratique de l’Église en ce domaine « ne peut être changée sur la base des différentes situations » (n. 5). Il est en outre spécifié que les croyants concernés ne doivent pas s’approcher de la sainte Communion sur la base du jugement de leur conscience : « Si ce fidèle jugeait possible de le faire, les pasteurs et les confesseurs auraient […] le grave devoir de l’avertir qu’un tel jugement de conscience est en opposition patente avec la doctrine de l’Église » (n. 6). Lorsqu’il existe des doutes quant à la validité d’un mariage ayant échoué, ceux-ci doivent être vérifiés par les tribunaux compétents en matière matrimoniale (cf. n. 9). Il demeure d’une importance fondamentale de faire « tout ce qui peut fortifier dans l’amour du Christ et de l’Église les fidèles qui se trouvent dans des situations matrimoniales irrégulières. C’est seulement ainsi qu’il leur sera possible d’accueillir pleinement le message du mariage chrétien et de supporter dans la foi la souffrance due à leur situation. Dans l’action pastorale, tout doit être mis en œuvre pour faire bien comprendre qu’il ne s’agit aucunement de discrimination, mais seulement de fidélité absolue à la volonté du Christ qui nous a redonné et confié de nouveau l’indissolubilité du mariage comme don du Créateur » (n. 10).
Dans l’Exhortation post-synodale Sacramentum caritatis du 22 février 2007, Benoît XVIrésume et poursuit le travail du précédent synode des évêques sur le thème de l’Eucharistie. Il en vient à parler de la situation des fidèles divorcés remariés au n. 29, où il la qualifie de « problème pastoral épineux et complexe ». Benoît XVI réaffirme « la pratique de l’Église, fondée sur la Sainte Écriture (cf. Mc 10, 2-12), de ne pas admettre aux sacrements les divorcés remariés », mais il conjure presque les pasteurs d’âmes à consacrer une « attention spéciale » aux personnes concernées, « désirant qu’elles développent, autant que possible, un style de vie chrétien, par la participation à la Messe, mais sans recevoir la Communion, par l’écoute de la Parole de Dieu, par l’adoration eucharistique et la prière, par la participation à la vie de la communauté, par le dialogue confiant avec un prêtre ou un guide spirituel, par le dévouement à la charité vécue et les œuvres de pénitence, par l’engagement dans l’éducation de leurs enfants ». En cas de doute quant à la validité de la communauté de vie matrimoniale qui s’est brisée, celui-ci doit être examiné avec attention par les tribunaux compétents en matière matrimoniale.
La mentalité contemporaine se place largement en opposition à la compréhension chrétienne du mariage, notamment par rapport à son indissolubilité ou à l’ouverture à la vie. Étant donné que beaucoup de chrétiens sont influencés par cette mentalité, les mariages sont probablement plus souvent invalides de nos jours qu’ils ne l’étaient par le passé, parce que manque la volonté de se marier selon le sens de la doctrine matrimoniale catholique et que la socialisation dans le contexte vivant de foi est trop réduite. C’est pourquoi une vérification de la validité du mariage est importante et peut conduire à une solution de problèmes. Là où il n’est pas possible de constater une nullité du mariage, l’absolution et la Communion eucharistique présupposent, selon la pratique éprouvée de l’Église, une vie commune « comme amis, comme frère et sœur ». Les bénédictions de liens irréguliers sont à éviter « dans tous les cas […] pour que ne surgissent pas chez les fidèles des confusions autour de la valeur du mariage». La bénédiction (bene-dictio : approbation de la part de Dieu) d’une relation qui s’oppose à la volonté divine est une contradiction en soi.
Dans l’homélie prononcée à Milan le 3 juin 2012, à l’occasion de la VIIe Rencontre mondiale des familles, Benoît XVI est revenu sur ce douloureux problème : « Je voudrais aussi réserver un mot aux fidèles qui, tout en partageant les enseignements de l’Église sur la famille, sont marqués par des expériences douloureuses d’échec et de séparation. Sachez que le Pape et l’Église vous soutiennent dans votre peine. Je vous encourage à rester unis à vos communautés, tout en souhaitant que les diocèses prennent des initiatives d’accueil et de proximité adéquates ».
Le dernier synode des évêques sur le thème « La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne » (7-28 octobre 2012) s’est à nouveau occupé de la situation des fidèles qui, suite à l’échec d’une communauté de vie matrimoniale (non pas l’échec du mariage, qui subsiste en tant que sacrement), ont noué une nouvelle union et vivent ensemble en dehors du lien sacramentel du mariage. Dans le message final, les pères synodaux se sont adressés avec ces mots aux fidèles concernés : « À tous ceux-là nous voulons dire que l’amour du Seigneur n’abandonne personne, que l’Église les aime aussi et reste une maison accueillante pour tous, qu’ils demeurent membres de l’Église même s’ils ne peuvent recevoir l’absolution sacramentelle et l’Eucharistie. Que les communautés catholiques soient accueillantes envers tous ceux qui vivent ces situations, et qu’elles favorisent des chemins de réconciliation ».
Considérations anthropologiques et théologico-sacramentelles
La doctrine de l’indissolubilité du mariage se heurte souvent à l’incompréhension dans un milieu sécularisé. Là où se sont perdues les raisons fondamentales de la foi chrétienne, une simple appartenance conventionnelle à l’Église n’est plus en mesure de porter des choix de vie importants et d’offrir un support dans les crises de l’état matrimonial – comme aussi du sacerdoce et de la vie consacrée. Beaucoup se demandent : comment puis-je me lier pour toute la vie à une seule femme ou à un seul homme ? Qui peut me dire comment cela sera après dix, vingt, trente, quarante ans de mariage ? D’ailleurs, un lien définitif avec une seule personne est-il possible ? Les nombreuses communautés matrimoniales qui se brisent aujourd’hui renforcent le scepticisme des jeunes à l’égard des décisions de vie définitives.
D’autre part, l’idéal de la fidélité entre un homme et une femme, fondé sur l’ordre de la création, n’a rien perdu de son attrait, comme le révèlent des enquêtes récentes parmi les jeunes. La plupart d’entre eux aspirent à une relation stable et durable, en tant qu’elle correspond aussi à la nature spirituelle et morale de l’homme. En outre, il faut rappeler la valeur anthropologique du mariage indissoluble : celui-ci soustrait les conjoints à l’arbitraire et à la tyrannie des sentiments et des états d’âme ; il les aide à traverser les difficultés personnelles et à surmonter les expériences douloureuses ; il protège surtout les enfants, qui pâtissent le plus de la rupture des mariages.
L’amour est plus que le sentiment et l’instinct ; dans son essence il est dévouement. Dans l’amour conjugal, deux personnes se disent l’une à l’autre consciemment et volontairement : seulement toi – et toi pour toujours. À la parole du Seigneur : « Ce que Dieu a uni… » correspond la promesse du couple : « Je te prends pour époux… je te prends pour épouse… Je veux t’aimer, te respecter et t’honorer tant que je vis, jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Le prêtre bénit l’alliance que les conjoints ont conclue entre eux devant Dieu. Quiconque a des doutes sur le fait que le lien matrimonial possède une qualité ontologique, voudra se laisser instruire par la Parole de Dieu : « Le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme, et a dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair.Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair » (Mt 19, 4-6).
Pour les chrétiens vaut le fait que le mariage entre baptisés, qui sont incorporés dans le Corps du Christ, possède un caractère sacramentel et représente par là une réalité surnaturelle. Un problème pastoral sérieux consiste dans le fait que certains, aujourd’hui, jugent le mariage exclusivement selon des critères mondains et pragmatiques. Celui qui pense selon « l’esprit du monde » (1 Co 2, 12) ne peut pas comprendre le caractère sacramentel du mariage. Au manque de compréhension croissant à propos de la sainteté du mariage, l’Église ne peut pas répondre par une adaptation pragmatique à ce qui apparaît inévitable, mais seulement en ayant confiance dans « l’Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits » (1 Co 2, 12). Le mariage sacramentel est un témoignage de la puissance de la grâce qui transforme l’homme et prépare toute l’Église pour la cité sainte, la nouvelle Jérusalem, l’Église, prête « comme une épouse parée pour son époux » (Ap 21, 2). L’Évangile de la sainteté du mariage doit être annoncé avec une audace prophétique. Un prophète fatigué cherche dans l’adaptation à l’esprit du temps son propre salut, mais pas le salut du monde en Jésus Christ. La fidélité aux promesses du mariage est un signe prophétique du salut que Dieu donne au monde : « qui peut comprendre, qu’il comprenne » (Mt 19, 12). L’amour conjugal est purifié, renforcé et élevé par la grâce sacramentelle : « Cet amour, ratifié par un engagement mutuel, et par dessus tout consacré par le sacrement du Christ, demeure indissolublement fidèle, de corps et de pensée, pour le meilleur et pour le pire ; il exclut donc tout adultère et tout divorce » (Gaudium et spes, n. 49). En vertu du sacrement du mariage, les époux participent à l’amour définitif et irrévocable de Dieu. Aussi peuvent-ils être des témoins de l’amour fidèle de Dieu, mais ils doivent nourrir constamment leur amour à travers une vie de foi et de charité.
Assurément, il existe des situations – tout pasteur d’âme le sait – dans lesquelles la coexistence matrimoniale devient pratiquement impossible à cause de graves motifs, comme par exemple en cas de violences physiques ou psychiques. Dans ces situations douloureuses, l’Église a toujours permis que les conjoints se séparent et ne vivent plus ensemble. Il faut toutefois considérer que lien conjugal d’un mariage valide perdure devant Dieu et que chacune des parties n’est pas libre de contracter un nouveau mariage tant que l’autre conjoint est en vie. Les pasteurs d’âmes et les communautés chrétiennes doivent s’engager pour promouvoir des chemins de réconciliation également dans ces cas ou, quand cela n’est pas possible, aider les personnes concernées à affronter dans la foi leur situation difficile.
Observations théologico-morales
On propose toujours à nouveau que la décision de s’approcher ou non de la Communion eucharistique devrait être laissée à la conscience personnelle des divorcés remariés. Cet argument, qui se fonde sur un concept problématique de « conscience », a déjà été repoussé dans la Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 1994. Assurément, dans chaque célébration de la Messe les fidèles sont tenus de s’examiner dans leur conscience s’il est possible de recevoir la Communion, ce à quoi s’oppose toujours un péché grave non confessé. Ils ont donc l’obligation de former leur conscience et de l’orienter selon la vérité ; ce faisant, ils obéissent également au magistère de l’Église, qui les aide « à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l’homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle » (Jean-Paul II, Lettre encyclique Veritatis splendor, n. 64).
Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement convaincus dans leur conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide, cela doit être objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière matrimoniale. En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre deux personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Église, un sacrement, sur la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Église, dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême. « Si le mariage précédent de fidèles divorcés et remariés est valide, leur nouvelle union ne peut être considérée en aucune circonstance comme conforme au droit et donc, pour des motifs intrinsèques, la réception des sacrements n’est pas possible. La conscience de chacun est liée, sans exception, par cette norme » (Card. Joseph Ratzinger, La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité, L’Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, 8 décembre 2011, p. 5).
La doctrine de l’epicheia, selon laquelle une loi est certes valable en termes généraux, mais ne recouvre pas toujours adéquatement l’agir humain concret, ne peut pas non plus être appliquée dans ce cas, car l’indissolubilité du mariage sacramentel est une norme de droit divin, qui n’est pas à la disposition du pouvoir discrétionnaire de l’Église. Celle-ci a cependant plein pouvoir – dans la ligne du privilège paulin – pour clarifier quelles conditions doivent être remplies pour qu’un mariage indissoluble existe selon le sens qui lui est attribué par Jésus. À partir de là, l’Église a établi des empêchements de mariage, reconnu des motifs de nullité de mariage et mis au point une procédure judiciaire détaillée.
Une proposition supplémentaire en faveur de l’admission des divorcés remariés aux sacrements consiste à invoquer l’argument de la miséricorde. Étant donné que Jésus lui-même s’est solidarisé avec les personnes qui souffrent en leur donnant son amour miséricordieux, la miséricorde serait un signe spécial d’une sequela authentique. Cela est vrai, mais c’est un argument insuffisant en matière théologico-sacramentaire, parce que tout l’ordre sacramentel est une œuvre de la divine miséricorde et ne peut pas être révoqué en faisant appel à cette même miséricorde. À travers ce qui est objectivement un faux appel à la miséricorde, on court de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. Au mystère de Dieu appartiennent, outre la miséricorde, également sa sainteté et sa justice. Si l’on occulte ces attributs de Dieu et que l’on ne prend pas au sérieux la réalité du péché, on ne peut finalement pas non plus communiquer sa miséricorde aux hommes. Jésus a rencontré la femme adultère avec une grande compassion, mais il lui a aussi dit : « Va, ne pèche plus » (Jn 8, 11). La miséricorde de Dieu n’est pas une dispense des commandements de Dieu et des instructions de l’Église. Elle accorde plutôt la force de la grâce pour leur accomplissement, pour se relever après la chute et pour une vie de perfection à l’image du Père céleste.
Le souci pastoral
Bien que l’admission des divorcés remariés aux sacrements ne soit pas possible en raison de la nature profonde de ces derniers, les efforts pastoraux s’imposent d’autant plus envers ces fidèles, même si ceux-ci doivent se conformer aux normes dérivant de la Révélation et du Magistère de l’Église. Le parcours indiqué par l’Église pour les personnes concernées n’est pas simple, mais elles doivent savoir et sentir que l’Église accompagne leur chemin en tant que communauté de salut. À travers leur effort pour comprendre la pratique de l’Église et ne pas s’approcher de la Communion, les partenaires rendent témoignage, à leur manière, à l’indissolubilité du mariage.
Le souci pour les divorcés remariés ne devrait certes pas se réduire à la question de la réception de l’Eucharistie. Il s’agit d’une pastorale plus globale qui cherche à tenir compte le plus possible des différentes situations. Il est important de savoir, à ce propos, qu’outre la Communion sacramentelle, il existe encore d’autres manières d’entrer en communion avec Dieu. La relation avec Dieu est réalisée lorsqu’on s’adresse à lui dans la foi, dans l’espérance et dans la charité, dans le repentir et dans la prière. Dieu peut accorder sa proximité et son salut aux hommes à travers diverses voies, même s’ils vivent des situations contradictoires. Comme le soulignent constamment les récents documents du Magistère, les pasteurs d’âmes et les communautés chrétiennes sont appelés à accueillir avec ouverture et cordialité les personnes vivant dans des situations irrégulières, pour être à leurs côtés avec empathie, les aidant et pour leur faire sentir l’amour du Bon Pasteur. Une pastorale fondée sur la vérité et sur l’amour trouvera toujours à nouveau dans ce domaine les voies et les formes justes.
[↩]
******************** 24 Mars 2015 ********************
(Source: famille chrétienne)
(Source: famille chrétienne)
Synode sur la famille : les dix axes dégagés par les mouvements familiaux
À l’issue du Congrès international des mouvements pour la famille à Rome, les associations françaises ont dévoilé les dix pistes de réflexion formulées par Mgr Vincenzo Paglia, président du Conseil pontifical pour la famille.
Réunis à Lourdes du 24 au 27 mars pour leur assemblée plénière de printemps, les évêques de France vont se pencher à nouveau sur les questions concernant la famille en vue de la seconde session du Synode, en octobre 2015. Dans cette perspective, un groupe de huit associations françaises, qui ont participé du 22 au 24 janvier dernier au Congrès international des mouvements pour la famille à Rome, a souhaité partager la synthèse soumise aux participants par Mgr Vincenzo Paglia, président du Conseil pontifical pour la famille : une série de dix pistes de réflexion émanant des travaux du Congrès, et qui feront partie de la contribution générale du prochain Synode sur la famille.
« Nous vivons une crise anthropologique majeure. Pour la première fois le triptyque voulu par le Créateur avec comme piliers inséparables (mariage, vie, famille) est aujourd’hui déstructuré. Chacun peut recomposer à son image ce triptyque et non plus selon le plan de Dieu », a déclaré le prélat en préambule de ce congrès qui a réuni près de 300 personnes, représentant 82 mouvements et associations nationales et internationales de familles, en provenance de 26 pays des cinq continents. Cette rencontre avait pour but de contribuer au débat en vue de la XIVe Assemblée générale du Synode des évêques sur la famille, coorganisée par le Secrétariat du synode des évêques.
L’indissolubilité du mariage n’est pas une prison mais un don.
Pour faire face à la « crise anthropologique majeure » qui traverse le monde, Mgr Paglia incite dans sa synthèse les différents mouvements à faire « redécouvrir l’importance de l’identité de la personne », mais aussi « la finalité et la vocation du sacrement de mariage », notamment en travaillant davantage les parcours de préparation au mariage. Pour « enseigner que l’amour entre l’homme et la femme est source de vie », l’évêque préconise également de revenir au texte de la Création : « Homme et femme, Il les créa », d’insérer dans la formation chrétienne une éducation affective et sexuelle, ou encore de redécouvrir le lien entre anthropologie et écologie. « L’indissolubilité du mariage n’est pas une prison mais un don », rappelle-t-il par ailleurs, appelant les associations à porter une attention particulière aux personnes divorcées non remariées.
La synthèse insiste ensuite sur la nécessité de « valoriser la présence de l’Esprit-Saint au cœur de la vie des familles », en proposant la lecture commune de la Parole de Dieu au sein même des familles, et en revenant sur l’importance de la messe du dimanche. Dans le souci de rejoindre les familles là où elles sont, les mouvements sont aussi invités à être attentifs aux différentes étapes de la vie et à savoir les accompagner : de la vie intra-utérine, à la vieillesse, en passant par l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.
Le souci des familles blessées doit être prépondérant
Divorce, pauvreté, maladie, fragilités diverses, le souci des familles blessées doit d’autre part être prépondérant, rappelle-t-il. Pour cela, les associations sont sollicitées pour favoriser par exemple l’organisation d’activités adaptées dans les paroisses. Être attentifs à la fraternité entre les familles, y compris de confession différentes et en particulier dans les grandes villes participe aussi de cette attention aux familles blessées. Pour resserrer les liens entre l’Église et les familles, l’évêque formule le souhait des participants de rendre à la fois la famille plus ecclésiale, et l’Église plus familiale.
Il ajoute que le lien entre famille et sacerdoce mérite d’être approfondi, les deux sacrements étant faits l’un pour l’autre. Le président du Conseil pontifical pour la famille exhorte enfin les familles à transformer le monde selon leur vocation propre, en s’engageant de diverses manières dans la société.
En visite en France le 16 février dernier, Mgr Paglia a lui-même soumis aux évêques français ces pistes de réflexions, qui pourront servir d’assise à leurs discussions à Lourdes.
« Nous vivons une crise anthropologique majeure. Pour la première fois le triptyque voulu par le Créateur avec comme piliers inséparables (mariage, vie, famille) est aujourd’hui déstructuré. Chacun peut recomposer à son image ce triptyque et non plus selon le plan de Dieu », a déclaré le prélat en préambule de ce congrès qui a réuni près de 300 personnes, représentant 82 mouvements et associations nationales et internationales de familles, en provenance de 26 pays des cinq continents. Cette rencontre avait pour but de contribuer au débat en vue de la XIVe Assemblée générale du Synode des évêques sur la famille, coorganisée par le Secrétariat du synode des évêques.
L’indissolubilité du mariage n’est pas une prison mais un don.
Pour faire face à la « crise anthropologique majeure » qui traverse le monde, Mgr Paglia incite dans sa synthèse les différents mouvements à faire « redécouvrir l’importance de l’identité de la personne », mais aussi « la finalité et la vocation du sacrement de mariage », notamment en travaillant davantage les parcours de préparation au mariage. Pour « enseigner que l’amour entre l’homme et la femme est source de vie », l’évêque préconise également de revenir au texte de la Création : « Homme et femme, Il les créa », d’insérer dans la formation chrétienne une éducation affective et sexuelle, ou encore de redécouvrir le lien entre anthropologie et écologie. « L’indissolubilité du mariage n’est pas une prison mais un don », rappelle-t-il par ailleurs, appelant les associations à porter une attention particulière aux personnes divorcées non remariées.
La synthèse insiste ensuite sur la nécessité de « valoriser la présence de l’Esprit-Saint au cœur de la vie des familles », en proposant la lecture commune de la Parole de Dieu au sein même des familles, et en revenant sur l’importance de la messe du dimanche. Dans le souci de rejoindre les familles là où elles sont, les mouvements sont aussi invités à être attentifs aux différentes étapes de la vie et à savoir les accompagner : de la vie intra-utérine, à la vieillesse, en passant par l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.
Le souci des familles blessées doit être prépondérant
Divorce, pauvreté, maladie, fragilités diverses, le souci des familles blessées doit d’autre part être prépondérant, rappelle-t-il. Pour cela, les associations sont sollicitées pour favoriser par exemple l’organisation d’activités adaptées dans les paroisses. Être attentifs à la fraternité entre les familles, y compris de confession différentes et en particulier dans les grandes villes participe aussi de cette attention aux familles blessées. Pour resserrer les liens entre l’Église et les familles, l’évêque formule le souhait des participants de rendre à la fois la famille plus ecclésiale, et l’Église plus familiale.
Il ajoute que le lien entre famille et sacerdoce mérite d’être approfondi, les deux sacrements étant faits l’un pour l’autre. Le président du Conseil pontifical pour la famille exhorte enfin les familles à transformer le monde selon leur vocation propre, en s’engageant de diverses manières dans la société.
En visite en France le 16 février dernier, Mgr Paglia a lui-même soumis aux évêques français ces pistes de réflexions, qui pourront servir d’assise à leurs discussions à Lourdes.
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******************** 15 Février 2014 ********************
« Il y a une contradiction à demander le sacrement du mariage sans avoir la foi »
Secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, Mgr Jean Laffitte répond aux questions de l’agence iMédia sur les travaux du synode extraordinaire sur la famille. Comment l’Église doit-elle interpréter la portée de d’inculture religieuse sur les personnes baptisés qui ne croient pas dans les propriétés du mariage ? L’efficacité du sacrement ne dépend pas de la foi des baptisés, mais « lorsque deux jeunes gens envisagent de se marier mais ne croient pas à l’indissolubilité, au caractère définitif de leur union, leur mariage ne peut être que nul. »
[iMédia, 14/02/15]
Mgr Jean Laffitte. — À la fin du pontificat de Benoît XVI, il y a eu un synode sur la nouvelle évangélisation. Plus de 100 pères synodaux ont alors cité la famille comme moyen et lieu nécessaires d’une nouvelle évangélisation. La famille n’est pas simplement objet d’évangélisation, elle est d’abord sujet d’évangélisation, essentiellement par son témoignage. Pour cela, il convient qu’elle soit imprégnée de l’Évangile. Le pape François, en outre, a perçu que la famille avait besoin d’être encouragée, réanimée. Il s’agit d’aller à la rencontre des familles, pour mesurer, dans une démarche pastorale, les souffrances et les blessures qui sont les siennes. Comme on se trouve dans un contexte général de relativisation de l’institution familiale, il est plus que jamais nécessaire d’approfondir le dessein de Dieu sur l’amour humain, le mariage et la famille.
Quels sont selon vous les points cruciaux qui ont émergé du précédent synode et devraient faire l’objet de nouvelles réflexions en octobre prochain ?
Il y a deux actions qui ont été soulignées. La première est de réaffirmer la valeur fondamentale de l’institution familiale. Cela explique qu’aient pu être abordées diverses questions comme la dénatalité, ou les dangers d’étendre le terme de « famille » à des unions qui n’ont rien de familial, à des unions d’une autre nature. Il s’agit de montrer que la famille, cellule fondamentale de la société, contribue à son bien commun.
La deuxième action s’adresse aux chrétiens. Le mariage est un sacrement. Le concile Vatican II dit qu’au moment de ce sacrement, le Christ vient à la rencontre des époux pour demeurer avec eux. Peu de personnes ont conscience de la sainteté du mariage chrétien, car beaucoup, désormais, ont grandi dans un monde privé de toute culture chrétienne. Certains demandent le sacrement du mariage alors qu’ils n’ont jamais mis les pieds de leur vie à l’église et n’ont pas la moindre idée de ce qu’est un sacrement. L’Église a le désir d’accueillir, et dans le même temps, elle ne peut donner un sacrement dans n’importe quelles conditions. D’où la préoccupation d’un grand nombre de pères synodaux de renforcer et approfondir une véritable préparation au mariage, voire pour certains un réel catéchuménat.
D’autres pères synodaux ont aussi évoqué la nécessité d’un accompagnement des mariages récemment célébrés. Tout cela est l’essentiel de ce que les pères ont exprimé, même si certains, en particulier les médias, ont accentué certaines questions pastorales.
À propos de meilleure préparation au mariage, le Pape a récemment suggéré aux membres du tribunal de la Rote romaine de mieux tenir compte du critère de foi des époux au moment de leur « intention matrimoniale ». Un sujet déjà évoqué par Benoît XVI. Qu’en pensez-vous ?
Benoît XVI a longtemps réfléchi à cette question, dès le début des années 2000 comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le droit de l’Église a toujours établi qu’il n’y a pas de mariage possible entre deux baptisés qui ne soit sacramentel. Cela veut dire que les baptisés peuvent légitimement demander à l’Église ce sacrement. Mais il y a une contradiction à demander un sacrement et à être indifférent à ce qu’est le sacrement, ou encore simplement au fait d’être un baptisé. Il y a là un appel pour les pasteurs à considérer la façon dont ils vont donner le sacrement et y préparer les fiancés.
Le fait de ne pas avoir de foi invalide-t-il pour autant le sacrement ? La réponse est non : en elle-même, l’absence de foi n’ôte pas le fait qu’entre deux baptisés le seul mariage possible soit un sacrement. En revanche, parmi les motifs de nullité qui existent pour un mariage sacramentel, il y a le fait de ne pas adhérer à ce qu’on appelle les propriétés essentielles du mariage (unité, indissolubilité).
Dans le contexte d’inculture religieuse et de relativisme éthique qui prévaut en de nombreuses régions du monde, le doute existe sur la véritable compréhension – et acceptation – de la nature du mariage et de ses propriétés essentielles. En termes simples, quelle compréhension de l’unité et de l’indissolubilité du mariage, ainsi que de son ouverture à la vie, la personne qui se présente pour se marier « sacramentellement » possède-t-elle ? Lorsque deux jeunes gens envisagent de se marier mais ne croient pas à l’indissolubilité, au caractère définitif de leur union, leur mariage ne peut être que nul. Mais leur mariage, dans ce cas-là, sera nul non pas parce qu’ils n’ont pas la foi, mais parce que leur « non foi » entraîne une « non adhésion » à ce qui fait qu’un mariage est valide.
Il y a à peine deux ou trois décennies, quand tout le monde – croyants et incroyants – adhérait à ces propriétés du mariage, la question de la « non foi » ne se posait pas en ces termes. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que l’Église qui enseigne et transmette les propriétés du mariage.
Le pape François a créé une commission spéciale chargée de simplifier les procédures des causes en nullité de mariage et de les rendre plus rapides. Est-ce une bonne solution ?
Il y a bien sûr des améliorations à obtenir. Les pères du synode l’ont souligné. Toutefois, le fait qu’existent des procédures très longues est aussi le résultat d’une histoire législative du droit et de ses finalités, en clair, de précautions que l’Église a prises pour préserver le lien conjugal. Quand il y a plusieurs médiations, plusieurs échelons, la procédure peut paraître lourde. Mais il faut étudier cette difficulté avec une extrême précaution, une grande prudence pour ne pas laisser penser que s’est amoindrie l’estime de l’Église pour le lien conjugal qu’elle a toujours défendu.
Au cours du synode d’octobre 2014, certains médias se sont fait l’écho d’un Pape « progressiste », prêt à plus d’ouverture en faveur des divorcés remariés, du concubinage ou encore des couples homosexuels. Est-ce une version proche de la réalité ?
On prête au Pape des intentions et convictions qui ne sont pas nécessairement les siennes. Il faut vraiment considérer l’ensemble de ses déclarations. Aux Philippines, il a de nouveau exalté l’importance d’Humanæ Vitæ, le texte le plus controversé depuis 50 ans ! Cette interprétation partielle et faussée dont vous parlez vient du fait qu’on ne mesure pas à quel point le pape est soucieux de rejoindre les personnes, en tenant compte de leurs épreuves et de leurs blessures. Les vérités de l’enseignement de l’Église, il y adhère pleinement ; mais il attire l’attention de l’Église tout entière sur la nécessité de prendre la mesure des défis nouveaux qui se posent, ce qu’il fait avec des paroles fortes ou imagées.
[↩]
Secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, Mgr Jean Laffitte répond aux questions de l’agence iMédia sur les travaux du synode extraordinaire sur la famille. Comment l’Église doit-elle interpréter la portée de d’inculture religieuse sur les personnes baptisés qui ne croient pas dans les propriétés du mariage ? L’efficacité du sacrement ne dépend pas de la foi des baptisés, mais « lorsque deux jeunes gens envisagent de se marier mais ne croient pas à l’indissolubilité, au caractère définitif de leur union, leur mariage ne peut être que nul. »
[iMédia, 14/02/15]
Avec les synodes d’octobre 2014 puis d’octobre 2015, le pape François a fait de la famille l’une des priorités de son pontificat. Comment expliquer ce choix ?
Mgr Jean Laffitte. — À la fin du pontificat de Benoît XVI, il y a eu un synode sur la nouvelle évangélisation. Plus de 100 pères synodaux ont alors cité la famille comme moyen et lieu nécessaires d’une nouvelle évangélisation. La famille n’est pas simplement objet d’évangélisation, elle est d’abord sujet d’évangélisation, essentiellement par son témoignage. Pour cela, il convient qu’elle soit imprégnée de l’Évangile. Le pape François, en outre, a perçu que la famille avait besoin d’être encouragée, réanimée. Il s’agit d’aller à la rencontre des familles, pour mesurer, dans une démarche pastorale, les souffrances et les blessures qui sont les siennes. Comme on se trouve dans un contexte général de relativisation de l’institution familiale, il est plus que jamais nécessaire d’approfondir le dessein de Dieu sur l’amour humain, le mariage et la famille.
Quels sont selon vous les points cruciaux qui ont émergé du précédent synode et devraient faire l’objet de nouvelles réflexions en octobre prochain ?
Il y a deux actions qui ont été soulignées. La première est de réaffirmer la valeur fondamentale de l’institution familiale. Cela explique qu’aient pu être abordées diverses questions comme la dénatalité, ou les dangers d’étendre le terme de « famille » à des unions qui n’ont rien de familial, à des unions d’une autre nature. Il s’agit de montrer que la famille, cellule fondamentale de la société, contribue à son bien commun.
La deuxième action s’adresse aux chrétiens. Le mariage est un sacrement. Le concile Vatican II dit qu’au moment de ce sacrement, le Christ vient à la rencontre des époux pour demeurer avec eux. Peu de personnes ont conscience de la sainteté du mariage chrétien, car beaucoup, désormais, ont grandi dans un monde privé de toute culture chrétienne. Certains demandent le sacrement du mariage alors qu’ils n’ont jamais mis les pieds de leur vie à l’église et n’ont pas la moindre idée de ce qu’est un sacrement. L’Église a le désir d’accueillir, et dans le même temps, elle ne peut donner un sacrement dans n’importe quelles conditions. D’où la préoccupation d’un grand nombre de pères synodaux de renforcer et approfondir une véritable préparation au mariage, voire pour certains un réel catéchuménat.
D’autres pères synodaux ont aussi évoqué la nécessité d’un accompagnement des mariages récemment célébrés. Tout cela est l’essentiel de ce que les pères ont exprimé, même si certains, en particulier les médias, ont accentué certaines questions pastorales.
À propos de meilleure préparation au mariage, le Pape a récemment suggéré aux membres du tribunal de la Rote romaine de mieux tenir compte du critère de foi des époux au moment de leur « intention matrimoniale ». Un sujet déjà évoqué par Benoît XVI. Qu’en pensez-vous ?
Benoît XVI a longtemps réfléchi à cette question, dès le début des années 2000 comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le droit de l’Église a toujours établi qu’il n’y a pas de mariage possible entre deux baptisés qui ne soit sacramentel. Cela veut dire que les baptisés peuvent légitimement demander à l’Église ce sacrement. Mais il y a une contradiction à demander un sacrement et à être indifférent à ce qu’est le sacrement, ou encore simplement au fait d’être un baptisé. Il y a là un appel pour les pasteurs à considérer la façon dont ils vont donner le sacrement et y préparer les fiancés.
Le fait de ne pas avoir de foi invalide-t-il pour autant le sacrement ? La réponse est non : en elle-même, l’absence de foi n’ôte pas le fait qu’entre deux baptisés le seul mariage possible soit un sacrement. En revanche, parmi les motifs de nullité qui existent pour un mariage sacramentel, il y a le fait de ne pas adhérer à ce qu’on appelle les propriétés essentielles du mariage (unité, indissolubilité).
Dans le contexte d’inculture religieuse et de relativisme éthique qui prévaut en de nombreuses régions du monde, le doute existe sur la véritable compréhension – et acceptation – de la nature du mariage et de ses propriétés essentielles. En termes simples, quelle compréhension de l’unité et de l’indissolubilité du mariage, ainsi que de son ouverture à la vie, la personne qui se présente pour se marier « sacramentellement » possède-t-elle ? Lorsque deux jeunes gens envisagent de se marier mais ne croient pas à l’indissolubilité, au caractère définitif de leur union, leur mariage ne peut être que nul. Mais leur mariage, dans ce cas-là, sera nul non pas parce qu’ils n’ont pas la foi, mais parce que leur « non foi » entraîne une « non adhésion » à ce qui fait qu’un mariage est valide.
Il y a à peine deux ou trois décennies, quand tout le monde – croyants et incroyants – adhérait à ces propriétés du mariage, la question de la « non foi » ne se posait pas en ces termes. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que l’Église qui enseigne et transmette les propriétés du mariage.
Le pape François a créé une commission spéciale chargée de simplifier les procédures des causes en nullité de mariage et de les rendre plus rapides. Est-ce une bonne solution ?
Il y a bien sûr des améliorations à obtenir. Les pères du synode l’ont souligné. Toutefois, le fait qu’existent des procédures très longues est aussi le résultat d’une histoire législative du droit et de ses finalités, en clair, de précautions que l’Église a prises pour préserver le lien conjugal. Quand il y a plusieurs médiations, plusieurs échelons, la procédure peut paraître lourde. Mais il faut étudier cette difficulté avec une extrême précaution, une grande prudence pour ne pas laisser penser que s’est amoindrie l’estime de l’Église pour le lien conjugal qu’elle a toujours défendu.
Au cours du synode d’octobre 2014, certains médias se sont fait l’écho d’un Pape « progressiste », prêt à plus d’ouverture en faveur des divorcés remariés, du concubinage ou encore des couples homosexuels. Est-ce une version proche de la réalité ?
On prête au Pape des intentions et convictions qui ne sont pas nécessairement les siennes. Il faut vraiment considérer l’ensemble de ses déclarations. Aux Philippines, il a de nouveau exalté l’importance d’Humanæ Vitæ, le texte le plus controversé depuis 50 ans ! Cette interprétation partielle et faussée dont vous parlez vient du fait qu’on ne mesure pas à quel point le pape est soucieux de rejoindre les personnes, en tenant compte de leurs épreuves et de leurs blessures. Les vérités de l’enseignement de l’Église, il y adhère pleinement ; mais il attire l’attention de l’Église tout entière sur la nécessité de prendre la mesure des défis nouveaux qui se posent, ce qu’il fait avec des paroles fortes ou imagées.
[↩]
******************** 22 Décembre 2014 ********************
« Ne pas marier pour marier »
L'archevêque d'Albi a participé au document épiscopal sur La Préparation au mariage dans le contexte de la nouvelle évangélisation. Il estime qu'il faut la réformer, et propose des pistes.
Beaucoup de canonistes disent que la plupart des mariages ne sont pas valides. La situation est-elle si grave?
Nous devons admettre qu'un certain nombre de mariages sont sans doute invalides, même s'il faut nuancer ce propos. Souvent ceux qui les contractent n'ont pas la foi et, quand ils l'ont, sont si peu formés qu'ils n'ont pas toujours une connaissance suffisante de ce qu'est le sacrement de mariage. Ce que la société civile appelle mariage n'a pas grand-chose à voir avec le sacrement, qui suppose un engagement dans la liberté en vue d'une fidélité réelle et durable, un désir d'ouverture à la vie, et le soutien mutuel jusqu'au dernier souffle de son conjoint.
Combien de jeunes veulent juste vivre ensemble, sans l'exigence du mariage chrétien? Combien disent qu'ils ne veulent pas d'enfants dans un monde désespérant? Lorsque des fiancés sont dans cet état d'esprit, il s'agit d'un cas d'invalidité de facto, et il est du devoir du prêtre de le marquer dans le dossier. On marie trop.
Vous pourriez refuser de marier des gens?
Dieu sait si je suis favorable à la vie sacramentelle, mais on ne peut donner des sacrements que dans le cadre de la foi. La première chose à faire est d'accueillir tout le monde, cependant je ne suis pas sûr qu'il faille donner les sacrements à tous. ÏÏ ne faut pas marier pour marier. Nous devons accompagner les jeunes sur un chemin qui leur permette de découvrir ce qu'est le mariage chrétien. Tout l'enjeu est de les amener à discerner eux-mêmes, objectivement, librement et simultanément, s'ils veulent prendre les engagements que propose l'Église. Dans certains cas, il faut refuser de marier sans être intrusif, c'est un art difficile.
Cette situation vient-elle du fait qu'on n'aborde pas assez les sujets qui fâchent?
Parfois, la préparation au mariage n'est pas digne de ce nom. Cependant, beaucoup de propositions novatrices existent, avec des formes variées et un désir d'accompagner la foi des fiancés, notamment au sein de communautés comme L'Emmanuel ou Le Chemin Neuf.
Les villes sont privilégiées. Dans le monde rural, avec un prêtre dévoué 'mais âgé face à des jeunes déchristianisés, l'affaire se complique, on ne peut pas lui demander l'impossible. En revanche, les situations complexes liées à l'affectivité et à la sexualité ont toujours existé. La position du Christ est d'une originalité fabuleuse, et nous devons annoncer l'Évangile, même si son contenu va à contre-courant de ce que pratique communément la société.
Avez-vous le sentiment d'être sur une préparation à deux vitesses?
Effectivement, il y a deux sortes de mariage aujourd'hui. La majorité des fidèles sont loin de l'Église, avec 4,5% de pratiquants pour 56 % de baptisés. Mais, quand ils pratiquent, les célébrations peuvent être extrêmement ferventes : ils demandent une eucharistie, soignent la liturgie... C'est peut-être du luxe, mais deux jeunes qui ont une vie chrétienne, une véritable relation au Christ, doivent recevoir une préparation qui correspond au stade où ils en sont, avec un temps de retraite, n nous faut des chrétiens formes. I existe des jeunes qui vivent la chasteté avant le mariage, et il ne faut pas les préparer comme des personnes qui vive" ensemble depuis dix ans. C'est aux pasteurs qui reçoivent les fiancés d'être soucieux de répondre aux besoins de chacun.
Dans l'Église en France, la tentation d'une pastorale globale existe ; ce n'est pas réaliste, car tous les couples qui arrivent n'en sont pas au même niveau. Il serait souhaitable que les prêtres prennent l'habitude de les recevoir eux-mêmes ou de délègue: cette rencontre à un couple profond et spirituel. Il y a toutefois des fondamentaux que tous peuvent apprendre ensemble.
Le sacrement est-il la partie délaissée de la préparation au mariage?
Il faut prendre le temps de parler du sacrement, quittés souvent n'intéresse pas les fiancés au départ, n faudrait au moins une année en partant des réalités humaines pour les éclairer par une annonce de la foi, ce qui est loin d'être le cas. Aujourd'hui, les fiancés s'inscrivent un an à l'avance, mais ne se préparent que trois ou six mois.
Faut-il dispenser une formation spécifique aux prêtres pour relever ce défi?
Oui, ce point a été abordé au Synode et sera encore au programme cette année. Une formation au séminaire est nécessaire pour parler de la vie affective et sexuelle avec joie. À côté des couples, il faudrait faire intervenir des organismes extérieurs. Tous les accompagnants - prêtres, diacres, laïcs - devraient avoir suivi le cycle de l'éducation à la vie, dont j'ai bénéficié en tant qu'aumônier national du Cler(1). H faut dispenser des cours sur l'écoute, quelques rudiments de psychologie, et même des cours d'anatomie pour être capable de répondre concrètement aux questions affectives et sexuelles des fiancés.
Dans le contexte erotique de la société, ces réalités sont trop souvent abordées de manière vulgaire. Il est nécessaire de savoir en parler avec toute la subtilité du mystère qu'elles portent, avec admiration, et même de manière contemplative. Les Petites Sœurs des maternités catholiques pourraient intervenir dans les séminaires. Elles ont ce charisme d'aborder la mise au monde dans sa globalité, avec une approche à la fois spirituelle et concrète.
Comment favoriser la formation des accompagnants à la préparation au mariage?
Dans le diocèse d'Albi cette année, nous avons nommé une commission en lien avec la pastorale familiale du diocèse. Plusieurs couples et un prêtre responsable sont chargés de rechercher ce qui se fait en France pour proposer au Conseil épiscopal en juin 2015 des pistes d'amélioration pour la préparation au mariage. On demandera ensuite à ceux qui préparent au mariage de se former, puis les fiancés pourront en bénéficier.
La préparation au mariage devient donc une vraie priorité?
Depuis quarante ans que je suis prêtre, elle a toujours été une priorité, même si je reconnais qu'à certains d'endroits, elle est insuffisante. Heureusement, le Synode nous réveille sur le sujet. J'espère qu'il va nous donner des orientations en insistant sur la qualité de la préparation au mariage, peut-être que les propositions iront plus loin avec un parcours catéchuménal. J'espère qu'il donnera des points de repères qui libéreront la conscience de certains
prêtres, car aujourd'hui, certains hésitent à refuser un sacrement qu'on leur demande. Pourtant, ils ne sont pas obligés de l'accorder ! Nous devons prendre au sérieux la parole de Dieu ! Et pour ne pas que les fiancés se dirigent vers la paroisse d'à côté, si un prêtre refuse de les marier, une « politique » diocésaine doit être élaborée.
Quelle serait la quintessence d'une préparation au mariage?
L'essentiel d'une préparation au mariage serait d'abord de prendre les gens où ils en sont et de les aimer, même s'ils ne correspondent pas du tout à ce qu'on attendrait qu'ils vivent, les accueillir, et tenter de les éveiller aux lumières que la foi peut leur apporter. Pour comprendre l'originalité du mariage chrétien qui est relativement éloigné maintenant de celui que la société propose, un éveil à la foi est absolument nécessaire. Ensuite, il faut expliquer la cérémonie, si c'est un mariage qu'il faut célébrer.
Dans les années qui viennent, nous devrions avoir l'audace de proposer une ou des étapes sur ce chemin, un temps de prière dans l'église ou non, sans bénédiction des alliances ni inscription dans les registres. Au risque d'avoir moins de mariages ! Au lieu de célébrer des mariages nuls, il vaut mieux célébrer des étapes. Le Seigneur est proche des fiancés, il veille sur chacun. Ceux-ci doivent de leur côté apprendre à prier et à entrer en relation avec Lui, au lieu de vouloir à tout prix un mariage dont ils ne perçoivent ni les grandeurs ni l'exigence. Le sacrement n'est pas un dû ! Mais, pour moi, la première et la meilleure préparation au mariage commence dans l'enfance, quand on a sous les yeux un couple qui s'aime, une famille où circule l'amour quoi qu'il arrive.
Propos recueillis par Olivia de Fournas
(1) Cler Amour et Famille est au service des
couples, des jeunes et des familles pour
les accompagner dans la construction de
leur vie. affective, relationnelle et sexuelle.
PRÉPARATION AU MARIAGE: LE CHANGEMENT, C'EST MAINTENANT !
Mgr Jean Legrez:« Ne pas marier pour marier »
L'archevêque d'Albi a participé au document épiscopal sur La Préparation au mariage dans le contexte de la nouvelle évangélisation. Il estime qu'il faut la réformer, et propose des pistes.
Beaucoup de canonistes disent que la plupart des mariages ne sont pas valides. La situation est-elle si grave?
Nous devons admettre qu'un certain nombre de mariages sont sans doute invalides, même s'il faut nuancer ce propos. Souvent ceux qui les contractent n'ont pas la foi et, quand ils l'ont, sont si peu formés qu'ils n'ont pas toujours une connaissance suffisante de ce qu'est le sacrement de mariage. Ce que la société civile appelle mariage n'a pas grand-chose à voir avec le sacrement, qui suppose un engagement dans la liberté en vue d'une fidélité réelle et durable, un désir d'ouverture à la vie, et le soutien mutuel jusqu'au dernier souffle de son conjoint.
Combien de jeunes veulent juste vivre ensemble, sans l'exigence du mariage chrétien? Combien disent qu'ils ne veulent pas d'enfants dans un monde désespérant? Lorsque des fiancés sont dans cet état d'esprit, il s'agit d'un cas d'invalidité de facto, et il est du devoir du prêtre de le marquer dans le dossier. On marie trop.
Vous pourriez refuser de marier des gens?
Dieu sait si je suis favorable à la vie sacramentelle, mais on ne peut donner des sacrements que dans le cadre de la foi. La première chose à faire est d'accueillir tout le monde, cependant je ne suis pas sûr qu'il faille donner les sacrements à tous. ÏÏ ne faut pas marier pour marier. Nous devons accompagner les jeunes sur un chemin qui leur permette de découvrir ce qu'est le mariage chrétien. Tout l'enjeu est de les amener à discerner eux-mêmes, objectivement, librement et simultanément, s'ils veulent prendre les engagements que propose l'Église. Dans certains cas, il faut refuser de marier sans être intrusif, c'est un art difficile.
Cette situation vient-elle du fait qu'on n'aborde pas assez les sujets qui fâchent?
Parfois, la préparation au mariage n'est pas digne de ce nom. Cependant, beaucoup de propositions novatrices existent, avec des formes variées et un désir d'accompagner la foi des fiancés, notamment au sein de communautés comme L'Emmanuel ou Le Chemin Neuf.
Les villes sont privilégiées. Dans le monde rural, avec un prêtre dévoué 'mais âgé face à des jeunes déchristianisés, l'affaire se complique, on ne peut pas lui demander l'impossible. En revanche, les situations complexes liées à l'affectivité et à la sexualité ont toujours existé. La position du Christ est d'une originalité fabuleuse, et nous devons annoncer l'Évangile, même si son contenu va à contre-courant de ce que pratique communément la société.
Avez-vous le sentiment d'être sur une préparation à deux vitesses?
Effectivement, il y a deux sortes de mariage aujourd'hui. La majorité des fidèles sont loin de l'Église, avec 4,5% de pratiquants pour 56 % de baptisés. Mais, quand ils pratiquent, les célébrations peuvent être extrêmement ferventes : ils demandent une eucharistie, soignent la liturgie... C'est peut-être du luxe, mais deux jeunes qui ont une vie chrétienne, une véritable relation au Christ, doivent recevoir une préparation qui correspond au stade où ils en sont, avec un temps de retraite, n nous faut des chrétiens formes. I existe des jeunes qui vivent la chasteté avant le mariage, et il ne faut pas les préparer comme des personnes qui vive" ensemble depuis dix ans. C'est aux pasteurs qui reçoivent les fiancés d'être soucieux de répondre aux besoins de chacun.
Dans l'Église en France, la tentation d'une pastorale globale existe ; ce n'est pas réaliste, car tous les couples qui arrivent n'en sont pas au même niveau. Il serait souhaitable que les prêtres prennent l'habitude de les recevoir eux-mêmes ou de délègue: cette rencontre à un couple profond et spirituel. Il y a toutefois des fondamentaux que tous peuvent apprendre ensemble.
Le sacrement est-il la partie délaissée de la préparation au mariage?
Il faut prendre le temps de parler du sacrement, quittés souvent n'intéresse pas les fiancés au départ, n faudrait au moins une année en partant des réalités humaines pour les éclairer par une annonce de la foi, ce qui est loin d'être le cas. Aujourd'hui, les fiancés s'inscrivent un an à l'avance, mais ne se préparent que trois ou six mois.
Faut-il dispenser une formation spécifique aux prêtres pour relever ce défi?
Oui, ce point a été abordé au Synode et sera encore au programme cette année. Une formation au séminaire est nécessaire pour parler de la vie affective et sexuelle avec joie. À côté des couples, il faudrait faire intervenir des organismes extérieurs. Tous les accompagnants - prêtres, diacres, laïcs - devraient avoir suivi le cycle de l'éducation à la vie, dont j'ai bénéficié en tant qu'aumônier national du Cler(1). H faut dispenser des cours sur l'écoute, quelques rudiments de psychologie, et même des cours d'anatomie pour être capable de répondre concrètement aux questions affectives et sexuelles des fiancés.
Dans le contexte erotique de la société, ces réalités sont trop souvent abordées de manière vulgaire. Il est nécessaire de savoir en parler avec toute la subtilité du mystère qu'elles portent, avec admiration, et même de manière contemplative. Les Petites Sœurs des maternités catholiques pourraient intervenir dans les séminaires. Elles ont ce charisme d'aborder la mise au monde dans sa globalité, avec une approche à la fois spirituelle et concrète.
«Je suis favorable à la vie sacramentelle, mais on ne peut donner des sacrements que dans le cadre de la foi. »
Dans le diocèse d'Albi cette année, nous avons nommé une commission en lien avec la pastorale familiale du diocèse. Plusieurs couples et un prêtre responsable sont chargés de rechercher ce qui se fait en France pour proposer au Conseil épiscopal en juin 2015 des pistes d'amélioration pour la préparation au mariage. On demandera ensuite à ceux qui préparent au mariage de se former, puis les fiancés pourront en bénéficier.
La préparation au mariage devient donc une vraie priorité?
Depuis quarante ans que je suis prêtre, elle a toujours été une priorité, même si je reconnais qu'à certains d'endroits, elle est insuffisante. Heureusement, le Synode nous réveille sur le sujet. J'espère qu'il va nous donner des orientations en insistant sur la qualité de la préparation au mariage, peut-être que les propositions iront plus loin avec un parcours catéchuménal. J'espère qu'il donnera des points de repères qui libéreront la conscience de certains
prêtres, car aujourd'hui, certains hésitent à refuser un sacrement qu'on leur demande. Pourtant, ils ne sont pas obligés de l'accorder ! Nous devons prendre au sérieux la parole de Dieu ! Et pour ne pas que les fiancés se dirigent vers la paroisse d'à côté, si un prêtre refuse de les marier, une « politique » diocésaine doit être élaborée.
Quelle serait la quintessence d'une préparation au mariage?
L'essentiel d'une préparation au mariage serait d'abord de prendre les gens où ils en sont et de les aimer, même s'ils ne correspondent pas du tout à ce qu'on attendrait qu'ils vivent, les accueillir, et tenter de les éveiller aux lumières que la foi peut leur apporter. Pour comprendre l'originalité du mariage chrétien qui est relativement éloigné maintenant de celui que la société propose, un éveil à la foi est absolument nécessaire. Ensuite, il faut expliquer la cérémonie, si c'est un mariage qu'il faut célébrer.
Dans les années qui viennent, nous devrions avoir l'audace de proposer une ou des étapes sur ce chemin, un temps de prière dans l'église ou non, sans bénédiction des alliances ni inscription dans les registres. Au risque d'avoir moins de mariages ! Au lieu de célébrer des mariages nuls, il vaut mieux célébrer des étapes. Le Seigneur est proche des fiancés, il veille sur chacun. Ceux-ci doivent de leur côté apprendre à prier et à entrer en relation avec Lui, au lieu de vouloir à tout prix un mariage dont ils ne perçoivent ni les grandeurs ni l'exigence. Le sacrement n'est pas un dû ! Mais, pour moi, la première et la meilleure préparation au mariage commence dans l'enfance, quand on a sous les yeux un couple qui s'aime, une famille où circule l'amour quoi qu'il arrive.
Mgr Jean Legrez propose des pistes pour réformer la préparation au #mariage #Synod15 http://t.co/UNJEWXc6g5 pic.twitter.com/UMvFuMQ33C
— Famille Chrétienne ن (@FChretienne) 22 Janvier 2015
[↩]Propos recueillis par Olivia de Fournas
(1) Cler Amour et Famille est au service des
couples, des jeunes et des familles pour
les accompagner dans la construction de
leur vie. affective, relationnelle et sexuelle.
******************** 11 Décembre 2014 ********************
[↩]
[↩]
(Source:Zenit.org)
Rome, 11 décembre 2014
« Aujourd’hui je voudrais raconter ce qui s’est vraiment passé durant ce synode » : c'est en ces termes que le pape François a inauguré un nouveau cycle de catéchèses sur la famille, lors de l'audience générale du mercredi 10 décembre 2014.
Le pape a dédié sa première catéchèse à l'assemblée extraordinaire du synode des évêques qui a eu lieu du 5 au 19 octobre 2014 au Vatican. Il a livré une chronique de l'événement, soulignant la « grande liberté » de parole et rappelant qu'« aucune intervention n’a remis en question les vérités fondamentales du sacrement du mariage ».
A.K.
« Aujourd’hui je voudrais raconter ce qui s’est vraiment passé durant ce synode » : c'est en ces termes que le pape François a inauguré un nouveau cycle de catéchèses sur la famille, lors de l'audience générale du mercredi 10 décembre 2014.
Le pape a dédié sa première catéchèse à l'assemblée extraordinaire du synode des évêques qui a eu lieu du 5 au 19 octobre 2014 au Vatican. Il a livré une chronique de l'événement, soulignant la « grande liberté » de parole et rappelant qu'« aucune intervention n’a remis en question les vérités fondamentales du sacrement du mariage ».
A.K.
Catéchèse du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour,
Nous avons conclu un cycle de catéchèses sur l’Église. Remercions le Seigneur qui nous a fait faire ce chemin, nous permettant de redécouvrir la beauté et la responsabilité d’appartenir à l’Église, d’être Église… de l’être tous !
Nous ouvrons maintenant une nouvelle étape, un nouveau cycle, et le thème sera la famille ; un thème qui s’inscrit dans une période intermédiaire entre deux assemblées du synode consacrées à cette réalité si importante. C’est pourquoi, avant d’entrer dans les divers aspects de la vie familiale, je souhaite partir de l’assemblée synodale d’octobre dernier dont le thème était: « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation ». Il est important de rappeler comment cette assemblée s’est déroulée et ce qu’elle a produit, comment ça s’est passé et ce qu’il en ressort.
Durant le Synode, les médias ont fait leur travail – il y avait beaucoup d’attente, une très grande attention – et nous les en remercions car ils l’ont fait également avec abondance. Tant de nouvelles, vraiment beaucoup ! Et tout cela grâce à la Salle de presse qui faisait chaque jour un briefing. Mais la vision des médias était souvent un peu dans le style des chroniques sportives, ou politiques : on parlait souvent de deux équipes, pour et contre, conservateurs et progressistes, etc. Aujourd’hui je voudrais raconter ce qui s’est vraiment passé durant ce synode.
Tout d’abord j’ai demandé aux pères synodaux de parler avec franchise et courage et d’écouter avec humilité, de dire avec courage tout ce qu’ils avaient dans le cœur. Au synode il n’y a pas eu de censure préalable, chacun pouvait – voire plus encore… devait – dire ce qu’il avait dans le cœur, ce qu’il pensait sincèrement. « Mais cela fera discuter ». C’est vrai, nous avons entendu comment les apôtres discutaient. Le texte dit : une vive discussion s’éleva. Les apôtres se chamaillaient entre eux, cherchant à savoir quelle était la volonté de Dieu sur les païens, si ces derniers pouvaient entrer dans l’Église ou pas. C’était quelque chose de nouveau. Quand on cherche à faire la volonté de Dieu dans une assemblée synodale, il y a toujours des discussions et tant de points de vue différents qui s’expriment, ce qui n’est pas une mauvaise chose ! Pourvu que cela se fasse avec humilité et dans un esprit de service envers les frères de cette assemblée. Une censure préalable aurait été une mauvaise chose. Non, non, chacun devait dire ce qu’il pensait. Après l’intervention initiale du cardinal Erdő, il y a eu un premier moment fondamental, au cours duquel tous les Pères ont pu parler, et tous ont écouté. Cette attitude d’écoute des Pères était édifiante. Un moment de grande liberté, où chacun a pu exposer sa propre pensée avec parrhèsia et confiance. L’« Instrument de travail » constituait le socle des interventions, fruit de la précédente consultation de toute l’Église. Et nous devons, ici, remercier le secrétariat du synode pour tout le travail qu’il a fourni avant et durant l’assemblée. Ils ont vraiment fait du bon travail.
Aucune intervention n’a remis en question les vérités fondamentales du sacrement du mariage, c’est-à-dire: l’indissolubilité, l’unité, la fidélité et l’ouverture à la vie (cf. Conc. Oecum. Vat. II, Gaudium et spes, 48; Code de Droit Canon, 1055-1056). Tout cela n’a pas été touché.
Toutes les interventions ont été rassemblées et l’on est passé à la seconde phase, soit à l’élaboration d’un brouillon que l’on appelle Rapport après discussion. C’est le cardinal Erdő, encore une fois, qui en était chargé. Ce rapport s’articulait en trois points: écoute du contexte et des défis de la famille ; regard fixé sur le Christ et l’Évangile de la famille ; échanges sur les perspectives pastorales.
Cette première proposition de synthèse a été suivie d’une discussion en groupes, qui fut le troisième moment. Les groupes, comme toujours, étaient répartis selon les langues, car c’est mieux comme ça, on communique mieux : italien, anglais, espagnol et français. Chaque groupe à la fin de son travail a présenté un rapport, et tous les rapports des groupes ont été aussitôt publiés. Tout a été donné, par souci de transparence, pour que l’on sache ce qui se passait.
A ce moment-là – c’est la quatrième phase – une commission a examiné toutes les suggestions fournies par les groupes linguistiques et procédé à la rédaction du Rapport final, qui a conservé le schéma précédent – écoute de la réalité, regard sur l’Évangile et engagement pastoral – mais en essayant de tirer le suc des discussions de chaque groupe. Comme toujours, un Message final du synode a été approuvé, plus court et plus accessible que le rapport.
Voilà comment s’est passée l’assemblée synodale. Certains d’entre vous peuvent me demander : « Les pères se sont-ils disputés ? ». Mais, je ne sais pas s’ils se sont disputés, mais qu’ils ont parlé fort, ça oui, vraiment. C’est cela être libre, et c’est la liberté que l’on trouve dans l’Église. Tout s’est passé « cum Petro et sub Petro », c’est-à-dire en présence du pape, qui est une garantie de liberté et de confiance pour tous, une garantie d’orthodoxie. Et à la fin, je suis intervenu, pour lire une brève synthèse sur cette expérience synodale.
Donc, on compte trois documents officiels sortis du synode: le Message final, le rapport final et le discours final du pape. Il n’y en a pas d’autres.
Le rapport final, qui a été le point d’arrivée de toute la réflexion des diocèses jusqu’à ce moment, a été publié hier et envoyé aux conférences épiscopales, qui pourront en discuter dans l’optique de la prochaine assemblée, l’assemblée ordinaire, en octobre 2015. Je dis que ce rapport a été publié hier – même s’il a déjà été publié avant – car hier il a été envoyé avec les questions adressées aux conférences épiscopales, devenant ainsi les Lineamenta du prochain Synode.
Il faut savoir que le synode n’est pas un parlement, où le représentant de cette Église, de cette Église, de cette Église, vient… Oui le représentant vient, mais la structure n’est pas parlementaire, elle est totalement différente. Le synode est un espace protégé afin que l’Esprit Saint puisse agir; il n’y a pas eu d’affrontements entre factions comme dans un parlement, mais des échanges entre évêques, après un long travail de préparation, qui se poursuivront pour le bien des familles, de l’Église et de la société. C’est tout un processus, le parcours normal d’un synode. A présent cette Relatio repart dans les Églises particulières qui poursuivront ce travail de prière, de réflexion et de discussion fraternelle de manière à préparer la prochaine assemblée. C’est cela le synode des évêques. Nous le confions à la protection de la Vierge notre Mère. Qu’Elle nous aide à faire la volonté de Dieu en prenant les décisions pastorales qui aideront davantage et mieux la famille. Je vous demande d’accompagner par la prière ce parcours synodal jusqu’au prochain synode. Que le Seigneur nous éclaire, qu’Il nous conduise vers la maturité de ce que, comme Synode, nous devons dire à toutes les Églises. Et sur ce point votre prière est importante.
© Traduction de Zenit
Nous avons conclu un cycle de catéchèses sur l’Église. Remercions le Seigneur qui nous a fait faire ce chemin, nous permettant de redécouvrir la beauté et la responsabilité d’appartenir à l’Église, d’être Église… de l’être tous !
Nous ouvrons maintenant une nouvelle étape, un nouveau cycle, et le thème sera la famille ; un thème qui s’inscrit dans une période intermédiaire entre deux assemblées du synode consacrées à cette réalité si importante. C’est pourquoi, avant d’entrer dans les divers aspects de la vie familiale, je souhaite partir de l’assemblée synodale d’octobre dernier dont le thème était: « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation ». Il est important de rappeler comment cette assemblée s’est déroulée et ce qu’elle a produit, comment ça s’est passé et ce qu’il en ressort.
Durant le Synode, les médias ont fait leur travail – il y avait beaucoup d’attente, une très grande attention – et nous les en remercions car ils l’ont fait également avec abondance. Tant de nouvelles, vraiment beaucoup ! Et tout cela grâce à la Salle de presse qui faisait chaque jour un briefing. Mais la vision des médias était souvent un peu dans le style des chroniques sportives, ou politiques : on parlait souvent de deux équipes, pour et contre, conservateurs et progressistes, etc. Aujourd’hui je voudrais raconter ce qui s’est vraiment passé durant ce synode.
Tout d’abord j’ai demandé aux pères synodaux de parler avec franchise et courage et d’écouter avec humilité, de dire avec courage tout ce qu’ils avaient dans le cœur. Au synode il n’y a pas eu de censure préalable, chacun pouvait – voire plus encore… devait – dire ce qu’il avait dans le cœur, ce qu’il pensait sincèrement. « Mais cela fera discuter ». C’est vrai, nous avons entendu comment les apôtres discutaient. Le texte dit : une vive discussion s’éleva. Les apôtres se chamaillaient entre eux, cherchant à savoir quelle était la volonté de Dieu sur les païens, si ces derniers pouvaient entrer dans l’Église ou pas. C’était quelque chose de nouveau. Quand on cherche à faire la volonté de Dieu dans une assemblée synodale, il y a toujours des discussions et tant de points de vue différents qui s’expriment, ce qui n’est pas une mauvaise chose ! Pourvu que cela se fasse avec humilité et dans un esprit de service envers les frères de cette assemblée. Une censure préalable aurait été une mauvaise chose. Non, non, chacun devait dire ce qu’il pensait. Après l’intervention initiale du cardinal Erdő, il y a eu un premier moment fondamental, au cours duquel tous les Pères ont pu parler, et tous ont écouté. Cette attitude d’écoute des Pères était édifiante. Un moment de grande liberté, où chacun a pu exposer sa propre pensée avec parrhèsia et confiance. L’« Instrument de travail » constituait le socle des interventions, fruit de la précédente consultation de toute l’Église. Et nous devons, ici, remercier le secrétariat du synode pour tout le travail qu’il a fourni avant et durant l’assemblée. Ils ont vraiment fait du bon travail.
Aucune intervention n’a remis en question les vérités fondamentales du sacrement du mariage, c’est-à-dire: l’indissolubilité, l’unité, la fidélité et l’ouverture à la vie (cf. Conc. Oecum. Vat. II, Gaudium et spes, 48; Code de Droit Canon, 1055-1056). Tout cela n’a pas été touché.
Toutes les interventions ont été rassemblées et l’on est passé à la seconde phase, soit à l’élaboration d’un brouillon que l’on appelle Rapport après discussion. C’est le cardinal Erdő, encore une fois, qui en était chargé. Ce rapport s’articulait en trois points: écoute du contexte et des défis de la famille ; regard fixé sur le Christ et l’Évangile de la famille ; échanges sur les perspectives pastorales.
Cette première proposition de synthèse a été suivie d’une discussion en groupes, qui fut le troisième moment. Les groupes, comme toujours, étaient répartis selon les langues, car c’est mieux comme ça, on communique mieux : italien, anglais, espagnol et français. Chaque groupe à la fin de son travail a présenté un rapport, et tous les rapports des groupes ont été aussitôt publiés. Tout a été donné, par souci de transparence, pour que l’on sache ce qui se passait.
A ce moment-là – c’est la quatrième phase – une commission a examiné toutes les suggestions fournies par les groupes linguistiques et procédé à la rédaction du Rapport final, qui a conservé le schéma précédent – écoute de la réalité, regard sur l’Évangile et engagement pastoral – mais en essayant de tirer le suc des discussions de chaque groupe. Comme toujours, un Message final du synode a été approuvé, plus court et plus accessible que le rapport.
Voilà comment s’est passée l’assemblée synodale. Certains d’entre vous peuvent me demander : « Les pères se sont-ils disputés ? ». Mais, je ne sais pas s’ils se sont disputés, mais qu’ils ont parlé fort, ça oui, vraiment. C’est cela être libre, et c’est la liberté que l’on trouve dans l’Église. Tout s’est passé « cum Petro et sub Petro », c’est-à-dire en présence du pape, qui est une garantie de liberté et de confiance pour tous, une garantie d’orthodoxie. Et à la fin, je suis intervenu, pour lire une brève synthèse sur cette expérience synodale.
Donc, on compte trois documents officiels sortis du synode: le Message final, le rapport final et le discours final du pape. Il n’y en a pas d’autres.
Le rapport final, qui a été le point d’arrivée de toute la réflexion des diocèses jusqu’à ce moment, a été publié hier et envoyé aux conférences épiscopales, qui pourront en discuter dans l’optique de la prochaine assemblée, l’assemblée ordinaire, en octobre 2015. Je dis que ce rapport a été publié hier – même s’il a déjà été publié avant – car hier il a été envoyé avec les questions adressées aux conférences épiscopales, devenant ainsi les Lineamenta du prochain Synode.
Il faut savoir que le synode n’est pas un parlement, où le représentant de cette Église, de cette Église, de cette Église, vient… Oui le représentant vient, mais la structure n’est pas parlementaire, elle est totalement différente. Le synode est un espace protégé afin que l’Esprit Saint puisse agir; il n’y a pas eu d’affrontements entre factions comme dans un parlement, mais des échanges entre évêques, après un long travail de préparation, qui se poursuivront pour le bien des familles, de l’Église et de la société. C’est tout un processus, le parcours normal d’un synode. A présent cette Relatio repart dans les Églises particulières qui poursuivront ce travail de prière, de réflexion et de discussion fraternelle de manière à préparer la prochaine assemblée. C’est cela le synode des évêques. Nous le confions à la protection de la Vierge notre Mère. Qu’Elle nous aide à faire la volonté de Dieu en prenant les décisions pastorales qui aideront davantage et mieux la famille. Je vous demande d’accompagner par la prière ce parcours synodal jusqu’au prochain synode. Que le Seigneur nous éclaire, qu’Il nous conduise vers la maturité de ce que, comme Synode, nous devons dire à toutes les Églises. Et sur ce point votre prière est importante.
© Traduction de Zenit
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******************** 10 Décembre 2014 ********************
Speaker :
Frères et sœurs, nous commençons un nouveau cycle de catéchèses sur le thème de la famille, et je voudrais aujourd’hui rappeler comment s’est déroulée la récente Assemblée synodale. Celle-ci a été un moment de grande liberté, où chacun a exposé sa pensée avec franchise et confiance, sans que jamais ne soit remises en cause les vérités de foi sur le mariage. Le Synode s’est déroulé en plusieurs étapes, à l’issue desquelles trois documents officiels ont été produits : une relation finale qui a repris toutes les suggestions qui sont apparues au cours des discussions, un message du Synode, plus bref, et un discours que j’ai prononcé pour donner une lecture synthétique de l’expérience synodale. Tout s’est déroulé en présence du Pape « cum Petro et sub Petro », ce qui en garantit l’orthodoxie. Le Synode n’est pas un parlement mais un espace protégé permettant au Saint Esprit d’agir ; il est un processus qui doit encore être poursuivi.
Santo Padre :
Saluto cordialmente i fedeli di lingua francese, in particolare i pellegrini della Diocesi di Reims. Mentre ci prepariamo alla venuta del Salvatore, nel nostro mondo e nei nostri cuori, vi chiedo di accompagnare con la vostra preghiera il percorso sinodale iniziato, per il miglior bene della famiglia. Che Dio vi benedica!
Speaker :
Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du diocèse de Reims.
Alors que nous nous préparons à l’avènement du Sauveur, dans notre monde et dans nos cœurs, je vous demande d’accompagner par votre prière le parcours synodal commencé, pour le plus grand bien de la famille.
Devant des milliers de fidèles réunis place Saint-Pierre, le 10 décembre, le pape François a effectué une mise au point inattendue sur le Synode extraordinaire des évêques sur la famille survenu deux mois plus tôt au Vatican. Il n’y a eu « aucune censure préalable », a notamment souligné le pape, et si les pères synodaux ont « parlé fort », c’est signe de la « liberté qu’il y a dans l’Église ». Le pape a également assuré qu’aucune vérité fondamentale n’avait été remise en cause.
Son cycle de catéchèses sur l’Église étant à présent terminé, le pape François a annoncé qu’il commençait désormais un cycle sur « la famille », basé sur le Synode des évêques d’octobre dernier. Quittant son texte des yeux, le pape a ainsi expliqué aux fidèles avec pédagogie les différentes étapes du synode. « C’est un processus, c’est le chemin synodal normal », a-t-il souligné, qui doit « encore être poursuivi ».
Assurant qu’il n’y avait eu « aucune censure préalable », le pape a insisté sur le fait que chacun des pères synodaux « pouvait », et même « devait » exprimer « ce qu’il avait sur le cœur ». « Je ne sais pas si les Pères synodaux se sont disputés, a encore assuré le pape dans une improvisation, mais ils ont parlé fort, et c’est cela, la liberté qu’il y a dans l’Église ».
Durant le Synode extraordinaire des évêques sur la famille, de fortes différences de points de vue sont en effet apparues entre les Pères synodaux. Le rapport d’étape du synode avait notamment été considéré par certains comme trop complaisant à l’égard des divorcés remariés sur la question de l’accès à la communion, ou encore à propos des homosexuels ou des situations de concubinage. Cependant, « aucune intervention n’a mis en discussion les vérités fondamentales du sacrement du mariage, a encore voulu assurer le pape, aucune intervention. C’est-à-dire, l’indissolubilité, l’unité, la fidélité et l’ouverture à la vie ».
Le pape François a également remercié le travail de « la salle de presse du Saint-Siège », mais regretté que les médias aient parfois présenté les discussions du synode comme des « chroniques sportives et politiques ». « On a souvent parlé de deux équipes, des conservateurs et des progressistes », s’est-il étonné. Il n’y a « pas eu d’affrontement entre factions » a encore répété le pape car « le synode n’est pas un parlement, mais un espace protégé permettant à l’Esprit Saint d’agir ».
PAPE FRANÇOIS
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 10 décembre 2014
Speaker :
Frères et sœurs, nous commençons un nouveau cycle de catéchèses sur le thème de la famille, et je voudrais aujourd’hui rappeler comment s’est déroulée la récente Assemblée synodale. Celle-ci a été un moment de grande liberté, où chacun a exposé sa pensée avec franchise et confiance, sans que jamais ne soit remises en cause les vérités de foi sur le mariage. Le Synode s’est déroulé en plusieurs étapes, à l’issue desquelles trois documents officiels ont été produits : une relation finale qui a repris toutes les suggestions qui sont apparues au cours des discussions, un message du Synode, plus bref, et un discours que j’ai prononcé pour donner une lecture synthétique de l’expérience synodale. Tout s’est déroulé en présence du Pape « cum Petro et sub Petro », ce qui en garantit l’orthodoxie. Le Synode n’est pas un parlement mais un espace protégé permettant au Saint Esprit d’agir ; il est un processus qui doit encore être poursuivi.
Santo Padre :
Saluto cordialmente i fedeli di lingua francese, in particolare i pellegrini della Diocesi di Reims. Mentre ci prepariamo alla venuta del Salvatore, nel nostro mondo e nei nostri cuori, vi chiedo di accompagnare con la vostra preghiera il percorso sinodale iniziato, per il miglior bene della famiglia. Che Dio vi benedica!
Speaker :
Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du diocèse de Reims.
Alors que nous nous préparons à l’avènement du Sauveur, dans notre monde et dans nos cœurs, je vous demande d’accompagner par votre prière le parcours synodal commencé, pour le plus grand bien de la famille.
Devant des milliers de fidèles réunis place Saint-Pierre, le 10 décembre, le pape François a effectué une mise au point inattendue sur le Synode extraordinaire des évêques sur la famille survenu deux mois plus tôt au Vatican. Il n’y a eu « aucune censure préalable », a notamment souligné le pape, et si les pères synodaux ont « parlé fort », c’est signe de la « liberté qu’il y a dans l’Église ». Le pape a également assuré qu’aucune vérité fondamentale n’avait été remise en cause.
Son cycle de catéchèses sur l’Église étant à présent terminé, le pape François a annoncé qu’il commençait désormais un cycle sur « la famille », basé sur le Synode des évêques d’octobre dernier. Quittant son texte des yeux, le pape a ainsi expliqué aux fidèles avec pédagogie les différentes étapes du synode. « C’est un processus, c’est le chemin synodal normal », a-t-il souligné, qui doit « encore être poursuivi ».
Assurant qu’il n’y avait eu « aucune censure préalable », le pape a insisté sur le fait que chacun des pères synodaux « pouvait », et même « devait » exprimer « ce qu’il avait sur le cœur ». « Je ne sais pas si les Pères synodaux se sont disputés, a encore assuré le pape dans une improvisation, mais ils ont parlé fort, et c’est cela, la liberté qu’il y a dans l’Église ».
Durant le Synode extraordinaire des évêques sur la famille, de fortes différences de points de vue sont en effet apparues entre les Pères synodaux. Le rapport d’étape du synode avait notamment été considéré par certains comme trop complaisant à l’égard des divorcés remariés sur la question de l’accès à la communion, ou encore à propos des homosexuels ou des situations de concubinage. Cependant, « aucune intervention n’a mis en discussion les vérités fondamentales du sacrement du mariage, a encore voulu assurer le pape, aucune intervention. C’est-à-dire, l’indissolubilité, l’unité, la fidélité et l’ouverture à la vie ».
Le pape François a également remercié le travail de « la salle de presse du Saint-Siège », mais regretté que les médias aient parfois présenté les discussions du synode comme des « chroniques sportives et politiques ». « On a souvent parlé de deux équipes, des conservateurs et des progressistes », s’est-il étonné. Il n’y a « pas eu d’affrontement entre factions » a encore répété le pape car « le synode n’est pas un parlement, mais un espace protégé permettant à l’Esprit Saint d’agir ».
[↩]
******************** 9 Décembre 2014 ********************
Plein écran: ici
[↩]
Plein écran: ici
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(Source: Radiovaticana)
(RV) Les "Lineamenta" pour le prochain synode sur la famille (4-25 octobre 2015) ont été publiés ce mardi au Vatican. La Secrétairerie générale du Synode des évêques a envoyé ce document aux conférences épiscopales du monde entier, ainsi qu'aux synodes des Eglises orientales catholiques sui iuris, à l’Union des supérieurs religieux et aux dicastères de la Curie romaine. Ce long document d’une vingtaine de pages est accompagné de 46 questions et reprend les pistes pour approfondir les thèmes mis en valeur dans la Relatio Synodi rédigée pendant le dernier synode en octobre. Les résultats de cette nouvelle consultation devront être envoyés à la Secrétairerie du Synode avant le 15 avril 2015 afin d’être utilisés dans l’Instrumentum laboris de la XIVe assemblée générale du Synode.
Les précisions d'Olivier Bonnel :
[↩]
********************
Le Secrétariat général du Synode des évêques a publié aujourd'hui un communiqué sur la publication des Lineamenta de la XIV assemblée générale ordinaire qui aura lieu du 4 au 25 octobre 2015 (La vocation et la mission de la famille dans l'Eglise et dans le monde contemporain): "Les Lineamenta, c'est à dire le premier document de cette assemblée, comme indiqué par le Pape François dans son discours de clôture de la III assemblée générale extraordinaire, le 18 octobre 2014, sont essentiellement constitués de la Relatio Synodi rédigée par l'assemblée. Cependant, pour faciliter la réception du document synodal et l'approfondissement des thèmes traités, la Relatio est accompagnée d'une série de questions qui aideront à poursuivre le chemin synodal et à préparer l'Instrumentum Laboris de la prochaine assemblée ordinaire. Le document, dont l'original en langue italienne est publié aujourd'hui, sera envoyé aux Conférences épiscopales, aux Synodes des Eglises orientales catholiques sui juris, à l'Union des Supérieurs religieux et aux dicastères de la Curie romaine. Ces organismes ecclésiaux qui dans les prochains jours recevront le document traduit dans les différentes langues d'usage plus commun, se chargeront de vérifier la réception et l'approfondissement de la Relatio Synodi, en impliquant les Eglises locales et institutions académiques, organisations, associations laïques et autres instances ecclésiales, en vue d'une large consultation sur la famille selon l'orientation et l'esprit du processus synodal. Les résultats de cette consultation devront être envoyés au Secrétariat général du Synode des évêques avant le 15 avril 2015, pour pouvoir être étudiés et pris en compte dans la préparation de l'Instrumentum Laboris qui devra être publié avant l'été. Les Conférences épiscopales et les différentes instances ecclésiales sont invitées à accompagner le chemin synodal par des moments de prière et de célébration pour la famille et pour la préparation de la prochaine assemblée, notamment à l'occasion de la prochaine fête liturgique de la Sainte Famille, le 28 décembre. Elles sont en outre invitées à utiliser la prière du Saint-Père pour le Synode sur la famille.
Texte disponible sur http://w2.vatican.va/content/francesco/fr
[↩]
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Président du Conseil Pontifical pour la Famille
À la fin de la Rencontre mondiale des Familles VII , le pape Benoît XVI a annoncé que la ville de Philadelphie, aux États-Unis d'Amérique, accueillera la prochaine réunion. A plusieurs reprises, je ai confirmé ce choix, en regardant avec confiance et espoir dans cet événement de grâce qui, si Dieu le veut, je vais participer. Il aura lieu le 22 Septembre 27 to 2015, et aura pour thème "L'amour est notre mission. La famille pleinement vivant. "
La mission de la famille chrétienne, aujourd'hui comme hier, est d'annoncer au monde, par la force des Sacramento mariage, l'amour de Dieu. A partir de cette même annonce a été créé et construit une vie familiale, qui met au coeur de la ' l'amour au centre de tout son dynamisme humain et spirituel. Si, dans les paroles de saint Irénée: « Gloria Dei vivens homo " (.. Adv Haer , IV, 20, 7), également une famille qui, avec la grâce du Seigneur, vit pleinement sa vocation et la mission lui donne la gloire.
Nous avons récemment célébré le ' Assemblée extraordinaire du Synode des évêques sur "Les défis pastoraux sur la famille dans le contexte de l'évangélisation." Dans un signe de la collégialité, nous avons identifié les problèmes les plus urgents impliquant la famille dans notre société plurielle. En fait, "nous ne pouvons pas qualifier une famille avec des concepts idéologiques, nous ne pouvons pas parler de la famille et de la famille conservatrice progressive. La famille est la famille! »( Discours au colloque international sur la complémentarité entre l'homme et la femme , le 17 Novembre, 2014). Les valeurs et les vertus de la famille, sa vérité essentielle, sont les points forts sur lesquels l'unité de la famille et ne peut être contestée. Nous sommes appelés, cependant, de revoir notre mode de vie qui est toujours exposé au risque d'être «infecté» par une mentalité mondaine - individualiste, consumériste, hédoniste - et de trouver toujours à nouveau la grande route, à vivre et à proposer la taille et la beauté du mariage et de la joie d'être et de faire famille.
Les indications du Rapport final du Synode récents et ceux qui ouvrent la voie à la prochaine réunion ordinaire du Octobre 2015invitation à poursuivre l'engagement d'annoncer l'Evangile du mariage et de la famille et de découvrir les propositions pastorales dans le contexte social et culturel dans lequel nous vivons. Les défis de ce contexte, nous encouragent à agrandir le domaine de l'amour fidèle ouvert à la vie, à la communion, à la miséricorde, au partage et à la solidarité. Je exhorte donc les conjoints, les prêtres et les communautés paroissiales, ainsi que les mouvements et associations de se laisser guider par la Parole de Dieu, sur laquelle reposent les fondations de l'édifice sacré de la famille Église domestique et la famille de Dieu (cf. Conc. Concile œcuménique Vatican II. Vat .. II, Const Constitution dogmatique sur l'Église. Lumen Gentium , 6; 11).
Je exprime ma gratitude à l'archidiocèse de Philadelphie pour la généreuse disponibilité et l'engagement organisationnel au service de l'Église universelle et des familles des différents continents. Je demande au Seigneur de récompenser même maintenant que bien-aimée Église particulière avec abondantes grâces célestes.
Comme je invoque l'intercession de la Vierge de Guadalupe et d'Aparecida, je vous donne cordialement à vous, cher frère, et ses collaborateurs de ce dicastère la Bénédiction apostolique, que je étends volontiers à tous ceux qui travaillent à la préparation de la réunion; et, se il vous plaît, je vous demande de prier pour moi.
Fraternellement,
Francesco
Du Vatican, le 9 Décembre, 2014
[↩]
******************** 3 Décembre 2014 ********************
(Source: Radiovaticana)
(RV) Les "Lineamenta" pour le prochain synode sur la famille (4-25 octobre 2015) ont été publiés ce mardi au Vatican. La Secrétairerie générale du Synode des évêques a envoyé ce document aux conférences épiscopales du monde entier, ainsi qu'aux synodes des Eglises orientales catholiques sui iuris, à l’Union des supérieurs religieux et aux dicastères de la Curie romaine. Ce long document d’une vingtaine de pages est accompagné de 46 questions et reprend les pistes pour approfondir les thèmes mis en valeur dans la Relatio Synodi rédigée pendant le dernier synode en octobre. Les résultats de cette nouvelle consultation devront être envoyés à la Secrétairerie du Synode avant le 15 avril 2015 afin d’être utilisés dans l’Instrumentum laboris de la XIVe assemblée générale du Synode.
Les précisions d'Olivier Bonnel :
[↩]
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Publication des "Lineamenta" du prochain synode sur la famille
Cité du Vatican, 9 décembre 2014(VIS).Le Secrétariat général du Synode des évêques a publié aujourd'hui un communiqué sur la publication des Lineamenta de la XIV assemblée générale ordinaire qui aura lieu du 4 au 25 octobre 2015 (La vocation et la mission de la famille dans l'Eglise et dans le monde contemporain): "Les Lineamenta, c'est à dire le premier document de cette assemblée, comme indiqué par le Pape François dans son discours de clôture de la III assemblée générale extraordinaire, le 18 octobre 2014, sont essentiellement constitués de la Relatio Synodi rédigée par l'assemblée. Cependant, pour faciliter la réception du document synodal et l'approfondissement des thèmes traités, la Relatio est accompagnée d'une série de questions qui aideront à poursuivre le chemin synodal et à préparer l'Instrumentum Laboris de la prochaine assemblée ordinaire. Le document, dont l'original en langue italienne est publié aujourd'hui, sera envoyé aux Conférences épiscopales, aux Synodes des Eglises orientales catholiques sui juris, à l'Union des Supérieurs religieux et aux dicastères de la Curie romaine. Ces organismes ecclésiaux qui dans les prochains jours recevront le document traduit dans les différentes langues d'usage plus commun, se chargeront de vérifier la réception et l'approfondissement de la Relatio Synodi, en impliquant les Eglises locales et institutions académiques, organisations, associations laïques et autres instances ecclésiales, en vue d'une large consultation sur la famille selon l'orientation et l'esprit du processus synodal. Les résultats de cette consultation devront être envoyés au Secrétariat général du Synode des évêques avant le 15 avril 2015, pour pouvoir être étudiés et pris en compte dans la préparation de l'Instrumentum Laboris qui devra être publié avant l'été. Les Conférences épiscopales et les différentes instances ecclésiales sont invitées à accompagner le chemin synodal par des moments de prière et de célébration pour la famille et pour la préparation de la prochaine assemblée, notamment à l'occasion de la prochaine fête liturgique de la Sainte Famille, le 28 décembre. Elles sont en outre invitées à utiliser la prière du Saint-Père pour le Synode sur la famille.
Texte disponible sur http://w2.vatican.va/content/francesco/fr
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LETTRE DU SAINT-PÈRE FRANCIS
AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DU PAPE POUR LA FAMILLE
DE LA RÉUNION VIII MONDIALE DES FAMILLES
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Vénérable Frère
Mons. Vincenzo Paglia Président du Conseil Pontifical pour la Famille
À la fin de la Rencontre mondiale des Familles VII , le pape Benoît XVI a annoncé que la ville de Philadelphie, aux États-Unis d'Amérique, accueillera la prochaine réunion. A plusieurs reprises, je ai confirmé ce choix, en regardant avec confiance et espoir dans cet événement de grâce qui, si Dieu le veut, je vais participer. Il aura lieu le 22 Septembre 27 to 2015, et aura pour thème "L'amour est notre mission. La famille pleinement vivant. "
La mission de la famille chrétienne, aujourd'hui comme hier, est d'annoncer au monde, par la force des Sacramento mariage, l'amour de Dieu. A partir de cette même annonce a été créé et construit une vie familiale, qui met au coeur de la ' l'amour au centre de tout son dynamisme humain et spirituel. Si, dans les paroles de saint Irénée: « Gloria Dei vivens homo " (.. Adv Haer , IV, 20, 7), également une famille qui, avec la grâce du Seigneur, vit pleinement sa vocation et la mission lui donne la gloire.
Nous avons récemment célébré le ' Assemblée extraordinaire du Synode des évêques sur "Les défis pastoraux sur la famille dans le contexte de l'évangélisation." Dans un signe de la collégialité, nous avons identifié les problèmes les plus urgents impliquant la famille dans notre société plurielle. En fait, "nous ne pouvons pas qualifier une famille avec des concepts idéologiques, nous ne pouvons pas parler de la famille et de la famille conservatrice progressive. La famille est la famille! »( Discours au colloque international sur la complémentarité entre l'homme et la femme , le 17 Novembre, 2014). Les valeurs et les vertus de la famille, sa vérité essentielle, sont les points forts sur lesquels l'unité de la famille et ne peut être contestée. Nous sommes appelés, cependant, de revoir notre mode de vie qui est toujours exposé au risque d'être «infecté» par une mentalité mondaine - individualiste, consumériste, hédoniste - et de trouver toujours à nouveau la grande route, à vivre et à proposer la taille et la beauté du mariage et de la joie d'être et de faire famille.
Les indications du Rapport final du Synode récents et ceux qui ouvrent la voie à la prochaine réunion ordinaire du Octobre 2015invitation à poursuivre l'engagement d'annoncer l'Evangile du mariage et de la famille et de découvrir les propositions pastorales dans le contexte social et culturel dans lequel nous vivons. Les défis de ce contexte, nous encouragent à agrandir le domaine de l'amour fidèle ouvert à la vie, à la communion, à la miséricorde, au partage et à la solidarité. Je exhorte donc les conjoints, les prêtres et les communautés paroissiales, ainsi que les mouvements et associations de se laisser guider par la Parole de Dieu, sur laquelle reposent les fondations de l'édifice sacré de la famille Église domestique et la famille de Dieu (cf. Conc. Concile œcuménique Vatican II. Vat .. II, Const Constitution dogmatique sur l'Église. Lumen Gentium , 6; 11).
Je exprime ma gratitude à l'archidiocèse de Philadelphie pour la généreuse disponibilité et l'engagement organisationnel au service de l'Église universelle et des familles des différents continents. Je demande au Seigneur de récompenser même maintenant que bien-aimée Église particulière avec abondantes grâces célestes.
Comme je invoque l'intercession de la Vierge de Guadalupe et d'Aparecida, je vous donne cordialement à vous, cher frère, et ses collaborateurs de ce dicastère la Bénédiction apostolique, que je étends volontiers à tous ceux qui travaillent à la préparation de la réunion; et, se il vous plaît, je vous demande de prier pour moi.
Fraternellement,
Francesco
Du Vatican, le 9 Décembre, 2014
[↩]
******************** 3 Décembre 2014 ********************
(source: chiesa.espresso.repubblica)
ROME, le 3 décembre 2014 – En ce qui concerne l’accès des divorcés à la communion, la position de Joseph Ratzinger est bien connue. Il l’a exprimée à plusieurs reprises, en tant que cardinal préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi puis en tant que pape.
Mais voici qu’il revient maintenant sur ce sujet avec un nouveau texte, qui vient tout juste d’être publié en Allemagne dans la collection de ses Opera Omnia [Œuvres Complètes].
Ce texte est reproduit ci-dessous dans son intégralité:
Mais voici qu’il revient maintenant sur ce sujet avec un nouveau texte, qui vient tout juste d’être publié en Allemagne dans la collection de ses Opera Omnia [Œuvres Complètes].
Ce texte est reproduit ci-dessous dans son intégralité:
1. LA "RETRACTATIO"
La nouvelle conclusion de l’article de 1972, réécrite par Joseph Ratzinger en 2014
L’Église est Église de la Nouvelle Alliance, mais elle vit dans un monde dans lequel cette "dureté de [...] cœur" (Mt 19, 8) à cause de laquelle Moïse a légiféré continue à exister sans aucun changement. Que peut-elle donc faire de concret, en particulier à notre époque où la foi devient de plus en plus édulcorée, y compris au sein de l’Église, et où les "choses que recherchent les païens", contre lesquelles le Seigneur met ses disciples en garde (cf. Mt 6, 32), menacent de devenir de plus en plus la norme ?
Avant tout et essentiellement, elle doit annoncer le message de la foi de manière convaincante et compréhensible et chercher à ouvrir des espaces où elle puisse être vécue véritablement. La guérison de la "dureté de cœur" peut être obtenue seulement par la foi et c’est seulement là où celle-ci est vivante qu’il est possible de vivre ce que le Créateur avait destiné à l’homme avant le péché. Voilà pourquoi la chose principale et vraiment fondamentale que l’Église doit faire est de rendre la foi vivante et forte.
En même temps, l’Église doit continuer à s’efforcer de sonder les limites et l'ampleur des paroles de Jésus. Elle doit rester fidèle aux commandements du Seigneur et elle ne peut même pas trop les étirer. Il me semble que ce que l’on appelle les "clauses de fornication", que Matthieu a ajoutées aux paroles du Seigneur transmises par Marc, reflètent déjà un tel effort. Un cas particulier que les paroles de Jésus ne concernent pas est mentionné.
Cet effort a été poursuivi au cours de toute l’Histoire. L’Église d'Occident, sous la conduite du successeur de Pierre, n’a pas pu suivre le chemin emprunté par l’Église de l'empire byzantin, qui s’était rapprochée de plus en plus du droit temporel, affaiblissant par là même la spécificité de la vie dans la foi. Cependant, elle a mis en lumière à sa manière les limites de l'applicabilité des paroles du Seigneur, définissant ainsi leur portée de manière plus concrète.
Il y a surtout deux situations qui sont apparues, chacune d’elles étant ouverte à une solution spécifique fournie par l'autorité ecclésiastique.
1. Saint Paul déclare aux Corinthiens (1 Cor 7, 12-16) et, à travers eux, à l’Église de tous les temps – ce faisant, il apporte une indication qui lui est personnelle, qui ne provient pas du Seigneur mais qu’il se sait autorisé à donner – que, dans le cas d’un mariage entre une personne chrétienne et une qui ne l’est pas, ce mariage peut être dissous si la personne non-chrétienne fait obstacle à la vie de foi de l’autre. À partir de cette indication, l’Église a élaboré ce que l’on appelle le "privilegium paulinum" [privilège paulin], en continuant à l’interpréter dans sa tradition juridique (cf. CIC, canons 1143-1150).
La tradition de l’Église a déduit de ce qu’affirme saint Paul que le mariage entre deux baptisés est le seul qui constitue un sacrement authentique et par conséquent absolument indissoluble. Les mariages entre non-chrétiens et chrétiens sont certes des mariages selon l'ordre de la création et ils sont donc définitifs par eux-mêmes. Cependant ils peuvent être dissous au bénéfice de la foi et d’un mariage sacramentel.
La tradition a fini par donner davantage d’extension à ce "privilège paulin", aboutissant ainsi à ce que l’on appelle le "privilegium petrinum" [privilège pétrinien]. Celui-ci signifie que le successeur de Pierre est mandaté pour décider, en ce qui concerne les mariages non sacramentels, quels sont les cas dans lesquels la séparation est justifiée. Cependant ce "privilège pétrinien" n’a pas été introduit dans le nouveau Code, contrairement à ce qui était prévu initialement.
Cela s’explique par le désaccord existant entre deux groupes d’experts. Le premier groupe soulignait que l’objectif de tout le droit élaboré par l’Église, son instrument de mesure interne, est le salut des âmes. Il en résulte que l’Église a la possibilité et l’autorisation de faire ce qui est utile pour atteindre cet objectif. L'autre groupe, au contraire, était d’avis que les mandats correspondant au ministère pétrinien ne devaient pas être trop élargis et qu’il était nécessaire de rester à l’intérieur des limites reconnues par la foi de l’Église.
Étant donnée l’impossibilité de parvenir à un accord entre ces deux groupes, le pape Jean-Paul II décida de ne pas introduire dans le Code cette partie des coutumes juridiques de l’Église, mais de continuer à la confier à la congrégation pour la doctrine de la foi qui, en même temps que la pratique concrète, doit examiner continuellement les bases et les limites du mandat attribué à l’Église dans ce domaine.
2. Au fil du temps, on a pris conscience, de plus en plus clairement, du fait qu’un mariage qui a été contracté de manière apparemment valide peut, en raison de vices juridiques ou réels, ne pas s’être véritablement concrétisé et que par conséquent il peut être nul. Dans la mesure où l’Église a développé son propre droit en matière de mariage, elle a également défini de manière détaillée les conditions de validité et les motifs d’éventuelle nullité.
La nullité du mariage peut provenir d’erreurs concernant la forme juridique, mais également et surtout d’une conscience insuffisante. En ce qui concerne la réalité du mariage, l’Église a reconnu très rapidement que le mariage est constitué en tant que tel à travers le consentement des deux partenaires, qui doit aussi être exprimé de manière publique sous une forme définie par le droit (CIC, canon 1057 § 1). Le contenu de cette décision commune, c’est le don réciproque, effectué à travers un lien irrévocable (CIC, canon 1057 § 2 ; canon 1096 § 1). Le droit canonique présuppose que les personnes adultes savent par elles-mêmes, en raison de leur nature, ce qu’est le mariage, et par conséquent qu’elles savent également qu’il est définitif ; le contraire devrait être expressément démontré (CIC, canon 1096 § 1 et § 2).
En ce qui concerne ce point, de nouvelles questions sont apparues au cours des dernières décennies. Peut-on encore, aujourd’hui, présumer que les gens soient conscients "par nature" du caractère définitif et de l’indissolubilité du mariage et qu’ils y consentent lorsqu’ils prononcent leur oui ? Ou bien est-ce qu’il ne s’est pas produit dans la société actuelle - ou tout au moins dans les pays occidentaux - un changement de la conscience qui fait plutôt présumer le contraire ? Peut-on considérer comme un fait acquis la volonté de dire un oui définitif ou ne faut-il pas, plutôt, s’attendre au contraire, c’est-à-dire au fait que, avant même de dire oui, les époux sont déjà prédisposés au divorce ? Au cas où le caractère définitif serait consciemment exclu, le mariage au sens de la volonté du Créateur et de l'interprétation du Christ ne serait pas véritablement réalisé. Cela permet de comprendre à quel point une préparation correcte au sacrement est devenue importante aujourd’hui.
L’Église ne connaît pas le divorce. Cependant, après ce qui vient tout juste d’être indiqué, elle ne peut pas exclure la possibilité de mariages nuls. Les procès en annulation doivent être menés dans deux directions et avec beaucoup d’attention. Ils ne doivent pas aboutir à un divorce camouflé. Ce serait malhonnête et contraire au caractère sérieux du sacrement. D'autre part, ils doivent examiner aussi consciencieusement que nécessaire les problèmes posés par l’éventuelle nullité et, dans le cas où il y aurait de justes motifs en faveur de l'annulation, ils doivent formuler le jugement correspondant, ouvrant ainsi aux personnes concernées une nouvelle issue.
À notre époque, de nouveaux aspects du problème de la validité sont apparus. J’ai déjà fait remarquer ci-dessus que le fait d’être naturellement conscient de l'indissolubilité du mariage est devenu problématique et qu’il en résulte que de nouvelles tâches doivent être accomplies par la procédure de jugement. Je voudrais indiquer rapidement deux autres éléments nouveaux :
a. Le canon 1095 n° 3 a inscrit la problématique moderne dans le droit canonique lorsqu’il dit que les personnes qui "pour des causes de nature psychique ne peuvent assumer les obligations essentielles du mariage" sont incapables de contracter un mariage. Aujourd’hui, les problèmes psychiques des gens, précisément face à une réalité aussi importante que le mariage, sont perçus plus clairement que dans le passé. Cependant il est bon de lancer une mise en garde contre le fait de construire de manière inconsidérée la nullité à partir des problèmes psychiques. Si l’on procède ainsi, en réalité, il serait trop facile de prononcer un divorce sous l'apparence de la nullité.
b. Aujourd’hui une autre question se pose de manière très sérieuse. Il y a actuellement un nombre croissant de païens baptisés : je veux dire par là des gens qui sont devenus chrétiens parce qu’ils ont reçu le baptême, mais qui ne croient pas et qui n’ont jamais connu la foi. Il s’agit là d’une situation paradoxale : le baptême fait d’un être humain un chrétien, mais celui-ci, n’ayant pas la foi, n’est, de toute façon, rien d’autre qu’un païen baptisé. Le canon 1055 § 2 affirme qu’"entre baptisés, il ne peut exister de contrat matrimonial valide qui ne soit, par le fait même, un sacrement". Mais que se passe-t-il si un baptisé non croyant ne connaît pas du tout le sacrement ? Il pourrait même avoir la volonté de l'indissolubilité, mais il ne voit pas ce qui fait la nouveauté de la foi chrétienne. L'aspect tragique de cette situation apparaît de manière évidente surtout lorsque des baptisés païens se convertissent à la foi et commencent à mener une vie totalement nouvelle. Cela fait naître des questions pour lesquelles nous n’avons pas encore de réponse. Il est donc encore plus urgent de les approfondir.
3. De tout ce qui a été dit jusqu’à maintenant il résulte d’une part que l’Église d'Occident – l’Église catholique – sous la conduite du successeur de Pierre, sait qu’elle est étroitement liée à ce que le Seigneur a dit à propos de l'indissolubilité du mariage, mais d’autre part qu’elle a également cherché à discerner quelles étaient les limites de cette indication afin de ne pas imposer aux gens plus de contraintes que nécessaire.
C’est ainsi que, en partant de la suggestion faite par l’apôtre Paul et en s’appuyant en même temps sur l'autorité du ministère pétrinien, elle a en outre élaboré, pour les mariages non sacramentels, la possibilité de divorcer pour le bien de la foi. De la même manière, elle a examiné sous tous les aspects la question de la nullité d’un mariage.
L'exhortation apostolique "Familiaris consortio" de Jean-Paul II, publiée en 1981, a franchi un pas supplémentaire. Il est écrit, au numéro 84 : "Avec le Synode, j’exhorte chaleureusement les pasteurs et toute la communauté des fidèles à aider les divorcés en faisant en sorte, avec une grande charité, qu’ils ne se sentent pas séparés de l’Église [...]. Que l’Église prie pour eux, qu’elle les encourage et se montre à leur égard une mère miséricordieuse et qu’ainsi elle les soutienne dans la foi et dans l’espérance".
C’est ainsi qu’une mission importante est attribuée à la pastorale, mission qui n’a peut-être pas encore été suffisamment transposée dans la vie quotidienne de l’Église. Certains détails sont indiqués dans l’exhortation elle-même. Il y est dit que ces personnes, dans la mesure où elles sont baptisées, peuvent participer à la vie de l’Église et même qu’elles ont le devoir de le faire. Une liste des activités chrétiennes qui leur sont ouvertes et nécessaires est donnée. Peut-être, cependant, faudrait-il souligner avec davantage de clarté ce que peuvent faire leurs pasteurs et leurs frères dans la foi afin que ces personnes puissent ressentir véritablement l'amour de l’Église. Je pense qu’il faudrait leur reconnaître la possibilité de s’engager dans les associations ecclésiales et également celle d’accepter d’être parrain ou marraine, ce que le droit ne prévoit pas pour le moment.
Il y a un autre point de vue qui s’impose à moi. Si l’impossibilité de recevoir la sainte eucharistie est perçue comme tellement douloureuse, c’est notamment parce que, de nos jours, presque toutes les personnes qui participent à la messe s’approchent aussi de la table du Seigneur. Ce qui fait que ceux qui sont frappés par cette impossibilité apparaissent également comme étant publiquement disqualifiés en tant que chrétiens.
Je pense que l’avertissement que nous lance saint Paul, quand il nous invite à nous examiner nous-mêmes et à réfléchir au fait qu’il s’agit ici du Corps du Seigneur, devrait être de nouveau pris au sérieux : "Que chacun, donc, s’éprouve soi-même et qu’alors il mange de ce pain et boive de ce calice ; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation" (1 Cor 11, 28 s.) Un sérieux examen de soi, qui peut même conduire à renoncer à la communion, nous ferait en outre sentir d’une manière nouvelle la grandeur du don de l'eucharistie et il représenterait en même temps une forme de solidarité avec les divorcés remariés.
Je voudrais ajouter à cela une autre suggestion pratique. Dans beaucoup de pays on a vu s’installer la coutume selon laquelle les personnes qui ne peuvent pas recevoir la communion (par exemple celles qui appartiennent à d’autres confessions) s’approchent de l’autel, mais en gardant les mains sur la poitrine. Elles font comprendre, par ce comportement, qu’elles ne reçoivent pas le saint sacrement, mais qu’elles demandent une bénédiction, qui leur est donnée en tant que signe de l'amour du Christ et de l’Église. Il est certain que cette forme pourrait être également choisie par les personnes qui vivent un second mariage et qui, par conséquent, ne sont pas admises à la table du Seigneur. Le fait que cela rende possible une communion spirituelle intense avec le Seigneur, avec tout son Corps, avec l’Église, pourrait être pour elles une expérience spirituelle qui leur donnerait de la force et les aiderait.
La nouvelle conclusion de l’article de 1972, réécrite par Joseph Ratzinger en 2014
L’Église est Église de la Nouvelle Alliance, mais elle vit dans un monde dans lequel cette "dureté de [...] cœur" (Mt 19, 8) à cause de laquelle Moïse a légiféré continue à exister sans aucun changement. Que peut-elle donc faire de concret, en particulier à notre époque où la foi devient de plus en plus édulcorée, y compris au sein de l’Église, et où les "choses que recherchent les païens", contre lesquelles le Seigneur met ses disciples en garde (cf. Mt 6, 32), menacent de devenir de plus en plus la norme ?
Avant tout et essentiellement, elle doit annoncer le message de la foi de manière convaincante et compréhensible et chercher à ouvrir des espaces où elle puisse être vécue véritablement. La guérison de la "dureté de cœur" peut être obtenue seulement par la foi et c’est seulement là où celle-ci est vivante qu’il est possible de vivre ce que le Créateur avait destiné à l’homme avant le péché. Voilà pourquoi la chose principale et vraiment fondamentale que l’Église doit faire est de rendre la foi vivante et forte.
En même temps, l’Église doit continuer à s’efforcer de sonder les limites et l'ampleur des paroles de Jésus. Elle doit rester fidèle aux commandements du Seigneur et elle ne peut même pas trop les étirer. Il me semble que ce que l’on appelle les "clauses de fornication", que Matthieu a ajoutées aux paroles du Seigneur transmises par Marc, reflètent déjà un tel effort. Un cas particulier que les paroles de Jésus ne concernent pas est mentionné.
Cet effort a été poursuivi au cours de toute l’Histoire. L’Église d'Occident, sous la conduite du successeur de Pierre, n’a pas pu suivre le chemin emprunté par l’Église de l'empire byzantin, qui s’était rapprochée de plus en plus du droit temporel, affaiblissant par là même la spécificité de la vie dans la foi. Cependant, elle a mis en lumière à sa manière les limites de l'applicabilité des paroles du Seigneur, définissant ainsi leur portée de manière plus concrète.
Il y a surtout deux situations qui sont apparues, chacune d’elles étant ouverte à une solution spécifique fournie par l'autorité ecclésiastique.
1. Saint Paul déclare aux Corinthiens (1 Cor 7, 12-16) et, à travers eux, à l’Église de tous les temps – ce faisant, il apporte une indication qui lui est personnelle, qui ne provient pas du Seigneur mais qu’il se sait autorisé à donner – que, dans le cas d’un mariage entre une personne chrétienne et une qui ne l’est pas, ce mariage peut être dissous si la personne non-chrétienne fait obstacle à la vie de foi de l’autre. À partir de cette indication, l’Église a élaboré ce que l’on appelle le "privilegium paulinum" [privilège paulin], en continuant à l’interpréter dans sa tradition juridique (cf. CIC, canons 1143-1150).
La tradition de l’Église a déduit de ce qu’affirme saint Paul que le mariage entre deux baptisés est le seul qui constitue un sacrement authentique et par conséquent absolument indissoluble. Les mariages entre non-chrétiens et chrétiens sont certes des mariages selon l'ordre de la création et ils sont donc définitifs par eux-mêmes. Cependant ils peuvent être dissous au bénéfice de la foi et d’un mariage sacramentel.
La tradition a fini par donner davantage d’extension à ce "privilège paulin", aboutissant ainsi à ce que l’on appelle le "privilegium petrinum" [privilège pétrinien]. Celui-ci signifie que le successeur de Pierre est mandaté pour décider, en ce qui concerne les mariages non sacramentels, quels sont les cas dans lesquels la séparation est justifiée. Cependant ce "privilège pétrinien" n’a pas été introduit dans le nouveau Code, contrairement à ce qui était prévu initialement.
Cela s’explique par le désaccord existant entre deux groupes d’experts. Le premier groupe soulignait que l’objectif de tout le droit élaboré par l’Église, son instrument de mesure interne, est le salut des âmes. Il en résulte que l’Église a la possibilité et l’autorisation de faire ce qui est utile pour atteindre cet objectif. L'autre groupe, au contraire, était d’avis que les mandats correspondant au ministère pétrinien ne devaient pas être trop élargis et qu’il était nécessaire de rester à l’intérieur des limites reconnues par la foi de l’Église.
Étant donnée l’impossibilité de parvenir à un accord entre ces deux groupes, le pape Jean-Paul II décida de ne pas introduire dans le Code cette partie des coutumes juridiques de l’Église, mais de continuer à la confier à la congrégation pour la doctrine de la foi qui, en même temps que la pratique concrète, doit examiner continuellement les bases et les limites du mandat attribué à l’Église dans ce domaine.
2. Au fil du temps, on a pris conscience, de plus en plus clairement, du fait qu’un mariage qui a été contracté de manière apparemment valide peut, en raison de vices juridiques ou réels, ne pas s’être véritablement concrétisé et que par conséquent il peut être nul. Dans la mesure où l’Église a développé son propre droit en matière de mariage, elle a également défini de manière détaillée les conditions de validité et les motifs d’éventuelle nullité.
La nullité du mariage peut provenir d’erreurs concernant la forme juridique, mais également et surtout d’une conscience insuffisante. En ce qui concerne la réalité du mariage, l’Église a reconnu très rapidement que le mariage est constitué en tant que tel à travers le consentement des deux partenaires, qui doit aussi être exprimé de manière publique sous une forme définie par le droit (CIC, canon 1057 § 1). Le contenu de cette décision commune, c’est le don réciproque, effectué à travers un lien irrévocable (CIC, canon 1057 § 2 ; canon 1096 § 1). Le droit canonique présuppose que les personnes adultes savent par elles-mêmes, en raison de leur nature, ce qu’est le mariage, et par conséquent qu’elles savent également qu’il est définitif ; le contraire devrait être expressément démontré (CIC, canon 1096 § 1 et § 2).
En ce qui concerne ce point, de nouvelles questions sont apparues au cours des dernières décennies. Peut-on encore, aujourd’hui, présumer que les gens soient conscients "par nature" du caractère définitif et de l’indissolubilité du mariage et qu’ils y consentent lorsqu’ils prononcent leur oui ? Ou bien est-ce qu’il ne s’est pas produit dans la société actuelle - ou tout au moins dans les pays occidentaux - un changement de la conscience qui fait plutôt présumer le contraire ? Peut-on considérer comme un fait acquis la volonté de dire un oui définitif ou ne faut-il pas, plutôt, s’attendre au contraire, c’est-à-dire au fait que, avant même de dire oui, les époux sont déjà prédisposés au divorce ? Au cas où le caractère définitif serait consciemment exclu, le mariage au sens de la volonté du Créateur et de l'interprétation du Christ ne serait pas véritablement réalisé. Cela permet de comprendre à quel point une préparation correcte au sacrement est devenue importante aujourd’hui.
L’Église ne connaît pas le divorce. Cependant, après ce qui vient tout juste d’être indiqué, elle ne peut pas exclure la possibilité de mariages nuls. Les procès en annulation doivent être menés dans deux directions et avec beaucoup d’attention. Ils ne doivent pas aboutir à un divorce camouflé. Ce serait malhonnête et contraire au caractère sérieux du sacrement. D'autre part, ils doivent examiner aussi consciencieusement que nécessaire les problèmes posés par l’éventuelle nullité et, dans le cas où il y aurait de justes motifs en faveur de l'annulation, ils doivent formuler le jugement correspondant, ouvrant ainsi aux personnes concernées une nouvelle issue.
À notre époque, de nouveaux aspects du problème de la validité sont apparus. J’ai déjà fait remarquer ci-dessus que le fait d’être naturellement conscient de l'indissolubilité du mariage est devenu problématique et qu’il en résulte que de nouvelles tâches doivent être accomplies par la procédure de jugement. Je voudrais indiquer rapidement deux autres éléments nouveaux :
a. Le canon 1095 n° 3 a inscrit la problématique moderne dans le droit canonique lorsqu’il dit que les personnes qui "pour des causes de nature psychique ne peuvent assumer les obligations essentielles du mariage" sont incapables de contracter un mariage. Aujourd’hui, les problèmes psychiques des gens, précisément face à une réalité aussi importante que le mariage, sont perçus plus clairement que dans le passé. Cependant il est bon de lancer une mise en garde contre le fait de construire de manière inconsidérée la nullité à partir des problèmes psychiques. Si l’on procède ainsi, en réalité, il serait trop facile de prononcer un divorce sous l'apparence de la nullité.
b. Aujourd’hui une autre question se pose de manière très sérieuse. Il y a actuellement un nombre croissant de païens baptisés : je veux dire par là des gens qui sont devenus chrétiens parce qu’ils ont reçu le baptême, mais qui ne croient pas et qui n’ont jamais connu la foi. Il s’agit là d’une situation paradoxale : le baptême fait d’un être humain un chrétien, mais celui-ci, n’ayant pas la foi, n’est, de toute façon, rien d’autre qu’un païen baptisé. Le canon 1055 § 2 affirme qu’"entre baptisés, il ne peut exister de contrat matrimonial valide qui ne soit, par le fait même, un sacrement". Mais que se passe-t-il si un baptisé non croyant ne connaît pas du tout le sacrement ? Il pourrait même avoir la volonté de l'indissolubilité, mais il ne voit pas ce qui fait la nouveauté de la foi chrétienne. L'aspect tragique de cette situation apparaît de manière évidente surtout lorsque des baptisés païens se convertissent à la foi et commencent à mener une vie totalement nouvelle. Cela fait naître des questions pour lesquelles nous n’avons pas encore de réponse. Il est donc encore plus urgent de les approfondir.
3. De tout ce qui a été dit jusqu’à maintenant il résulte d’une part que l’Église d'Occident – l’Église catholique – sous la conduite du successeur de Pierre, sait qu’elle est étroitement liée à ce que le Seigneur a dit à propos de l'indissolubilité du mariage, mais d’autre part qu’elle a également cherché à discerner quelles étaient les limites de cette indication afin de ne pas imposer aux gens plus de contraintes que nécessaire.
C’est ainsi que, en partant de la suggestion faite par l’apôtre Paul et en s’appuyant en même temps sur l'autorité du ministère pétrinien, elle a en outre élaboré, pour les mariages non sacramentels, la possibilité de divorcer pour le bien de la foi. De la même manière, elle a examiné sous tous les aspects la question de la nullité d’un mariage.
L'exhortation apostolique "Familiaris consortio" de Jean-Paul II, publiée en 1981, a franchi un pas supplémentaire. Il est écrit, au numéro 84 : "Avec le Synode, j’exhorte chaleureusement les pasteurs et toute la communauté des fidèles à aider les divorcés en faisant en sorte, avec une grande charité, qu’ils ne se sentent pas séparés de l’Église [...]. Que l’Église prie pour eux, qu’elle les encourage et se montre à leur égard une mère miséricordieuse et qu’ainsi elle les soutienne dans la foi et dans l’espérance".
C’est ainsi qu’une mission importante est attribuée à la pastorale, mission qui n’a peut-être pas encore été suffisamment transposée dans la vie quotidienne de l’Église. Certains détails sont indiqués dans l’exhortation elle-même. Il y est dit que ces personnes, dans la mesure où elles sont baptisées, peuvent participer à la vie de l’Église et même qu’elles ont le devoir de le faire. Une liste des activités chrétiennes qui leur sont ouvertes et nécessaires est donnée. Peut-être, cependant, faudrait-il souligner avec davantage de clarté ce que peuvent faire leurs pasteurs et leurs frères dans la foi afin que ces personnes puissent ressentir véritablement l'amour de l’Église. Je pense qu’il faudrait leur reconnaître la possibilité de s’engager dans les associations ecclésiales et également celle d’accepter d’être parrain ou marraine, ce que le droit ne prévoit pas pour le moment.
Il y a un autre point de vue qui s’impose à moi. Si l’impossibilité de recevoir la sainte eucharistie est perçue comme tellement douloureuse, c’est notamment parce que, de nos jours, presque toutes les personnes qui participent à la messe s’approchent aussi de la table du Seigneur. Ce qui fait que ceux qui sont frappés par cette impossibilité apparaissent également comme étant publiquement disqualifiés en tant que chrétiens.
Je pense que l’avertissement que nous lance saint Paul, quand il nous invite à nous examiner nous-mêmes et à réfléchir au fait qu’il s’agit ici du Corps du Seigneur, devrait être de nouveau pris au sérieux : "Que chacun, donc, s’éprouve soi-même et qu’alors il mange de ce pain et boive de ce calice ; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation" (1 Cor 11, 28 s.) Un sérieux examen de soi, qui peut même conduire à renoncer à la communion, nous ferait en outre sentir d’une manière nouvelle la grandeur du don de l'eucharistie et il représenterait en même temps une forme de solidarité avec les divorcés remariés.
Je voudrais ajouter à cela une autre suggestion pratique. Dans beaucoup de pays on a vu s’installer la coutume selon laquelle les personnes qui ne peuvent pas recevoir la communion (par exemple celles qui appartiennent à d’autres confessions) s’approchent de l’autel, mais en gardant les mains sur la poitrine. Elles font comprendre, par ce comportement, qu’elles ne reçoivent pas le saint sacrement, mais qu’elles demandent une bénédiction, qui leur est donnée en tant que signe de l'amour du Christ et de l’Église. Il est certain que cette forme pourrait être également choisie par les personnes qui vivent un second mariage et qui, par conséquent, ne sont pas admises à la table du Seigneur. Le fait que cela rende possible une communion spirituelle intense avec le Seigneur, avec tout son Corps, avec l’Église, pourrait être pour elles une expérience spirituelle qui leur donnerait de la force et les aiderait.
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******************** 20 Octobre 2014 ********************
Intervention de Gérard Leclerc dans le 12/14 de LCI: Video
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******************** 20 Octobre 2014 ********************
Intervention de Gérard Leclerc dans le 12/14 de LCI: Video
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******************** 19 Octobre 2014 ********************
Nous venons d’entendre une des phrases les plus célèbres de tout l’Évangile : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21).
À la provocation des pharisiens qui, pour ainsi dire, voulaient lui faire passer l’examen de religion et le prendre en défaut, Jésus répond avec cette phrase ironique et géniale. C’est une réponse à effet que le Seigneur livre à tous ceux qui se posent des problèmes de conscience, surtout quand entrent en jeu leurs intérêts, leurs richesses, leur prestige, leur pouvoir et leur réputation. Et cela arrive de tout temps, depuis toujours.
L’accent de Jésus retombe sûrement sur la seconde partie de la phrase : "Et (rendez) à Dieu ce qui est à Dieu”. Cela signifie reconnaître et professer – face à n’importe quel type de pouvoir – que seul Dieu est le Seigneur de l’homme, et qu’il n’y en a pas d’autre. C’est la nouveauté éternelle à découvrir chaque jour, en vainquant la peur que nous éprouvons souvent devant les surprises de Dieu.
Lui n’a pas peur de la nouveauté ! C’est pourquoi, il nous surprend continuellement, nous ouvrant et nous conduisant par des chemins imprévus. Il nous renouvelle, c’est-à-dire qu’il nous fait “nouveaux”, continuellement. Un chrétien qui vit l’Évangile est “la nouveauté de Dieu” dans l’Église et dans le monde. Et Dieu aime beaucoup cette “nouveauté” !
« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu », signifie s’ouvrir à sa volonté, lui consacrer notre vie et coopérer à son Royaume de miséricorde, d’amour et de paix.
Là se trouve notre force véritable, le ferment qui la fait lever et le sel qui donne saveur à chaque effort humain contre le pessimisme dominant que nous propose le monde. Là se trouve notre espérance parce que l’espérance en Dieu n’est donc pas une fuite de la réalité, elle n’est pas un alibi : c’est rendre à Dieu d’une manière active ce qui lui appartient. C’est pour cela que le chrétien regarde la réalité future, celle de Dieu, pour vivre pleinement la vie – les pieds bien plantés sur la terre – et répondre, avec courage, aux innombrables nouveaux défis.
Nous l’avons vu ces jours-ci durant le Synode extraordinaire des Évêques – “Synode” signifie « marcher ensemble ». Et en effet, pasteurs et laïcs de chaque partie du monde ont apporté ici à Rome la voix de leurs Églises particulières pour aider les familles d’aujourd’hui à marcher sur la route de l’Évangile, le regard fixé sur Jésus. Ce fut une grande expérience dans laquelle nous avons vécu la synodalité et la collégialité, et nous avons senti la force de l’Esprit Saint qui guide et renouvelle toujours l’Église appelée, sans délai, à prendre soin des blessures qui saignent et à rallumer l’espérance pour beaucoup de gens sans espérance.
Pour le don de ce Synode et pour l’esprit constructif offert par tous, avec l’apôtre Paul : « À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières » (1 Th 1, 2). Et que l’Esprit Saint qui, en ces jours laborieux nous a donné de travailler généreusement avec vraie liberté et humble créativité, accompagne encore la marche qui, dans les Églises de toute la terre, nous prépare au prochain Synode Ordinaire des Évêques d’octobre 2015. Nous avons semé et nous continuerons à semer avec patience et persévérance, dans la certitude que c’est le Seigneur qui fait croître tout ce que nous avons semé (cf. 1 Co 3, 6).
En ce jour de la béatification du Pape Paul VI, me reviennent à l’esprit ses paroles, par lesquelles il a institué le Synode des Évêques : « En observant attentivement les signes des temps, nous nous efforçons d’adapter les orientations et les méthodes … aux besoins croissants de notre époque et à l’évolution de la société » (Lett. ap. Motu proprio Apostolica sollicitudo).
À l’égard de ce grand Pape, de ce courageux chrétien, de cet apôtre infatigable, nous ne pouvons dire aujourd’hui devant Dieu qu’une parole aussi simple que sincère et importante : merci ! Merci à notre cher et bien-aimé Pape Paul VI ! Merci pour ton témoignage humble et prophétique d’amour du Christ et de son Église !
Dans son journal personnel, le grand timonier du Concile, au lendemain de la clôture des Assises conciliaires, a noté : « Peut-être n’est-ce pas tant en raison d’une aptitude quelconque ou afin que je gouverne et que je sauve l’Église de ses difficultés actuelles, que le Seigneur m’a appelé et me garde à ce service, mais pour que je souffre pour l’Église, et qu’il soit clair que c’est Lui, et non un autre, qui la guide et qui la sauve » (P. Macchi, Paul VI à travers son enseignement, de Guibert 2005, p. 105). Dans cette humilité resplendit la grandeur du Bienheureux Paul VI qui, alors que se profilait une société sécularisée et hostile, a su conduire avec une sagesse clairvoyante – et parfois dans la solitude – le gouvernail de la barque de Pierre sans jamais perdre la joie ni la confiance dans le Seigneur.
Paul VI a vraiment su “rendre à Dieu ce qui est à Dieu” en consacrant sa vie tout entière à « l’engagement sacré, solennel et très grave : celui de continuer dans le temps et d’étendre sur la terre la mission du Christ » (Homélie pour le rite du couronnement,Documentation catholique n. 1404 [1963], col. 932), en aimant l’Église et en la guidant pour qu’elle soit « en même temps mère aimante de tous les hommes et dispensatrice du salut » (Lett. ap. Ecclesiam Suam, Prologue).
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******************** 18 Octobre 2014 ********************
La guerre des papes n'aura pas lieu ("lepoint.fr" 8 dec 2014)
Message final du Synode sur la Famille
Hélène Destombes :
Message de la IIIème Assemblée générale extraordinaire du Synode des Évêques, 18.10.2014
III ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE
DU SYNODE DES ÉVÊQUES
MESSAGE
Nous, Pères synodaux réunis à Rome autour du Pape François pour l'Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques, nous nous adressons à toutes les familles des divers continents, et en particulier à celles qui suivent le Christ, Chemin, Vérité et Vie. Nous manifestons notre admiration et notre gratitude pour le témoignage quotidien que vous nous offrez, ainsi qu’au monde, par votre fidélité, votre foi, votre espérance et votre amour.
Nous aussi, pasteurs de l'Église, nous sommes nés et avons grandi dans des familles aux histoires et vicissitudes les plus diverses. En tant que prêtres et évêques, nous avons rencontré et avons vécu aux côtés de familles qui nous ont raconté en parole et révélé en actes toute une série de merveilles mais aussi de difficultés.
La préparation même de cette assemblée synodale, à partir des réponses au questionnaire envoyé aux Églises du monde entier, nous a permis de nous mettre à l’écoute de nombreuses expériences familiales. Notre dialogue durant les jours du Synode nous a ainsi enrichis mutuellement, nous aidant à regarder la réalité vivante et complexe dans laquelle évoluent les familles.
À vous, nous proposons cette parole du Christ : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Ap 3, 20). Comme il le faisait durant ses pérégrinations sur les routes de la Terre Sainte, entrant dans les maisons des villages, Jésus continue à passer aussi aujourd’hui par les rues de nos villes. Dans vos foyers, vous faites l’expérience d’ombres et de lumières, de défis exaltants, mais parfois aussi d’épreuves dramatiques. L'obscurité se fait encore plus épaisse, jusqu'à devenir ténèbres, lorsque le mal et le péché s'insinuent au cœur même de la famille.
Il y a, avant tout, le grand défi de la fidélité dans l'amour conjugal. L’affaiblissement de la foi et des valeurs, l'individualisme, l'appauvrissement des relations, le stress d’une frénésie qui empêche la réflexion marquent aussi la vie familiale. On assiste alors à de nombreuses crises matrimoniales, affrontées souvent de façon expéditive, sans avoir le courage de la patience, de la remise en question, du pardon mutuel, de la réconciliation et même du sacrifice. Ces échecs sont ainsi à l’origine de nouvelles relations, de nouveaux couples, de nouvelles unions et de nouveaux mariages, qui créent des situations familiales complexes et problématiques quant au choix de la vie chrétienne.
Parmi ces défis, nous souhaitons ensuite évoquer les épreuves de l’existence même. Pensons à la souffrance qui peut apparaître lorsque qu’un enfant est handicapé, lors d’une grave maladie, lors de la dégénérescence neurologique due à la vieillesse, lors de la mort d'une personne chère. La fidélité généreuse de tant de familles qui vivent ces épreuves avec courage, foi et amour est admirable, lorsqu’elles les considèrent non comme quelque chose qui leur a été arrachée ou imposée, mais comme quelque chose qui leur a été donné et qu'ils offrent à leur tour, voyant en toutes ces personnes éprouvées le Christ souffrant lui-même.
Nous pensons aux difficultés économiques causées par des systèmes pervers, par le « fétichisme de l'argent » et par « la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain » (Evangelii gaudium, 55) qui humilie la dignité de la personne. Nous pensons aux pères et aux mères sans emploi, impuissants face aux besoins les plus élémentaires de leur famille ; et à ces jeunes qui se trouvent devant des journées désœuvrées et sans espérance, proies potentielles des dérives de la drogue et de la criminalité.
Nous pensons enfin à la foule des familles pauvres, à celles qui s'agrippent à une barque pour atteindre des moyens de survie, aux familles de réfugiés qui émigrent sans espoir à travers des déserts, à celles qui sont persécutées simplement à cause de leur foi et de leurs valeurs spirituelles et humaines, à celles qui sont frappées par la brutalité des guerres et des oppressions. Nous pensons aussi aux femmes qui subissent la violence et sont soumises à l’exploitation, à la traite des personnes, aux enfants et aux jeunes victimes d’abus même de la part de ceux qui devraient en prendre soin et les faire grandir en confiance, aux membres de tant de familles humiliées et en difficulté. «La culture du bien-être nous anesthésie et […] toutes ces vies brisées par manque de possibilités nous semblent un simple spectacle qui ne nous trouble en aucune façon. (Evangelii gaudium, 54). Nous faisons appel aux gouvernements et aux organisations internationales pour promouvoir les droits de la famille en vue du bien commun.
Le Christ a voulu que son Église soit une maison avec la porte toujours ouverte et accueillante, sans exclure personne. Nous sommes ainsi reconnaissants envers les pasteurs, les fidèles et les communautés prêts à accompagner et à porter les déchirures internes et sociales des couples et des familles.
***
Cependant, il y a également la lumière qui brille le soir derrière les fenêtres dans les maisons des villes, dans les modestes résidences des périphéries ou dans les villages et même dans les baraquements : celle-ci brille et réchauffe les corps et les âmes. Cette lumière, dans les vicissitudes de la vie nuptiale des conjoints, s'allume grâce à une rencontre : il s'agit d'un don, d'une grâce qui s'exprime -comme le dit la Genèse (2,18)- quand deux visages se retrouvent chacun l'un « en face » de l'autre, comme une «aide qui lui corresponde », c'est-à-dire à la fois semblable et complémentaire. L'amour de l'homme et de la femme nous enseigne que chacun des deux a besoin de l'autre pour être soi-même, chacun demeurant pourtant différent de l'autre dans son identité qui s'ouvre et se révèle dans le don réciproque. C’est ce qu’exprime de façon suggestive la femme du Cantique des Cantiques : « Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à lui […] Je suis à mon bien-aimé, mon bien-aimé est à moi » (Ct 2, 16 ; 6,3).
Pour que cette rencontre soit authentique, le cheminement commence avec le temps des fiançailles, temps de l'attente et de la préparation. Il s'actualise pleinement dans le sacrement du mariage où Dieu appose son sceau, sa présence et sa grâce. Ce chemin passe aussi par la sexualité, la tendresse, la beauté, qui perdurent même au-delà de la vigueur et de la fraîcheur de la jeunesse. De par sa nature, l'amour tend à rimer avec toujours, jusqu'à donner sa vie pour la personne qu'on aime (cf. Jn 15,13). À cette lumière, l'amour conjugal, unique et indissoluble, persiste malgré les nombreuses difficultés des limites humaines ; c’est l’un des plus beaux miracles, bien qu’il soit aussi le plus commun.
Cet amour se déploie au travers de la fécondité et de la générativité qui ne sont pas seulement procréation mais aussi don de la vie divine dans le baptême, éducation et catéchèse des enfants. Il s'agit aussi d'une capacité à offrir la vie, de l'affection et des valeurs. Cette expérience est possible même pour ceux qui n'ont pu avoir d'enfant. Les familles qui vivent cette aventure lumineuse deviennent pour tous un témoignage, en particulier pour les jeunes.
Durant ce cheminement, qui s'avère parfois un sentier ardu avec ses difficultés et ses chutes, on retrouve toujours la présence et l'accompagnement de Dieu. La famille en fait l'expérience dans l'affection mutuelle et le dialogue entre époux et épouse, entre parents et enfants, entres frères et sœurs. Elle le vit aussi en se mettant ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu et en partageant la prière commune : petite oasis spirituelle à mettre en place à un moment chaque jour. Il y a aussi l'engagement quotidien de l'éducation à la foi, à la beauté de la vie évangélique et à la sainteté. Ce devoir est souvent partagé et exercé avec beaucoup d'affection et de dévouement aussi par les grands-parents. Ainsi la famille se présente comme une authentique Église domestique, qui s'ouvre sur cette famille de familles qu'est la communauté ecclésiale. Les époux chrétiens sont alors appelés à devenir des maîtres dans la foi et dans l'amour également auprès des jeunes couples.
Il y a ensuite une autre expression de la communion fraternelle, celle de la charité, du don, de la proximité auprès des laissés pour compte, des marginalisés, des pauvres, des personnes seules, des malades, des étrangers, des familles en crise, gardant en mémoire la parole du Seigneur : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir » (Ac 20,35). Il s'agit d'un don de biens partagés, de présence, d'amour et de miséricorde et aussi d’un témoignage de vérité, de lumière, de sens donné à la vie.
Le sommet qui recueille et récapitule tous ces liens de la communion avec Dieu et le prochain est l'Eucharistie dominicale, lorsque, avec toute l’Église, la famille prend place à la table du Seigneur. Lui-même se donne à nous tous, pèlerins de l'histoire en route vers la rencontre ultime lorsque le «Christ sera tout en tous» (Col 3,11). Pour cela, dans la première étape de notre chemin synodal, nous avons réfléchi à l’accompagnement pastoral et à la question de l’accès aux sacrements des personnes divorcées-remariées.
Nous, pères synodaux, vous demandons de cheminer avec nous vers le prochain synode.
Que demeure sur vous la présence de la famille de Jésus, Marie et Joseph réunis dans leur modeste maison. Ensemble, tournés vers la Famille de Nazareth, faisons monter vers notre Père à tous notre invocation pour les familles de la terre.
Cérémonie de béatification du Pape Paul VI (19 octobre 2014) http://t.co/cA9g2vpXqi
— Vatican.va (@vatican_va_fr) 19 Octobre 2014
Place Saint-Pierre
Dimanche 19 octobre 2014
Nous venons d’entendre une des phrases les plus célèbres de tout l’Évangile : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21).
À la provocation des pharisiens qui, pour ainsi dire, voulaient lui faire passer l’examen de religion et le prendre en défaut, Jésus répond avec cette phrase ironique et géniale. C’est une réponse à effet que le Seigneur livre à tous ceux qui se posent des problèmes de conscience, surtout quand entrent en jeu leurs intérêts, leurs richesses, leur prestige, leur pouvoir et leur réputation. Et cela arrive de tout temps, depuis toujours.
L’accent de Jésus retombe sûrement sur la seconde partie de la phrase : "Et (rendez) à Dieu ce qui est à Dieu”. Cela signifie reconnaître et professer – face à n’importe quel type de pouvoir – que seul Dieu est le Seigneur de l’homme, et qu’il n’y en a pas d’autre. C’est la nouveauté éternelle à découvrir chaque jour, en vainquant la peur que nous éprouvons souvent devant les surprises de Dieu.
Lui n’a pas peur de la nouveauté ! C’est pourquoi, il nous surprend continuellement, nous ouvrant et nous conduisant par des chemins imprévus. Il nous renouvelle, c’est-à-dire qu’il nous fait “nouveaux”, continuellement. Un chrétien qui vit l’Évangile est “la nouveauté de Dieu” dans l’Église et dans le monde. Et Dieu aime beaucoup cette “nouveauté” !
« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu », signifie s’ouvrir à sa volonté, lui consacrer notre vie et coopérer à son Royaume de miséricorde, d’amour et de paix.
Là se trouve notre force véritable, le ferment qui la fait lever et le sel qui donne saveur à chaque effort humain contre le pessimisme dominant que nous propose le monde. Là se trouve notre espérance parce que l’espérance en Dieu n’est donc pas une fuite de la réalité, elle n’est pas un alibi : c’est rendre à Dieu d’une manière active ce qui lui appartient. C’est pour cela que le chrétien regarde la réalité future, celle de Dieu, pour vivre pleinement la vie – les pieds bien plantés sur la terre – et répondre, avec courage, aux innombrables nouveaux défis.
Nous l’avons vu ces jours-ci durant le Synode extraordinaire des Évêques – “Synode” signifie « marcher ensemble ». Et en effet, pasteurs et laïcs de chaque partie du monde ont apporté ici à Rome la voix de leurs Églises particulières pour aider les familles d’aujourd’hui à marcher sur la route de l’Évangile, le regard fixé sur Jésus. Ce fut une grande expérience dans laquelle nous avons vécu la synodalité et la collégialité, et nous avons senti la force de l’Esprit Saint qui guide et renouvelle toujours l’Église appelée, sans délai, à prendre soin des blessures qui saignent et à rallumer l’espérance pour beaucoup de gens sans espérance.
Pour le don de ce Synode et pour l’esprit constructif offert par tous, avec l’apôtre Paul : « À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières » (1 Th 1, 2). Et que l’Esprit Saint qui, en ces jours laborieux nous a donné de travailler généreusement avec vraie liberté et humble créativité, accompagne encore la marche qui, dans les Églises de toute la terre, nous prépare au prochain Synode Ordinaire des Évêques d’octobre 2015. Nous avons semé et nous continuerons à semer avec patience et persévérance, dans la certitude que c’est le Seigneur qui fait croître tout ce que nous avons semé (cf. 1 Co 3, 6).
En ce jour de la béatification du Pape Paul VI, me reviennent à l’esprit ses paroles, par lesquelles il a institué le Synode des Évêques : « En observant attentivement les signes des temps, nous nous efforçons d’adapter les orientations et les méthodes … aux besoins croissants de notre époque et à l’évolution de la société » (Lett. ap. Motu proprio Apostolica sollicitudo).
À l’égard de ce grand Pape, de ce courageux chrétien, de cet apôtre infatigable, nous ne pouvons dire aujourd’hui devant Dieu qu’une parole aussi simple que sincère et importante : merci ! Merci à notre cher et bien-aimé Pape Paul VI ! Merci pour ton témoignage humble et prophétique d’amour du Christ et de son Église !
Dans son journal personnel, le grand timonier du Concile, au lendemain de la clôture des Assises conciliaires, a noté : « Peut-être n’est-ce pas tant en raison d’une aptitude quelconque ou afin que je gouverne et que je sauve l’Église de ses difficultés actuelles, que le Seigneur m’a appelé et me garde à ce service, mais pour que je souffre pour l’Église, et qu’il soit clair que c’est Lui, et non un autre, qui la guide et qui la sauve » (P. Macchi, Paul VI à travers son enseignement, de Guibert 2005, p. 105). Dans cette humilité resplendit la grandeur du Bienheureux Paul VI qui, alors que se profilait une société sécularisée et hostile, a su conduire avec une sagesse clairvoyante – et parfois dans la solitude – le gouvernail de la barque de Pierre sans jamais perdre la joie ni la confiance dans le Seigneur.
Paul VI a vraiment su “rendre à Dieu ce qui est à Dieu” en consacrant sa vie tout entière à « l’engagement sacré, solennel et très grave : celui de continuer dans le temps et d’étendre sur la terre la mission du Christ » (Homélie pour le rite du couronnement,Documentation catholique n. 1404 [1963], col. 932), en aimant l’Église et en la guidant pour qu’elle soit « en même temps mère aimante de tous les hommes et dispensatrice du salut » (Lett. ap. Ecclesiam Suam, Prologue).
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Pour @MgrMAillet , après les débats du Synode, il faut maintenant chercher une 3ème voie, inspirée de Jean-Paul II http://t.co/j4kG8eD73K
— Abbé Grosjean ن (@abbegrosjean) 22 Octobre 2014
Mgr Marc Aillet : « Après le synode, trouver une troisième voie » (22 oct 2014)******************** 18 Octobre 2014 ********************
La guerre des papes n'aura pas lieu ("lepoint.fr" 8 dec 2014)
Message final du Synode sur la Famille
A une large majorité, l'assemblée du synode des évêques a approuvé le message conclusif des travaux. Adressé aux familles du monde, et en particulier à celles chrétiennes, le document contient également un appel aux institutions afin qu'elles promeuvent les droits de la famille, et rappelle la réflexion consacrée à l'accès à la communion pour les divorcés-remariés.
Message de la IIIème Assemblée générale extraordinaire du Synode des Évêques, 18.10.2014
Synode : le message de l'Assemblée aux familles du monde... - http://t.co/1QSxL1edbK
— News.va Français (@newsva_fr) 18 Octobre 2014
III ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE
DU SYNODE DES ÉVÊQUES
MESSAGE
Nous, Pères synodaux réunis à Rome autour du Pape François pour l'Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques, nous nous adressons à toutes les familles des divers continents, et en particulier à celles qui suivent le Christ, Chemin, Vérité et Vie. Nous manifestons notre admiration et notre gratitude pour le témoignage quotidien que vous nous offrez, ainsi qu’au monde, par votre fidélité, votre foi, votre espérance et votre amour.
Nous aussi, pasteurs de l'Église, nous sommes nés et avons grandi dans des familles aux histoires et vicissitudes les plus diverses. En tant que prêtres et évêques, nous avons rencontré et avons vécu aux côtés de familles qui nous ont raconté en parole et révélé en actes toute une série de merveilles mais aussi de difficultés.
La préparation même de cette assemblée synodale, à partir des réponses au questionnaire envoyé aux Églises du monde entier, nous a permis de nous mettre à l’écoute de nombreuses expériences familiales. Notre dialogue durant les jours du Synode nous a ainsi enrichis mutuellement, nous aidant à regarder la réalité vivante et complexe dans laquelle évoluent les familles.
À vous, nous proposons cette parole du Christ : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Ap 3, 20). Comme il le faisait durant ses pérégrinations sur les routes de la Terre Sainte, entrant dans les maisons des villages, Jésus continue à passer aussi aujourd’hui par les rues de nos villes. Dans vos foyers, vous faites l’expérience d’ombres et de lumières, de défis exaltants, mais parfois aussi d’épreuves dramatiques. L'obscurité se fait encore plus épaisse, jusqu'à devenir ténèbres, lorsque le mal et le péché s'insinuent au cœur même de la famille.
Il y a, avant tout, le grand défi de la fidélité dans l'amour conjugal. L’affaiblissement de la foi et des valeurs, l'individualisme, l'appauvrissement des relations, le stress d’une frénésie qui empêche la réflexion marquent aussi la vie familiale. On assiste alors à de nombreuses crises matrimoniales, affrontées souvent de façon expéditive, sans avoir le courage de la patience, de la remise en question, du pardon mutuel, de la réconciliation et même du sacrifice. Ces échecs sont ainsi à l’origine de nouvelles relations, de nouveaux couples, de nouvelles unions et de nouveaux mariages, qui créent des situations familiales complexes et problématiques quant au choix de la vie chrétienne.
Parmi ces défis, nous souhaitons ensuite évoquer les épreuves de l’existence même. Pensons à la souffrance qui peut apparaître lorsque qu’un enfant est handicapé, lors d’une grave maladie, lors de la dégénérescence neurologique due à la vieillesse, lors de la mort d'une personne chère. La fidélité généreuse de tant de familles qui vivent ces épreuves avec courage, foi et amour est admirable, lorsqu’elles les considèrent non comme quelque chose qui leur a été arrachée ou imposée, mais comme quelque chose qui leur a été donné et qu'ils offrent à leur tour, voyant en toutes ces personnes éprouvées le Christ souffrant lui-même.
Nous pensons aux difficultés économiques causées par des systèmes pervers, par le « fétichisme de l'argent » et par « la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain » (Evangelii gaudium, 55) qui humilie la dignité de la personne. Nous pensons aux pères et aux mères sans emploi, impuissants face aux besoins les plus élémentaires de leur famille ; et à ces jeunes qui se trouvent devant des journées désœuvrées et sans espérance, proies potentielles des dérives de la drogue et de la criminalité.
Nous pensons enfin à la foule des familles pauvres, à celles qui s'agrippent à une barque pour atteindre des moyens de survie, aux familles de réfugiés qui émigrent sans espoir à travers des déserts, à celles qui sont persécutées simplement à cause de leur foi et de leurs valeurs spirituelles et humaines, à celles qui sont frappées par la brutalité des guerres et des oppressions. Nous pensons aussi aux femmes qui subissent la violence et sont soumises à l’exploitation, à la traite des personnes, aux enfants et aux jeunes victimes d’abus même de la part de ceux qui devraient en prendre soin et les faire grandir en confiance, aux membres de tant de familles humiliées et en difficulté. «La culture du bien-être nous anesthésie et […] toutes ces vies brisées par manque de possibilités nous semblent un simple spectacle qui ne nous trouble en aucune façon. (Evangelii gaudium, 54). Nous faisons appel aux gouvernements et aux organisations internationales pour promouvoir les droits de la famille en vue du bien commun.
Le Christ a voulu que son Église soit une maison avec la porte toujours ouverte et accueillante, sans exclure personne. Nous sommes ainsi reconnaissants envers les pasteurs, les fidèles et les communautés prêts à accompagner et à porter les déchirures internes et sociales des couples et des familles.
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Cependant, il y a également la lumière qui brille le soir derrière les fenêtres dans les maisons des villes, dans les modestes résidences des périphéries ou dans les villages et même dans les baraquements : celle-ci brille et réchauffe les corps et les âmes. Cette lumière, dans les vicissitudes de la vie nuptiale des conjoints, s'allume grâce à une rencontre : il s'agit d'un don, d'une grâce qui s'exprime -comme le dit la Genèse (2,18)- quand deux visages se retrouvent chacun l'un « en face » de l'autre, comme une «aide qui lui corresponde », c'est-à-dire à la fois semblable et complémentaire. L'amour de l'homme et de la femme nous enseigne que chacun des deux a besoin de l'autre pour être soi-même, chacun demeurant pourtant différent de l'autre dans son identité qui s'ouvre et se révèle dans le don réciproque. C’est ce qu’exprime de façon suggestive la femme du Cantique des Cantiques : « Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à lui […] Je suis à mon bien-aimé, mon bien-aimé est à moi » (Ct 2, 16 ; 6,3).
Pour que cette rencontre soit authentique, le cheminement commence avec le temps des fiançailles, temps de l'attente et de la préparation. Il s'actualise pleinement dans le sacrement du mariage où Dieu appose son sceau, sa présence et sa grâce. Ce chemin passe aussi par la sexualité, la tendresse, la beauté, qui perdurent même au-delà de la vigueur et de la fraîcheur de la jeunesse. De par sa nature, l'amour tend à rimer avec toujours, jusqu'à donner sa vie pour la personne qu'on aime (cf. Jn 15,13). À cette lumière, l'amour conjugal, unique et indissoluble, persiste malgré les nombreuses difficultés des limites humaines ; c’est l’un des plus beaux miracles, bien qu’il soit aussi le plus commun.
Cet amour se déploie au travers de la fécondité et de la générativité qui ne sont pas seulement procréation mais aussi don de la vie divine dans le baptême, éducation et catéchèse des enfants. Il s'agit aussi d'une capacité à offrir la vie, de l'affection et des valeurs. Cette expérience est possible même pour ceux qui n'ont pu avoir d'enfant. Les familles qui vivent cette aventure lumineuse deviennent pour tous un témoignage, en particulier pour les jeunes.
Durant ce cheminement, qui s'avère parfois un sentier ardu avec ses difficultés et ses chutes, on retrouve toujours la présence et l'accompagnement de Dieu. La famille en fait l'expérience dans l'affection mutuelle et le dialogue entre époux et épouse, entre parents et enfants, entres frères et sœurs. Elle le vit aussi en se mettant ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu et en partageant la prière commune : petite oasis spirituelle à mettre en place à un moment chaque jour. Il y a aussi l'engagement quotidien de l'éducation à la foi, à la beauté de la vie évangélique et à la sainteté. Ce devoir est souvent partagé et exercé avec beaucoup d'affection et de dévouement aussi par les grands-parents. Ainsi la famille se présente comme une authentique Église domestique, qui s'ouvre sur cette famille de familles qu'est la communauté ecclésiale. Les époux chrétiens sont alors appelés à devenir des maîtres dans la foi et dans l'amour également auprès des jeunes couples.
Il y a ensuite une autre expression de la communion fraternelle, celle de la charité, du don, de la proximité auprès des laissés pour compte, des marginalisés, des pauvres, des personnes seules, des malades, des étrangers, des familles en crise, gardant en mémoire la parole du Seigneur : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir » (Ac 20,35). Il s'agit d'un don de biens partagés, de présence, d'amour et de miséricorde et aussi d’un témoignage de vérité, de lumière, de sens donné à la vie.
Le sommet qui recueille et récapitule tous ces liens de la communion avec Dieu et le prochain est l'Eucharistie dominicale, lorsque, avec toute l’Église, la famille prend place à la table du Seigneur. Lui-même se donne à nous tous, pèlerins de l'histoire en route vers la rencontre ultime lorsque le «Christ sera tout en tous» (Col 3,11). Pour cela, dans la première étape de notre chemin synodal, nous avons réfléchi à l’accompagnement pastoral et à la question de l’accès aux sacrements des personnes divorcées-remariées.
Nous, pères synodaux, vous demandons de cheminer avec nous vers le prochain synode.
Que demeure sur vous la présence de la famille de Jésus, Marie et Joseph réunis dans leur modeste maison. Ensemble, tournés vers la Famille de Nazareth, faisons monter vers notre Père à tous notre invocation pour les familles de la terre.
Père, donne à toutes les familles la présence d'époux courageux et remplis de sagesse, qui soient source d'une famille libre et unie.
Père, donne aux parents d'avoir une maison où vivre dans la paix avec leur famille.
Père, donne aux enfants d'être signes de confiance et d'espérance, et aux jeunes le courage de l’engagement stable et fidèle.
Père, donne à tous de pouvoir gagner leur pain de leurs propres mains, de jouir de la sérénité d’esprit et de garder allumé le flambeau de la foi même dans les moments d'obscurité.
Père, donne-nous de voir fleurir une Église toujours plus fidèle et crédible, une cité juste et humaine, un monde qui aime la vérité, la justice et la miséricorde.
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Vendredi 17 Octobre
Le Cardinal Schönborn : « Avoir avant tout un regard positif »
(RV) Les carrefours linguistiques ont terminé leurs travaux ce jeudi matin et les pères synodaux se sont retrouvés dans la foulée, en compagnie du Pape François en congrégation générale pour mettre au point les textes adoptés en commission. Un long travail d’écriture a débuté et s’achèvera ce vendredi.
Avant cette étape qui portera vers la rédaction de la relatio définitive et conclusive de ce synode extraordinaire sur les défis pastoraux de la famille, le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne et président de la conférence épiscopale d’Autriche, est revenu lors de la conférence de presse quotidienne au sein de la Salle de presse du Saint-Siège sur la valeur des textes discutés et qui vont faire l’objet d’une synthèse.
Le co-président du groupe de travail anglophone au Synode revient sur les enjeux de fond de ce dernier.
Après la publication lundi d’un rapport d’étape peu satisfaisant, de nombreux Pères synodaux ont travaillé à l’améliorer pour que le texte final, qui sera voté (ou non) samedi 18 octobre donne une vision juste de la pensée de l’Église sur la famille. Parmi eux, le cardinal Edmund Burke, préfet du Tribunal suprême de la signature apostolique – et surtout co-président du groupe de travail anglophone au Synode – revient sur ce processus synodal et sur les enjeux de fond sous-jacents.
Comment les cercles mineurs se sont-ils approprié larelatio post disceptationem après la polémique du début de semaine ? Faut-il s’attendre à de profonds changements de la relatio ?
Il y a eu une réaction forte contre le texte de lundi matin. Quasiment tous les cercles mineurs ont exprimé des objections fondamentales et proposé des révisions substantielles. Les pères synodaux ont demandé une plus forte référence à l’écriture sainte et au riche magistère de l’Église sur la famille.
Ils ont regretté l’absence de référence à la loi naturelle et ont jugé inacceptables les affirmations sur les rapports sexuels hors mariage et entre personnes de même sexe. L’accès des divorcés remariés à la sainte communion a été rejeté par plusieurs cercles mineurs.
Le message envoyé est fort : le texte doit être radicalement changé. Samedi matin, j’attends de la relatio synodi qu’elle soit très différente de la relatio post disceptationem.
La relatio synodi est présentée et discutée samedi matin, avant d’être votée dans l’après-midi. Un rejet est-il envisageable ?
C’est très possible. Si les membres de la commission chargée d’écrire la relatio synodi ne prennent pas en compte l’approche rectifiée sortie des cercles mineurs, le texte ne sera pas approuvé.
L’Église doit annoncer la vérité avec charité, car la vérité est l’unique voie pour trouver la félicité et le Salut.
Sur certaines questions, comme celle relative à l'admission des divorcés à l'eucharistie ou celle concernantl’homosexualité, peut-on maintenir l’enseignement tout en ayant une attitude miséricordieuse ?
Certainement. L’Église adresse son enseignement au monde avec tout le respect dû à la personne, mais en indiquant en même temps le besoin de la conversion des comportements peccamineux.
L’Église doit annoncer la vérité avec charité, car la vérité est l’unique voie pour trouver la félicité et le Salut.
Dans les débats qui animent le synode, percevez-vous, comme l’affirment certains observateurs, une volonté de s’éloigner de l’enseignement de Benoît XVI sur le danger du relativisme et de l’héritage de Jean-Paul II sur le mariage ?
Je partage cette même impression, et cela me préoccupe beaucoup. Le texte de lundi ne cite pratiquement pas l’exhortation apostolique Familiaris consortio de Jean-Paul II. Et le riche magistère de Benoît XVI sur le relativisme n’y apparaît même pas ! La relatio post disceptationem donne le sentiment que l’Église n’a rien fait de valable par le passé, et que tout est à recommencer de zéro.
On justifie cette herméneutique de la discontinuité ou de la rupture au prétexte que le monde a totalement changé. Un cardinal a même affirmé que Familiaris consortio n’était plus valable, car l’exhortation a été écrite il y a trente ans. C’est absurde.
Des commentateurs pensent que le processus synodal vise à atteindre un seul objectif : permettre aux divorcés remariés d’accéder à la communion eucharistique. Tout est-il écrit d’avance ?
Durant le synode, j’ai eu l’impression que les textes étaient déjà préparés, les conclusions déjà faites, et que les Pères synodaux n’avaient plus qu’à donner leur validation. Mais ils s’en sont aperçus et ont réagi.
Jeudi par exemple, le secrétaire général du Synode a demandé que les conclusions des cercles mineurs ne soient pas publiées. Mais nous avons insisté pour qu’elles le soient, car le monde écoute et doit savoir ce que pensent les Pères du synode.
Antoine Pasquier (à Rome)
Mgr Léonard : « Les pères synodaux veulent tenir proximité pastorale et rectitude doctrinale »
Psychanalyste et consulteur pour le Conseil pontifical pour la famille, Mgr Tony Anatrella participe aux travaux du synode sur la famille au titre d’expert.
La relatio post disceptationem a été mal accueillie lundi par les pères du synode. Que lui reprochaient-ils ?
Il y a un fil rouge dans ce texte qui invite à constater le positif qui existerait dans toutes les situations : mariage civil, homosexualité, concubinage… dans la mesure où, comme on le laisse entendre, ce serait un point de passage pour aller à la rencontre du Christ. Mais le texte ne nous dit pas quels sont ces points positifs à découvrir et personne ne l’a d’ailleurs dit lors des congrégations générales. En même temps, la relatio donne le sentiment de valoriser ce qui ne peut pas être reconnu par l’Église. Lorsqu’elle évoque ces situations, l’Église parle bien de situations irrégulières. Des gens qui sont mariés uniquement civilement ou qui vivent dans le concubinage, voire qui pratiquent l’homosexualité, sont dans une situation irrégulière vis-à-vis de l’Église à laquelle ils veulent appartenir. Si l’on désire vivre en chrétien, encore faut-il assumer toutes les conséquences, à la fois anthropologiques et morales, de la foi catholique pour avoir accès aux sacrements.
Au final, le texte a été perçu comme affichant une certaine complaisance à l’égard de ces situations – ce qui est une façon d’enfermer les personnes dans ces types de relations –, tout en envoyant un contre-message aux familles chrétiennes et aux jeunes.
Si l’on désire vivre en chrétien, encore faut-il assumer toutes les conséquences, à la fois anthropologiques et morales, de la foi catholique pour avoir accès aux sacrements.
Comment expliquer que l’on soit arrivé à ce document ?
La manière dont il a été rédigé est sans doute partie d’une bonne intention des rédacteurs de, non pas changer la doctrine – un synode ne peut pas la modifier, et pas davantage le pape –, mais d’envoyer un message positif à la société : « Nous tenons à prendre en compte ce que vous vivez, en revanche nous aimerions vous proposer autre chose ».
Mais la proposition de cet autre projet de vie conjugale et familiale n’a pas été soulignée. La relatio s’est donc réduite à lister toutes sortes d’unions de fait examinées avec bienveillance, pour ne pas dire avec compassion, au risque de les valider. Le message positif que l’on voulait envoyer au monde n’a pas été suffisamment pédagogique et a donc été contre-productif. Autrement dit, c’est la qualité des personnes qu’il convient de souligner et de respecter et non pas les enfermer dans des situations qui ne peuvent pas être valorisées. Il manquait donc à ce texte cette distinction et ce discernement. En même temps, ce texte s’inscrit dans un processus synodal qui n’appelle, pour l’instant, aucune décision.
Qu’est ce qui est ressorti des conclusions des cercles mineurs, présentées en assemblée jeudi matin ?
La relatio a été articulée autour d’une logique qui n’a pas plu aux pères synodaux : « voir », « juger », « agir », selon les catégories d’une époque. Les pères synodaux suggèrent plutôt de partir de l’Écriture et de l’enseignement pour rappeler comment l’Église conçoit la vie de couple, la famille et le mariage. Et ainsi montrer la beauté du mariage et la force qu’il représente pour permettre aux gens de s’inscrire dans la durée.
Les pères ont souhaité se resituer dans un face-à-face avec Dieu plutôt que dans un face-à-face avec l’Homme. Qu’est-ce que Dieu nous dit de notre condition ? À partir de cet éclairage, qu’est-ce que nous comprenons de ce que vivent les hommes et les femmes de notre temps ? Et, dans la mesure où il y a un décalage, comment rejoindre ces personnes ? D’autant plus que Dieu, en créant l’homme et la femme, a également créé le mariage, qui est la façon privilégiée d’être dans un lien indissoluble où l’un révèle l’autre à lui-même et de s’inscrire dans une histoire, un corps conjugal et dans une transmission. Ces réalités sont en train d’être dissociées.
Les pères ont souhaité se resituer dans un face-à-face avec Dieu plutôt que dans un face-à-face avec l’Homme.
Les pères du Synode ont-ils voulu insister sur des points plus particuliers ?
Outre leur désir de rappeler l’unicité et l’indissolubilité du mariage, les pères du Synode ont aussi voulu souligner combien le sacrement du mariage était en lien avec le baptême et avec l’eucharistie. Dans les traditions anciennes, ceux qui étaient baptisés à l’âge adulte n’avaient pas besoin de recevoir le sacrement de mariage, car leur baptême représentait leurs épousailles avec le Christ. Dans le baptême, ils étaient unis à l’Église et au Christ dans un lien sponsal. Le mariage est un prolongement et un accomplissement du baptême. Les deux sont indissolubles.
Cela explique aussi le rapport à l’Eucharistie qui nourrit la vie du baptisé et qui célèbre les noces du Christ avec son église, et donc les noces des époux. L’Eucharistie entretient la foi des époux et leur relation conjugale. Il en va de même de l’expression intime entre les époux, que Jean-Paul II appelle « le sacrement du corps ». Il existe un lien fort entre l’amour sponsal eucharistique et l’amour sponsal des époux. Cette dimension profonde et indissoluble du mariage devrait être mieux expliquée dans la préparation au mariage. Les prêtres aussi devraient davantage parler du mariage et de la famille lors de leurs homélies.
Comment ont réagi les pères synodaux sur le passage de la relatio concernant l’homosexualité ?
Ce qui a été dit sur l’homosexualité a été refusé, car le sujet ne faisait absolument pas consensus. Sur 265 communications, il n’a été évoqué une seule fois par un père. Certains ont demandé de supprimer ces passages, d’autres les ont reformulés en rappelant l’enseignement de l’Église.
Sur la question de l’homosexualité, il a été demandé de changement de langage. L’expression « intrinsèquement désordonnée » a été montrée du doigt. Est-ce une bonne chose ?
Il a été question de changer de langage, mais nous tombons là dans la mentalité induite par l’idéologie du genre. Tout comme cette idéologie est en train de redéfinir les réalités sexuelles en termes d’« orientations sexuelles », et non plus en terme des deux seules identités sexuelles qui existent, l’Église est, elle aussi, incitée à changer de vocabulaire. Mais la plupart des pères s’y opposent, car changer de langage reviendrait à mal nommer la réalité des choses et à rejoindre le conformisme actuel.
Quelle attitude pastorale l’Église doit-elle adopter vis-à-vis des personnes homosexuelles ?
L’Église, à l’image du Christ, a toujours voulu accueillir les personnes quelle que soit leur condition. Le Catéchisme de l’Église catholique le dit : « les personnes homosexuelles doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse ». Elles doivent donc être reçues dans l’estime de leur dignité, mais dans la mesure où elles se disent prêtes à se convertir au Christ et à être en cohérence, pour le baptisé, avec la foi chrétienne.
L’Église, à l’image du Christ, a toujours voulu accueillir les personnes quelle que soit leur condition.
Dans cette demande légitime d’être mieux accueillie, les personnes de même sexe ne cherchent-elles pas aussi à ce que l’Église reconnaisse leur orientation, voire leur union ?
Dans ce type de situation, l’Église, à travers la relation pastorale du prêtre, accueille une personne, mais pas un duo impliqué dans cette relation. Tout simplement parce qu’il ne s’agit pas d’un couple puisque seul un homme et une femme forment un couple. Sous l’influence de groupes particuliers, la société a tendance à élargir des notions qui appartiennent uniquement au vocabulaire pour désigner la conjugalité qui existe entre un homme et une femme, et qui n’est pas applicable à l’homosexualité. L’accueil et l’accompagnement porteront donc sur une personne.
La notion d’accueil est piégée. Quand l’Église parle d’accueil, elle parle d’un accueil ouvert et disponible pour entendre la personne, lui manifester de la sollicitude et, dans la mesure où elle est intéressée, lui présenter qu’elle est l’attente de Dieu à son égard pour être sauvée. Mais pour certaines personnes homosexuelles, cette notion d’accueil est reçue comme une volonté, non pas de disponibilité à leur égard, mais comme une nécessaire reconnaissance et une valorisation de leur orientation sexuelle. Une chose est d’accepter et d’accompagner une personne, une autre est de valider une forme de sexualité.
Les pères ont regretté d’autres abus de langage de la relatio. On ne peut pas davantage parler de famille ; c’est du vol de langage car deux personnes de même sexe ne peuvent pas engendrer. On ne conçoit pas un autre avec du même et du semblable, mais dans l’altérité de la différence sexuelle qui est la mère de toutes les altérités. Les pères, enfin, ont redit que le contexte homosexuel n’était pas le meilleur pour éduquer les enfants. Bien au contraire.
Les cercles mineurs ont donc fortement amendé la relatio post disceptationem. Faut-il s’attendre à un texte fort différent samedi ?
C’est ce qu’espèrent les pères. Elle va être retravaillée, et soumise dès vendredi aux pères synodaux. Elle sera ensuite votée, ou pas, samedi. Les pères sont déterminés à ne pas voter n’importe quel texte.
Les pères sont déterminés à ne pas voter n’importe quel texte.
Antoine Pasquier (à Rome)
******************** 16 Octobre 2014 *********************
Jeudi 16 Octobre
Douzième Congrégation générale du Synode: Résumé non official
La douzième Congrégation générale, qui s'est tenue ce matin en présence du Saint-Père, a vu la présentation des rapports des dixCirculi Minores: trois en anglais, deux en espagnol, deux en français, trois en italien. Ces textes proposent une évaluation de laRelatio post disceptationem (RDP), document provisoire de mi-parcours synodal, ainsi que propositions pour la Relatio Synodi (RS), document final définitif.
Bien qu'elle ait été légitime, on a mis en doute l'opportunité de publier la RDP car ce document de travail ne présente pas l'opinion partagée par les pères synodaux. Saluant les efforts déployés comme le contenu de ce textes, les groupes linguistiques ont exposé leurs suggestions.
On a d'abord souligné que la RDP regroupait les préoccupations des familles en crise, sans toucher plus largement au message de l'Evangile de la famille, au fait que la mariage est un sacrement d'union indissoluble entre un homme et une femme, et que de très nombreux couples y croient toujours. C'est pourquoi la RS devra contenir un fort encouragement et soutien de l'Eglise à l'institution familiale.
Dans ce sens il est essentiel de mieux exposer la doctrine du mariage comme don de Dieu. On a suggéré d'inclure dans la RS des éléments qui ne figurent pas dans la RDP comme l'adoption, pour lesquelles il faut simplifier les procédures, ou la biotechnologie, comme la diffusion de la culture sur le web pour aider la vie de la famille, ainsi qu'une note sur l'importance de politiques en faveur de la famille.
Il convient aussi d'être plus attentifs à la présence des personnes âgées au sein de la famille, aux familles prolongées dans la pauvreté extrême, à la question prostitution, à celle des mutilations génitales féminines, l'exploitation sexuelle des enfants et le travail infantile. Insister sur son rôle de transmission de la foi et d'évangélisation permettra de souligner aussi la vocation missionnaire de la famille, tout en exprimant de manière globale et équilibrée ce qu'est la famille chrétienne.
Quant aux situations difficiles, les Circuli ont rappelé que l'Eglise doit être un espace de compréhension pour tous, de manière à ce que personne ne se sente exclu. Pour éviter toute confusion, des approximations comme des euphémismes, il faut être très clairs sur la loi de gradualité qui ne doit pas devenir gradualité de la loi. Certains se sont dits perplexes du rapprochement fait avec la paragraphe 8 de Lumen Gentium car il risque de faire croire à une volonté de l'Eglise de légitime les situations familiales irrégulières, même si celles-ci peuvent être un étape vers le sacrement matrimonial. D'autres ont exprimé le voeu d'approfondir le concept de communion spirituelle, en vue de le préciser et de le diffuser.
Pour ce qui est de l'accès des divorcés remariés à la communion, on souhaite que la doctrine demeure ce qu'elle est tout en envisageant des exceptions dans une perspective de compassion et de miséricorde. Ceci, à des conditions précises. Il faudrait soumettre la question à une commission inter-disciplinaire. Il faudrait également être plus attentifs aux divorcés non remariés, qui sont souvent des témoins héroïques de la fidélité conjugale. Les procédures de reconnaissance de la nullité ou de la validité doivent être accélérées. Et il faut que les enfants soient considérés non comme une charge mais comme un don de Dieu, fruits de l'amour conjugal.
On a recommandé une meilleure orientation christocentrique du mariage, et un plus solide rapprochement entre sacrement du baptême et sacrement du mariage, car pour inviter l'homme à la conversion il faut que la vision du monde passe par l'Evangile.
Sans qu'on puisse définir mariage l'union homosexuelle, les personnes impliquées doivent être suivis pastoralement et leur dignité respectée. Il ne doit pas être question d'une approbation de l'Eglise à leur mode de vie. Quant à la polygamie et en particulier dans le cas de convertis désirant recevoir les sacrements, il convient de conduire une étude approfondie.
Les Circuli Minores ont enfin conseillé de plus insister sur Marie et la Sainte Famille comme modèles familiaux. La Relatio Synodi sera en tout cas le document préparatoire aux assises synodales d'octobre 2015.
[03043-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0764-XX.02]
Relatio - Circulus Gallicus "A"
Moderator: Em.mo Card. Robert SARAH
Relator: S.E. Mons. François-Xavier DUMORTIER, S.J
Je voudrais présenter ce rapport en cinq moments:
- quelques considérations générales;
- à propos de la première partie de la Relatio post Disceptationem;
- à propos de la deuxième partie;
- à propos de la troisième partie;
- quelques réflexions en conclusion.
1. Quelques considérations générales.
Je pense pouvoir dire, au nom de tous ceux et celles qui ont participé à ce Circulus, qu’a été très apprécié le caractère ouvert, simple, fraternel de rencontres vécues dans la simplicité, avec un fort sens de notre responsabilité, et dans la confiance mutuelle. Cela nous a permis un travail intense puisque nous ne nous sommes pas limités à écrire des amendements mais nous avons proposé en plusieurs endroits clés du texte une nouvelle formulation.
Je pense devoir exprimer aussi l’émotion et le désarroi qu’a provoqués la diffusion d’un document que nous considérions comme un simple- bien que très utile - document de travail, donc provisoire. Ce que nous avons vécu, à savoir la dimension contre-productive de cette diffusion, nous semble devoir conduire à évaluer avec soin les causes et les conséquences d’un événement qui, en semant perplexités et questions, n’a pas aidé la réflexion.
Nous avons fait l’expérience de la pluralité et de la diversité des situations ecclésiales. Toutes les Eglises locales ne sont pas également ni de la même manière concernées ni touchées par les problèmes soulevés. Davantage conscients de cette réalité, nous souhaitons qu’une certaine autonomie soit laissée aux Eglises locales dans la recherche de réponses aux préoccupations pastorales qui sont les leurs.
Enfin, nous avons constaté dans nos travaux l’importance d’une réelle vigilance et rigueur dans l’emploi des mots que nous utilisons- ainsi des termes de couple, de mariage, d’individu ou de personne.
2. A propos de la première partie de la Relatio.
Il nous a semblé important de considérer les lumières et les ombres des réalités conjugales et familiales dans le contexte de nos sociétés et du monde actuel en épousant le regard du Christ sur les hommes: les défis à affronter et à vivre peuvent alors se vivre, selon la tradition de l’Eglise, avec une attitude d’accueil, de compréhension et de compassion. Cela nous a conduits à insister, au -delà de la pauvreté, sur la misère déshumanisante qui est une des causes majeures de la précarisation et de la destruction des familles, sur les "périphéries de misère qui entourent beaucoup de grandes métropoles…les situations de violence et de guerre et leurs conséquences". Nous avons aussi désiré affirmer que la vie affective se développe, se structure et se réalise de façon privilégiée dans le cadre de la vie familiale. A cet égard, nous avons pensé important de mettre en évidence les éléments positifs des situations familiales, les valeurs, les générosités dont nous sommes témoins, ce qui construit au lieu de détruire … c’est à dire tout ce qui stimule l’Eglise dans son devoir d’exprimer une parole de vérité et d’espérance pour nos contemporains et d’interpeller certaines organisations internationales sur la manière de lier leur aide à l’acceptation de leur propre conception de l’homme, du mariage et de la société.
3. A propos de la deuxième partie de la Relatio.
L’examen de ce texte a soulevé des questions qui nous ont conduits à choisir une réécriture de cette partie et à la proposer comme telle, si cela peut aider è l’élaboration d’un prochain texte sur le chemin de réflexion où l’Eglise est engagée. Notre texte est résolument christocentrique: il met au centre le Christ, sa personne et sa parole, l’appartenance au Christ et l’expérience personnelle du Christ dénonçant la dureté de coeur et incarnant la pédagogie divine de patience et de miséricorde jusque dans sa passion, sa mort et sa résurrection. C’est en effet sur l’attachement au Christ et l’appartenance au Christ depuis le baptême que se fonde le sacrement du mariage.
Constater les échecs de l’amour et les unions imparfaites qui se multiplient appelle une attention pastorale qui sache respecter ces personnes, encourager les efforts de repentance et offrir l’appui fraternel de la communauté chrétienne à laquelle elles appartiennent. Un tel constat ne doit pas faire oublier les familles qui vivent avec cohérence et fidélité le mariage chrétien et rendent ce témoignage au travers de leurs joies mais aussi en dépit d’épreuves comme la pauvreté, le chômage, la maladie, le deuil, la stérilité et les difficultés dans l’éducation des enfants.
4. A propos de la troisième partie de la Relatio.
Sur le rapport entre les divorcés remariés et les sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie, notre texte dit qu’il importe de "ne pas changer la doctrine de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage et la non-admission des divorcés remariés aux sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie mais d’appliquer cette doctrine constante de l’Eglise aux situations diverses et douloureuses de notre époque avec un regard renouvelé de compassion et de miséricorde sur les personnes". Nous pensons comme une priorité que soient facilités l’examen des mariages douteux et l’accélération des procédures pour les déclarations de nullité matrimoniale. Il importe aussi d’avoir un langage qui soit positif et propositif et de considérer de manière distincte des personnes qui vivent des situations différentes.
Concernant l’accueil des personnes homosexuelles, il nous semble clair que l’Eglise, à l’image du Christ Bon Pasteur (Jn 10,11-18), a toujours voulu accueillir les personnes qui frappent à sa porte, porte ouverte à tous, qui sont à accueillir avec respect, compassion et dans la reconnaissance de la dignité de chacun. Accompagner pastoralement une personne ne signifie valider ni une forme de sexualité ni une forme de vie.
5. Quelques réflexions en conclusion
Le mariage et la famille sont véritablement au coeur d’enjeux cruciaux aujourd’hui: l’auto-compréhension de l’homme d’aujourd’hui et les enjeux anthropologiques actuels- l’analyse des causes socio-économiques de la fragilisation de la famille- la réflexion sur le lien entre mariage, famille et société- l’approfondissement biblique et théologique de ce que nous avons réfléchi trop rapidement…L’important travail mené jusqu’ici nous semble requérir maintenant qu’une réflexion approfondie – notamment anthropologique et théologique- soit entreprise et menée de la manière la plus appropriée avant le Synode de l’année prochaine. Nous ne pensons pas qu’une commission ad hoc conviendrait; nous pensons important que les questions soient abordées dans toute leur ampleur et que les diverses conférences épiscopales soient impliquées dans cette réflexion.
[03042-03.01] [Texte original: Français]
Relatio - Circulus Gallicus "B"
Moderator: Em.mo Card. Christoph SCHÖNBORN, O.P.
Relator: S.E. Mons. André LÉONARD
Notre travail s’est déroulé dans un beau climat de franchise et d’écoute mutuelle. Tous ont apprécié cette « palabre » universelle où les voix de l’Europe, de l’Asie et du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Amérique du Nord ont résonné en des timbres fort diversifiés, mais de manière généralement symphonique. Les constats et les enjeux ont pu être clarifiés grâce aux expériences si diverses au sein d’un même groupe linguistique.
Nous avons salué avec gratitude la présence des laïcs, hommes et femmes – des couples principalement – qui nous ont touchés et édifiés par leur « témoignage » vécu, parfois plus performant que nos « élucubrations » théologiques, indispensables, elles aussi, pourtant.
Dans nos tout premiers échanges, en réaction aux innombrables interventions des Pères synodaux, notre attention s’est d’abord portée sur deux enjeux principaux :
1. Comment unir doctrine et discipline, approche dogmatique et proximité pastorale ? Comment conjoindre l’amour de la vérité et la charité pastorale d’une manière qui ne choquera ni le fils cadet ni le fils aîné de la célèbre parabole rapportée par Luc ?
2. Comment prendre en compte la grande variété des situations pastorales à travers le monde et en renvoyer éventuellement le traitement aux Conférences épiscopales nationales, régionales ou continentales, en vertu du principe de subsidiarité, tout en respectant la catholicité et donc l’universalité de l’Église, d’autant plus que beaucoup de problématiques essentielles sont liées, en même temps, aux traits fondamentaux de la nature humaine ?
Tout en regrettant globalement un style touffu, filandreux, excessivement verbeux et donc, assez généralement, ennuyeux – style encore aggravé par la traduction dans une autre langue – nous avons surtout réagi en produisant des modi sunstantiels sur des points essentiels qui sont les suivants :
1. Faute de majorité absolue (9 pour, 5 contre, 4 abstentions), a été écarté le recours au concept de « gradualité », à l’analogie œcuménique développée par Lumen gentium (§ 8 : « subsistit in ») et à l’expression patristique « semences du Verbe », chaque fois que ces expressions risquaient, à tort, d’être comprises comme la légitimation a priori de situations de vie irrégulières, voire peccamineuses, même si nous reconnaissons que, a posteriori, plusieurs de ces situations peuvent être un chemin ou une étape vers une situation meilleure.
2. Quant à la possibilité d’accéder aux sacrement de la Réconciliation et de l’Eucharistie, certains Pères ont argumenté, dans une perspective à la fois doctrinale et pastorale, en faveur de la discipline actuelle en vertu de son fondement doctrinal, constamment confirmé par le Magistère de l’Eglise. D’autres Pères, inspirés par le même souci doctrinal et pastoral proposent au Magistère de l’Eglise d’adopter une autre discipline, mais à des conditions bien précises (Cf. n.47 de la Relatio Post Disceptationem).
3. Nous avons demandé que la pratique de la « communion spirituelle », recommandée traditionnellement à ceux qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas communier « sacramentellement », soit étudiée et évaluée en ses fondements théologiques et, si elle est accréditée par cet examen, soit promue et mieux diffusée parmi les fidèles.
4. Nous avons souligné avec force que, même si elle ne peut légitimer toutes les situations de vie, la miséricorde du Seigneur et de son Église rejoint, par contre, chacun dans sa situation de vie afin de nous conduire tous sur un chemin de vérité, de conversion et de paix.
5. Nous avons redit notre respect et notre accueil aux personnes homosexuelles et avons dénoncé les discriminations injustes et parfois violentes qu’elles ont subies et subissent encore parfois, y compris dans l’Église, hélas ! Mais cela ne signifie pas que l’Église doive légitimer les pratiques homosexuelles et encore moins reconnaître, comme le font certains États, un soi-disant « mariage » homosexuel. Au contraire, nous dénonçons toutes les manœuvres de certaines organisations internationales visant à imposer, par voie de chantage financier, aux pays pauvres des législations instituant un soi-disant « mariage » homosexuel.
6. Enfin, nous avons voulu présenter de manière positive et actualiser pour aujourd’hui l’inspiration prophétique qui a animé le bienheureux Paul VI quand, dans son encyclique Humanae vitae, il a célébré la beauté du lien si profond qui unit, dans la vie conjugale l’union à la fois spirituelle et charnelle des époux et l’ouverture au don de la vie.
[03042-03.02] [Texte original: Français]
Le Synode défend la doctrine mais encourage la compassion
L’assemblée du Synode s’est clairement et librement exprimée, par le biais des rapports présentés ce vendredi matin en présence du Pape. C’est le fruit d’un travail intense, rigoureux, en profondeur. A de rares différences près, les dix groupes linguistiques, au sein desquels tous les participants avaient été répartis, se sont prononcés en faveur d’une considérable refonte du rapport d’étape présenté lundi. Un carrefour a indiqué avoir proposé jusqu’à 80 amendements. D’autres ont proposé en plusieurs endroits clés du texte une nouvelle formulation, voir une totale réécriture. Les appels à la prudence et à la vigilance sont nombreux, surtout dans le choix des mots, pour éviter de semer la confusion. Ce Synode ne doit pas donner l’impression que l’Eglise abandonne sa doctrine sur l’indissolubilité du mariage et la famille. L’Eglise respecte toutes les personnes humaines, mais pas tous les comportements humains.
Plusieurs appels également en faveur d’une réflexion approfondie, avant le synode de l’année prochaine, sur les thèmes les plus délicats comme celui des divorcés-remariés, de la communion spirituelle ou de l’attitude à adopter à l’égard de la multiplication des unions libres, les uns souhaitant la constitution de groupes d’études composés d’experts, d’autres préférant une plus large consultation impliquant les diocèses. Pour la plupart, un langage nouveau s’impose, des développements sont possibles, à des conditions bien précises toutefois, conformes à la vérité de l’Evangile et à la tradition de l’Eglise. Malgré la pluralité et la diversité des situations ecclésiales, une nette convergence s’est dégagée en faveur de la mise en valeur des familles qui vivent avec cohérence et fidélité le mariage chrétien. Les familles chrétiennes ont besoin d’être soutenues dans un contexte qui ne leur est pas favorable.
Sur des points plus précis, des réserves ont été exprimées au sujet de l’admission des divorcés remariés aux sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie, sur le recours au concept de gradualité, à l’analogie œcuménique développée par Lumen gentium et à l’expression patristique Semences du Verbe. Les avis sont partagés sur l’accélération des procédures pour les déclarations de nullité matrimoniale. Concernant les personnes homosexuelles, la plupart des groupes se prononcent en faveur de l’accueil, du respect et de l’accompagnement pastoral, sans valider une forme de sexualité ou une forme de vie. Certains paragraphes de la Relatio post-disceptationem, précise-t-on, risquaient d’être compris comme la légitimation a priori de situations de vie irrégulières voire peccamineuses. Quant à l’encyclique de Paul VI humanae vitae, son inspiration prophétique devrait être présentée de manière positive et actualisée pour aujourd’hui.
Des groupes regrettent que certaines situations de souffrances aient été négligées dans le texte présenté lundi, comme la solitude des personnes âgées, les conséquences de la violence et des guerres, les tracasseries bureaucratiques qui entravent les adoptions…. Deux groupes ont dénoncé les manœuvres de certaines organisations internationales visant à imposer par voie de chantage financier aux pays pauvres leur propre conception de l’homme, du mariage et de la société. Des groupes proposent qu’une certaine autonomie soit laissée aux Eglises locales dans la recherche de réponses aux préoccupations pastorales qui sont les leurs. En clair, l’objectif du Synode est faire passer l’amour de l’Eglise pour toutes les personnes et sa compassion pour celles qui se trouvent dans une situation de souffrance. Le défi sera de trouver un équilibre entre approche dogmatique et proximité pastorale, entre la charité et l’amour de la vérité.
Un des deux groupes francophones a exprimé l’émotion et le désarroi provoqués par la diffusion, lundi, du Rapport post-disceptationem, un document de travail provisoire. Il demande que soient évaluées avec soin les causes et les conséquences d’un événement qui a semé perplexités et questions.
Un des trois groupes italiens a regretté que la Relatio ait donné l’impression que l’Eglise a peur de porter un jugement sur un certain nombre d’expressions culturelles dominantes. Cela n’est pas cohérent avec sa mission prophétique de l’Eglise. Ne recherchons pas un populisme facile.
Au terme de cette nouvelle étape d’un cheminement ardu, où les confrontations n’ont pas manqué, certains ont estimé que l’Eglise était en train de vivre un moment majeur de son histoire, dans l’esprit du Concile Vatican II.
Romilda Ferrauto
Vérité et amour au synode
Le regard du Père Jean-Miguel Garrigues, professeur de théologie au studium dominicain de Toulouse, sur le synode.
« Avoir l’esprit dur et le cœur tendre. » Cette parole bien connue deMaritain à Cocteau, qui hantait l’héroïque Sophie Scholl en 1943 avant son exécution dans une prison nazie, me venait à l’esprit en constatant dans les médias la dialectique désastreuse dans laquelle les catholiques nous risquons de nous laisser enfermer dans le débat passionné suscité par le rapport du cardinal Erdö au Synode. À ce sujet, j’ai envie de filer la métaphore de Maritain et de dire à mon tour aux catholiques : n’ayons ni l’esprit dur avec un cœur sec, ni le cœur tendre avec un esprit mou. Car c’est bien ces deux attitudes qui tendent aujourd’hui à s’affronter dans une dialectique stérile.
Les tenants de la ligne « pastorale » semblent trop souvent ne pas juger nécessaire que le Synode rappelle encore une fois les vérités fondamentales, naturelles et surnaturelles, tenues et enseignées par le Magistère jusqu’aux derniers papes. Ils les déclarent suffisamment connues et même trop ressassées par le passé ; mais on voit percer dans leur discours qu’en fait ils les trouvent gênantes parce que, jugées « trop théoriques », elles entravent l’attitude compassionnelle et pédagogique de la démarche pastorale. De ce fait, ils sont soupçonnés de faire le lit du relativisme par les tenants de la ligne « doctrinale ».
Ceux-ci ont tellement peur que l’Église abandonne ces vérités fondamentales, surtout dans le contexte dissolvant de notre société occidentale, qu’ils ne veulent pas que le Magistère, en se penchant sur l’immense profusion de cas personnels souvent limites, en vienne à affaiblir la certitude des principes dans l’âme des fidèles. Ils sont soupçonnés par les autres de formalisme idéaliste et déconnecté de la vie et de la souffrance des hommes.
Perdre l’intelligence des fondements du couple et de la famille, c’est vouloir avancer sans boussole.
Je voudrais dire aux uns et aux autres que seule la vision binoculaire nous donne la perception du réel avec son relief concret. Dans l’esprit humain les deux yeux de la vision binoculaire correspondent à l’intelligence et au cœur dont parlait Maritain.
Prétendre voir par un seul de ces deux yeux, c’est se déconnecter du réel des choses et de la foi. Perdre l’intelligence des fondements du couple et de la famille, c’est vouloir avancer sans boussole, gouverné seulement par une compassion condamnée à verser dans un sentimentalisme irréaliste. Perdre la miséricorde, c’est désincarner les certitudes morales en un corpus idéal que l’on tient surtout pour s’auto-affirmer (soi-même et son milieu) en condamnant les faibles qui n’arrivent pas à le suivre. C’est perdre de vue que la morale qu’enseigne l’Église est une sagesse pratique qui fait vivre, non pas un pharisaïsme qui condamne les autres. C’est risquer d’apparaître aux incroyants, même de bonne volonté, comme une secte aux convictions fanatiques.
Il nous faut donc prier pour qu’à travers un chemin synodal, où l’Esprit Saint passe y compris par les tensions de ces derniers jours, l’Église arrive à mieux articuler ensemble, dans la parole quelle adresse aux hommes, vérité et amour, principes moraux du vrai bonheur et pédagogie pastorale, graduelle mais orientée par eux. Le point le plus important me semble être que les catholiques nous trouvions une manière positive d’affirmer nos convictions. Si vraiment nous croyons que le chemin que nous trace l’Église à la suite du Christ est chemin de vie et de vrai bonheur, notre certitude n’a pas besoin de condamner et de rejeter ceux qui ne la partagent pas ou n’arrivent pas à vivre en conformité avec elle. Elle s’exprime au contraire en miséricorde, en étant capable de rejoindre fraternellement celui qui avance à tâtons sur le chemin de sa vie et à porter avec lui un peu de son fardeau. N’est-ce pas à cela que nous appelle le pape François dans ces fameux Exercices spirituels qu’en bon Jésuite il est en train de nous prêcher chaque jour ?
Père Jean-Miguel Garrigues
Le Père Jean-Miguel Garrigues a écrit Le Saint-Esprit sceau de la Trinité (Cerf).
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Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille revient sur les enjeux du synode pour "La Vie"
Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, est aussi l'un des trois présidents du synode sur la famille qui se déroule à Rome depuis le 5 octobre jusqu’au 19. Pour La Vie, il revient sur les enjeux du synode.
Lundi matin, la relatio post-disceptationem a été rendue publique et dès lundi après-midi, cette relatio a été remise en question puis présentée comme un simple document de travail. Ce texte a-t-il valeur de brouillon qui pourrait être totalement remis en question dans le texte final ? Ou est-ce une base à approfondir ?
Mais, si l’on prend les points les plus sensibles comme par exemple le fait de reconnaître des aspects positifs aux situations de cohabitation ou aux mariages civils, pourrait-on s’attendre à un retournement total entre ce qui est exposé dans la relatio post-disceptationem et le texte final ?
Ce qui donne un poids inédit aux catholiques de « la base » ?
Parmi les critiques adressées à la relatio post disceptationem, se trouve la question de l’équilibre entre miséricorde et vérité. Certains craignent que l’on mette la miséricorde avant la vérité au détriment de cette dernière.
Peut-on dire que la nouveauté de ce synode, qui veut partir des personnes, est une certaine forme de pragmatisme ?
Au cours de la conférence de presse de présentation de la relatio vous avez dit que l’esprit de Vatican II se manifestait parmi les pères mais qu’il ne fallait pas dissocier l’esprit des textes. Pouvez-vous expliciter ?
Un des points majeurs de Vatican II était la place des Eglises locales, ce qui est aussi un des grands axes de réflexion du pape François tel qu’il l’a exprimé dans Evangelii Gaudium. Au terme de ce synode, le pape donnera des orientations générales que les évêques auront charge de mettre en pratique dans leurs diocèses. Comment concilier la liberté des Eglises locales confrontées à des problèmes spécifiques et l’unité de l’Eglise ?
En parlant d’unité de l’Eglise, vous vous êtes exprimé, lors d’une conférence de presse, contre l’étiquetage des gens entre « progressistes » et « conservateurs ». Pourquoi ?
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Onzième Congrégation générale du Synode:
Synthèse non officielle des interventions libres effectuées au cours de la Congrégation
Saint Père: présent
Pères synodaux: 184
D'entrée, le Cardinal Rapporteur général a lu la Relatio post disceptationem, après quoi s'est déroulé le débat libre.
En ligne générale, la Relatio a été appréciée, en particulier pour sa qualité photographique des interventions des pères synodaux, le rendu du climat d'ouverture des travaux et la mise en évidence du thème dominant de l'accueil. Le texte exprime bien l'amour de l'Eglise pour la famille fidèle au Christ, comme sa capacité d'être proche des gens en toute circonstance et de comprendre que derrière les enjeux pastoraux il y a des personnes souffrantes. Le regard du Synode est bien celui du pasteur envers un troupeau qu'il ne juge pas à priori.
La Relatio contenant plusieurs points de vue qui seront débattus au cours des Circuli minores, on a suggéré des réflexions supplémentaires. Par exemple: Si l'Eglise doit s'ouvrir à qui est en difficulté, il convient d'insister sur les familles demeurées fidèles aux enseignements évangéliques, de les remercier et de les encourager dans leur témoignage. Le Synode devrait mieux affirmer l'indissolubilité du mariage, et combien la fidélité pour toujours est une valeur pour la société, évitant ainsi de se focaliser sur les cas anormaux.
Il a été recommandé de porter plus d'attention au rôle de la femme, fondamentale dans la transmission de la vie et de la foi, mais aussi à celle des grands parents au sein de la famille, au concept d'Eglise domestique, à la paroisse comme famille des familles, à la Sainte Famille comme référence majeure, à la mission évangélisatrice de la famille.
Il convient également d'éclaircir le concept de gradualité, car sujet à confusions. Ainsi à propos de l'accès aux sacrements des divorcés remariés, le risque est que les exceptions portent à la règle.
On a regretté la quasi absence dans le texte du mot péché, et rappelé combien le Christ a fortement condamné le danger de céder à la mentalité du monde.
Si on a mis en relief la nécessité d'une compréhension prudente des homosexuels comme des personnes vivant l'union libre, qui ne donne pas l'impression d'admettre leur orientation sexuelle.
En tout cas, il y a nécessité de réaffirmer la place éminente du sacrement baptismal, essentiel pour comprendre la sacralité du mariage et sa nature de ministère d'annonce de l'Evangile.
Quant à la simplification des procédures en nullité, des objections se sont exprimées face à la proposition d'attribuer à l'évêque diocésain de nouvelles compétences qui le surchargeront. On a aussi estimé nécessaire une plus profonde réflexion sur la polygamie, avant tout si un converti entend accéder aux sacrements, et sur la diffusion de la pornographie, principalement véhiculée par le web, qui constitue un danger pour la cohésion familiale. Il a enfin été demandé de mieux approcher la question de la disponibilité du couple envers la vie, et d'être clairs sur l'avortement et la procréation assistée.
[03031-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0754-XX.02]
Déclaration de le Directeur de la Salle de Presse pour le compte du Secrétariat général du Synode
A la suite des réactions et débats ayant suivi la publication de la Relatio post disceptationem, à laquelle on a attribué un poids qui ne lui appartient pas, le Secrétariat rappelle qu'il s'agit d'un document de travail résumant les interventions et la discussion de la première semaine synodale. Ce texte est maintenant soumis à l'attention des Circuli Minores, en conformité au règlement du Synode.
Le résultat des travaux des pères synodaux réunis en comités sera présenté à la Congrégation générale de jeudi matin prochain.
[03040-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0757-XX.02]
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Cité du Vatican, 14 octobre 2014 (VIS).
******************** 13 Octobre 2014 ********************
Onzième Congrégation générale: « Relatio post disceptationem » du Rapporteur Général, le Cardinal Péter Erdő , 13.10.2014
[B0751]
[Traduction non officielle]
Introduction
I Partie
L’écoute: le contexte et les défis concernant la famille
Le contexte socioculturel
L'importance de la vie affective
Les défis pastoraux
II Partie
Le regard sur le Christ: l'Évangile de la famille
Le regard sur Jésus et la gradualité dans l'histoire du salut
La famille dans le dessein salvifique de Dieu
Le discernement des valeurs présentes dans les familles blessées
et dans les situations irrégulières
Vérité et beauté de la famille et miséricorde
III Partie
La discussion: les perspectives pastorales
Annoncer l’Évangile de la famille aujourd’hui, dans les différents contextes
Guider les futurs époux sur le chemin de la préparation au mariage
Accompagner les premières années de vie conjugale
Les aspects positifs dans les unions civiles et les concubinages
Soigner les familles blessées (séparés, divorcés non remariés,
divorcés remariés)
Accueillir les personnes homosexuelles
La transmission de la vie et le défi de la dénatalité
Le défi de l’éducation et le rôle de la famille dans l'évangélisation
Conclusion
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Introduction
1. Lors de la veillée de prière célébrée sur la Place Saint-Pierre, samedi 4 octobre 2014, en préparation au Synode sur la famille, le Pape François a évoqué de manière simple et concrète la centralité de l'expérience familiale dans la vie de tous, en s'exprimant ainsi: « Le soir descend désormais sur notre assemblée. C’est l’heure où l’on rentre volontiers chez soi pour se retrouver à la même table, entouré par la présence des liens d’affection, du bien accompli et reçu, des rencontres qui réchauffent le cœur et le font croître, comme un bon vin qui anticipe au cours de l’existence de l’homme la fête sans crépuscule. C’est aussi l’heure la plus douloureuse pour celui qui se retrouve en tête à tête avec sa propre solitude, dans le crépuscule amer de rêves et de projets brisés : combien de personnes traînent-elles leurs journées sur la voie sans issue de la résignation, de l’abandon, voire de la rancœur ; dans combien de maisons est venu à manquer le vin de la joie et donc la saveur — la sagesse même — de la vie [...] Ce soir, nous nous faisons la voix des uns et des autres à travers notre prière, une prière pour tous ».
2. Lieu intime de joies et d'épreuves, d'affections profondes et de relations parfois blessées, la famille est véritablement « école d'humanité » (« Familia schola quaedam uberioris humanitatis est »: Concile Vatican II, Constitution sur l'Église dans le monde contemporain Gaudium et Spes, n°52), dont le besoin est fortement perçu. Malgré les nombreux signaux de crise de l'institution familiale dans les différents contextes du « village global », le désir de famille demeure vif, en particulier parmi les jeunes et motive le besoin que l'Église annonce sans relâche et au travers d'un partage profond cet « Évangile de la famille » qui lui a été confié au travers de la révélation de Dieu en Jésus Christ.
3. Sur la réalité de la famille, décisive et précieuse, l’Évêque de Rome a appelé à réfléchir le Synode des Évêques en son Assemblée générale extraordinaire d'octobre 2014, pour approfondir ensuite la réflexion lors de l'Assemblée générale ordinaire qui se tiendra en octobre 2015, tout comme au cours de l'ensemble de l'année qui s'écoulera entre les deux événements synodaux. « Le fait de convenire in unum autour de l’Évêque de Rome est déjà un événement de grâce, dans lequel la collégialité épiscopale se manifeste sur un chemin de discernement spirituel et pastoral » : c'est ainsi que le Pape François a décrit l'expérience synodale, en indiquant les devoirs liés à la double écoute des signes de Dieu et de l'histoire des hommes et à la fidélité, double et unique, qui en découle.
4. À la lumière de ce même discours, nous avons recueilli les résultats de nos réflexions et de nos dialogues au sein des trois parties suivantes : L'écoute, pour regarder la réalité de la famille aujourd'hui, dans la complexité de ses lumières et de ses ombres ; le regard fixé sur le Christ pour repenser, avec fraîcheur renouvelée et enthousiasme ce que la révélation transmise dans la foi de l'Église, nous dit sur la beauté et la dignité de la famille ; la confrontation à la lumière du Seigneur Jésus pour discerner les voies grâce auxquelles renouveler l'Église et la société dans leur engagement en faveur de la famille.
Première Partie
L’écoute: le contexte et les défis concernant la famille
Le contexte socioculturel
5. Le changement anthropologique et culturel influence aujourd'hui tous les aspects de la vie et requiert une approche analytique et diversifiée, capable de percevoir les formes positives de la liberté individuelle. Il faut également prendre en compte le danger croissant représenté par un individualisme exacerbé qui dénature les liens familiaux et finit par considérer chaque composant de la famille comme une île, faisant prévaloir, dans certains cas, l'idée d'un sujet qui se construit selon ses propres désirs considérés comme un absolu.
6. La plus grande épreuve pour les familles de notre temps est souvent la solitude, qui détruit et provoque une sensation générale d'impuissance vis-à-vis de la réalité socio-économique qui, souvent, finit par les écraser. Il en est ainsi de la croissante précarité du travail, qui est parfois vécue comme un véritable cauchemar, ou d'une fiscalité trop lourde qui n'encourage certainement pas les jeunes à se marier.
7. Il existe des contextes culturels et religieux qui lancent des défis particuliers. Dans les sociétés africaines, existe encore la pratique de la polygamie et, dans certains contextes traditionnels, la coutume du « mariage par étapes ». Dans d'autres contextes, se maintient la pratique des mariages combinés. Dans les pays où la religion catholique est minoritaire, nombreux sont les mariages mixtes, avec toutes les difficultés qu'ils comportent en ce qui concerne la configuration juridique, l'éducation des enfants et le respect réciproque du point de vue de la liberté religieuse mais aussi avec les grandes potentialités de rencontre dans la diversité de la foi que ces histoires de vie familiale présentent. Dans de nombreux contextes, et pas seulement occidentaux, se diffuse actuellement largement la pratique de la cohabitation qui précède le mariage ou encore de cohabitations non orientées à prendre la forme d'un lien institutionnel.
8. Nombreux sont les enfants qui naissent en dehors du mariage, en particulier dans certains pays et nombreux sont ceux qui grandissent ensuite avec un seul de leurs parents ou dans un contexte familial élargi ou reconstitué. Le nombre des divorces est croissant et le cas de choix déterminés seulement par des facteurs d'ordre économique n'est pas rare. La condition de la femme a encore besoin d’être défendue et promue parce que de nombreuses situations de violence s'enregistrent à l'intérieur des familles. Les enfants font souvent l'objet de luttes entre leurs parents et ils constituent les véritables victimes des lacérations familiales. Les sociétés traversées par la violence à cause de la guerre, du terrorisme ou de la présence de la criminalité organisée connaissent également des situations familiales détériorées. Les migrations représentent en outre un autre signe des temps qu'il faut affronter et comprendre avec toute sa charge de conséquences sur la vie familiale.
L'importance de la vie affective
9. Face à ce cadre social, on rencontre chez les individus un plus grand besoin de prendre soin de leur propre personne, de se connaître intérieurement, de vivre mieux en syntonie avec leurs émotions et leurs sentiments, de chercher une relation de qualité dans la vie affective. De même, on peut rencontrer un désir diffus de famille, qui s'accompagne de la recherche de soi-même. Mais comment cultiver et soutenir cette tension au soin de soi-même et ce désir de famille ? Il y a là un grand défi également pour l'Église. Le danger de l'individualisme et le risque de vivre de manière égoïste sont importants.
10. Le monde actuel semble valoriser une affectivité sans limite, dont tous les versants doivent être explorés, même les plus complexes. De fait, la question de la fragilité affective est de grande actualité : une affectivité narcissique, instable et changeante qui n'aide pas toujours les sujets à atteindre une plus grande maturité. Dans ce contexte, les couples sont parfois incertains, hésitants et ont du mal à trouver des manières pour grandir. Nombreux sont ceux qui tendent à demeurer aux premiers stades de la vie émotionnelle et sexuelle. La crise du couple déstabilise la famille et peut arriver, au travers des séparations et des divorces, à produire des conséquences sérieuses sur les adultes, les enfants et la société, affaiblissant l'individu et les liens sociaux. Le déclin de la population ne détermine pas seulement une situation dans laquelle le remplacement des générations n'est plus assuré mais risque de conduire, avec le temps, à un appauvrissement économique et à une perte d'espérance dans l'avenir.
Les défis pastoraux
11. Dans ce contexte, l'Église perçoit le besoin de dire une parole d'espérance et de sens. Il faut partir de la conviction que l'homme vient de Dieu et que, donc, une réflexion capable de proposer à nouveau les grandes questions sur la signification d’être hommes peut trouver un terrain fertile dans les attente les plus profondes e l'humanité. Les grandes valeurs du mariage et de la famille chrétienne correspondent à la recherche qui traverse l'existence humaine, y compris à une époque marquée par l'individualisme et par l'hédonisme. Il faut accueillir les personnes avec leur existence concrète, savoir soutenir leur recherche, encourager le désir de Dieu et la volonté de se sentir pleinement partie intégrante de l'Église même de ceux qui ont fait l'expérience de l'échec ou se trouvent dans les situations les plus disparates. Ceci exige que la doctrine de la foi, que l'on doit faire connaître toujours davantage dans ses contenus fondamentaux, soit proposée avec la miséricorde.
II Partie
Le regard sur le Christ: l'Évangile de la famille
Le regard sur Jésus et la gradualité dans l'histoire du salut
12. Afin de « contrôler notre allure sur le terrain des défis contemporains, la condition décisive est de garder le regard fixé sur Jésus Christ, de s’arrêter dans la contemplation et dans l’adoration de sa face [...]. En effet, chaque fois que nous revenons à la source de l’expérience chrétienne, de nouvelles routes et des possibilités impensables s’ouvrent. (Pape François, Discours du 4 octobre 2014). Jésus a regardé les femmes et les hommes qu'Il a rencontré avec amour et tendresse, accompagnant leurs pas avec patience et miséricorde dans l'annonce des exigences du Royaume de Dieu.
13. Du moment que l'ordre de la Création est déterminé par l'orientation au Christ, il faut distinguer sans les séparer les différents degrés au travers desquels Dieu communique à l’humanité la grâce de l'alliance. En raison de la loi de la gradualité (cf.Familiaris Consortio, 34), propre à la pédagogie divine, il s'agit de lire en termes de continuité et de nouveauté l'alliance nuptiale, dans l'ordre de la Création et dans celui de la Rédemption.
14. Jésus Lui-même, en se référant au dessein premier sur le couple humain, réaffirme l'union indissoluble entre l'homme et la femme, tout en comprenant que « en raison de votre dureté de cœur (que) Moise vous a permis de répudier vos femmes ;mais dès l'origine, il n'en fut pas ainsi » (Mt 19,8). De cette manière, Il montre combien la condescendance divine accompagne toujours le chemin de l'homme, l'orientant vers son principe, non sans passer par la croix.
La famille dans le dessein salvifique de Dieu
15. Puisque, par l'engagement de l'accueil réciproque et par la grâce du Christ, les fiancés se promettent fidélité et ouverture à la vie, ils reconnaissent comme éléments constitutifs du mariage les dons que Dieu leur offre, prenant sérieusement leur mutuel engagement en son nom et face à l'Église. Or, dans la foi, il est possible de prendre les biens du mariage comme des engagements plus soutenables au travers de l'aide de la grâce du sacrement. Dieu consacre l'amour des époux et en confirme l'indissolubilité, en leur offrant l'aide pour vivre la fidélité et pour s'ouvrir à la vie. Le regard de l'Église ne se tourne donc pas seulement vers le couple mais vers la famille.
16. Nous pouvons distinguer trois étapes fondamentales dans le dessein divin concernant la famille : la famille des origines, lorsque Dieu créateur institua le mariage primordial entre Adam et Éve, comme fondement solide de la famille : homme et femme Il les créa (cf. Gn 1, 24-31 ; 2, 4b) ; la famille historique blessée par le péché (cf. Gn 3) et la famille rachetée par le Christ (cf. Ep 5, 21-32), à l'image de la Sainte Trinité, mystère dont découle tout amour véritable. L'alliance conjugale, inaugurée avec la Création et révélée dans l'histoire entre Dieu et Israël, arrive à sa plénitude avec le Christ dans l'Église.
Le discernement des valeurs présentes dans les familles blessées et dans les situations irrégulières
17. Vu le principe de gradualité du plan salvifique divin, on se demande quelles possibilités sont données aux époux qui vivent l'échec de leur mariage ou comment il est possible de leur offrir l'aide du Christ au travers du ministère de l'Église. À ce propos, une clef herméneutique significative provient de l'enseignement du Concile Vatican II, qui, s'il affirme que « l'unique Église du Christ subsiste dans l'Église catholique », reconnaît également que « bien (que) des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique » (Lumen Gentium, 8).
18. Dans cette perspective, doivent tout d'abord être réaffirmées la valeur et la consistance propre du mariage naturel. Certains se demandent s'il est possible que la plénitude sacramentelle du mariage n'exclut pas la possibilité de reconnaître des éléments positifs également dans les formes imparfaites qui se trouvent en dehors de cette réalité nuptiale mais dans tous les cas ordonnées à celle-ci. La doctrine des degrés de communion, formulée par le Concile Vatican II, confirme la vision d'une manière articulée de participer au Mysterium Ecclesiae de la part des baptisés.
19. Dans cette même perspective, que nous pourrons qualifier d'inclusive, le Concile ouvre également l'horizon dans lequel s'apprécient les éléments positifs présents dans les autres religions (cf. Nostra Aetate, 2) et cultures, malgré leurs limites et leurs insuffisances (cf. Redemptoris Missio, 55). Du regard tourné vers la sagesse humaine présente en eux, en effet, l'Église apprend comment la famille est considérée universellement comme forme nécessaire et féconde de coexistence humaine. Dans ce sens, l'ordre de la Création, dans lequel la vision chrétienne de la famille est enracinée, se déploie au niveau historique dans les différentes expressions culturelles et géographiques.
20. Un discernement spirituel étant donc nécessaire en ce qui concerne les cohabitations et les mariages civils ainsi que pour ce qui est des divorcés « remariés », il appartient à l'Église de reconnaître ces semina Verbi répandus hors des frontières visibles et sacramentelles. En suivant le vaste regard du Christ, dont la lumière éclaire tout homme (cf. Jn 1, 9 ; cf. Gaudium et Spes, 22), l'Église se tourne avec respect vers ceux qui participent à sa vie de manière incomplète et imparfaite, appréciant plus les valeurs positives qu'ils conservent que leurs limites et leurs manquements.
Vérité et beauté de la famille et miséricorde
21. L'Évangile de la famille, alors qu'il resplendit grâce au témoignage de nombreuses familles qui vivent avec cohérence la fidélité au sacrement, produisant les fruits murs de la sainteté quotidienne authentique, nourrit également ces semina Verbi qui attendent encore de mûrir et doit soigner les arbres qui sont devenus secs et demandent à ne pas être négligés.
22. Dans ce sens, une nouvelle dimension de la pastorale familiale actuelle, consiste dans la prise en compte de la réalité des mariages civils et également, en faisant les différences nécessaires, des cohabitations. En effet, lorsque l'union atteint une stabilité notable au travers d'un lien public, est marquée par une affection profonde, par la responsabilité vis-à-vis des enfants, par une capacité à résister dans les épreuves, elle peut être considérée comme un bourgeon à accompagner dans son développement vers le sacrement du mariage. Très souvent, en revanche, la cohabitation ne s'établit pas en vue d'un futur mariage possible mais sans aucune intention d'établir un rapport institutionnel.
23. Conforme au regard miséricordieux de Jésus, l'Église doit accompagner avec attention et sollicitude ses enfants les plus fragiles, marqués par un amour blessé et perdu, redonnant confiance et espérance, comme la lumière du phare d'un port ou d'une torche placée au milieu d'un groupe de personnes peut illuminer ceux qui ont perdu la route ou se trouvent au milieu de la tempête.
III Partie
La discussion: les perspectives pastorales
Annoncer l’Évangile de la famille aujourd’hui, dans les différents contextes
24. Le dialogue synodal a permis de s’accorder sur les instances pastorales les plus urgentes à confier à la concrétisation des Églises locales, dans la communion cum Petro et sub Petro.
25. L’annonce de l’Évangile de la famille constitue une urgence pour la nouvelle évangélisation. L’Église doit la réaliser avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4,15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ. La vérité s’incarne dans la fragilité humaine non pas pour la condamner, mais pour la guérir.
26. Évangéliser est une responsabilité partagée par le peuple de Dieu tout entier, chacun selon son propre ministère et charisme. Sans le témoignage joyeux des époux et des familles, l’annonce, même si elle est correcte, risque de ne pas être comprise et de se noyer dans le flot de paroles qui caractérise notre société (cf. Novo millennio ineunte, 50). Les Pères synodaux ont à plusieurs reprises souligné que les familles catholiques sont appelées à être elles-mêmes les sujets actifs de toute la pastorale familiale.
27. Il est fondamental de mettre en exergue le primat de la grâce, et par conséquent, les possibilités que l’Esprit offre par le sacrement. Il s’agit de faire comprendre par l’expérience que l’Évangile de la famille est une joie qui «remplit le cœur et toute la vie», parce que dans le Christ nous sommes «libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement» (Evangelii gaudium, 1). À la lumière de la parabole du semeur (cf. Mt 13, 3), notre tâche consiste à coopérer aux semailles: le reste est l’œuvre de Dieu. Il ne faut pas oublier que l’Église qui prêche sur la famille est un signe de contradiction.
28. C’est pourquoi une conversion missionnaire est requise : il ne faut pas se limiter à une annonce purement théorique et détachée des problèmes réels des personnes. Il ne faut jamais oublier que la crise de la foi a comporté une crise du mariage et de la famille et, par conséquent, la transmission de la foi des parents aux enfants a été souvent interrompue. L’imposition de certaines perspectives culturelles qui affaiblissent la famille et le mariage n’ont pas d’incidence sur une foi solide.
29. La conversion doit être avant tout une conversion du langage pour qu’il soit effectivement significatif. L’annonce doit faire connaître par l’expérience que l’Évangile de la famille est la réponse aux attentes les plus profondes de la personne humaine: à sa dignité et à la pleine réalisation dans la réciprocité et dans la communion. Il ne s’agit pas seulement de présenter des règles, mais aussi de proposer des valeurs, en répondant ainsi à un besoin que l’on constate aujourd’hui dans les pays les plus sécularisés.
30. L’approfondissement biblico-théologique indispensable doit être accompagné par le dialogue, à tous les niveaux. Beaucoup ont insisté sur une approche plus positive des richesses contenues dans les différentes expériences religieuses, sans passer sous silence les difficultés. Dans les différents contextes culturels, il faut tout d’abord saisir les possibilités, puis, à la lumière de celles-ci, repousser les limites et les radicalisations.
31. Le mariage chrétien ne peut pas être considéré uniquement comme une tradition culturelle ou une exigence sociale, il faut que ce soit une décision vocationnelle assumée après une préparation adéquate et un discernement mûr, dans un parcour de foi. Il ne s’agit pas de poser des difficultés ou de compliquer les cycles de formation, mais d’aller en profondeur et ne pas se contenter de rencontres théoriques ou d’orientations générales.
32. D’un commun accord, il a été rappelé que, dans la perspective familiale, une conversion de la pratique pastorale dans son ensemble est nécessaire pour dépasser les optiques individualistes qui la caractérisent encore. C’est pourquoi on a insisté à plusieurs reprises sur le renouvellement de la formation des prêtres et des autres agents pastoraux, avec une implication plus grande des familles.
33. De même, a été souligné le besoin d’une évangélisation qui dénonce avec franchise les facteurs culturels, sociaux et économiques, par exemple la place excessive donnée à la logique du marché, qui empêchent une vie familiale authentique, entraînant la discrimination, la pauvreté, l’exclusion, la violence. C’est pourquoi il faut développer un dialogue et une coopération avec les structures sociales, et encourager et soutenir les laïcs qui s’engagent dans les domaines culturel et sociopolitique.
Guider les futurs époux sur le chemin de la préparation au mariage
34. La réalité sociale complexe et les défis que la famille est appelée à affronter aujourd’hui demandent un engagement plus grand de la communauté chrétienne pour la préparation des futurs époux au mariage. En ce qui concerne ce besoin, les Pères synodaux ont insisté d’un commun accord sur l’exigence d’une implication plus grande de la communauté tout entière, en privilégiant le témoignage des familles, ainsi que l’enracinement de la préparation au mariage dans le chemin d’initiation chrétienne, en soulignant le lien du mariage avec les autres sacrements. On a également mis en évidence le besoin de programmes spécifiques de préparation proche au mariage qui soient une véritable expérience de participation à la vie ecclésiale et qui approfondissent les différents aspects de la vie familiale.
Accompagner les premières années de la vie conjugale
35. Les premières années de mariage représentent une période vitale et délicate au cours de laquelle le couple devient plus conscient des défis et du sens du mariage. D’où l’exigence d’un accompagnement pastoral qui dépasse la célébration du sacrement. Dans cette pastorale, la présence de couples ayant de l’expérience s’avère de la plus haute importance. La paroisse est considérée comme le lieu idéal où les couples experts peuvent être à la disposition de ceux plus jeunes. Les couples doivent être encouragés à assumer une attitude fondamentale d’accueil du grand don que représentent les enfants. Il faut souligner l’importance de la spiritualité familiale et de la prière, en encourageant les couples à se réunir régulièrement pour promouvoir la croissance de la vie spirituelle et la solidarité dans les exigences concrètes de la vie. Les liturgies significatives, les pratiques dévotionnelles et les Eucharisties célébrées pour les familles ont été mentionnées comme étant vitales pour favoriser l’évangélisation à travers la famille.
Les aspects positifs dans les unions civiles et les concubinages
36. Une nouvelle sensibilité de la pastorale d’aujourd’hui consiste à comprendre la réalité positive des mariages civils et, compte tenu des différences, des concubinages. Il faut que dans la proposition ecclésiale, tout en présentant clairement l’idéal, nous indiquions aussi les éléments constructifs de ces situations qui ne correspondent plus ou pas encore à cet idéal.
37. On relève également, dans de nombreux pays, un “nombre croissant de couples qui vivent ensemble ad experimentum, sans aucun mariage, ni canonique ni civil” (Instrumentum Laboris, 81). En Afrique, cela se produit surtout dans le mariage traditionnel, contracté entre familles et souvent célébré par étapes. Face à ces situations, l’Église est appelée à être “toujours la maison ouverte du Père […] où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile” (Evangelii gaudium, 47) et à aller en aide à celui qui éprouve le besoin de reprendre son chemin de foi, même s’il n’est pas possible de célébrer un mariage canonique.
38. En Occident, le nombre de ceux qui, après avoir longtemps vécu ensemble, demandent de célébrer le mariage à l’église est aussi en croissance constante. Le simple concubinage est souvent choisi à cause de la mentalité générale, s’opposant aux institutions et aux engagements définitifs, mais aussi dans l’attente d’une sécurité existentielle (un emploi et un salaire fixes). Dans d’autres pays, les unions de fait sont très nombreuses, non pas par rejet des valeurs chrétiennes relatives à la famille et au mariage, mais surtout du fait que se marier est un luxe ; ainsi la misère matérielle pousse à vivre dans une union de fait. Dans ces unions aussi, on peut voir des valeurs familiales authentiques, ou du moins le désir de celles-ci. Il faut que l’accompagnement pastoral commence toujours par ces aspects positifs.
39. Toutes ces situations doivent être affrontées de manière constructive, en essayant de les transformer en opportunité de cheminer vers la plénitude du mariage et de la famille, à la lumière de l’Évangile. Il s’agit de les accueillir et de les accompagner avec patience et délicatesse. À cet effet, le témoignage attrayant de familles chrétiennes authentiques, comme sujets de l’évangélisation de la famille, est important.
Soigner les familles blessées (séparés, divorcés non remariés, divorcés remariés)
40. Au cours du Synode, le besoin de choix pastoraux courageux a été clairement ressenti. Confirmant avec force la fidélité à l’Évangile, les Pères synodaux ont perçu l’urgence de chemins pastoraux nouveaux, qui partent de la réalité effective des fragilités familiales, en reconnaissant que, le plus souvent, celles-ci sont “subies” plus que choisies en toute liberté. Il s’agit de situations différentes dues à des facteurs personnels comme culturels et socioéconomiques. Envisager des solutions uniques ou s’inspirant de la logique du “tout ou rien” n’est pas signe de sagesse. Le dialogue et la confrontation vécus au Synode devront se poursuivre dans les Églises locales, avec la participation des différentes composantes, de manière à ce que les perspectives qui se profilent puissent être menées à leur plein mûrissement par le travail de la prochaine Assemblée Générale Ordinaire. L’Esprit qui nous guide, et qui est constamment invoqué, permettra au peuple de Dieu de vivre la fidélité à l’Évangile de la famille comme une prise en charge miséricordieuse de toutes les situations de fragilité.
41. Toute famille blessée doit tout d’abord être écoutée avec respect et amour, en devenant son compagnon de route, comme le Christ avec les disciples sur le chemin d’Emmaüs. Pour ces situations, les paroles du Pape François sont particulièrement pertinentes: «L’Église devra initier ses membres – prêtres, personnes consacrées et laïcs – à cet “art de l’accompagnement”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3,5). Nous devons donner à notre chemin le rythme salutaire de la proximité, avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne» (Evangelii gaudium, 169).
42. Un tel discernement est indispensable pour les personnes séparées ou divorcées. Il faut notamment respecter la souffrance de ceux qui ont subi injustement la séparation ou le divorce. Pardonner l’injustice subie n’est pas facile, mais c’est un chemin que la grâce rend possible. De même, il faut toujours souligner qu’il est indispensable de prendre en charge, de manière loyale et constructive, les conséquences de la séparation ou du divorce sur les enfants: ils ne peuvent pas devenir un “objet” de dispute, et il faut chercher les meilleurs moyens pour qu’ils puissent surmonter le traumatisme de la scission familiale et grandir le plus possible dans la sérénité.
43. Plusieurs Pères ont souligné le besoin de rendre les procédures de reconnaissance des cas de nullité du mariage plus accessibles et allégées. Il a été notamment proposé de pouvoir se passer de l’obligation de la double sentence conforme; ouvrir une voie administrative sous la responsabilité de l’évêque diocésain; entamer un procès sommaire dans les cas de nullité notoire. Selon des propositions éminentes, il faudrait envisager la possibilité de considérer l’importance de la foi des futurs époux pour la validité du sacrement du mariage. Dans tous ces cas, il faut bien souligner qu’il s’agit d’établir la vérité sur la validité du lien.
44. Quant aux procès matrimoniaux, outre la préparation d’un nombre suffisant d’agents, clercs et laïcs, qui s’y consacrent prioritairement, la simplification de la procédure, demandée par un grand nombre, exige que l’on augmente la responsabilité de l’évêque diocésain, qui pourrait, dans son diocèse, charger un prêtre, préparé en bonne et due forme, de conseiller gratuitement les parties sur la validité de leur mariage.
45. Les personnes divorcées non remariées doivent être invitées à trouver dans l’Eucharistie la nourriture qui les soutient dans leur état. La communauté locale et les pasteurs doivent accompagner ces personnes avec sollicitude, surtout si elles ont des enfants ou vivent dans une situation de pauvreté grave.
46. Les situations des personnes divorcées remariées exigent aussi un discernement attentif et un accompagnement empreint de respect, évitant tout langage ou attitude qui les feraient sentir discriminées. Prendre soin de ces personnes ne représente pas pour la communauté chrétienne un affaiblissement de sa foi et de son témoignage de l’indissolubilité du mariage, au contraire, c’est par ces soins qu’elle exprime sa charité.
47. Quant à la possibilité d’accéder aux sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie, certains ont argumenté en faveur de la discipline actuelle en vertu de son fondement théologique, d’autres se sont exprimés en faveur d’une plus grande ouverture à des conditions bien précises, quand il s’agit de situations qui ne peuvent pas être dissoutes sans entraîner de nouvelles injustices et souffrances. Pour certains, il faudrait que l’éventuel accès aux sacrements soit précédé d’un chemin pénitentiel – sous la responsabilité de l’évêque diocésain –, et avec un engagement évident en faveur des enfants. Il s’agirait d’une situation non généralisée, fruit d’un discernement réalisé au cas pas cas, suivant une règle de gradualité, qui tienne compte de la distinction entre état de péché, état de grâce et circonstances atténuantes.
48. Suggérer de se limiter uniquement à la “communion spirituelle” pour un nombre non négligeable de Pères synodaux pose des questions: si la communion spirituelle est possible, pourquoi ne pas pouvoir accéder à celle sacramentelle? Un approfondissement théologique a été donc sollicité à partir des liens entre sacrement du mariage et Eucharistie par rapport à l’Église-sacrement. Il faut également approfondir la dimension morale de cette problématique, en écoutant et en éclairant la conscience des époux.
49. Les questions relatives aux mariages mixtes ont été souvent citées dans les interventions des Pères synodaux. La diversité de la discipline relative au mariage dans les Églises orthodoxes pose, dans certains contextes, des problèmes graves auxquels il faut donner des réponses adéquates en communion avec le Pape, ce qui est valable aussi pour les mariages interreligieux.
Accueillir les personnes homosexuelles
50. Les personnes homosexuelles ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne: sommes-nous en mesure d’accueillir ces personnes en leur garantissant un espace de fraternité dans nos communautés? Souvent elles souhaitent rencontrer une Église qui soit une maison accueillante. Nos communautés peuvent-elles l’être en acceptant et en évaluant leur orientation sexuelle, sans compromettre la doctrine catholique sur la famille et le mariage?
51. La question homosexuelle nous appelle à une réflexion sérieuse sur comment élaborer des chemins réalistes de croissance affective et de maturité humaine et évangélique en intégrant la dimension sexuelle: elle se présente donc comme un défi éducatif important. L’Église affirme, par ailleurs, que les unions entre des personnes du même sexe ne peuvent pas être assimilées au mariage entre un homme et une femme. Il n’est même pas acceptable que l’on veuille exercer des pressions sur l’attitude des pasteurs, ou que des organismes internationaux soumettent les aides financières à la condition d’introduire des lois s’inspirant de l’idéologie du gender.
52. Sans nier les problématiques morales liées aux unions homosexuelles, on prend acte qu’il existe des cas où le soutien réciproque jusqu’au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires. De plus, l’Église prête une attention spéciales aux enfants qui vivent avec des couples du même sexe, en insistant que les exigences et les droits des petits doivent toujours être au premier rang.
La transmission de la vie et le défi de la dénatalité
53. Il n’est pas difficile de constater la diffusion d’une mentalité qui réduit l’engendrement de la vie à une variable des projets individuels ou de couple. Les facteurs d’ordre économique exercent un poids parfois déterminant contribuant à la baisse importante de la natalité qui affaiblit le tissu social, compromet les relations entre les générations et rend plus incertain le regard vers l’avenir. L’ouverture à la vie est une exigence intrinsèque de l’amour conjugal.
54. Sans doute faut-il, dans ce domaine aussi, un langage réaliste, qui se base sur l’écoute des personnes et qui sache expliquer que la beauté et la vérité d’une ouverture sans réserve à la vie est ce dont l’amour humain a besoin pour être vécu en plénitude. C’est sur cette base que peut reposer un enseignement sur les méthodes naturelles, permettant aux époux de vivre leur communication de manière harmonieuse et consciente, dans toutes ses dimensions, avec la responsabilité d’engendrer. Dans cette optique, il faut redécouvrir le message de l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI, qui souligne le besoin de respecter la dignité de la personne dans l’évaluation morale des méthodes de contrôle des naissances.
55. Aussi faut-il aider à vivre l'affectivité, même dans le lien conjugal, comme un chemin de maturation, dans un accueil de plus en plus profond de l’autre et en se donnant de manière de plus en plus pleine. En ce sens, il faut insister sur le besoin d’offrir des chemins de formation qui alimentent la vie conjugale, et sur l’importance d’un laïcat qui offre un accompagnement fait de témoignage vivant. L’exemple d’un amour fidèle et profond, fait de tendresse, de respect, capable de croître dans le temps et qui vit, par son ouverture concrète à l’engendrement de la vie, l’expérience d’un mystère qui nous transcende, est sans aucun doute une grande aide.
Le défi de l’éducation et le rôle de la famille dans l’évangélisation
56. Le défi fondamental face auquel se trouvent les familles aujourd’hui est certainement le défi éducatif, rendu plus difficile et complexe par la réalité culturelle d’aujourd’hui. Il faut bien tenir compte des exigences et des attentes de familles capables d’offrir un témoignage dans la vie quotidienne, lieux de croissance, de transmission concrète et essentielle des vertus qui forgent l’existence.
57. L’Église peut jouer ce rôle précieux de soutien aux familles, à partir de l’initiation chrétienne, à travers des communautés accueillantes. Aujourd’hui encore plus qu’hier, dans des situations complexes comme dans les situations ordinaires, il lui est demandé de soutenir les parents dans leur tâche éducative, en accompagnant les enfants, les adolescents et les jeunes dans leur croissance, par des parcours personnalisés, pouvant les introduire au sens plein de la vie, et susciter des choix et des responsabilités, vécus à la lumière de l’Évangile.
Conclusion
58. Les réflexions proposées, fruit du dialogue synodal qui s’est déroulé en toute liberté et dans un mode d’écoute réciproque, entendent poser des questions et indiquer des perspectives que les Églises locales devront faire mûrir et préciser, par leur réflexion, durant l’année qui nous sépare de l’Assemblée Générale Ordinaire du Synode des évêques, prévue en octobre 2015. Il ne s’agit pas de décisions prises, ni de perspectives faciles. Cependant, le chemin collégial des évêques et la participation du peuple de Dieu tout entier, sous l’action du Saint-Esprit, pourront nous guider vers des voies de vérité et de miséricorde pour tous. Tel est le souhait que le Pape François a exprimé dès le début de nos travaux, en nous invitant au courage de la foi et à l’accueil humble et honnête de la vérité dans la charité.
[03037-01.01] [Testo originale: Italiano] [Traduction non officielle]
[B0751-XX.03]
Dixième Congrégation générale du Synode: Résumé non official des interventions des Délégués fraternels
Saint Père: présent
Pères synodaux: 168
Cette ultime session a été consacrée à l'audition des délégués des autres confessions chrétiennes. Le représentant du Patriarcat de Moscou, le Métropolite Hilarion de Volokolamsk, s'exprimera dans quelques jours.
Après avoir remercié le Pape de les avoir invité, les Délégués fraternels ont exposé leur conception et leur approche particulière de la question familiale.
Constatant l'identité des problèmes et des espérances placées dans l'institution familiale avec la vision catholique, ils ont affirmé le caractère fondamental de la famille pour la société, mais aussi pour la communion. Ses difficultés sont nombreuses: La crise économique, une pression médiatique qui réduit le dialogue au sein de la famille et propose même des modèles vantant l'adultère, les conflits et le phénomène migratoire, la globalisation, les épidémies (Sida et Ebola), le fondamentalisme islamique, toutes choses qui mettent en péril la famille.
Tous les chrétiens ont besoin de mieux ce préparer au mariage, mais aussi de réfléchir aux unions entre croyants et non croyants. Lorsque des divorcés remariés sont de nouveau admis au sein de l'Eglise, les divorcés remariés pourraient offrir de nouvelles espérances pour la vie familiale et par conséquent un bénéfice pour la société.
Il convient donc de mieux écouter les époux en crise et leur manifester miséricorde et compassion. Les Eglises veulent toutes être auprès de qui souffre, dans le respect de l'Ecriture et dans l'ouverture aux problèmes concrets. Si, loin de toute condamnation, cette compréhension doit aussi s'appliquer aux homosexuels, il faut réaffirmer que le mariage signifie l'union d'un homme et d'une femme. Il faut de même être particulièrement attentifs aux enfants nés dans des situations difficiles et à toutes les victimes de violence. La défense des plus vulnérables, enfants, femmes et personnes âgées, comme de tous ceux qui n'ont pas voix au chapitre, croyants ou non, est commune aux chrétiens.
Les Délégués fraternels ont ensuite rappelé le caractère central de l'annonce évangélique, la famille étant la première école de la foi, l'espace où on apprend à connaître et à diffuser la Bonne Nouvelle. Les chrétiens doivent donc partager la joie de l'Evangile, à laquelle le Pape François fait souvent référence.
Des différences d'approche se sont toutefois manifestées en matière de régulation des naissances, au nom de la liberté de conscience des personnes y compris au sein du mariage et dans le respect de l'amour. Pour l'orthodoxie, qui les admet même s'ils sont considérés une anomalie, les remariages sont conditionnés par un accompagnement préliminaire de l'Eglise qui tentent de réconcilier les époux.
Des délégués provenant du moyen Orient ont remercié le Pape pour la veillée de prière en faveur de la paix en Syrie du 7 septembre 2013. Ils ont rappelé le rôle évangélisateur qu'ont les familles chrétiennes de cette région dans un contexte largement musulman.
Les interventions se sont conclues par le voeu que ce synode extraordinaire porte des fruits, en vue notamment de l'assemblée ordinaire de l'an prochain.
[03034-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0745-XX.01]
*************
Neuvième Congrégation générale du Synode: Résumé non official des interventions des Auditeurs
Saint Père: présent
Pères synodaux: 185
Cette session a été réservée aux interventions de six couples et neuf autres Auditeurs individuels, presque tous laïcs engagés dans la pastorale familiale, la bioéthique ou l'écologie humaine. Représentant les divers continents, ils ont fournit des témoignages d'un apostolat familial du quotidien.
Il a été question des difficultés dans lesquelles vivent nombre de familles du proche et moyen Orient, en particulier en Irak, où les conflits ont de graves répercussions sur l'institution familiale, notamment par la perte de membres, tués ou émigrés à la recherche l'un pays d'accueil. Elles sont privées d'avenir avec des jeunes soustraits à la scolarisation et des anciens abandonnés. La famille chrétienne de la région est profondément ébranlée, et cette fragilisation a des effets négatifs sur la cohésion sociale et nationale. Face à cette situation, l'Eglise se présente comme un port sûr, la famille des familles, qui réconforte et offre de l'espérance. Il faut donc préparer les couples à être des propagateurs de paix et de réconciliation.
Les Auditeurs ont également insisté sur la nécessité de mieux écouter les laïcs dans la recherche de solution aux problèmes de la famille, en particulier pour ce qui est de l'intimité des couples. Il doit donc y avoir synergie entre mondes académique et pastoral afin de disposer d'agents connaissant la famille et sachant traiter de sa problématique selon une solide vision anthropologique catholique.
Ils ont ensuite insisté sur la nécessité d'accroître le dialogue Eglise Etat, y compris par le biais d'une implication des fidèles qui, loin de toute ambition personnelle, sachent défendre efficacement les droits de la famille et la vie, et par là favoriser un état à visage humain.
Il a ensuite été question de mieux former le clergé aux thématiques familiales, de manière à ce qu'ils puissent traiter correctement de l'amour conjugal. Si la planification naturelle de la famille est bien expliquée, la vie du couple en est renforcée. Les homélies doivent aussi être bien préparées afin de renforcer la participation des fidèles à la messe.
On a ensuite évoqué l'importance du témoignage, rappelant que les jeunes n'ont pas tant besoin de théories que de bien comprendre le caractère central de la famille démontré par des familles crédibles et évangélisatrices. Les couples doivent donc être accompagnés par une pastorale du suivi matrimonial.
Les Auditeurs ont également parlé des souffrances de qui perd un membre de sa famille, les veufs et veuves, les orphelins et les parents ayant perdu un enfant. L'accompagnement de l'Eglise est fondamental, au moyen de groupes d'écoute et de partage, afin qu'ils résistent face au désert des sentiments et demeurent solidement attachés à la foi.
D'où l'importance d'une écologie humaine en mesure de combattre les effets négatifs d'une globalisation porteuse de modèles contraires à la doctrine catholique. Toutes les formes de violence domestique ont été dénoncés, principalement commises sur les femmes, souvent de la part de jeunes.
Il faut donc communiquer au sein de la famille. Le dialogue entre époux, leur souci commun de l'éducation et la prière en famille rendent fortes les familles.
[03033-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0744-XX.02]
*(Document de synthèse)
(http://bit.ly/1vXNfWS)
[↩]
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Vendredi 17 Octobre
Le Cardinal Schönborn : « Avoir avant tout un regard positif »
(RV) Les carrefours linguistiques ont terminé leurs travaux ce jeudi matin et les pères synodaux se sont retrouvés dans la foulée, en compagnie du Pape François en congrégation générale pour mettre au point les textes adoptés en commission. Un long travail d’écriture a débuté et s’achèvera ce vendredi.
Avant cette étape qui portera vers la rédaction de la relatio définitive et conclusive de ce synode extraordinaire sur les défis pastoraux de la famille, le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne et président de la conférence épiscopale d’Autriche, est revenu lors de la conférence de presse quotidienne au sein de la Salle de presse du Saint-Siège sur la valeur des textes discutés et qui vont faire l’objet d’une synthèse.
Le co-président du groupe de travail anglophone au Synode revient sur les enjeux de fond de ce dernier.
Après la publication lundi d’un rapport d’étape peu satisfaisant, de nombreux Pères synodaux ont travaillé à l’améliorer pour que le texte final, qui sera voté (ou non) samedi 18 octobre donne une vision juste de la pensée de l’Église sur la famille. Parmi eux, le cardinal Edmund Burke, préfet du Tribunal suprême de la signature apostolique – et surtout co-président du groupe de travail anglophone au Synode – revient sur ce processus synodal et sur les enjeux de fond sous-jacents.
Comment les cercles mineurs se sont-ils approprié larelatio post disceptationem après la polémique du début de semaine ? Faut-il s’attendre à de profonds changements de la relatio ?
Il y a eu une réaction forte contre le texte de lundi matin. Quasiment tous les cercles mineurs ont exprimé des objections fondamentales et proposé des révisions substantielles. Les pères synodaux ont demandé une plus forte référence à l’écriture sainte et au riche magistère de l’Église sur la famille.
Ils ont regretté l’absence de référence à la loi naturelle et ont jugé inacceptables les affirmations sur les rapports sexuels hors mariage et entre personnes de même sexe. L’accès des divorcés remariés à la sainte communion a été rejeté par plusieurs cercles mineurs.
Le message envoyé est fort : le texte doit être radicalement changé. Samedi matin, j’attends de la relatio synodi qu’elle soit très différente de la relatio post disceptationem.
La relatio synodi est présentée et discutée samedi matin, avant d’être votée dans l’après-midi. Un rejet est-il envisageable ?
C’est très possible. Si les membres de la commission chargée d’écrire la relatio synodi ne prennent pas en compte l’approche rectifiée sortie des cercles mineurs, le texte ne sera pas approuvé.
L’Église doit annoncer la vérité avec charité, car la vérité est l’unique voie pour trouver la félicité et le Salut.
Sur certaines questions, comme celle relative à l'admission des divorcés à l'eucharistie ou celle concernantl’homosexualité, peut-on maintenir l’enseignement tout en ayant une attitude miséricordieuse ?
Certainement. L’Église adresse son enseignement au monde avec tout le respect dû à la personne, mais en indiquant en même temps le besoin de la conversion des comportements peccamineux.
L’Église doit annoncer la vérité avec charité, car la vérité est l’unique voie pour trouver la félicité et le Salut.
Dans les débats qui animent le synode, percevez-vous, comme l’affirment certains observateurs, une volonté de s’éloigner de l’enseignement de Benoît XVI sur le danger du relativisme et de l’héritage de Jean-Paul II sur le mariage ?
Je partage cette même impression, et cela me préoccupe beaucoup. Le texte de lundi ne cite pratiquement pas l’exhortation apostolique Familiaris consortio de Jean-Paul II. Et le riche magistère de Benoît XVI sur le relativisme n’y apparaît même pas ! La relatio post disceptationem donne le sentiment que l’Église n’a rien fait de valable par le passé, et que tout est à recommencer de zéro.
On justifie cette herméneutique de la discontinuité ou de la rupture au prétexte que le monde a totalement changé. Un cardinal a même affirmé que Familiaris consortio n’était plus valable, car l’exhortation a été écrite il y a trente ans. C’est absurde.
Des commentateurs pensent que le processus synodal vise à atteindre un seul objectif : permettre aux divorcés remariés d’accéder à la communion eucharistique. Tout est-il écrit d’avance ?
Durant le synode, j’ai eu l’impression que les textes étaient déjà préparés, les conclusions déjà faites, et que les Pères synodaux n’avaient plus qu’à donner leur validation. Mais ils s’en sont aperçus et ont réagi.
Jeudi par exemple, le secrétaire général du Synode a demandé que les conclusions des cercles mineurs ne soient pas publiées. Mais nous avons insisté pour qu’elles le soient, car le monde écoute et doit savoir ce que pensent les Pères du synode.
Antoine Pasquier (à Rome)
Au terme des travaux du Synode des évêques sur la famille en petits groupes linguistiques, Mgr André-Joseph Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles (Belgique), rappelle que « tout l’art de la pastorale » est de « relier » charité et vérité. Aux yeux du prélat belge, rapporteur de l’un des deux groupes francophones, la « discipline actuelle » de l’Église sur les questions familiales doit être vécue et enseignée de façon« beaucoup plus chaleureuse qu’un simple "niet" ». Interpellé parI.MEDIA et Famille Chrétienne, Mgr Léonard se montre confiant quant à l’avancée de la réflexion et assure qu’il ne croit pas à d’éventuelles « dérives ».
Comment se sont déroulés les travaux en petits groupes ?
Dans mon groupe, tout s’est passé très fraternellement, même lorsque il y avait des désaccords sur l’un ou l’autre point, cela se réglait à l’amiable. Je rédigeais les propositions d’amendements ; si quelque chose ne plaisait pas, je modifiais, en tenant compte de l’avis de chacun, sur le modèle du compromis « à la belge ». Cela s’est donc bien passé, mais je mets quand même un petit bémol, car l’actualité nous a contraints à accorder plus de temps que nous ne l’eussions souhaité à certains thèmes, relevés avec insistance dans la presse, alors que nous aurions préféré développer positivement d’autres choses et faire des amendements sur d’autres chapitres. Le temps étant extrêmement limité, il a fallu se concentrer sur les sujets qui fâchent à la suite de la diffusion tout à fait normale et légitime du document intermédiaire. C’est un instrument de travail et certaines expressions donnaient lieu à des interprétations qui n’étaient pas approuvées par la majorité des pères synodaux.
Pas de changement de doctrine, mais quelle évolution de l’enseignement pastoral de l’Église ?
Il faut insister sur l’accompagnement. Sur la question de l’accès aux sacrements des couples divorcés remariés, il ne faut pas les laisser sur un slogan « Interdit de communier »mais les aider à comprendre l’importance, par exemple, de lacommunion spirituelle. La grâce va au-delà de la communion sacramentelle. Le Seigneur serait-il prisonnier de ses sacrements ? De manière générale, beaucoup sont attachés à la discipline en vigueur dans l’Église mais souhaitent des interprétations de la doctrine dans le sens d’une vision plus positive. On peut vivre la discipline actuelle, étroitement liée aux aspects doctrinaux, de façon beaucoup plus chaleureuse qu’un simple « niet ». La miséricorde de Dieu ne peut pas justifier tous les états de vie comme s’ils étaient équivalents, mais elle rejoint chacun.
Pensez-vous que le synode se soit trop focalisé sur certains sujets au détriment d’autres ?
La place prise par certains sujets a été démesurée. D’autres questions auraient dû être traitées prioritairement. Quelques-unes l’ont été dans les cercles mineurs. Ainsi, certains ont proposé une lecture plus positive d’Humanae vitae, non pas pour en diminuer l’impact mais pour mieux faire comprendre cette encyclique. Nous voyons, cinquante ans après sa publication par Paul VI, comment la déconnexion entre procréation et sexualité est pleine de risques. Le cœur de l’encyclique ne formule pas d’abord un interdit, mais rappelle le lien entre l’union spirituelle et charnelle des époux et l’ouverture au don de la vie. Mais on aurait également pu s’attarder davantage sur la nécessité du développement de lapréparation au mariage. Beaucoup s’engagent avec une conscience très faible de ce que cela signifie. L’Église porte en cela une grande responsabilité. Un autre point important, c’est le « service après-vente », c’est-à-dire l’accompagnement des époux après le mariage.
Le lien entre charité et vérité a été une des questions soulevées par le synode. La charité découle-t-elle de la vérité ou devance-t-elle la vérité ?
Je privilégierais la seconde attitude. On ne peut pas arriver vers les personnes en commençant par leur exposer ce que dit l’Église. Il faut d’abord être proche. Même dans nos rapports quotidiens, nous ne pouvons dire une vérité difficile à une autre personne que si un climat pour la rencontre a été instauré. Pastoralement, c’est aussi comme cela qu’il faut procéder. Rencontrer les gens, leur donner des occasions de dialogue, d’écoute mutuelle puis, ensuite, leur dire les choses exigeantes. La vérité sans la charité peut parfois tuer, la charité sans la vérité conduit à l’erreur. Tout l’art de la pastorale est de relier les deux. Mais s’il faut donner un ordre de priorité dans la démarche, je pense qu’il convient de commencer par la charité qui ouvre le cœur pour semer dans ce cœur une parole, même très exigeante.
Des catholiques fidèles à l’enseignement de l’Église sont inquiets de l’issue de ce synode. Ils craignent qu’une brèche soit ouverte. Que leur diriez-vous ?
Je ne crains pas trop cela. En fréquentant les quelque deux cent confrères du synode, je suis frappé par le bon sens, la piété et la solidité dans leur foi. Je ne pense pas que l’on s’achemine vers des dérives. Le sensus fidei va prévaloir. En Occident, les évêques ont très peur de décourager les personnes en manquant d’ouverture. Dans d’autres épiscopats, comme en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud, on affirme au contraire que c’est rendre service aux fidèles que de tenir un langage clair. Un des enjeux principaux du synode est de tenir ensemble amour et vérité, avoir une proximité pastorale et en même temps une rectitude et une fidélité sur le plan doctrinal. Tous les pères synodaux veulent cela, avec des dièses ou des bémols. Je crois que l’unité se fera.
Marie Malzac (I.MEDIA) et Antoine Pasquier
Comment se sont déroulés les travaux en petits groupes ?
Dans mon groupe, tout s’est passé très fraternellement, même lorsque il y avait des désaccords sur l’un ou l’autre point, cela se réglait à l’amiable. Je rédigeais les propositions d’amendements ; si quelque chose ne plaisait pas, je modifiais, en tenant compte de l’avis de chacun, sur le modèle du compromis « à la belge ». Cela s’est donc bien passé, mais je mets quand même un petit bémol, car l’actualité nous a contraints à accorder plus de temps que nous ne l’eussions souhaité à certains thèmes, relevés avec insistance dans la presse, alors que nous aurions préféré développer positivement d’autres choses et faire des amendements sur d’autres chapitres. Le temps étant extrêmement limité, il a fallu se concentrer sur les sujets qui fâchent à la suite de la diffusion tout à fait normale et légitime du document intermédiaire. C’est un instrument de travail et certaines expressions donnaient lieu à des interprétations qui n’étaient pas approuvées par la majorité des pères synodaux.
Pas de changement de doctrine, mais quelle évolution de l’enseignement pastoral de l’Église ?
Il faut insister sur l’accompagnement. Sur la question de l’accès aux sacrements des couples divorcés remariés, il ne faut pas les laisser sur un slogan « Interdit de communier »mais les aider à comprendre l’importance, par exemple, de lacommunion spirituelle. La grâce va au-delà de la communion sacramentelle. Le Seigneur serait-il prisonnier de ses sacrements ? De manière générale, beaucoup sont attachés à la discipline en vigueur dans l’Église mais souhaitent des interprétations de la doctrine dans le sens d’une vision plus positive. On peut vivre la discipline actuelle, étroitement liée aux aspects doctrinaux, de façon beaucoup plus chaleureuse qu’un simple « niet ». La miséricorde de Dieu ne peut pas justifier tous les états de vie comme s’ils étaient équivalents, mais elle rejoint chacun.
Pensez-vous que le synode se soit trop focalisé sur certains sujets au détriment d’autres ?
La place prise par certains sujets a été démesurée. D’autres questions auraient dû être traitées prioritairement. Quelques-unes l’ont été dans les cercles mineurs. Ainsi, certains ont proposé une lecture plus positive d’Humanae vitae, non pas pour en diminuer l’impact mais pour mieux faire comprendre cette encyclique. Nous voyons, cinquante ans après sa publication par Paul VI, comment la déconnexion entre procréation et sexualité est pleine de risques. Le cœur de l’encyclique ne formule pas d’abord un interdit, mais rappelle le lien entre l’union spirituelle et charnelle des époux et l’ouverture au don de la vie. Mais on aurait également pu s’attarder davantage sur la nécessité du développement de lapréparation au mariage. Beaucoup s’engagent avec une conscience très faible de ce que cela signifie. L’Église porte en cela une grande responsabilité. Un autre point important, c’est le « service après-vente », c’est-à-dire l’accompagnement des époux après le mariage.
Le lien entre charité et vérité a été une des questions soulevées par le synode. La charité découle-t-elle de la vérité ou devance-t-elle la vérité ?
Je privilégierais la seconde attitude. On ne peut pas arriver vers les personnes en commençant par leur exposer ce que dit l’Église. Il faut d’abord être proche. Même dans nos rapports quotidiens, nous ne pouvons dire une vérité difficile à une autre personne que si un climat pour la rencontre a été instauré. Pastoralement, c’est aussi comme cela qu’il faut procéder. Rencontrer les gens, leur donner des occasions de dialogue, d’écoute mutuelle puis, ensuite, leur dire les choses exigeantes. La vérité sans la charité peut parfois tuer, la charité sans la vérité conduit à l’erreur. Tout l’art de la pastorale est de relier les deux. Mais s’il faut donner un ordre de priorité dans la démarche, je pense qu’il convient de commencer par la charité qui ouvre le cœur pour semer dans ce cœur une parole, même très exigeante.
Des catholiques fidèles à l’enseignement de l’Église sont inquiets de l’issue de ce synode. Ils craignent qu’une brèche soit ouverte. Que leur diriez-vous ?
Je ne crains pas trop cela. En fréquentant les quelque deux cent confrères du synode, je suis frappé par le bon sens, la piété et la solidité dans leur foi. Je ne pense pas que l’on s’achemine vers des dérives. Le sensus fidei va prévaloir. En Occident, les évêques ont très peur de décourager les personnes en manquant d’ouverture. Dans d’autres épiscopats, comme en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud, on affirme au contraire que c’est rendre service aux fidèles que de tenir un langage clair. Un des enjeux principaux du synode est de tenir ensemble amour et vérité, avoir une proximité pastorale et en même temps une rectitude et une fidélité sur le plan doctrinal. Tous les pères synodaux veulent cela, avec des dièses ou des bémols. Je crois que l’unité se fera.
Marie Malzac (I.MEDIA) et Antoine Pasquier
Psychanalyste et consulteur pour le Conseil pontifical pour la famille, Mgr Tony Anatrella participe aux travaux du synode sur la famille au titre d’expert.
La relatio post disceptationem a été mal accueillie lundi par les pères du synode. Que lui reprochaient-ils ?
Il y a un fil rouge dans ce texte qui invite à constater le positif qui existerait dans toutes les situations : mariage civil, homosexualité, concubinage… dans la mesure où, comme on le laisse entendre, ce serait un point de passage pour aller à la rencontre du Christ. Mais le texte ne nous dit pas quels sont ces points positifs à découvrir et personne ne l’a d’ailleurs dit lors des congrégations générales. En même temps, la relatio donne le sentiment de valoriser ce qui ne peut pas être reconnu par l’Église. Lorsqu’elle évoque ces situations, l’Église parle bien de situations irrégulières. Des gens qui sont mariés uniquement civilement ou qui vivent dans le concubinage, voire qui pratiquent l’homosexualité, sont dans une situation irrégulière vis-à-vis de l’Église à laquelle ils veulent appartenir. Si l’on désire vivre en chrétien, encore faut-il assumer toutes les conséquences, à la fois anthropologiques et morales, de la foi catholique pour avoir accès aux sacrements.
Au final, le texte a été perçu comme affichant une certaine complaisance à l’égard de ces situations – ce qui est une façon d’enfermer les personnes dans ces types de relations –, tout en envoyant un contre-message aux familles chrétiennes et aux jeunes.
Si l’on désire vivre en chrétien, encore faut-il assumer toutes les conséquences, à la fois anthropologiques et morales, de la foi catholique pour avoir accès aux sacrements.
Comment expliquer que l’on soit arrivé à ce document ?
La manière dont il a été rédigé est sans doute partie d’une bonne intention des rédacteurs de, non pas changer la doctrine – un synode ne peut pas la modifier, et pas davantage le pape –, mais d’envoyer un message positif à la société : « Nous tenons à prendre en compte ce que vous vivez, en revanche nous aimerions vous proposer autre chose ».
Mais la proposition de cet autre projet de vie conjugale et familiale n’a pas été soulignée. La relatio s’est donc réduite à lister toutes sortes d’unions de fait examinées avec bienveillance, pour ne pas dire avec compassion, au risque de les valider. Le message positif que l’on voulait envoyer au monde n’a pas été suffisamment pédagogique et a donc été contre-productif. Autrement dit, c’est la qualité des personnes qu’il convient de souligner et de respecter et non pas les enfermer dans des situations qui ne peuvent pas être valorisées. Il manquait donc à ce texte cette distinction et ce discernement. En même temps, ce texte s’inscrit dans un processus synodal qui n’appelle, pour l’instant, aucune décision.
Qu’est ce qui est ressorti des conclusions des cercles mineurs, présentées en assemblée jeudi matin ?
La relatio a été articulée autour d’une logique qui n’a pas plu aux pères synodaux : « voir », « juger », « agir », selon les catégories d’une époque. Les pères synodaux suggèrent plutôt de partir de l’Écriture et de l’enseignement pour rappeler comment l’Église conçoit la vie de couple, la famille et le mariage. Et ainsi montrer la beauté du mariage et la force qu’il représente pour permettre aux gens de s’inscrire dans la durée.
Les pères ont souhaité se resituer dans un face-à-face avec Dieu plutôt que dans un face-à-face avec l’Homme. Qu’est-ce que Dieu nous dit de notre condition ? À partir de cet éclairage, qu’est-ce que nous comprenons de ce que vivent les hommes et les femmes de notre temps ? Et, dans la mesure où il y a un décalage, comment rejoindre ces personnes ? D’autant plus que Dieu, en créant l’homme et la femme, a également créé le mariage, qui est la façon privilégiée d’être dans un lien indissoluble où l’un révèle l’autre à lui-même et de s’inscrire dans une histoire, un corps conjugal et dans une transmission. Ces réalités sont en train d’être dissociées.
Les pères ont souhaité se resituer dans un face-à-face avec Dieu plutôt que dans un face-à-face avec l’Homme.
Les pères du Synode ont-ils voulu insister sur des points plus particuliers ?
Outre leur désir de rappeler l’unicité et l’indissolubilité du mariage, les pères du Synode ont aussi voulu souligner combien le sacrement du mariage était en lien avec le baptême et avec l’eucharistie. Dans les traditions anciennes, ceux qui étaient baptisés à l’âge adulte n’avaient pas besoin de recevoir le sacrement de mariage, car leur baptême représentait leurs épousailles avec le Christ. Dans le baptême, ils étaient unis à l’Église et au Christ dans un lien sponsal. Le mariage est un prolongement et un accomplissement du baptême. Les deux sont indissolubles.
Cela explique aussi le rapport à l’Eucharistie qui nourrit la vie du baptisé et qui célèbre les noces du Christ avec son église, et donc les noces des époux. L’Eucharistie entretient la foi des époux et leur relation conjugale. Il en va de même de l’expression intime entre les époux, que Jean-Paul II appelle « le sacrement du corps ». Il existe un lien fort entre l’amour sponsal eucharistique et l’amour sponsal des époux. Cette dimension profonde et indissoluble du mariage devrait être mieux expliquée dans la préparation au mariage. Les prêtres aussi devraient davantage parler du mariage et de la famille lors de leurs homélies.
Comment ont réagi les pères synodaux sur le passage de la relatio concernant l’homosexualité ?
Ce qui a été dit sur l’homosexualité a été refusé, car le sujet ne faisait absolument pas consensus. Sur 265 communications, il n’a été évoqué une seule fois par un père. Certains ont demandé de supprimer ces passages, d’autres les ont reformulés en rappelant l’enseignement de l’Église.
Sur la question de l’homosexualité, il a été demandé de changement de langage. L’expression « intrinsèquement désordonnée » a été montrée du doigt. Est-ce une bonne chose ?
Il a été question de changer de langage, mais nous tombons là dans la mentalité induite par l’idéologie du genre. Tout comme cette idéologie est en train de redéfinir les réalités sexuelles en termes d’« orientations sexuelles », et non plus en terme des deux seules identités sexuelles qui existent, l’Église est, elle aussi, incitée à changer de vocabulaire. Mais la plupart des pères s’y opposent, car changer de langage reviendrait à mal nommer la réalité des choses et à rejoindre le conformisme actuel.
Quelle attitude pastorale l’Église doit-elle adopter vis-à-vis des personnes homosexuelles ?
L’Église, à l’image du Christ, a toujours voulu accueillir les personnes quelle que soit leur condition. Le Catéchisme de l’Église catholique le dit : « les personnes homosexuelles doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse ». Elles doivent donc être reçues dans l’estime de leur dignité, mais dans la mesure où elles se disent prêtes à se convertir au Christ et à être en cohérence, pour le baptisé, avec la foi chrétienne.
L’Église, à l’image du Christ, a toujours voulu accueillir les personnes quelle que soit leur condition.
Dans cette demande légitime d’être mieux accueillie, les personnes de même sexe ne cherchent-elles pas aussi à ce que l’Église reconnaisse leur orientation, voire leur union ?
Dans ce type de situation, l’Église, à travers la relation pastorale du prêtre, accueille une personne, mais pas un duo impliqué dans cette relation. Tout simplement parce qu’il ne s’agit pas d’un couple puisque seul un homme et une femme forment un couple. Sous l’influence de groupes particuliers, la société a tendance à élargir des notions qui appartiennent uniquement au vocabulaire pour désigner la conjugalité qui existe entre un homme et une femme, et qui n’est pas applicable à l’homosexualité. L’accueil et l’accompagnement porteront donc sur une personne.
La notion d’accueil est piégée. Quand l’Église parle d’accueil, elle parle d’un accueil ouvert et disponible pour entendre la personne, lui manifester de la sollicitude et, dans la mesure où elle est intéressée, lui présenter qu’elle est l’attente de Dieu à son égard pour être sauvée. Mais pour certaines personnes homosexuelles, cette notion d’accueil est reçue comme une volonté, non pas de disponibilité à leur égard, mais comme une nécessaire reconnaissance et une valorisation de leur orientation sexuelle. Une chose est d’accepter et d’accompagner une personne, une autre est de valider une forme de sexualité.
Les pères ont regretté d’autres abus de langage de la relatio. On ne peut pas davantage parler de famille ; c’est du vol de langage car deux personnes de même sexe ne peuvent pas engendrer. On ne conçoit pas un autre avec du même et du semblable, mais dans l’altérité de la différence sexuelle qui est la mère de toutes les altérités. Les pères, enfin, ont redit que le contexte homosexuel n’était pas le meilleur pour éduquer les enfants. Bien au contraire.
Les cercles mineurs ont donc fortement amendé la relatio post disceptationem. Faut-il s’attendre à un texte fort différent samedi ?
C’est ce qu’espèrent les pères. Elle va être retravaillée, et soumise dès vendredi aux pères synodaux. Elle sera ensuite votée, ou pas, samedi. Les pères sont déterminés à ne pas voter n’importe quel texte.
Les pères sont déterminés à ne pas voter n’importe quel texte.
Antoine Pasquier (à Rome)
******************** 16 Octobre 2014 *********************
Jeudi 16 Octobre
Douzième Congrégation générale du Synode: Résumé non official
La douzième Congrégation générale, qui s'est tenue ce matin en présence du Saint-Père, a vu la présentation des rapports des dixCirculi Minores: trois en anglais, deux en espagnol, deux en français, trois en italien. Ces textes proposent une évaluation de laRelatio post disceptationem (RDP), document provisoire de mi-parcours synodal, ainsi que propositions pour la Relatio Synodi (RS), document final définitif.
Bien qu'elle ait été légitime, on a mis en doute l'opportunité de publier la RDP car ce document de travail ne présente pas l'opinion partagée par les pères synodaux. Saluant les efforts déployés comme le contenu de ce textes, les groupes linguistiques ont exposé leurs suggestions.
On a d'abord souligné que la RDP regroupait les préoccupations des familles en crise, sans toucher plus largement au message de l'Evangile de la famille, au fait que la mariage est un sacrement d'union indissoluble entre un homme et une femme, et que de très nombreux couples y croient toujours. C'est pourquoi la RS devra contenir un fort encouragement et soutien de l'Eglise à l'institution familiale.
Dans ce sens il est essentiel de mieux exposer la doctrine du mariage comme don de Dieu. On a suggéré d'inclure dans la RS des éléments qui ne figurent pas dans la RDP comme l'adoption, pour lesquelles il faut simplifier les procédures, ou la biotechnologie, comme la diffusion de la culture sur le web pour aider la vie de la famille, ainsi qu'une note sur l'importance de politiques en faveur de la famille.
Il convient aussi d'être plus attentifs à la présence des personnes âgées au sein de la famille, aux familles prolongées dans la pauvreté extrême, à la question prostitution, à celle des mutilations génitales féminines, l'exploitation sexuelle des enfants et le travail infantile. Insister sur son rôle de transmission de la foi et d'évangélisation permettra de souligner aussi la vocation missionnaire de la famille, tout en exprimant de manière globale et équilibrée ce qu'est la famille chrétienne.
Quant aux situations difficiles, les Circuli ont rappelé que l'Eglise doit être un espace de compréhension pour tous, de manière à ce que personne ne se sente exclu. Pour éviter toute confusion, des approximations comme des euphémismes, il faut être très clairs sur la loi de gradualité qui ne doit pas devenir gradualité de la loi. Certains se sont dits perplexes du rapprochement fait avec la paragraphe 8 de Lumen Gentium car il risque de faire croire à une volonté de l'Eglise de légitime les situations familiales irrégulières, même si celles-ci peuvent être un étape vers le sacrement matrimonial. D'autres ont exprimé le voeu d'approfondir le concept de communion spirituelle, en vue de le préciser et de le diffuser.
Pour ce qui est de l'accès des divorcés remariés à la communion, on souhaite que la doctrine demeure ce qu'elle est tout en envisageant des exceptions dans une perspective de compassion et de miséricorde. Ceci, à des conditions précises. Il faudrait soumettre la question à une commission inter-disciplinaire. Il faudrait également être plus attentifs aux divorcés non remariés, qui sont souvent des témoins héroïques de la fidélité conjugale. Les procédures de reconnaissance de la nullité ou de la validité doivent être accélérées. Et il faut que les enfants soient considérés non comme une charge mais comme un don de Dieu, fruits de l'amour conjugal.
On a recommandé une meilleure orientation christocentrique du mariage, et un plus solide rapprochement entre sacrement du baptême et sacrement du mariage, car pour inviter l'homme à la conversion il faut que la vision du monde passe par l'Evangile.
Sans qu'on puisse définir mariage l'union homosexuelle, les personnes impliquées doivent être suivis pastoralement et leur dignité respectée. Il ne doit pas être question d'une approbation de l'Eglise à leur mode de vie. Quant à la polygamie et en particulier dans le cas de convertis désirant recevoir les sacrements, il convient de conduire une étude approfondie.
Les Circuli Minores ont enfin conseillé de plus insister sur Marie et la Sainte Famille comme modèles familiaux. La Relatio Synodi sera en tout cas le document préparatoire aux assises synodales d'octobre 2015.
[03043-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0764-XX.02]
Relatio - Circulus Gallicus "A"
Moderator: Em.mo Card. Robert SARAH
Relator: S.E. Mons. François-Xavier DUMORTIER, S.J
Je voudrais présenter ce rapport en cinq moments:
- quelques considérations générales;
- à propos de la première partie de la Relatio post Disceptationem;
- à propos de la deuxième partie;
- à propos de la troisième partie;
- quelques réflexions en conclusion.
1. Quelques considérations générales.
Je pense pouvoir dire, au nom de tous ceux et celles qui ont participé à ce Circulus, qu’a été très apprécié le caractère ouvert, simple, fraternel de rencontres vécues dans la simplicité, avec un fort sens de notre responsabilité, et dans la confiance mutuelle. Cela nous a permis un travail intense puisque nous ne nous sommes pas limités à écrire des amendements mais nous avons proposé en plusieurs endroits clés du texte une nouvelle formulation.
Je pense devoir exprimer aussi l’émotion et le désarroi qu’a provoqués la diffusion d’un document que nous considérions comme un simple- bien que très utile - document de travail, donc provisoire. Ce que nous avons vécu, à savoir la dimension contre-productive de cette diffusion, nous semble devoir conduire à évaluer avec soin les causes et les conséquences d’un événement qui, en semant perplexités et questions, n’a pas aidé la réflexion.
Nous avons fait l’expérience de la pluralité et de la diversité des situations ecclésiales. Toutes les Eglises locales ne sont pas également ni de la même manière concernées ni touchées par les problèmes soulevés. Davantage conscients de cette réalité, nous souhaitons qu’une certaine autonomie soit laissée aux Eglises locales dans la recherche de réponses aux préoccupations pastorales qui sont les leurs.
Enfin, nous avons constaté dans nos travaux l’importance d’une réelle vigilance et rigueur dans l’emploi des mots que nous utilisons- ainsi des termes de couple, de mariage, d’individu ou de personne.
2. A propos de la première partie de la Relatio.
Il nous a semblé important de considérer les lumières et les ombres des réalités conjugales et familiales dans le contexte de nos sociétés et du monde actuel en épousant le regard du Christ sur les hommes: les défis à affronter et à vivre peuvent alors se vivre, selon la tradition de l’Eglise, avec une attitude d’accueil, de compréhension et de compassion. Cela nous a conduits à insister, au -delà de la pauvreté, sur la misère déshumanisante qui est une des causes majeures de la précarisation et de la destruction des familles, sur les "périphéries de misère qui entourent beaucoup de grandes métropoles…les situations de violence et de guerre et leurs conséquences". Nous avons aussi désiré affirmer que la vie affective se développe, se structure et se réalise de façon privilégiée dans le cadre de la vie familiale. A cet égard, nous avons pensé important de mettre en évidence les éléments positifs des situations familiales, les valeurs, les générosités dont nous sommes témoins, ce qui construit au lieu de détruire … c’est à dire tout ce qui stimule l’Eglise dans son devoir d’exprimer une parole de vérité et d’espérance pour nos contemporains et d’interpeller certaines organisations internationales sur la manière de lier leur aide à l’acceptation de leur propre conception de l’homme, du mariage et de la société.
3. A propos de la deuxième partie de la Relatio.
L’examen de ce texte a soulevé des questions qui nous ont conduits à choisir une réécriture de cette partie et à la proposer comme telle, si cela peut aider è l’élaboration d’un prochain texte sur le chemin de réflexion où l’Eglise est engagée. Notre texte est résolument christocentrique: il met au centre le Christ, sa personne et sa parole, l’appartenance au Christ et l’expérience personnelle du Christ dénonçant la dureté de coeur et incarnant la pédagogie divine de patience et de miséricorde jusque dans sa passion, sa mort et sa résurrection. C’est en effet sur l’attachement au Christ et l’appartenance au Christ depuis le baptême que se fonde le sacrement du mariage.
Constater les échecs de l’amour et les unions imparfaites qui se multiplient appelle une attention pastorale qui sache respecter ces personnes, encourager les efforts de repentance et offrir l’appui fraternel de la communauté chrétienne à laquelle elles appartiennent. Un tel constat ne doit pas faire oublier les familles qui vivent avec cohérence et fidélité le mariage chrétien et rendent ce témoignage au travers de leurs joies mais aussi en dépit d’épreuves comme la pauvreté, le chômage, la maladie, le deuil, la stérilité et les difficultés dans l’éducation des enfants.
4. A propos de la troisième partie de la Relatio.
Sur le rapport entre les divorcés remariés et les sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie, notre texte dit qu’il importe de "ne pas changer la doctrine de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage et la non-admission des divorcés remariés aux sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie mais d’appliquer cette doctrine constante de l’Eglise aux situations diverses et douloureuses de notre époque avec un regard renouvelé de compassion et de miséricorde sur les personnes". Nous pensons comme une priorité que soient facilités l’examen des mariages douteux et l’accélération des procédures pour les déclarations de nullité matrimoniale. Il importe aussi d’avoir un langage qui soit positif et propositif et de considérer de manière distincte des personnes qui vivent des situations différentes.
Concernant l’accueil des personnes homosexuelles, il nous semble clair que l’Eglise, à l’image du Christ Bon Pasteur (Jn 10,11-18), a toujours voulu accueillir les personnes qui frappent à sa porte, porte ouverte à tous, qui sont à accueillir avec respect, compassion et dans la reconnaissance de la dignité de chacun. Accompagner pastoralement une personne ne signifie valider ni une forme de sexualité ni une forme de vie.
5. Quelques réflexions en conclusion
Le mariage et la famille sont véritablement au coeur d’enjeux cruciaux aujourd’hui: l’auto-compréhension de l’homme d’aujourd’hui et les enjeux anthropologiques actuels- l’analyse des causes socio-économiques de la fragilisation de la famille- la réflexion sur le lien entre mariage, famille et société- l’approfondissement biblique et théologique de ce que nous avons réfléchi trop rapidement…L’important travail mené jusqu’ici nous semble requérir maintenant qu’une réflexion approfondie – notamment anthropologique et théologique- soit entreprise et menée de la manière la plus appropriée avant le Synode de l’année prochaine. Nous ne pensons pas qu’une commission ad hoc conviendrait; nous pensons important que les questions soient abordées dans toute leur ampleur et que les diverses conférences épiscopales soient impliquées dans cette réflexion.
[03042-03.01] [Texte original: Français]
Relatio - Circulus Gallicus "B"
Moderator: Em.mo Card. Christoph SCHÖNBORN, O.P.
Relator: S.E. Mons. André LÉONARD
Notre travail s’est déroulé dans un beau climat de franchise et d’écoute mutuelle. Tous ont apprécié cette « palabre » universelle où les voix de l’Europe, de l’Asie et du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Amérique du Nord ont résonné en des timbres fort diversifiés, mais de manière généralement symphonique. Les constats et les enjeux ont pu être clarifiés grâce aux expériences si diverses au sein d’un même groupe linguistique.
Nous avons salué avec gratitude la présence des laïcs, hommes et femmes – des couples principalement – qui nous ont touchés et édifiés par leur « témoignage » vécu, parfois plus performant que nos « élucubrations » théologiques, indispensables, elles aussi, pourtant.
Dans nos tout premiers échanges, en réaction aux innombrables interventions des Pères synodaux, notre attention s’est d’abord portée sur deux enjeux principaux :
1. Comment unir doctrine et discipline, approche dogmatique et proximité pastorale ? Comment conjoindre l’amour de la vérité et la charité pastorale d’une manière qui ne choquera ni le fils cadet ni le fils aîné de la célèbre parabole rapportée par Luc ?
2. Comment prendre en compte la grande variété des situations pastorales à travers le monde et en renvoyer éventuellement le traitement aux Conférences épiscopales nationales, régionales ou continentales, en vertu du principe de subsidiarité, tout en respectant la catholicité et donc l’universalité de l’Église, d’autant plus que beaucoup de problématiques essentielles sont liées, en même temps, aux traits fondamentaux de la nature humaine ?
Tout en regrettant globalement un style touffu, filandreux, excessivement verbeux et donc, assez généralement, ennuyeux – style encore aggravé par la traduction dans une autre langue – nous avons surtout réagi en produisant des modi sunstantiels sur des points essentiels qui sont les suivants :
1. Faute de majorité absolue (9 pour, 5 contre, 4 abstentions), a été écarté le recours au concept de « gradualité », à l’analogie œcuménique développée par Lumen gentium (§ 8 : « subsistit in ») et à l’expression patristique « semences du Verbe », chaque fois que ces expressions risquaient, à tort, d’être comprises comme la légitimation a priori de situations de vie irrégulières, voire peccamineuses, même si nous reconnaissons que, a posteriori, plusieurs de ces situations peuvent être un chemin ou une étape vers une situation meilleure.
2. Quant à la possibilité d’accéder aux sacrement de la Réconciliation et de l’Eucharistie, certains Pères ont argumenté, dans une perspective à la fois doctrinale et pastorale, en faveur de la discipline actuelle en vertu de son fondement doctrinal, constamment confirmé par le Magistère de l’Eglise. D’autres Pères, inspirés par le même souci doctrinal et pastoral proposent au Magistère de l’Eglise d’adopter une autre discipline, mais à des conditions bien précises (Cf. n.47 de la Relatio Post Disceptationem).
3. Nous avons demandé que la pratique de la « communion spirituelle », recommandée traditionnellement à ceux qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas communier « sacramentellement », soit étudiée et évaluée en ses fondements théologiques et, si elle est accréditée par cet examen, soit promue et mieux diffusée parmi les fidèles.
4. Nous avons souligné avec force que, même si elle ne peut légitimer toutes les situations de vie, la miséricorde du Seigneur et de son Église rejoint, par contre, chacun dans sa situation de vie afin de nous conduire tous sur un chemin de vérité, de conversion et de paix.
5. Nous avons redit notre respect et notre accueil aux personnes homosexuelles et avons dénoncé les discriminations injustes et parfois violentes qu’elles ont subies et subissent encore parfois, y compris dans l’Église, hélas ! Mais cela ne signifie pas que l’Église doive légitimer les pratiques homosexuelles et encore moins reconnaître, comme le font certains États, un soi-disant « mariage » homosexuel. Au contraire, nous dénonçons toutes les manœuvres de certaines organisations internationales visant à imposer, par voie de chantage financier, aux pays pauvres des législations instituant un soi-disant « mariage » homosexuel.
6. Enfin, nous avons voulu présenter de manière positive et actualiser pour aujourd’hui l’inspiration prophétique qui a animé le bienheureux Paul VI quand, dans son encyclique Humanae vitae, il a célébré la beauté du lien si profond qui unit, dans la vie conjugale l’union à la fois spirituelle et charnelle des époux et l’ouverture au don de la vie.
[03042-03.02] [Texte original: Français]
Le Synode défend la doctrine mais encourage la compassion
L’assemblée du Synode s’est clairement et librement exprimée, par le biais des rapports présentés ce vendredi matin en présence du Pape. C’est le fruit d’un travail intense, rigoureux, en profondeur. A de rares différences près, les dix groupes linguistiques, au sein desquels tous les participants avaient été répartis, se sont prononcés en faveur d’une considérable refonte du rapport d’étape présenté lundi. Un carrefour a indiqué avoir proposé jusqu’à 80 amendements. D’autres ont proposé en plusieurs endroits clés du texte une nouvelle formulation, voir une totale réécriture. Les appels à la prudence et à la vigilance sont nombreux, surtout dans le choix des mots, pour éviter de semer la confusion. Ce Synode ne doit pas donner l’impression que l’Eglise abandonne sa doctrine sur l’indissolubilité du mariage et la famille. L’Eglise respecte toutes les personnes humaines, mais pas tous les comportements humains.
Plusieurs appels également en faveur d’une réflexion approfondie, avant le synode de l’année prochaine, sur les thèmes les plus délicats comme celui des divorcés-remariés, de la communion spirituelle ou de l’attitude à adopter à l’égard de la multiplication des unions libres, les uns souhaitant la constitution de groupes d’études composés d’experts, d’autres préférant une plus large consultation impliquant les diocèses. Pour la plupart, un langage nouveau s’impose, des développements sont possibles, à des conditions bien précises toutefois, conformes à la vérité de l’Evangile et à la tradition de l’Eglise. Malgré la pluralité et la diversité des situations ecclésiales, une nette convergence s’est dégagée en faveur de la mise en valeur des familles qui vivent avec cohérence et fidélité le mariage chrétien. Les familles chrétiennes ont besoin d’être soutenues dans un contexte qui ne leur est pas favorable.
Sur des points plus précis, des réserves ont été exprimées au sujet de l’admission des divorcés remariés aux sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie, sur le recours au concept de gradualité, à l’analogie œcuménique développée par Lumen gentium et à l’expression patristique Semences du Verbe. Les avis sont partagés sur l’accélération des procédures pour les déclarations de nullité matrimoniale. Concernant les personnes homosexuelles, la plupart des groupes se prononcent en faveur de l’accueil, du respect et de l’accompagnement pastoral, sans valider une forme de sexualité ou une forme de vie. Certains paragraphes de la Relatio post-disceptationem, précise-t-on, risquaient d’être compris comme la légitimation a priori de situations de vie irrégulières voire peccamineuses. Quant à l’encyclique de Paul VI humanae vitae, son inspiration prophétique devrait être présentée de manière positive et actualisée pour aujourd’hui.
Des groupes regrettent que certaines situations de souffrances aient été négligées dans le texte présenté lundi, comme la solitude des personnes âgées, les conséquences de la violence et des guerres, les tracasseries bureaucratiques qui entravent les adoptions…. Deux groupes ont dénoncé les manœuvres de certaines organisations internationales visant à imposer par voie de chantage financier aux pays pauvres leur propre conception de l’homme, du mariage et de la société. Des groupes proposent qu’une certaine autonomie soit laissée aux Eglises locales dans la recherche de réponses aux préoccupations pastorales qui sont les leurs. En clair, l’objectif du Synode est faire passer l’amour de l’Eglise pour toutes les personnes et sa compassion pour celles qui se trouvent dans une situation de souffrance. Le défi sera de trouver un équilibre entre approche dogmatique et proximité pastorale, entre la charité et l’amour de la vérité.
Un des deux groupes francophones a exprimé l’émotion et le désarroi provoqués par la diffusion, lundi, du Rapport post-disceptationem, un document de travail provisoire. Il demande que soient évaluées avec soin les causes et les conséquences d’un événement qui a semé perplexités et questions.
Un des trois groupes italiens a regretté que la Relatio ait donné l’impression que l’Eglise a peur de porter un jugement sur un certain nombre d’expressions culturelles dominantes. Cela n’est pas cohérent avec sa mission prophétique de l’Eglise. Ne recherchons pas un populisme facile.
Au terme de cette nouvelle étape d’un cheminement ardu, où les confrontations n’ont pas manqué, certains ont estimé que l’Eglise était en train de vivre un moment majeur de son histoire, dans l’esprit du Concile Vatican II.
Romilda Ferrauto
Vérité et amour au synode
Le regard du Père Jean-Miguel Garrigues, professeur de théologie au studium dominicain de Toulouse, sur le synode.
« Avoir l’esprit dur et le cœur tendre. » Cette parole bien connue deMaritain à Cocteau, qui hantait l’héroïque Sophie Scholl en 1943 avant son exécution dans une prison nazie, me venait à l’esprit en constatant dans les médias la dialectique désastreuse dans laquelle les catholiques nous risquons de nous laisser enfermer dans le débat passionné suscité par le rapport du cardinal Erdö au Synode. À ce sujet, j’ai envie de filer la métaphore de Maritain et de dire à mon tour aux catholiques : n’ayons ni l’esprit dur avec un cœur sec, ni le cœur tendre avec un esprit mou. Car c’est bien ces deux attitudes qui tendent aujourd’hui à s’affronter dans une dialectique stérile.
Les tenants de la ligne « pastorale » semblent trop souvent ne pas juger nécessaire que le Synode rappelle encore une fois les vérités fondamentales, naturelles et surnaturelles, tenues et enseignées par le Magistère jusqu’aux derniers papes. Ils les déclarent suffisamment connues et même trop ressassées par le passé ; mais on voit percer dans leur discours qu’en fait ils les trouvent gênantes parce que, jugées « trop théoriques », elles entravent l’attitude compassionnelle et pédagogique de la démarche pastorale. De ce fait, ils sont soupçonnés de faire le lit du relativisme par les tenants de la ligne « doctrinale ».
Ceux-ci ont tellement peur que l’Église abandonne ces vérités fondamentales, surtout dans le contexte dissolvant de notre société occidentale, qu’ils ne veulent pas que le Magistère, en se penchant sur l’immense profusion de cas personnels souvent limites, en vienne à affaiblir la certitude des principes dans l’âme des fidèles. Ils sont soupçonnés par les autres de formalisme idéaliste et déconnecté de la vie et de la souffrance des hommes.
Perdre l’intelligence des fondements du couple et de la famille, c’est vouloir avancer sans boussole.
Je voudrais dire aux uns et aux autres que seule la vision binoculaire nous donne la perception du réel avec son relief concret. Dans l’esprit humain les deux yeux de la vision binoculaire correspondent à l’intelligence et au cœur dont parlait Maritain.
Prétendre voir par un seul de ces deux yeux, c’est se déconnecter du réel des choses et de la foi. Perdre l’intelligence des fondements du couple et de la famille, c’est vouloir avancer sans boussole, gouverné seulement par une compassion condamnée à verser dans un sentimentalisme irréaliste. Perdre la miséricorde, c’est désincarner les certitudes morales en un corpus idéal que l’on tient surtout pour s’auto-affirmer (soi-même et son milieu) en condamnant les faibles qui n’arrivent pas à le suivre. C’est perdre de vue que la morale qu’enseigne l’Église est une sagesse pratique qui fait vivre, non pas un pharisaïsme qui condamne les autres. C’est risquer d’apparaître aux incroyants, même de bonne volonté, comme une secte aux convictions fanatiques.
Il nous faut donc prier pour qu’à travers un chemin synodal, où l’Esprit Saint passe y compris par les tensions de ces derniers jours, l’Église arrive à mieux articuler ensemble, dans la parole quelle adresse aux hommes, vérité et amour, principes moraux du vrai bonheur et pédagogie pastorale, graduelle mais orientée par eux. Le point le plus important me semble être que les catholiques nous trouvions une manière positive d’affirmer nos convictions. Si vraiment nous croyons que le chemin que nous trace l’Église à la suite du Christ est chemin de vie et de vrai bonheur, notre certitude n’a pas besoin de condamner et de rejeter ceux qui ne la partagent pas ou n’arrivent pas à vivre en conformité avec elle. Elle s’exprime au contraire en miséricorde, en étant capable de rejoindre fraternellement celui qui avance à tâtons sur le chemin de sa vie et à porter avec lui un peu de son fardeau. N’est-ce pas à cela que nous appelle le pape François dans ces fameux Exercices spirituels qu’en bon Jésuite il est en train de nous prêcher chaque jour ?
Père Jean-Miguel Garrigues
Le Père Jean-Miguel Garrigues a écrit Le Saint-Esprit sceau de la Trinité (Cerf).
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Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille revient sur les enjeux du synode pour "La Vie"
Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, est aussi l'un des trois présidents du synode sur la famille qui se déroule à Rome depuis le 5 octobre jusqu’au 19. Pour La Vie, il revient sur les enjeux du synode.
Lundi matin, la relatio post-disceptationem a été rendue publique et dès lundi après-midi, cette relatio a été remise en question puis présentée comme un simple document de travail. Ce texte a-t-il valeur de brouillon qui pourrait être totalement remis en question dans le texte final ? Ou est-ce une base à approfondir ?
Cette relatio fait partie du déroulé habituel des synodes. Ce n’est pas une nouveauté. Il a été rédigé à la fin des interventions de la première semaine et chacun était libre de dire ce qu’il avait envie de dire. Ces interventions ont constitué la base de la relatio. Les thèmes ne viennent ni du cardinal Erdö, rapporteur général du synode, ni de l’archevêque Bruno Forte, secrétaire spécial du synode, mais des membres de l’assemblée.
Par ailleurs, ce n’est pas le document final du synode mais une synthèse de tout ce qui a été soulevé. Il n’apporte pas de réponses à toutes les questions mais si les gens se demandent si ce qui est dedans est réel, la réponse est oui, car tout ce qui se trouve dans cette relatio vient de l’assemblée.
Maintenant, cette relatio va servir de base aux discussions en petits groupes. Certains évêques ne se sont exprimés que sur un seul thème et vont avoir envie de s’exprimer sur d’autres, présents dans la relatio, à propos desquels ils n’ont rien dit pendant cette première semaine. Les groupes peuvent aussi demander d’approfondir certains points.
Ainsi, ce qui se trouvera dans le document final, à l’issue des échanges en groupes ne sera pas exactement la même chose que ce qui se trouve dans la relatio post-disceptationem. Pas parce que les gens ne sont pas d’accord, mais parce que les discussions amèneront de nouveaux sujets sur la table ou demanderont des approfondissements.
Mais, si l’on prend les points les plus sensibles comme par exemple le fait de reconnaître des aspects positifs aux situations de cohabitation ou aux mariages civils, pourrait-on s’attendre à un retournement total entre ce qui est exposé dans la relatio post-disceptationem et le texte final ?
Je ne veux pas sauter l’étape du travail en groupes mais ce qui se trouve dans la relatio post-disceptationem a été dit par des pères synodaux et je ne vois pas en quoi on retirerait ce qui a été dit. Peut-être procèdera-t-on à des ajustements notamment dans la formulation. J’ai déjà assisté à cinq synodes. Les thèmes restent mais parfois la formulation change. Et comme je le disais, les groupes peuvent aussi demander d’approfondir certains points.
Ceci dit, il est vrai, en revanche que ce synode est assez différent de ceux qui l’ont précédé au sens où il est connecté à celui de 2015. C’est une étape. D’ordinaire, un rapport était remis après quinze jours ou trois semaines et ensuite, le pape écrivait son exhortation post synodale à partir de ce rapport. Cette fois, nous avons un an pour poursuivre la réflexion en consultant les laïcs, les couples mariés, les théologiens...
L’année prochaine, les conclusions que nous aurons eues à la fin de cette première semaine seront à nouveau discutées. Et les pères synodaux seront encore plus nombreux en 2015 qu’ils ne le sont cette année. On ne connaît pas encore le chiffre exact mais ils seront élus par leurs conférences épiscopales. C’est la première fois que j’assiste à un synode qui se passe en 2 ans. L’année qui vient va être cruciale.
Ce qui donne un poids inédit aux catholiques de « la base » ?
Oui. Déjà, dans la préparation de cette étape, les questionnaires ont joué un rôle important. Il ne s’agissait pas uniquement de faire un débat théologique mais de se confronter à des enjeux très concrets de situations auxquelles les familles doivent faire face. C’est cela qui rend ce synode unique. Les pères synodaux ne viennent pas avec leurs propres idées, ils viennent riches des témoignages qu’ils ont reçus des gens de la base. C’est peut être plus complexe mais en même temps ce sera sans doute plus réaliste et plus fructueux.
Parmi les critiques adressées à la relatio post disceptationem, se trouve la question de l’équilibre entre miséricorde et vérité. Certains craignent que l’on mette la miséricorde avant la vérité au détriment de cette dernière.
Dans notre esprit, nous ne pouvons jamais échapper à la tentation de faire des catégories. Distinguer les choses est important en termes de clarté conceptuelle. Mais dans la vie, et en particulier dans la foi, pourquoi devrait-on faire des distinctions ? Dans la Bible il n’est pas question de deux réalités.
En particulier quand Jésus dit : « Je suis la vérité et la vie » ! Cela signifie que la vérité n’est ni une idée si un concept. C’est la personne de Jésus. Il est la vérité et Il est l’amour. Il est la miséricorde ! Quand nous regardons la personne de Jésus, il n’est plus question de se demander qui, de la miséricorde ou de la vérité, doit être premiere. En Jésus, miséricorde et vérité sont unies. Et le défi pour nous est d’intérioriser la miséricorde et la vérité. En Jésus, elles n’entrent pas en conflit car elles sont toutes deux réunies dans sa personne. Nous devrions essayer de l’imiter.
Quand j’étais enfant, mes parents me refusaient parfois ce que je leur demandais. Je répondais« pitié ! » et je pensais « ils ne sont pas miséricordieux ». Mais plus tard, j’ai compris que quand ils me disaient oui ou non, ils exprimaient la vérité. Quelle vérité ? Celle de l’amour. Mes parents ne se disaient pas « maintenant, je vais être miséricordieux » et « maintenant je vais être vrai ».Ils exprimaient leur amour qui était la vérité. Faire ces distinctions est utile en un sens, mais nous devrions trouver en Jésus et dans l’expérience des gens comment les harmoniser plutôt que comment les opposer. La vraie miséricorde, qui est une forme d’amour, ne peut reposer sur des mensonges. Mentir c’est manquer de miséricorde. Une des fondations de la vraie miséricorde est la vérité mais la vérité nous conduit à la miséricorde. Aussi, quand la vérité me rend aveugle à la miséricorde et aux situations de souffrance, elle n’est que froideur et idéologie. La miséricorde et la vérité dépassent leurs propres définitions pour ceux qui en font l’expérience : elles s’incarnent dans la qualité de leur cœur.
Peut-on dire que la nouveauté de ce synode, qui veut partir des personnes, est une certaine forme de pragmatisme ?
Oui, mais un pragmatisme qui parte des personnes. Je m’explique. En anglais, une expression dit : « On va tout faire pour que ce mariage fonctionne ». Mais « fonctionner » ici n’est pas simplement une manifestation de pragmatisme. C’est une chose qui implique des personnes. Le« fonctionnement » ici implique d’aimer et de pardonner en vérité.
Au cours de la conférence de presse de présentation de la relatio vous avez dit que l’esprit de Vatican II se manifestait parmi les pères mais qu’il ne fallait pas dissocier l’esprit des textes. Pouvez-vous expliciter ?
Vatican II a eu lieu à une époque où la plupart d’entre nous étions enfants. J’ai étudié l’histoire de Vatican II, j’ai lu tous les débats de l’époque. Au Concile il y avait 2000 évêques, imaginez un peu… Comment conduire un dialogue de 2000 évêques ? Aujourd’hui nous sommes 200…
Mais il y a quelque chose de commun dans la liberté d’expression, la manière de prendre en compte les réalités du monde, ce qui était une des véritables beautés de Vatican II. C’était un concile pastoral où l’on accepta à la fois le fait que le monde avait changé et où l’on se demanda comment nous pouvions apporter l’évangile dans ce monde nouveau. C’était un concile profondément missionnaire, fidèle aux enseignements de l’Eglise, mais avec une nouvelle manière de transmettre les enseignements de l’Eglise au monde. A présent, de nouveaux défis se présentent et c’est ce dont parlent les évêques, quand ils mettent leurs peurs et leurs espoirs sur la table.
Mais quand les gens évoquent l’esprit de Vatican II, il est important qu’ils connaissent les textes. Il faut étudier les documents et les textes pour ne pas leur faire dire ce qu’ils ne disent pas. L’esprit de Vatican II est issu des documents de Vatican II, précisément dans cette ouverture de l’esprit missionnaire.
Un des points majeurs de Vatican II était la place des Eglises locales, ce qui est aussi un des grands axes de réflexion du pape François tel qu’il l’a exprimé dans Evangelii Gaudium. Au terme de ce synode, le pape donnera des orientations générales que les évêques auront charge de mettre en pratique dans leurs diocèses. Comment concilier la liberté des Eglises locales confrontées à des problèmes spécifiques et l’unité de l’Eglise ?
Cette question existait déjà au moment du Concile dont un des fruits est précisément le synode... En convoquant des évêques venus du monde entier, le pape lui-même, qui est un signe visible de l’unité, devra prendre en considération l’expérience des Eglises locales. Vatican II a institué de manière plus formelle les conférences épiscopales dans différents pays et a donné aux conférences la ligne de démarcation entre ce qu’elles pouvaient décider par elles mêmes et ce qui ne relevait pas de leurs compétences. Peut-être ce synode est-il un examen de ce qui a déjà commencé lors du Concile au sens où il devra examiner à nouveau où ce situe cette ligne de démarcation. Mais le souci de l’unité demeure et la manière dont s’opérera cet équilibre sera un des fruits du synode qui aura lieu l’année prochaine. Il y a deux écueils à éviter : celui qui consiste à ne prendre en compte que la diversité au détriment de l’unité. L’unité de l’Eglise est ce qui me permet de me sentir à « la maison » quand je vais à l’étranger. Et celui qui consiste à nier les singularités locales. L’équilibre est très difficile à trouver et chaque évêque est confronté à cette question au niveau de son diocèse.
En parlant d’unité de l’Eglise, vous vous êtes exprimé, lors d’une conférence de presse, contre l’étiquetage des gens entre « progressistes » et « conservateurs ». Pourquoi ?
Quand on m’a posé cette question, je me suis senti mal à l’aise parce que je pense que les étiquettes ne rendent jamais compte de la réalité des personnes. Étiqueter les gens est parfois une manière d’étouffer la complexité du réel. Les étiquettes effacent le mystère des êtres. Parfois, aussi, elles servent à dresser les gens les uns contre les autres en leur faisant oublier ce qui pourrait les rassembler. Les étiquettes enferment les gens dans une caricature d’eux-mêmes. Après avoir écouté les évêques et les laïcs au fil de ces premiers échanges, je pense que l’étiquetage des uns et des autres, y compris celle du pape, est une injustice.
Si, quand j’écoute quelqu’un me dire la manière dont il reçoit tel ou tel passage de la Bible, je me mets à analyser son point de vue en plaquant sur lui une grille de lecture en termes de « progressisme » ou de « conservatisme », je nie sa qualité de personne dans ce qu’elle peut avoir de complexe. C’est, je le répète, une grande injustice. Comment éviter cela ? Respectons les personnes. Laissons à chaque personne la possibilité d’exprimer sa complexité. C’est comme cela que nous trouverons un terrain commun. Soyons des personnes qui écoutons d’autres personnes. Les gens ne sont pas des étiquettes. Les gens ont un nom.
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Onzième Congrégation générale du Synode:
Synthèse non officielle des interventions libres effectuées au cours de la Congrégation
Saint Père: présent
Pères synodaux: 184
D'entrée, le Cardinal Rapporteur général a lu la Relatio post disceptationem, après quoi s'est déroulé le débat libre.
En ligne générale, la Relatio a été appréciée, en particulier pour sa qualité photographique des interventions des pères synodaux, le rendu du climat d'ouverture des travaux et la mise en évidence du thème dominant de l'accueil. Le texte exprime bien l'amour de l'Eglise pour la famille fidèle au Christ, comme sa capacité d'être proche des gens en toute circonstance et de comprendre que derrière les enjeux pastoraux il y a des personnes souffrantes. Le regard du Synode est bien celui du pasteur envers un troupeau qu'il ne juge pas à priori.
La Relatio contenant plusieurs points de vue qui seront débattus au cours des Circuli minores, on a suggéré des réflexions supplémentaires. Par exemple: Si l'Eglise doit s'ouvrir à qui est en difficulté, il convient d'insister sur les familles demeurées fidèles aux enseignements évangéliques, de les remercier et de les encourager dans leur témoignage. Le Synode devrait mieux affirmer l'indissolubilité du mariage, et combien la fidélité pour toujours est une valeur pour la société, évitant ainsi de se focaliser sur les cas anormaux.
Il a été recommandé de porter plus d'attention au rôle de la femme, fondamentale dans la transmission de la vie et de la foi, mais aussi à celle des grands parents au sein de la famille, au concept d'Eglise domestique, à la paroisse comme famille des familles, à la Sainte Famille comme référence majeure, à la mission évangélisatrice de la famille.
Il convient également d'éclaircir le concept de gradualité, car sujet à confusions. Ainsi à propos de l'accès aux sacrements des divorcés remariés, le risque est que les exceptions portent à la règle.
On a regretté la quasi absence dans le texte du mot péché, et rappelé combien le Christ a fortement condamné le danger de céder à la mentalité du monde.
Si on a mis en relief la nécessité d'une compréhension prudente des homosexuels comme des personnes vivant l'union libre, qui ne donne pas l'impression d'admettre leur orientation sexuelle.
En tout cas, il y a nécessité de réaffirmer la place éminente du sacrement baptismal, essentiel pour comprendre la sacralité du mariage et sa nature de ministère d'annonce de l'Evangile.
Quant à la simplification des procédures en nullité, des objections se sont exprimées face à la proposition d'attribuer à l'évêque diocésain de nouvelles compétences qui le surchargeront. On a aussi estimé nécessaire une plus profonde réflexion sur la polygamie, avant tout si un converti entend accéder aux sacrements, et sur la diffusion de la pornographie, principalement véhiculée par le web, qui constitue un danger pour la cohésion familiale. Il a enfin été demandé de mieux approcher la question de la disponibilité du couple envers la vie, et d'être clairs sur l'avortement et la procréation assistée.
[03031-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0754-XX.02]
Déclaration de le Directeur de la Salle de Presse pour le compte du Secrétariat général du Synode
A la suite des réactions et débats ayant suivi la publication de la Relatio post disceptationem, à laquelle on a attribué un poids qui ne lui appartient pas, le Secrétariat rappelle qu'il s'agit d'un document de travail résumant les interventions et la discussion de la première semaine synodale. Ce texte est maintenant soumis à l'attention des Circuli Minores, en conformité au règlement du Synode.
Le résultat des travaux des pères synodaux réunis en comités sera présenté à la Congrégation générale de jeudi matin prochain.
[03040-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0757-XX.02]
******************** 14 Octobre 2014 ********************
Cité du Vatican, 14 octobre 2014 (VIS).
Déclaration du P.Lombardi pour le compte du Secrétariat général du Synode... - http://t.co/B0c76ZccxM
— News.va Français (@newsva_fr) 14 Octobre 2014
A la suite des réactions et débats ayant suivi la publication de la Relatio post Disceptationem, à laquelle on a attribué un poids qui ne lui appartient pas, le Secrétariat rappelle qu'il s'agit d'un document de travail résumant les interventions et la discussion de la première semaine synodale. Ce texte est maintenant soumis à l'attention des Circuli Minores, en conformité au règlement du Synode. Le résultat des travaux des pères synodaux réunis en comités sera présenté à la Congrégation générale de jeudi matin prochain.
******************** 13 Octobre 2014 ********************
Le cardinal philippin Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, l’un des trois présidents délégués de ce Synode, a tenu à commenter le document de mi-synode pour la famille publié ce lundi Un premier résumé des travaux des évêques la semaine dernière, élaboré à la suite des quelques 200 interventions des Pères synodaux, des auditeurs et délégués fraternels qui se sont succédées de lundi dernier à vendredi.
Présenté par le rapporteur général, le cardinal de Budapest, Peter Erdö, alors que le synode entrait dans sa seconde semaine, ce rapport servira pour les discussions ces jours-ci en groupes de travail restreints, avant le document final en fin de semaine.
Ce lundi, en salle de presse au Vatican, le Cardinal Tagle a tenu à préciser que ce rapport n'est qu'un texte provisoire, une synthèse des discussions, et non pas un document final du Synode. Nous l'écoutons :
Présenté par le rapporteur général, le cardinal de Budapest, Peter Erdö, alors que le synode entrait dans sa seconde semaine, ce rapport servira pour les discussions ces jours-ci en groupes de travail restreints, avant le document final en fin de semaine.
Ce lundi, en salle de presse au Vatican, le Cardinal Tagle a tenu à préciser que ce rapport n'est qu'un texte provisoire, une synthèse des discussions, et non pas un document final du Synode. Nous l'écoutons :
Document de synthèse
[B0751]
[Traduction non officielle]
Introduction
I Partie
L’écoute: le contexte et les défis concernant la famille
Le contexte socioculturel
L'importance de la vie affective
Les défis pastoraux
II Partie
Le regard sur le Christ: l'Évangile de la famille
Le regard sur Jésus et la gradualité dans l'histoire du salut
La famille dans le dessein salvifique de Dieu
Le discernement des valeurs présentes dans les familles blessées
et dans les situations irrégulières
Vérité et beauté de la famille et miséricorde
III Partie
La discussion: les perspectives pastorales
Annoncer l’Évangile de la famille aujourd’hui, dans les différents contextes
Guider les futurs époux sur le chemin de la préparation au mariage
Accompagner les premières années de vie conjugale
Les aspects positifs dans les unions civiles et les concubinages
Soigner les familles blessées (séparés, divorcés non remariés,
divorcés remariés)
Accueillir les personnes homosexuelles
La transmission de la vie et le défi de la dénatalité
Le défi de l’éducation et le rôle de la famille dans l'évangélisation
Conclusion
* * *
Introduction
1. Lors de la veillée de prière célébrée sur la Place Saint-Pierre, samedi 4 octobre 2014, en préparation au Synode sur la famille, le Pape François a évoqué de manière simple et concrète la centralité de l'expérience familiale dans la vie de tous, en s'exprimant ainsi: « Le soir descend désormais sur notre assemblée. C’est l’heure où l’on rentre volontiers chez soi pour se retrouver à la même table, entouré par la présence des liens d’affection, du bien accompli et reçu, des rencontres qui réchauffent le cœur et le font croître, comme un bon vin qui anticipe au cours de l’existence de l’homme la fête sans crépuscule. C’est aussi l’heure la plus douloureuse pour celui qui se retrouve en tête à tête avec sa propre solitude, dans le crépuscule amer de rêves et de projets brisés : combien de personnes traînent-elles leurs journées sur la voie sans issue de la résignation, de l’abandon, voire de la rancœur ; dans combien de maisons est venu à manquer le vin de la joie et donc la saveur — la sagesse même — de la vie [...] Ce soir, nous nous faisons la voix des uns et des autres à travers notre prière, une prière pour tous ».
2. Lieu intime de joies et d'épreuves, d'affections profondes et de relations parfois blessées, la famille est véritablement « école d'humanité » (« Familia schola quaedam uberioris humanitatis est »: Concile Vatican II, Constitution sur l'Église dans le monde contemporain Gaudium et Spes, n°52), dont le besoin est fortement perçu. Malgré les nombreux signaux de crise de l'institution familiale dans les différents contextes du « village global », le désir de famille demeure vif, en particulier parmi les jeunes et motive le besoin que l'Église annonce sans relâche et au travers d'un partage profond cet « Évangile de la famille » qui lui a été confié au travers de la révélation de Dieu en Jésus Christ.
3. Sur la réalité de la famille, décisive et précieuse, l’Évêque de Rome a appelé à réfléchir le Synode des Évêques en son Assemblée générale extraordinaire d'octobre 2014, pour approfondir ensuite la réflexion lors de l'Assemblée générale ordinaire qui se tiendra en octobre 2015, tout comme au cours de l'ensemble de l'année qui s'écoulera entre les deux événements synodaux. « Le fait de convenire in unum autour de l’Évêque de Rome est déjà un événement de grâce, dans lequel la collégialité épiscopale se manifeste sur un chemin de discernement spirituel et pastoral » : c'est ainsi que le Pape François a décrit l'expérience synodale, en indiquant les devoirs liés à la double écoute des signes de Dieu et de l'histoire des hommes et à la fidélité, double et unique, qui en découle.
4. À la lumière de ce même discours, nous avons recueilli les résultats de nos réflexions et de nos dialogues au sein des trois parties suivantes : L'écoute, pour regarder la réalité de la famille aujourd'hui, dans la complexité de ses lumières et de ses ombres ; le regard fixé sur le Christ pour repenser, avec fraîcheur renouvelée et enthousiasme ce que la révélation transmise dans la foi de l'Église, nous dit sur la beauté et la dignité de la famille ; la confrontation à la lumière du Seigneur Jésus pour discerner les voies grâce auxquelles renouveler l'Église et la société dans leur engagement en faveur de la famille.
Première Partie
L’écoute: le contexte et les défis concernant la famille
Le contexte socioculturel
5. Le changement anthropologique et culturel influence aujourd'hui tous les aspects de la vie et requiert une approche analytique et diversifiée, capable de percevoir les formes positives de la liberté individuelle. Il faut également prendre en compte le danger croissant représenté par un individualisme exacerbé qui dénature les liens familiaux et finit par considérer chaque composant de la famille comme une île, faisant prévaloir, dans certains cas, l'idée d'un sujet qui se construit selon ses propres désirs considérés comme un absolu.
6. La plus grande épreuve pour les familles de notre temps est souvent la solitude, qui détruit et provoque une sensation générale d'impuissance vis-à-vis de la réalité socio-économique qui, souvent, finit par les écraser. Il en est ainsi de la croissante précarité du travail, qui est parfois vécue comme un véritable cauchemar, ou d'une fiscalité trop lourde qui n'encourage certainement pas les jeunes à se marier.
7. Il existe des contextes culturels et religieux qui lancent des défis particuliers. Dans les sociétés africaines, existe encore la pratique de la polygamie et, dans certains contextes traditionnels, la coutume du « mariage par étapes ». Dans d'autres contextes, se maintient la pratique des mariages combinés. Dans les pays où la religion catholique est minoritaire, nombreux sont les mariages mixtes, avec toutes les difficultés qu'ils comportent en ce qui concerne la configuration juridique, l'éducation des enfants et le respect réciproque du point de vue de la liberté religieuse mais aussi avec les grandes potentialités de rencontre dans la diversité de la foi que ces histoires de vie familiale présentent. Dans de nombreux contextes, et pas seulement occidentaux, se diffuse actuellement largement la pratique de la cohabitation qui précède le mariage ou encore de cohabitations non orientées à prendre la forme d'un lien institutionnel.
8. Nombreux sont les enfants qui naissent en dehors du mariage, en particulier dans certains pays et nombreux sont ceux qui grandissent ensuite avec un seul de leurs parents ou dans un contexte familial élargi ou reconstitué. Le nombre des divorces est croissant et le cas de choix déterminés seulement par des facteurs d'ordre économique n'est pas rare. La condition de la femme a encore besoin d’être défendue et promue parce que de nombreuses situations de violence s'enregistrent à l'intérieur des familles. Les enfants font souvent l'objet de luttes entre leurs parents et ils constituent les véritables victimes des lacérations familiales. Les sociétés traversées par la violence à cause de la guerre, du terrorisme ou de la présence de la criminalité organisée connaissent également des situations familiales détériorées. Les migrations représentent en outre un autre signe des temps qu'il faut affronter et comprendre avec toute sa charge de conséquences sur la vie familiale.
L'importance de la vie affective
9. Face à ce cadre social, on rencontre chez les individus un plus grand besoin de prendre soin de leur propre personne, de se connaître intérieurement, de vivre mieux en syntonie avec leurs émotions et leurs sentiments, de chercher une relation de qualité dans la vie affective. De même, on peut rencontrer un désir diffus de famille, qui s'accompagne de la recherche de soi-même. Mais comment cultiver et soutenir cette tension au soin de soi-même et ce désir de famille ? Il y a là un grand défi également pour l'Église. Le danger de l'individualisme et le risque de vivre de manière égoïste sont importants.
10. Le monde actuel semble valoriser une affectivité sans limite, dont tous les versants doivent être explorés, même les plus complexes. De fait, la question de la fragilité affective est de grande actualité : une affectivité narcissique, instable et changeante qui n'aide pas toujours les sujets à atteindre une plus grande maturité. Dans ce contexte, les couples sont parfois incertains, hésitants et ont du mal à trouver des manières pour grandir. Nombreux sont ceux qui tendent à demeurer aux premiers stades de la vie émotionnelle et sexuelle. La crise du couple déstabilise la famille et peut arriver, au travers des séparations et des divorces, à produire des conséquences sérieuses sur les adultes, les enfants et la société, affaiblissant l'individu et les liens sociaux. Le déclin de la population ne détermine pas seulement une situation dans laquelle le remplacement des générations n'est plus assuré mais risque de conduire, avec le temps, à un appauvrissement économique et à une perte d'espérance dans l'avenir.
Les défis pastoraux
11. Dans ce contexte, l'Église perçoit le besoin de dire une parole d'espérance et de sens. Il faut partir de la conviction que l'homme vient de Dieu et que, donc, une réflexion capable de proposer à nouveau les grandes questions sur la signification d’être hommes peut trouver un terrain fertile dans les attente les plus profondes e l'humanité. Les grandes valeurs du mariage et de la famille chrétienne correspondent à la recherche qui traverse l'existence humaine, y compris à une époque marquée par l'individualisme et par l'hédonisme. Il faut accueillir les personnes avec leur existence concrète, savoir soutenir leur recherche, encourager le désir de Dieu et la volonté de se sentir pleinement partie intégrante de l'Église même de ceux qui ont fait l'expérience de l'échec ou se trouvent dans les situations les plus disparates. Ceci exige que la doctrine de la foi, que l'on doit faire connaître toujours davantage dans ses contenus fondamentaux, soit proposée avec la miséricorde.
II Partie
Le regard sur le Christ: l'Évangile de la famille
Le regard sur Jésus et la gradualité dans l'histoire du salut
12. Afin de « contrôler notre allure sur le terrain des défis contemporains, la condition décisive est de garder le regard fixé sur Jésus Christ, de s’arrêter dans la contemplation et dans l’adoration de sa face [...]. En effet, chaque fois que nous revenons à la source de l’expérience chrétienne, de nouvelles routes et des possibilités impensables s’ouvrent. (Pape François, Discours du 4 octobre 2014). Jésus a regardé les femmes et les hommes qu'Il a rencontré avec amour et tendresse, accompagnant leurs pas avec patience et miséricorde dans l'annonce des exigences du Royaume de Dieu.
13. Du moment que l'ordre de la Création est déterminé par l'orientation au Christ, il faut distinguer sans les séparer les différents degrés au travers desquels Dieu communique à l’humanité la grâce de l'alliance. En raison de la loi de la gradualité (cf.Familiaris Consortio, 34), propre à la pédagogie divine, il s'agit de lire en termes de continuité et de nouveauté l'alliance nuptiale, dans l'ordre de la Création et dans celui de la Rédemption.
14. Jésus Lui-même, en se référant au dessein premier sur le couple humain, réaffirme l'union indissoluble entre l'homme et la femme, tout en comprenant que « en raison de votre dureté de cœur (que) Moise vous a permis de répudier vos femmes ;mais dès l'origine, il n'en fut pas ainsi » (Mt 19,8). De cette manière, Il montre combien la condescendance divine accompagne toujours le chemin de l'homme, l'orientant vers son principe, non sans passer par la croix.
La famille dans le dessein salvifique de Dieu
15. Puisque, par l'engagement de l'accueil réciproque et par la grâce du Christ, les fiancés se promettent fidélité et ouverture à la vie, ils reconnaissent comme éléments constitutifs du mariage les dons que Dieu leur offre, prenant sérieusement leur mutuel engagement en son nom et face à l'Église. Or, dans la foi, il est possible de prendre les biens du mariage comme des engagements plus soutenables au travers de l'aide de la grâce du sacrement. Dieu consacre l'amour des époux et en confirme l'indissolubilité, en leur offrant l'aide pour vivre la fidélité et pour s'ouvrir à la vie. Le regard de l'Église ne se tourne donc pas seulement vers le couple mais vers la famille.
16. Nous pouvons distinguer trois étapes fondamentales dans le dessein divin concernant la famille : la famille des origines, lorsque Dieu créateur institua le mariage primordial entre Adam et Éve, comme fondement solide de la famille : homme et femme Il les créa (cf. Gn 1, 24-31 ; 2, 4b) ; la famille historique blessée par le péché (cf. Gn 3) et la famille rachetée par le Christ (cf. Ep 5, 21-32), à l'image de la Sainte Trinité, mystère dont découle tout amour véritable. L'alliance conjugale, inaugurée avec la Création et révélée dans l'histoire entre Dieu et Israël, arrive à sa plénitude avec le Christ dans l'Église.
Le discernement des valeurs présentes dans les familles blessées et dans les situations irrégulières
17. Vu le principe de gradualité du plan salvifique divin, on se demande quelles possibilités sont données aux époux qui vivent l'échec de leur mariage ou comment il est possible de leur offrir l'aide du Christ au travers du ministère de l'Église. À ce propos, une clef herméneutique significative provient de l'enseignement du Concile Vatican II, qui, s'il affirme que « l'unique Église du Christ subsiste dans l'Église catholique », reconnaît également que « bien (que) des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique » (Lumen Gentium, 8).
18. Dans cette perspective, doivent tout d'abord être réaffirmées la valeur et la consistance propre du mariage naturel. Certains se demandent s'il est possible que la plénitude sacramentelle du mariage n'exclut pas la possibilité de reconnaître des éléments positifs également dans les formes imparfaites qui se trouvent en dehors de cette réalité nuptiale mais dans tous les cas ordonnées à celle-ci. La doctrine des degrés de communion, formulée par le Concile Vatican II, confirme la vision d'une manière articulée de participer au Mysterium Ecclesiae de la part des baptisés.
19. Dans cette même perspective, que nous pourrons qualifier d'inclusive, le Concile ouvre également l'horizon dans lequel s'apprécient les éléments positifs présents dans les autres religions (cf. Nostra Aetate, 2) et cultures, malgré leurs limites et leurs insuffisances (cf. Redemptoris Missio, 55). Du regard tourné vers la sagesse humaine présente en eux, en effet, l'Église apprend comment la famille est considérée universellement comme forme nécessaire et féconde de coexistence humaine. Dans ce sens, l'ordre de la Création, dans lequel la vision chrétienne de la famille est enracinée, se déploie au niveau historique dans les différentes expressions culturelles et géographiques.
20. Un discernement spirituel étant donc nécessaire en ce qui concerne les cohabitations et les mariages civils ainsi que pour ce qui est des divorcés « remariés », il appartient à l'Église de reconnaître ces semina Verbi répandus hors des frontières visibles et sacramentelles. En suivant le vaste regard du Christ, dont la lumière éclaire tout homme (cf. Jn 1, 9 ; cf. Gaudium et Spes, 22), l'Église se tourne avec respect vers ceux qui participent à sa vie de manière incomplète et imparfaite, appréciant plus les valeurs positives qu'ils conservent que leurs limites et leurs manquements.
Vérité et beauté de la famille et miséricorde
21. L'Évangile de la famille, alors qu'il resplendit grâce au témoignage de nombreuses familles qui vivent avec cohérence la fidélité au sacrement, produisant les fruits murs de la sainteté quotidienne authentique, nourrit également ces semina Verbi qui attendent encore de mûrir et doit soigner les arbres qui sont devenus secs et demandent à ne pas être négligés.
22. Dans ce sens, une nouvelle dimension de la pastorale familiale actuelle, consiste dans la prise en compte de la réalité des mariages civils et également, en faisant les différences nécessaires, des cohabitations. En effet, lorsque l'union atteint une stabilité notable au travers d'un lien public, est marquée par une affection profonde, par la responsabilité vis-à-vis des enfants, par une capacité à résister dans les épreuves, elle peut être considérée comme un bourgeon à accompagner dans son développement vers le sacrement du mariage. Très souvent, en revanche, la cohabitation ne s'établit pas en vue d'un futur mariage possible mais sans aucune intention d'établir un rapport institutionnel.
23. Conforme au regard miséricordieux de Jésus, l'Église doit accompagner avec attention et sollicitude ses enfants les plus fragiles, marqués par un amour blessé et perdu, redonnant confiance et espérance, comme la lumière du phare d'un port ou d'une torche placée au milieu d'un groupe de personnes peut illuminer ceux qui ont perdu la route ou se trouvent au milieu de la tempête.
III Partie
La discussion: les perspectives pastorales
Annoncer l’Évangile de la famille aujourd’hui, dans les différents contextes
24. Le dialogue synodal a permis de s’accorder sur les instances pastorales les plus urgentes à confier à la concrétisation des Églises locales, dans la communion cum Petro et sub Petro.
25. L’annonce de l’Évangile de la famille constitue une urgence pour la nouvelle évangélisation. L’Église doit la réaliser avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4,15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ. La vérité s’incarne dans la fragilité humaine non pas pour la condamner, mais pour la guérir.
26. Évangéliser est une responsabilité partagée par le peuple de Dieu tout entier, chacun selon son propre ministère et charisme. Sans le témoignage joyeux des époux et des familles, l’annonce, même si elle est correcte, risque de ne pas être comprise et de se noyer dans le flot de paroles qui caractérise notre société (cf. Novo millennio ineunte, 50). Les Pères synodaux ont à plusieurs reprises souligné que les familles catholiques sont appelées à être elles-mêmes les sujets actifs de toute la pastorale familiale.
27. Il est fondamental de mettre en exergue le primat de la grâce, et par conséquent, les possibilités que l’Esprit offre par le sacrement. Il s’agit de faire comprendre par l’expérience que l’Évangile de la famille est une joie qui «remplit le cœur et toute la vie», parce que dans le Christ nous sommes «libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement» (Evangelii gaudium, 1). À la lumière de la parabole du semeur (cf. Mt 13, 3), notre tâche consiste à coopérer aux semailles: le reste est l’œuvre de Dieu. Il ne faut pas oublier que l’Église qui prêche sur la famille est un signe de contradiction.
28. C’est pourquoi une conversion missionnaire est requise : il ne faut pas se limiter à une annonce purement théorique et détachée des problèmes réels des personnes. Il ne faut jamais oublier que la crise de la foi a comporté une crise du mariage et de la famille et, par conséquent, la transmission de la foi des parents aux enfants a été souvent interrompue. L’imposition de certaines perspectives culturelles qui affaiblissent la famille et le mariage n’ont pas d’incidence sur une foi solide.
29. La conversion doit être avant tout une conversion du langage pour qu’il soit effectivement significatif. L’annonce doit faire connaître par l’expérience que l’Évangile de la famille est la réponse aux attentes les plus profondes de la personne humaine: à sa dignité et à la pleine réalisation dans la réciprocité et dans la communion. Il ne s’agit pas seulement de présenter des règles, mais aussi de proposer des valeurs, en répondant ainsi à un besoin que l’on constate aujourd’hui dans les pays les plus sécularisés.
30. L’approfondissement biblico-théologique indispensable doit être accompagné par le dialogue, à tous les niveaux. Beaucoup ont insisté sur une approche plus positive des richesses contenues dans les différentes expériences religieuses, sans passer sous silence les difficultés. Dans les différents contextes culturels, il faut tout d’abord saisir les possibilités, puis, à la lumière de celles-ci, repousser les limites et les radicalisations.
31. Le mariage chrétien ne peut pas être considéré uniquement comme une tradition culturelle ou une exigence sociale, il faut que ce soit une décision vocationnelle assumée après une préparation adéquate et un discernement mûr, dans un parcour de foi. Il ne s’agit pas de poser des difficultés ou de compliquer les cycles de formation, mais d’aller en profondeur et ne pas se contenter de rencontres théoriques ou d’orientations générales.
32. D’un commun accord, il a été rappelé que, dans la perspective familiale, une conversion de la pratique pastorale dans son ensemble est nécessaire pour dépasser les optiques individualistes qui la caractérisent encore. C’est pourquoi on a insisté à plusieurs reprises sur le renouvellement de la formation des prêtres et des autres agents pastoraux, avec une implication plus grande des familles.
33. De même, a été souligné le besoin d’une évangélisation qui dénonce avec franchise les facteurs culturels, sociaux et économiques, par exemple la place excessive donnée à la logique du marché, qui empêchent une vie familiale authentique, entraînant la discrimination, la pauvreté, l’exclusion, la violence. C’est pourquoi il faut développer un dialogue et une coopération avec les structures sociales, et encourager et soutenir les laïcs qui s’engagent dans les domaines culturel et sociopolitique.
Guider les futurs époux sur le chemin de la préparation au mariage
34. La réalité sociale complexe et les défis que la famille est appelée à affronter aujourd’hui demandent un engagement plus grand de la communauté chrétienne pour la préparation des futurs époux au mariage. En ce qui concerne ce besoin, les Pères synodaux ont insisté d’un commun accord sur l’exigence d’une implication plus grande de la communauté tout entière, en privilégiant le témoignage des familles, ainsi que l’enracinement de la préparation au mariage dans le chemin d’initiation chrétienne, en soulignant le lien du mariage avec les autres sacrements. On a également mis en évidence le besoin de programmes spécifiques de préparation proche au mariage qui soient une véritable expérience de participation à la vie ecclésiale et qui approfondissent les différents aspects de la vie familiale.
Accompagner les premières années de la vie conjugale
35. Les premières années de mariage représentent une période vitale et délicate au cours de laquelle le couple devient plus conscient des défis et du sens du mariage. D’où l’exigence d’un accompagnement pastoral qui dépasse la célébration du sacrement. Dans cette pastorale, la présence de couples ayant de l’expérience s’avère de la plus haute importance. La paroisse est considérée comme le lieu idéal où les couples experts peuvent être à la disposition de ceux plus jeunes. Les couples doivent être encouragés à assumer une attitude fondamentale d’accueil du grand don que représentent les enfants. Il faut souligner l’importance de la spiritualité familiale et de la prière, en encourageant les couples à se réunir régulièrement pour promouvoir la croissance de la vie spirituelle et la solidarité dans les exigences concrètes de la vie. Les liturgies significatives, les pratiques dévotionnelles et les Eucharisties célébrées pour les familles ont été mentionnées comme étant vitales pour favoriser l’évangélisation à travers la famille.
Les aspects positifs dans les unions civiles et les concubinages
36. Une nouvelle sensibilité de la pastorale d’aujourd’hui consiste à comprendre la réalité positive des mariages civils et, compte tenu des différences, des concubinages. Il faut que dans la proposition ecclésiale, tout en présentant clairement l’idéal, nous indiquions aussi les éléments constructifs de ces situations qui ne correspondent plus ou pas encore à cet idéal.
37. On relève également, dans de nombreux pays, un “nombre croissant de couples qui vivent ensemble ad experimentum, sans aucun mariage, ni canonique ni civil” (Instrumentum Laboris, 81). En Afrique, cela se produit surtout dans le mariage traditionnel, contracté entre familles et souvent célébré par étapes. Face à ces situations, l’Église est appelée à être “toujours la maison ouverte du Père […] où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile” (Evangelii gaudium, 47) et à aller en aide à celui qui éprouve le besoin de reprendre son chemin de foi, même s’il n’est pas possible de célébrer un mariage canonique.
38. En Occident, le nombre de ceux qui, après avoir longtemps vécu ensemble, demandent de célébrer le mariage à l’église est aussi en croissance constante. Le simple concubinage est souvent choisi à cause de la mentalité générale, s’opposant aux institutions et aux engagements définitifs, mais aussi dans l’attente d’une sécurité existentielle (un emploi et un salaire fixes). Dans d’autres pays, les unions de fait sont très nombreuses, non pas par rejet des valeurs chrétiennes relatives à la famille et au mariage, mais surtout du fait que se marier est un luxe ; ainsi la misère matérielle pousse à vivre dans une union de fait. Dans ces unions aussi, on peut voir des valeurs familiales authentiques, ou du moins le désir de celles-ci. Il faut que l’accompagnement pastoral commence toujours par ces aspects positifs.
39. Toutes ces situations doivent être affrontées de manière constructive, en essayant de les transformer en opportunité de cheminer vers la plénitude du mariage et de la famille, à la lumière de l’Évangile. Il s’agit de les accueillir et de les accompagner avec patience et délicatesse. À cet effet, le témoignage attrayant de familles chrétiennes authentiques, comme sujets de l’évangélisation de la famille, est important.
Soigner les familles blessées (séparés, divorcés non remariés, divorcés remariés)
40. Au cours du Synode, le besoin de choix pastoraux courageux a été clairement ressenti. Confirmant avec force la fidélité à l’Évangile, les Pères synodaux ont perçu l’urgence de chemins pastoraux nouveaux, qui partent de la réalité effective des fragilités familiales, en reconnaissant que, le plus souvent, celles-ci sont “subies” plus que choisies en toute liberté. Il s’agit de situations différentes dues à des facteurs personnels comme culturels et socioéconomiques. Envisager des solutions uniques ou s’inspirant de la logique du “tout ou rien” n’est pas signe de sagesse. Le dialogue et la confrontation vécus au Synode devront se poursuivre dans les Églises locales, avec la participation des différentes composantes, de manière à ce que les perspectives qui se profilent puissent être menées à leur plein mûrissement par le travail de la prochaine Assemblée Générale Ordinaire. L’Esprit qui nous guide, et qui est constamment invoqué, permettra au peuple de Dieu de vivre la fidélité à l’Évangile de la famille comme une prise en charge miséricordieuse de toutes les situations de fragilité.
41. Toute famille blessée doit tout d’abord être écoutée avec respect et amour, en devenant son compagnon de route, comme le Christ avec les disciples sur le chemin d’Emmaüs. Pour ces situations, les paroles du Pape François sont particulièrement pertinentes: «L’Église devra initier ses membres – prêtres, personnes consacrées et laïcs – à cet “art de l’accompagnement”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3,5). Nous devons donner à notre chemin le rythme salutaire de la proximité, avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne» (Evangelii gaudium, 169).
42. Un tel discernement est indispensable pour les personnes séparées ou divorcées. Il faut notamment respecter la souffrance de ceux qui ont subi injustement la séparation ou le divorce. Pardonner l’injustice subie n’est pas facile, mais c’est un chemin que la grâce rend possible. De même, il faut toujours souligner qu’il est indispensable de prendre en charge, de manière loyale et constructive, les conséquences de la séparation ou du divorce sur les enfants: ils ne peuvent pas devenir un “objet” de dispute, et il faut chercher les meilleurs moyens pour qu’ils puissent surmonter le traumatisme de la scission familiale et grandir le plus possible dans la sérénité.
43. Plusieurs Pères ont souligné le besoin de rendre les procédures de reconnaissance des cas de nullité du mariage plus accessibles et allégées. Il a été notamment proposé de pouvoir se passer de l’obligation de la double sentence conforme; ouvrir une voie administrative sous la responsabilité de l’évêque diocésain; entamer un procès sommaire dans les cas de nullité notoire. Selon des propositions éminentes, il faudrait envisager la possibilité de considérer l’importance de la foi des futurs époux pour la validité du sacrement du mariage. Dans tous ces cas, il faut bien souligner qu’il s’agit d’établir la vérité sur la validité du lien.
44. Quant aux procès matrimoniaux, outre la préparation d’un nombre suffisant d’agents, clercs et laïcs, qui s’y consacrent prioritairement, la simplification de la procédure, demandée par un grand nombre, exige que l’on augmente la responsabilité de l’évêque diocésain, qui pourrait, dans son diocèse, charger un prêtre, préparé en bonne et due forme, de conseiller gratuitement les parties sur la validité de leur mariage.
45. Les personnes divorcées non remariées doivent être invitées à trouver dans l’Eucharistie la nourriture qui les soutient dans leur état. La communauté locale et les pasteurs doivent accompagner ces personnes avec sollicitude, surtout si elles ont des enfants ou vivent dans une situation de pauvreté grave.
46. Les situations des personnes divorcées remariées exigent aussi un discernement attentif et un accompagnement empreint de respect, évitant tout langage ou attitude qui les feraient sentir discriminées. Prendre soin de ces personnes ne représente pas pour la communauté chrétienne un affaiblissement de sa foi et de son témoignage de l’indissolubilité du mariage, au contraire, c’est par ces soins qu’elle exprime sa charité.
47. Quant à la possibilité d’accéder aux sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie, certains ont argumenté en faveur de la discipline actuelle en vertu de son fondement théologique, d’autres se sont exprimés en faveur d’une plus grande ouverture à des conditions bien précises, quand il s’agit de situations qui ne peuvent pas être dissoutes sans entraîner de nouvelles injustices et souffrances. Pour certains, il faudrait que l’éventuel accès aux sacrements soit précédé d’un chemin pénitentiel – sous la responsabilité de l’évêque diocésain –, et avec un engagement évident en faveur des enfants. Il s’agirait d’une situation non généralisée, fruit d’un discernement réalisé au cas pas cas, suivant une règle de gradualité, qui tienne compte de la distinction entre état de péché, état de grâce et circonstances atténuantes.
48. Suggérer de se limiter uniquement à la “communion spirituelle” pour un nombre non négligeable de Pères synodaux pose des questions: si la communion spirituelle est possible, pourquoi ne pas pouvoir accéder à celle sacramentelle? Un approfondissement théologique a été donc sollicité à partir des liens entre sacrement du mariage et Eucharistie par rapport à l’Église-sacrement. Il faut également approfondir la dimension morale de cette problématique, en écoutant et en éclairant la conscience des époux.
49. Les questions relatives aux mariages mixtes ont été souvent citées dans les interventions des Pères synodaux. La diversité de la discipline relative au mariage dans les Églises orthodoxes pose, dans certains contextes, des problèmes graves auxquels il faut donner des réponses adéquates en communion avec le Pape, ce qui est valable aussi pour les mariages interreligieux.
Accueillir les personnes homosexuelles
50. Les personnes homosexuelles ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne: sommes-nous en mesure d’accueillir ces personnes en leur garantissant un espace de fraternité dans nos communautés? Souvent elles souhaitent rencontrer une Église qui soit une maison accueillante. Nos communautés peuvent-elles l’être en acceptant et en évaluant leur orientation sexuelle, sans compromettre la doctrine catholique sur la famille et le mariage?
51. La question homosexuelle nous appelle à une réflexion sérieuse sur comment élaborer des chemins réalistes de croissance affective et de maturité humaine et évangélique en intégrant la dimension sexuelle: elle se présente donc comme un défi éducatif important. L’Église affirme, par ailleurs, que les unions entre des personnes du même sexe ne peuvent pas être assimilées au mariage entre un homme et une femme. Il n’est même pas acceptable que l’on veuille exercer des pressions sur l’attitude des pasteurs, ou que des organismes internationaux soumettent les aides financières à la condition d’introduire des lois s’inspirant de l’idéologie du gender.
52. Sans nier les problématiques morales liées aux unions homosexuelles, on prend acte qu’il existe des cas où le soutien réciproque jusqu’au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires. De plus, l’Église prête une attention spéciales aux enfants qui vivent avec des couples du même sexe, en insistant que les exigences et les droits des petits doivent toujours être au premier rang.
La transmission de la vie et le défi de la dénatalité
53. Il n’est pas difficile de constater la diffusion d’une mentalité qui réduit l’engendrement de la vie à une variable des projets individuels ou de couple. Les facteurs d’ordre économique exercent un poids parfois déterminant contribuant à la baisse importante de la natalité qui affaiblit le tissu social, compromet les relations entre les générations et rend plus incertain le regard vers l’avenir. L’ouverture à la vie est une exigence intrinsèque de l’amour conjugal.
54. Sans doute faut-il, dans ce domaine aussi, un langage réaliste, qui se base sur l’écoute des personnes et qui sache expliquer que la beauté et la vérité d’une ouverture sans réserve à la vie est ce dont l’amour humain a besoin pour être vécu en plénitude. C’est sur cette base que peut reposer un enseignement sur les méthodes naturelles, permettant aux époux de vivre leur communication de manière harmonieuse et consciente, dans toutes ses dimensions, avec la responsabilité d’engendrer. Dans cette optique, il faut redécouvrir le message de l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI, qui souligne le besoin de respecter la dignité de la personne dans l’évaluation morale des méthodes de contrôle des naissances.
55. Aussi faut-il aider à vivre l'affectivité, même dans le lien conjugal, comme un chemin de maturation, dans un accueil de plus en plus profond de l’autre et en se donnant de manière de plus en plus pleine. En ce sens, il faut insister sur le besoin d’offrir des chemins de formation qui alimentent la vie conjugale, et sur l’importance d’un laïcat qui offre un accompagnement fait de témoignage vivant. L’exemple d’un amour fidèle et profond, fait de tendresse, de respect, capable de croître dans le temps et qui vit, par son ouverture concrète à l’engendrement de la vie, l’expérience d’un mystère qui nous transcende, est sans aucun doute une grande aide.
Le défi de l’éducation et le rôle de la famille dans l’évangélisation
56. Le défi fondamental face auquel se trouvent les familles aujourd’hui est certainement le défi éducatif, rendu plus difficile et complexe par la réalité culturelle d’aujourd’hui. Il faut bien tenir compte des exigences et des attentes de familles capables d’offrir un témoignage dans la vie quotidienne, lieux de croissance, de transmission concrète et essentielle des vertus qui forgent l’existence.
57. L’Église peut jouer ce rôle précieux de soutien aux familles, à partir de l’initiation chrétienne, à travers des communautés accueillantes. Aujourd’hui encore plus qu’hier, dans des situations complexes comme dans les situations ordinaires, il lui est demandé de soutenir les parents dans leur tâche éducative, en accompagnant les enfants, les adolescents et les jeunes dans leur croissance, par des parcours personnalisés, pouvant les introduire au sens plein de la vie, et susciter des choix et des responsabilités, vécus à la lumière de l’Évangile.
Conclusion
58. Les réflexions proposées, fruit du dialogue synodal qui s’est déroulé en toute liberté et dans un mode d’écoute réciproque, entendent poser des questions et indiquer des perspectives que les Églises locales devront faire mûrir et préciser, par leur réflexion, durant l’année qui nous sépare de l’Assemblée Générale Ordinaire du Synode des évêques, prévue en octobre 2015. Il ne s’agit pas de décisions prises, ni de perspectives faciles. Cependant, le chemin collégial des évêques et la participation du peuple de Dieu tout entier, sous l’action du Saint-Esprit, pourront nous guider vers des voies de vérité et de miséricorde pour tous. Tel est le souhait que le Pape François a exprimé dès le début de nos travaux, en nous invitant au courage de la foi et à l’accueil humble et honnête de la vérité dans la charité.
[03037-01.01] [Testo originale: Italiano] [Traduction non officielle]
[B0751-XX.03]
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Dixième Congrégation générale du Synode: Résumé non official des interventions des Délégués fraternels
Saint Père: présent
Pères synodaux: 168
Cette ultime session a été consacrée à l'audition des délégués des autres confessions chrétiennes. Le représentant du Patriarcat de Moscou, le Métropolite Hilarion de Volokolamsk, s'exprimera dans quelques jours.
Après avoir remercié le Pape de les avoir invité, les Délégués fraternels ont exposé leur conception et leur approche particulière de la question familiale.
Constatant l'identité des problèmes et des espérances placées dans l'institution familiale avec la vision catholique, ils ont affirmé le caractère fondamental de la famille pour la société, mais aussi pour la communion. Ses difficultés sont nombreuses: La crise économique, une pression médiatique qui réduit le dialogue au sein de la famille et propose même des modèles vantant l'adultère, les conflits et le phénomène migratoire, la globalisation, les épidémies (Sida et Ebola), le fondamentalisme islamique, toutes choses qui mettent en péril la famille.
Tous les chrétiens ont besoin de mieux ce préparer au mariage, mais aussi de réfléchir aux unions entre croyants et non croyants. Lorsque des divorcés remariés sont de nouveau admis au sein de l'Eglise, les divorcés remariés pourraient offrir de nouvelles espérances pour la vie familiale et par conséquent un bénéfice pour la société.
Il convient donc de mieux écouter les époux en crise et leur manifester miséricorde et compassion. Les Eglises veulent toutes être auprès de qui souffre, dans le respect de l'Ecriture et dans l'ouverture aux problèmes concrets. Si, loin de toute condamnation, cette compréhension doit aussi s'appliquer aux homosexuels, il faut réaffirmer que le mariage signifie l'union d'un homme et d'une femme. Il faut de même être particulièrement attentifs aux enfants nés dans des situations difficiles et à toutes les victimes de violence. La défense des plus vulnérables, enfants, femmes et personnes âgées, comme de tous ceux qui n'ont pas voix au chapitre, croyants ou non, est commune aux chrétiens.
Les Délégués fraternels ont ensuite rappelé le caractère central de l'annonce évangélique, la famille étant la première école de la foi, l'espace où on apprend à connaître et à diffuser la Bonne Nouvelle. Les chrétiens doivent donc partager la joie de l'Evangile, à laquelle le Pape François fait souvent référence.
Des différences d'approche se sont toutefois manifestées en matière de régulation des naissances, au nom de la liberté de conscience des personnes y compris au sein du mariage et dans le respect de l'amour. Pour l'orthodoxie, qui les admet même s'ils sont considérés une anomalie, les remariages sont conditionnés par un accompagnement préliminaire de l'Eglise qui tentent de réconcilier les époux.
Des délégués provenant du moyen Orient ont remercié le Pape pour la veillée de prière en faveur de la paix en Syrie du 7 septembre 2013. Ils ont rappelé le rôle évangélisateur qu'ont les familles chrétiennes de cette région dans un contexte largement musulman.
Les interventions se sont conclues par le voeu que ce synode extraordinaire porte des fruits, en vue notamment de l'assemblée ordinaire de l'an prochain.
[03034-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0745-XX.01]
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Neuvième Congrégation générale du Synode: Résumé non official des interventions des Auditeurs
Saint Père: présent
Pères synodaux: 185
Cette session a été réservée aux interventions de six couples et neuf autres Auditeurs individuels, presque tous laïcs engagés dans la pastorale familiale, la bioéthique ou l'écologie humaine. Représentant les divers continents, ils ont fournit des témoignages d'un apostolat familial du quotidien.
Il a été question des difficultés dans lesquelles vivent nombre de familles du proche et moyen Orient, en particulier en Irak, où les conflits ont de graves répercussions sur l'institution familiale, notamment par la perte de membres, tués ou émigrés à la recherche l'un pays d'accueil. Elles sont privées d'avenir avec des jeunes soustraits à la scolarisation et des anciens abandonnés. La famille chrétienne de la région est profondément ébranlée, et cette fragilisation a des effets négatifs sur la cohésion sociale et nationale. Face à cette situation, l'Eglise se présente comme un port sûr, la famille des familles, qui réconforte et offre de l'espérance. Il faut donc préparer les couples à être des propagateurs de paix et de réconciliation.
Les Auditeurs ont également insisté sur la nécessité de mieux écouter les laïcs dans la recherche de solution aux problèmes de la famille, en particulier pour ce qui est de l'intimité des couples. Il doit donc y avoir synergie entre mondes académique et pastoral afin de disposer d'agents connaissant la famille et sachant traiter de sa problématique selon une solide vision anthropologique catholique.
Ils ont ensuite insisté sur la nécessité d'accroître le dialogue Eglise Etat, y compris par le biais d'une implication des fidèles qui, loin de toute ambition personnelle, sachent défendre efficacement les droits de la famille et la vie, et par là favoriser un état à visage humain.
Il a ensuite été question de mieux former le clergé aux thématiques familiales, de manière à ce qu'ils puissent traiter correctement de l'amour conjugal. Si la planification naturelle de la famille est bien expliquée, la vie du couple en est renforcée. Les homélies doivent aussi être bien préparées afin de renforcer la participation des fidèles à la messe.
On a ensuite évoqué l'importance du témoignage, rappelant que les jeunes n'ont pas tant besoin de théories que de bien comprendre le caractère central de la famille démontré par des familles crédibles et évangélisatrices. Les couples doivent donc être accompagnés par une pastorale du suivi matrimonial.
Les Auditeurs ont également parlé des souffrances de qui perd un membre de sa famille, les veufs et veuves, les orphelins et les parents ayant perdu un enfant. L'accompagnement de l'Eglise est fondamental, au moyen de groupes d'écoute et de partage, afin qu'ils résistent face au désert des sentiments et demeurent solidement attachés à la foi.
D'où l'importance d'une écologie humaine en mesure de combattre les effets négatifs d'une globalisation porteuse de modèles contraires à la doctrine catholique. Toutes les formes de violence domestique ont été dénoncés, principalement commises sur les femmes, souvent de la part de jeunes.
Il faut donc communiquer au sein de la famille. Le dialogue entre époux, leur souci commun de l'éducation et la prière en famille rendent fortes les familles.
[03033-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0744-XX.02]
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Huitième Congrégation générale du Synode: Résumé non official du débat général
Saint Père: présent
Pères synodaux: 181
Cette session a prolongé hier après-midi de débat général autour des sujets suivants: L'Eglise et la famille face au défi éducatif, le défi éducatif en général et l'éducation chrétienne dans les situations familiales difficiles.
Après avoir souligné que la vocation à la vie est l'élément fondant de la famille, les pères sont tombés d'accord pour recommander aux fidèles d'approfondir l'encyclique Humanae Vitae de Paul VI, notamment le recours au méthodes naturelles de régulation de la fertilité et le rejet de la contraception. La procréation ne saurait être distincte de l'acte conjugal, et toute manipulation génétique, y compris la cryo-conservation des embryons, est absolument condamnée.
On a critiqué les pays occidentaux et les organisations internationales qui, en Afrique notamment, présentent l'avortement et l'union homosexuelle comme des droits, et conditionnent avec insistance leur aide à leur acceptation. D'autant que le droit à la santé sexuelle et reproductive n'a même pas de définition précise en droit international. On mêle ainsi des principes contradictoires comme la condamnation de l'avortement forcé et la recommandation de l'avortement sécurisé, ou comme la protection de la maternité et celle de la contraception. Même sans force de loi, ces soi disant droits constituent un risque dans la mesure où ils déforment l'interprétation d'autres principes comme la lutte contre la discrimination féminine.
Il a de nouveau été question d'un préparation au mariage renforcée qui combatte la seule vision sociale et juridique des noces au profit de leur dimension religieuse et spirituelle. La préparation est trop souvent perçu comme un bref parcours à effectuer sans véritable conviction. Etant une vocation à la vie, le mariage doit être plus soigneusement préparé, à l'instar de la vocation religieuse. Les futurs époux n'ont souvent pas conscience du caractère sacramental du mariage, au point de le réduire à sa célébration.
Confirmant la nécessité d'alléger les procédures en nullité, à laquelle va travailler la commission spécifique nommée en septembre dernier, on a exprimé le voeu que la simplification canonique soit la même pour toute l'Eglise. Et à propos de l'obligation de l'appel conforme à la première sentence, on a avancé l'hypothèse de laisser à l'évêque diocésain juge du recours. Les laïcs et notamment des femmes doivent être plus nombreux au sein des tribunaux ecclésiastiques.
Comme eux, les prêtres doivent être mieux formés et bien préparés à la pastorale matrimoniale, en particulier par le biais de l'homélie. Le prêtre doit aussi être informé, car sa santé spirituelle et sa sincérité de rapport sont très appréciés par les fidèles.
Il a ensuite été question de la famille migrante à laquelle il faut assurer son droit fondamental à l'unité, au moyen de politiques migratoires internationales qui ne prennent pas seulement la défense du simple individu. Pour les migrants, la famille constitue un élément essentiel d'intégration dans les pays d'accueil.
Le débat libre est revenu la question des divorcés remariés et en particulier sur la nécessité d'élaborer un parcours pénitentiel comprenant une réflexion sur les anciens conjoints abandonnés, souvent socialement isolés et souffrant en silence. Mais aussi sur la nécessité de prendre en charge les enfants de ces couples, sujets à des retombées psychologiques découlant de la séparation de leurs parents.
Une pastorale spécifique permettrait parfois de rapprocher les parents de l'Eglise. Ceci dit l'éducation des enfants comprend le droit de la famille à choisir le projet éducatif qu'ils souhaitent.
Le Secrétaire général a précisé que 180 pères ont pris la parole au cours des huit congrégations générales, et 80 durant les heures de débat libre.
[03031-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0742-XX.01]
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Septième Congrégation générale du Synode: Résumé non official du débat général
Saint Père: présent
Pères synodaux: 184
Cette session s'est déroulée en deux parties, d'abord la poursuite du débat général d'hier après-midi (sur les situations pastorales difficiles, en l'occurrence familiales, et les unions entre personnes de même sexe), puis le débat consacré aux défis pastoraux concernant l'ouverture à la vie.
Il a de nouveau été question de l'accès à la communion pour les divorcés remariés. L'indissolubilité du mariage a nettement été réaffirmée car le lien sacramental est une réalité objective, l'oeuvre du Christ dans l'Eglise. Ce point doit être défendu et traité au moyen d'une catéchèse pré-matrimoniale adaptée, de manière à ce que les futurs époux soit pleinement conscients du caractère sacramental de leur union et de sa nature vocationnelle. Un accompagnement pastoral devra accompagner les couples après leur mariage.
Mais il convient d'envisager les cas concrets un à un, en distinguant par exemple qui a été abandonné de qui a abandonné. Ne pouvant négliger cela, l'Eglise ne doit pas appliquer une pastorale du tout ou rien, mais être miséricordieuse. Le mystère de l'Eglise est un mystère de consolation.
Ne pas être autorisés à communier ne signifie pas pour les remariés ne plus être membres de la communauté. On doit prendre en considération les responsabilités qu'ils pourraient y exercer. Il faut en tout cas simplifier et accélérer les procédures de nullité.
Dans certaines régions du monde, le concubinat est souvent causé par des motifs socio-économiques, non par un rejet des enseignements de l'Eglise. D'autres types d'union de fait n'abandonnent pas l'objectif d'une vie chrétienne. Là encore, une pastorale spécifique est nécessaire. Etant dans l'impossibilité de reconnaître le mariage entre personnes du même sexe, l'Eglise peut toutefois développer une approche respectueuse et non discriminatoire.
A propos encore des mariages mixtes, il faut regarder au-delà des difficultés pour percevoir leur pouvoir de témoignage harmonieux au niveau du dialogue inter-religieux. On a redit la nécessité d'un nouveau langage qui permette à l'Eglise d'impliquer ensemble croyants et non croyants en vue d'identifier des modèles familiaux permettant le développement des individus et le bien-être de la société. Il faut parler avec une simplicité qui porte au coeur des gens.
La seconde partie de la session a traité de la paternité responsable et réaffirmé que le don de la vie comme la chasteté sont des valeurs fondant le mariage chrétien, qui se dressent face au crime de l'avortement. Envisageant la situation, principalement asiatique, dans laquelle nombre de familles sont confrontées à l'infanticide, au viol des femmes et au trafic des êtres humains, on a rappelé la nécessité de mettre en exergue la justice comme vertu fondamentale du foyer.
Puis le débat a touché à la responsabilité d'éducateurs que détiennent les parents. Il faut être particulièrement attentifs au volet éducation des enfants à la foi, d'autant que la pastorale de l'enfance peut créer un lien avec des familles en crise.
La contraception a bel et bien un impact négatif sur la société, à commencer par son effet sur l'effondrement de la natalité. Face au phénomène, les catholiques ne sauraient être passifs. Ils doivent diffuser un message d'espérance en expliquant que les enfants sont une bénédiction pour leurs parents, dont ils renforcent la foi et la pratique religieuse.
En dernier lieu, on a redit combien le rôle des laïcs, et notamment des mouvements, est indispensable dans l'apostolat de la famille, l'accompagnement des couples et l'évangélisation de la société.
[03029-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0737-XX.02]
Introduzione del Presidente delegato, Card. André Vingt-Trois
Cet après-midi, la Huitième Congrégation Générale sera maintenant consacrée à un autre thème présenté dans la troisième partie de l’Instrumentum laboris qui traite de l’ouverture à la vie et de la responsabilité éducative. Nous concentrerons donc notre attention et nos débats sur le chapitre 2 qui affronte plus particulièrement L’Église et la famille face au défi éducatif.
Les défis que doit affronter la famille dans le milieu éducatif sont multiples (132) et souvent les parents se sentent peu préparés face à cette tâche. Le Magistère récent a insisté sur l’importance de l’éducation, pour laquelle les époux reçoivent une grâce singulière dans le mariage. Le Pape François a souligné aussi l’importance de l’éducation dans la transmission de la foi. L’Église est appelée à aider les familles dans leur tâche éducative, à commencer par l’initiation chrétienne. L’éducation chrétienne en famille se réalise, avant tout, à travers le témoignage de vie des parents vis-à-vis des enfants (133-134).
Aujourd’hui, le défi de l’éducation chrétienne et de la transmission de la foi est souvent caractérisé, dans de nombreux pays, par le profond changement du rapport entre les générations, qui conditionne la communication des valeurs au sein de la réalité familiale (135-137). Si la transmission de la foi et l’éducation chrétienne apparaissent inséparables d’un témoignage de vie authentique, on comprend que les situations difficiles au sein de la cellule familiale accentuent la complexité du processus éducatif (138-139). Il y a globalement trois éléments à propos des situations irrégulières et de leur incidence sur l’éducation: les unions entre personnes du même sexe ; l’existence et l’augmentation de cellules monoparentales ; enfin, le phénomène des "enfants de la rue", très présent dans le Sud du monde (140).
Dans leurs requêtes, les parents en situation irrégulière s’adressent à l’Église (141) avec des attitudes très différentes, selon les sentiments et les motivations qui les animent. La requête principale et la plus fréquente est celle de l’administration des sacrements à leurs enfants (142-143). Une difficulté apparaît quand les parents divorcés sont en désaccord au sujet de l’itinéraire d’initiation chrétienne de l’enfant; dans ces cas-là, l’Église est appelée à jouer un important rôle de médiation (144). Il y a parfois aussi le malaise de parents qui ne peuvent pas accéder au sacrement de la pénitence et de l’Eucharistie, alors que leurs enfants sont invités à y participer (153). Une pastorale sensible apparaît toujours plus nécessaire, une pastorale guidée par le respect de ces situations irrégulières, capable d’offrir un soutien concret à l’éducation des enfants, y compris à travers les écoles catholiques (154-157).
Conscients de l’importance de ce défi de la transmission de la foi au sein de la famille, écoutons maintenant le témoignage des époux Olivier et Xristilla Roussy, Responsables de la branche apostolique Amour et Vérité -international, de la Communauté de l’Emmanuel, qui nous parleront de leur expérience familiale quant à la responsabilité de la transmission de la vie et de la foi.
[03019-03.01] [Texte original: Français]
Testimonianza dei coniugi Olivier e Xristilla Roussy, della Communauté de l’Emmanuel, Responsabili internazionali diAmour et Vérité (Francia)
Très Saint Père,
Chers Pères synodaux,
Nous allons fêter nos 20 ans de mariage et les 19 ans de l’aînée de nos 7 enfants.
Xristilla a grandi dans une famille dont les parents étaient divorcés et Olivier au sein d’une famille nombreuse.
Nous avons toujours eu le désir d’une grande famille. Nos premiers enfants sont nés et notre famille a pris peu à peu forme avec vitalité. L’arrivée de nos enfants nous a décentrés de nous-mêmes. Elle nous a aidés à dépasser nos limites humaines comme le bruit, la fatigue, l’inconfort. On ne connaît pas toutes ces difficultés avant de les vivre. On se demande si on va pouvoir les supporter lorsqu’elles surviennent. Mais, avec le temps et la prière, ce sont des renoncements qui nous procurent une joie profonde.
Durant nos fiançailles, nous avions choisi de nous former à la régulation naturelle des naissances. Après l’arrivée du troisième enfant, Xristilla était épuisée. Nous n’arrivions plus à vivre paisiblement nos unions conjugales. Nous avons alors décidé que Xristilla prendrait une pilule contraceptive pour quelques mois. Ce choix de la contraception était censé nous apaiser ; il eut l’effet contraire. Nous avons très mal vécu cette période. Xristilla était souvent de mauvaise humeur, le désir était absent et la joie disparaissait. Nous avions l’impression de ne plus être en vérité avec nous-mêmes. Nous n’étions plus unifiés. Nous avons compris que nous avions fermé une porte au Seigneur dans notre vie conjugale. Nous avons alors décidé de reprendre une régulation naturelle des naissances. C’est apparemment un chemin plus difficile qui nous invite à être continents lors des périodes fertiles alors même que nous désirons plus fortement nous unir. C’est souvent dur à accepter et à choisir à chaque fois. Mais nous le vivons à deux. C’est une aventure commune qui nous pousse à vouloir le bonheur de l’autre. Bien plus qu’une méthode, ce mode de vie nous permet chaque jour de nous accueillir l’un l’autre, de communiquer, de nous connaître, de nous attendre, de nous faire confiance, d’être délicats. Nous avons choisi cette voie, nous ne la subissons pas et nous en sommes profondément heureux malgré les efforts qu’elle requiert.
Nous avons expérimenté que ces méthodes sont fiables, même s’il nous faut témoigner qu’il nous est arrivé de ne pas contenir notre désir et qu’un enfant a vu le jour neuf mois plus tard. L’accueil de cette nouvelle vie aurait été impossible avec une contraception. Pourtant, ce nouvel enfant est un vrai bonheur.
Nous sommes très heureux que Dieu soit au cœur de notre vie, y compris de notre intimité conjugale. Nous décidons de la vivre sous son regard. Cela irradie notre vie de couple en nous rendant plus confiants dans l’avenir, plus libres et plus attentifs aux autres. Cette disponibilité nous ouvre à la volonté de Dieu dans toutes les dimensions de notre vie. Nous sentons que ce mode de vie nous porte aussi dans notre responsabilité éducative et rejaillit sur le climat familial.
Dans notre mission de parents, nous désirons avant tout éveiller nos enfants à la sainteté. Comme nous tous, ils sont confrontés aux multiples tentations du monde et humblement, nous essayons de les faire grandir dans la liberté et la générosité, de leur apprendre le sens du discernement, de la décision et de l'effort. Nous les aidons à bâtir leur projet de vie sous le regard de Dieu. Dans le rythme difficile de la vie moderne, nous cherchons à être attentifs à chacun et à leur accorder suffisamment de temps, ensemble et personnellement.
Notre vie de couple et notre vie de famille ont été marquées par notre cheminement dans la Communauté. Nous avons bénéficié de la formation qu’elle donne à ses membres mariés ; elle nous a aidés à devenir nous-mêmes. En tant que responsables d’Amour et Vérité, la branche apostolique de la Communauté de l’Emmanuel dont la mission est de soutenir les couples et les familles, nous faisons l’expérience qu’il est possible de vivre et proposer l’enseignement de l’Eglise, d’allier l’amour et la vérité sans renoncer ni à l’un, ni à l’autre. Nous cherchons à accueillir toutes les personnes quelles que soient leur histoire ou leur culture (des familles chrétiennes, mais aussi des couples loin de l’Eglise, souvent non-mariés, des parents seuls, des divorcés-remariés,…). L’Esprit Saint les place sur notre route afin que nous les aimions et que nous leur tendions la main. Mais elles ne pourront recevoir l’enseignement de l’Eglise que si elles se sentent d’abord écoutées et rejointes dans leur quotidien. Ensuite seulement, nous pourrons leur offrir des moyens concrets de cheminer.
Désorientés par les messages angoissants générés par le monde, toutes ces personnes en manque d’espérance ont peur de ne pas pouvoir durer dans leur amour et de ne pas être capables d’accueillir la vie. Par des témoignages simples et directs, et des enseignements concrets, nous proposons un art de vivre chrétien montrant que la sexualité et la fécondité peuvent être vécues dans le plan de Dieu et non dans la logique consumériste et égoïste du monde. Avec audace et charité, accueillant la loi pastorale de la gradualité, nous proposons à chacun de marcher vers le Christ selon le pas qu’il peut franchir chaque jour.
Fragilisés dans leur responsabilité éducative par le manque de repères ou la peur de ne pas être légitimes dans leur rôle, les parents ont la tentation de baisser les bras. Par des formations proposant des outils simples, nous les encourageons à donner une éducation intégrale, orientée vers la sainteté et le développement de l’intelligence, de la liberté, de la volonté, à la lumière de la foi. Cela passe en particulier par une éducation à la vie affective et sexuelle pour laquelle il est indispensable de responsabiliser les parents.
Nous sommes toujours bousculés par les questions et les doutes de nos contemporains, mais c’est exactement là où la rencontre peut se faire pour avancer ensuite vers la Vérité qui rend libre. Un accompagnement individuel, un accueil délicat, une communion fraternelle entre tous les états de vie, sont autant de moyens qui rendent possible la rencontre personnelle avec Jésus.
L’amour du Christ nous presse sur la voie d’une charité inventive. Ainsi, à Paray le Monial, lors de ses grands rassemblements, la Communauté de l’Emmanuel propose aux familles de se consacrer au Cœur de Jésus, pour demeurer en Lui et rayonner de son amour.
Nous sommes appelés à aimer les personnes et à les faire cheminer, plus qu’à juger leurs actes, à être des témoins de miséricorde n’ignorant pas les réalités auxquelles elles sont confrontées. Seule cette attitude du cœur peut nous éviter de devenir de petites communautés, étriquées, maîtrisées et finalement moribondes. L’accueil, l’accompagnement et la vie fraternelle ne seraient-ils pas aujourd’hui les clés essentielles pour l’évangélisation des familles ?
[03020-03.01] [Texte original: Français]
[B0738-XX.01]
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Sixième Congrégation générale du Synode: Résumé non official du débat général
Saint Père: présent
Pères synodaux: 180
Cette session a prolongé le débat général autours des situations pastorales difficiles, notamment familiales, et les unions entre personnes de même sexe.
On a rappelé d'abord que, n'étant pas une sorte de douane mais une maison de famille, l'Eglise devait offrir un accompagnement à tous, y compris aux personnes en situation pastorale délicate. Rassemblant familles en bonne santé et familles en crise, l'Eglise ne peut être indifférente dans son chemin de sanctification aux faiblesses de certains. Elle doit aider le plus faible.
La procédure relative aux nullités matrimoniales a besoin d'être allégée, et il faut plus de laïcs dans les tribunaux ecclésiastiques. Ceci dit, il faut éviter la superficialité et garantir le respect de la vérité et des droits des parties. Si le procès canonique n'est pas contraire à la charité pastorale, la pastorale judiciaire doit éviter toute culpabilisation et traiter chaque cas avec équilibre. Toujours à propos des procédures en nullité, on a réfléchi à l'hypothèse d'un recours administratif qui ne se substituerait pas au recours judiciaire mais en serait un complément en fonction d'une décision épiscopale.
Les divorcés remariés doivent être traités avec respect parce qu'ils se trouvent souvent dans des situations précaires et douloureuses, et cherchent à retisser une vie ecclésiale. Ils ont besoin d'une pastorale de miséricorde et non de répression. Si la polygamie est en recul, à cause de la décroissance du monde rural et à l'accroissement de l'urbanisation, on doit tenir compte des polygames convertis au catholicisme, et qui désirent recevoir les sacrement. Pour cette catégorie des mesures pastorales s'imposent.
Par ailleurs, il convient de mieux préparer les candidats au mariage, en insistant en particulier sur l'aspect sacramental du lien conjugal et une mission éducative qui ne se limite pas à un discours moraliste portant à un analphabétisme religieux. Le parcours matrimonial doit tendre au développement de la personne.
L'heure de débat libre a servi à la présentation d'expériences personnelles mais aussi de modèles appliqués à la pastorale des divorcés remariés, passant par des groupes d'écoute. Il convient ici d'éviter les formules du type "état permanent de péché", et s'expliquer que la non admission à la communion n'élimine pas automatiquement la grâce du Christ. Cette non admission découle de la permanence du lien sacramental antérieur et indissoluble. On a avancé à ce propos l'hypothèse de la communion spirituelle, qui montre en tout cas les limites comme la difficulté de nouvelles solutions.
Dans la pastorale des homosexuels aussi, l'écoute doit être fondamentale, notamment au moyen de groupes.
Il a enfin été question de fidèles qui passent à une autre confession chrétienne, et vice-versa, avec toutes les difficultés découlant des mariages inter-confessionnels, la question de leur validité, notamment parce que le divorce est prévu dans les Eglises orthodoxes.
Certains intervenants ont fait noté la grande évolution de la problématique de la famille chrétienne depuis le Synode ordinaire qui lui fut consacré en 1980, y compris en matière de culture juridique. L'Eglise doit tenir compte de cette évolution internationale, qui doit être sujet de débats dans universités et autres institutions culturelles.
[03028-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0736-XX.01]
Introduzione del Presidente delegato, Card. André Vingt-Trois
Aujourd’hui, cette Septième Congrégation Générale sera consacrée à un sujet présenté dans la troisième partie de l’Instrumentum laboris qui traite de l’ouverture à la vie et de la responsabilité éducative. Ce matin nous concentrerons notre attention et nos débats sur le chapitre 1 qui affronte plus particulièrement les défis pastoraux concernant l’ouverture à la vie. Dans ce domaine, on touche des dimensions et des aspects très intimes de l’existence, pour lesquels ressortent des différences substantielles entre une vision chrétienne de la vie et de la sexualité et un mode de vie fortement sécularisé.
C’est pourquoi la connaissance et l’accueil du Magistère sur l’ouverture à la vie (123-125) sont essentiels. En effet, nombreux sont ceux qui ont des difficultés à saisir la distinction entre les méthodes naturelles de régulation de la fertilité et la contraception. Lescauses principales de cet accueil difficile (126-127) proviennent de la différence entre la conception anthropologique chrétienne et celle de la mentalité dominante. C’est ainsi que du point de vue pastoral (128), il importe de faire davantage connaître – dans un nouveau langage et en collaboration avec le monde universitaire, la cohérence de la vision anthropologique proposée par l’Église.
Tout cela n’est pas sans conséquences sur la pratique sacramentelle (129) des couples qui, souvent, n’estiment pas que l’utilisation de méthodes anticonceptionnelles soit un péché et donc tendent à ne pas en faire une matière à confession et ainsi recevoir la communion sans problèmes.
Enfin, il faut encourager une mentalité ouverte à la vie (130-131) pour contrecarrer la mentalité contraceptive et la diffusion d’un modèle anthropologique individualiste qui déterminent en certaines régions du monde une forte baisse démographique dont les conséquences sociales et humaines ne sont pas aujourd’hui assez tenues en considération. Dans ce contexte, il faut reconnaître l’utilité des planning familiaux liés aux diocèses et les associations de familles qui deviennent témoins de la beauté et de la valeur de l’ouverture à la vie.
Conscients de l’importance de ce témoignage de vie auprès de nos contemporains, écoutons maintenant l’attestation des époux Arturo et Hermelinda As Zamberline, Couple responsable de la sous-région du Brésil des Équipes Notre-Dame, qui nous viennent tout droit de ce grand pays où la statue monumentale du Christ Rédempteur rappelle à tous que son image sacrée est le symbole de sa protection et de sa bénédiction qui rayonne sur le Brésil et les Brésiliens.
[03017-03.01] [Texte original: Français]
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Cinquième Congrégation générale du Synode: Résumé non officiel du débat général
Saint-Père: Absent (Audience générale)
Pères synodaux: 182
Cette session a prolongé de débat général autours des défis pastoraux de la famille, de la crise de la foi dans le contexte familial, et des situations critiques internes à la famille.
Il a d'abord été question de l'Eglise au proche et moyen Orient ainsi qu'en Afrique du nord, qui vit dans un contexte politique, économique et religieux critique, avec de graves effets sur la famille. Les lois y interdisent les réunifications familiales, la pauvreté pousse les gens à l'émigration, le fondamentalisme religieux nie aux chrétiens la parité avec les musulmans, ce qui pose des problèmes très graves dans les unions mixtes.
Les mariage inter-religieux sont en augmentation et l'Eglise doit comprendre quelle catéchèse offrir aux enfants nés de ces mariages, et s'ils veulent continuer à pratiquer leur religion. L'Eglise, qui ne doit pas abandonner ces fidèles, ni les chrétiens qui se convertissent à l'islam pour se marier, doit réfléchir à des solutions.
Le problème n'est pas strictement inter-religieux, mais parfois oecuménique comme dans les cas où un catholique n'ayant pas obtenu la nullité de son mariage passe à une autre confession pour se remarier religieusement. Même si l'Eglise choisie permet cette solution, et malgré le patrimoine commun de foi, il faut suivre un chemin de miséricorde dans les cas les plus délicats.
On a par ailleurs mis en évidence que le synode devra prendre en compte, avec toute la prudence requise, les divorcés remariés, en conjuguant vérité et miséricorde envers qui souffre. Ces époux qui se trouvent dans cette situation n'en sont souvent pas la cause.
Pour sa part, le Saint-Siège ne cesse de défendre la famille à tout niveau, d'en souligner la dignité, d'en rappeler les droits et devoir y compris devant les instances internationales. Comme le disait Benoît XVI, les non de l'Eglise sont des oui à la vie. Sans hésitation, elle doit donc continuer de combattre le silence éducatif et religieux touchant la famille, au moyen d'un témoignage plus incisif de l'Evangile, c'est à dire qui tienne compte de la créativité pastorale.
La place fondamentale des laïcs dans l'évangélisation a été réaffirmée, celle des jeunes avant tout, des mouvements et nouvelles communautés, qui accomplissent un service vital, missionnaire et prophétique, à contre-courant de la pensée courante. Mieux écouter les fidèles et plus investir sur eux constituent des priorités car c'est avec eux que l'Eglise peut trouver des solutions aux problèmes de leurs familles.
Il a alors été question de la crise de l'emploi, du précariat et du chômage, des conséquences pour la familles d'une absence de sécurité qui peut glisser vers la pauvreté économique et la perte du foyer. Le manque d'argent en fait paradoxalement une divinité. Ainsi sacrifie-t-on des familles sur l'autel du profit alors que l'argent devrait servir à vivre.
On a enfin rappelée la nécessité de mieux préparer les époux au mariage, notamment au niveau sexuel et affectif, en prônant une mystique familiale de la sexualité. Le rôle des grand parents dans la transmission de la foi au sein de la famille a également été souligné, ainsi que la nécessité d'inclure les anciens dans le noyau familial. La même attention et solidarité doit être réservée aux malades, eux aussi menacés par la culture du rebut dénoncée par le Pape.
[03026-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0731-XX.02]
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Quatrième Congrégation générale du Synode: résumé non officiel du débat général
Saint-Père: présent
Pères synodaux: 182
Cette session a prolongé de débat général autours des diverses propositions relatives à la pastorale de la famille. Ayant établi le lien entre crise de la foi et crise de la famille, la première générant l'autre, les pères ont noté que la foi est perçue comme un ensemble de données doctrinales, alors qu'elle est avant tout un acte libre envers Dieu. On a donc suggéré un vade-mecum de la catéchèse familiale qui puisse en renforcer la mission évangélisatrice. Le fait que nombre de baptisés aient une foi vague les conduit souvent au mariage sans une conscience précise de leur acte. La famille doit aussi faire face à la dictature de la pensée unique qui insère dans la société des contre-valeurs et déforme le concept d'union entre un homme et une femme. La crise des valeurs, le sécularisme athée et l'hédonisme, l'ambition du pouvoir détruisent et dénaturent la famille, fragilisent les personnes et donc la société toute entière. Les fidèles doivent donc redécouvrir le sens de leur appartenance à l'Eglise, car ce sont les familles de l'Eglise qui attirent les autres. Experte en humanité, l'Eglise doit réaffirmer la nécessité de la famille et son caractère irremplaçable, réveiller en l'homme le sens d'appartenance à un noyau familial. Reflet de l'amour de Dieu, c'est la famille qui éduque aux rapports sociaux.
Il a ensuite été question de l'importance du rapport entre les familles et les prêtres, qui les accompagnent dans les grandes étapes de leur vie. En retour, les familles aident les prêtres à vivre leur célibat comme affectivité équilibrée et non comme renonciation. Berceau des vocations, la famille suscite souvent dans la prière commune la naissance de l'appel au sacerdoce. A propos du lien entre baptême et mariage car la signification du sacrement conjugal est diminuée lorsque l'initiation chrétienne n'a pas été solide. Le mariage chrétien ne peut donc se réduire à un coutume ou à une exigence sociale. Il est une vocation qui a besoin d'une préparation soigneuse. Les répercussions du travail sur la vie familiale, avec notamment la flexibilité des horaires ou des contingences géographiques, le travail à la maison aussi, engendrent des difficultés dans le dialogue familial. Il a été question de la famille en Afrique, qui fait face à la polygamie et au lévirat, à l'influence des sectes, à la guerre et à la pauvreté, aux flux migratoires et au contrôle des naissances imposé par les instances internationales. Tout cela mine la stabilité de la famille et il faut y répondre par une évangélisation plus profonde, qui diffusent la paix, la justice et l'amour, le respect et la place de la femme dans la société, l'éducation et la défense de l'enfance et de toutes les victimes de violences.
Puis les pères ont à nouveau évoqué la nécessité d'un nouveau langage pour l'annonce évangélique, notamment face aux nouvelles technologies. Quant à l'indissolubilité du mariage, on a souligné combien la législation semble s'opposer au bien de la personne. La vérité du lien et de la stabilité conjugale étant inscrites dans la personne, il faut éviter de lui opposer la loi et percevoir comment aider la personne à ne pas trahir sa propre vérité. On a suggéré de réfléchir aux couples qui n'ont pas pu avoir d'enfant, et aux familles des pays frappés par l'Ebola. Enfin l'image de l'Eglise comme lumière a été rappelée pour dire qu'elle ne doit pas se limiter à fonctionner comme un phare mais se présenter sous la forme d'innombrables flammèches amies des gens. Le Conseil pontifical pour la famille a distribué à l'assemblée sont Enchiridion sur la famille.
[03025-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0730-XX.01]
Testimonianza della Sig.ra Jeannette Touré (Costa d'Avorio)
Eminences, Excellences,
Révérends Pères, Révérendes Sœurs,
Chers amis Auditeurs de la 3ème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Evêques,
C'est une évidence pour nous chrétiens de dire que c'est Dieu qui a conçu l'idée de la famille et qu'en le faisant, il nous a donné plusieurs principes dans sa parole concernant sa structure, ainsi que le rôle que doit jouer chaque membre. Il me paraît donc raisonnable de penser qu'II est le mieux placé pour nous montrer comment doivent fonctionner toutes les familles afin d'éviter les précipices qui les détruisent. Cependant, une question mérite de retenir notre attention.
Qu'est-ce que la famille, mieux, doit-on encore parler de la famille au singulier ?
La question mérite d'être posée quand on sait que de nos jours, la famille moderne est bousculée par l'augmentation des divorces, la chute des mariages, le nombre croissant des enfants nés hors mariage. Que dire, quand on voit tout autour de nous, l'extrême diversité des modèles familiaux: familles monoparentales, familles recomposées, familles à fidélités' successives, familles éclatées, communautés' de familles, familles homosexuelles... Est-ce bien cela la famille selon le cœur de Dieu ?
A la vérité, la famille telle que voulue et aimée de Dieu est la seule qui se doit : « homme et femme il les créa afin qu'ils fécondent la terre et soient heureux» Gen1, 27. Et à ce titre, elle se doit d'être image et ressemblance de Dieu partout où elle se trouve. Elle doit être, pour son entourage, porteuse de la Bonne Nouvelle du Salut par son témoignage de' vie. Pour nous, en tant que couple mixte, ce thème : "Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation" est d'autant plus important qu'il s'applique à notre réalité : comment un homme, un musulman et-une femme, une chrétienne catholique qui-se sont aimés il y a de cela un peu plus de 52 ans, et qui continuent de s'aimer encore aujourd'hui, peuvent-ils être témoins de l'évangile pour leurs enfants, pour leur entourage, pour leurs amis, pour leurs différentes communautés religieuses ?
Notre contribution à ce thème voudrait être notre témoignage de vie : 52 années de vie commune dans la tolérance, le respect mutuel de nos croyances, dans le soutien l'un de l'autre, dans l'éducation chrétienne de nos enfants (qui sont tous baptisés à l'Eglise catholique et ce avec l'accord de mon époux), tout cela en accueillant les joies reçues du Seigneur et en gardant beaucoup d'espérance au cœur des difficultés. De cette union sont nés 5 enfants et 6 petits enfants à qui nous avons inculqué nos valeurs derespect de l'autre dans la différence et à qui nous avons donné la foi.
Merci à mon époux qui a accepté que nos enfants soient tous catholiques. Eux aussi à leur tour essayent d'être porteurs de la Bonne Nouvelle autour d'eux. La famille, particulièrement la famille africaine a le devoir de témoigner de sa foi dans son milieu de vie et dans son entourage. C'est aussi un défi quand on connaît le poids de nos traditions. Nos choix et nos décisions doivent aider notre entourage à mieux connaître, accepter et aimer Dieu.
En face des modèles pas toujours reluisants, il nous faut affirmer qu'il y a un optimal à rechercher pour le bonheur de tous et de chacun et que la famille étant le lieu d'une attente considérable, il en résulte, que notre monde a besoin de modèles sur le plan de la famille comme dans bien d'autres domaines. Devant donc toutes ces menaces qui pèsent lourdement sur la famille, il me paraît urgent, que les familles reviennent à leur mission à savoir que :
- La famille est le lieu où l'on peut être soi-même et, enlever son masque sans être jugé ; le lieu où l'on apprend à avoir confiance en soi grâce au regard admiratif et en même temps lucide que les parents portent sur leur progéniture. Elle est le lieu où l'on vit l'amour au quotidien, où l'on échappe à la solitude, où l'on apprend à partager, à s'épanouir pleinement.
- La famille est le lieu où la vie sociale s'apprend en douceur et où l'on fait l'apprentissage de la différence ; le lieu où l'on transmet les valeurs. C'est que la famille doit favoriser la communication entre ses membres, pour devenir le lieu où l'amour doit se dire et la tendresse paternelle, notamment, doit s'exprimer.
Vous le savez certainement, la construction d'une famille nécessite un engagement généreux des époux dans cette formidable aventure, un défi lancé au temps par la décision de vivre la fidélité, un pari fait sur l'amour sans regarder en arrière et en prenant les moyens de rester fidèle, en cessant de songer à son unique épanouissement et à son unique confort.
De même, vous remarquerez que les familles dont les contours sont imprécis, où chacun fait ce qu'il veut et pense d'abord à lui, ne vont pas très loin, tout comme les familles totalitaires, c'est-à-dire, ces familles qui prétendent se suffire à elles-mêmes.
A la vérité, il s'agit pour les familles aujourd'hui, de s'engager au service de la cité, d'entrer dans des associations, d'entrer en relation avec Dieu. Et c'est là tout le défi que nous avons à relever tous ensemble.
Je vous remercie.
[03014-03.01] [Texte original: Français]
[B0727-XX.01]
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Troisième Congrégation générale du Synode: résumé non officiel du débat général
Saint-Père: présent
Pères synodaux: 184
Cette session a prolongé de débat général autours de: l'Evangile de la famille et la loi naturelle; et de La famille et la vocation de la personne dans le Christ.
En ouverture a été annoncé que le consistoire ordinaire du 20 octobre serait consacré à la situation du proche et moyen Orient, dans le sillage de la réunion tenue en début de semaine avec les nonces en poste dans la région. Les patriarches orientaux ainsi que le patriarche latin de Jérusalem y prendront part, et le Cardinal Secrétaire d'Etat en fera la présentation.
Les débats de ce matin on mis en exergue la nécessité d'une meilleure préparation pré-matrimoniale, solide et efficace. Il ne suffit pas d'envisager des remèdes aux échecs conjugaux mais élaborer les conditions de succès des mariages. Pour cela il est nécessaire d'offrir une vision du mariage qui ne se limite pas à sa réussite mais qui le présente comme un passage vers un but supérieur, au moyen d'une ascèse personnelle des couples qui soit force et énergie. Le mariage, qui est une vocation à part entière, implique la fidélité et la cohérence afin d'être un espace de progrès de l'humain.
Les époux doivent donc être accompagnés par le biais d'une pastorale spécifique vigoureuse. Personnalisée, la préparation sacramentale doit être longue et rigoureuse, même si cela risque de diminuer le nombre des noces à l'Eglise. On ne doit pas encombrer de causes matrimoniales les tribunaux ecclésiastiques.
Il a ensuite été question des media, dont la présence est parfois envahissante dans leur présentation d'idées opposées à la doctrine de l'Eglise en matière de mariage. Les fidèles doivent êtres mis en garde mais aussi mieux armés. L'enseignement de l'Eglise doit être plus incisif et ne pas se limiter à des interdits. Comme Jésus, elle doit se faire proche des personnes. En agissant ainsi il sera possible de réduire la fracture entre doctrine et pratique, entre enseignement ecclésial et vie familiale. Il n'est pas question de choisir entre doctrine et miséricorde mais de développer une pastorale éclairée, encourageant des familles en crise qui souvent ne ne sentent plus appartenir à l'Eglise.
Face aux couples en difficulté et aux divorcés remariés, l'Eglise soit présenter la vérité et non point un jugement. Avec compréhension, elle doit convaincre les intéressés à suivre la vérité, à suivre l'Eglise qui dit la vérité. C'est la miséricorde qui soigne et accompagne, d'autant que les familles en crise n'attendent pas des solutions pastorales rapides. Elles ne veulent pas être de simples statistiques mais se sentir comprises et aimées. Il faut accorder plus d'espace à la logique sacramentale qu'à la logique juridique.
Pour ce qui est de l'Eucharistie aux divorcés remariés, il a été réaffirmé qu'il ne s'agit pas du sacrement des parfaits mais de qui chemine.
Le débat est revenu sur la nécessité de changer de langage, sur le principe d'un dialogue plus large et assidu. Il convient d'écouter plus souvent l'expérience des époux car leurs problèmes, loin d'être ignorés, doivent devenir le fondement d'une théologie réelle. Il a été décidé de préciser le sens de concepts comme l'inspiration biblique, l'ordre de la création, la loi naturelle. Il ne suffit pas de changer le vocabulaire pour établir un pont et engager un dialogue efficace avec les fidèles. C'est bien d'une conversion pastorale dont il est besoin pour rendre l'annonce évangélique plus efficace.
On a alors présenté les dimensions spécifiques de la famille que sont la vocation à la vie, à la mission et à l'accueil. Témoigner du Christ au travers de l'unité familiale fait d'elle la première école d'altérité, un espace qui contraste avec l'agitation du monde ambiant. L'éducation à la sainteté de la famille, comme icône de la Trinité, a été soulignée, avec la prière qui transmet la foi des parents aux enfants.
Là encore, les prêtres et les catéchistes doivent également recevoir une formation plus adaptée".
[03023-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0724-XX.03]
Omelia del Card. Chibly Langlois
Très Saint-Père,
Eminents et Excellents Pères synodaux,
Frères et Sœurs, les participants,
En ce jour où nous faisons mémoire de Notre-Dame du Rosaire, nos travaux en assemblée synodale sur la famille se poursuivent dans la confiance en sa maternelle intercession. Grâce à sa prière, Dieu viendra lui-même libérer nos familles du manque d’amour dont elles sont victimes comme à la prière du Rosaire la victoire de Lépante a été obtenue. La Parole de Dieu qui nous est adressée par le prophète Jérémie est une invitation à chercher ce qui est juste pour nos sociétés alors que nous cherchons à relever les nombreux défis de la pastorale familiale dans le contexte de l’Evangélisation.
Le Prophète Jérémie a été envoyé par le Seigneur rappeler au roi et au peuple de Juda que l’avenir de Juda dépend de la pratique du droit et de la justice. D’une part, il s’agit de faire justice particulièrement aux faibles, aux pauvres de la société d’alors et qui étaient facilement exploités : l’étranger, l’orphelin, la veuve. D’autre part, il importe de respecter la vie des innocents. C’est une plaidoirie pour la juste intégration sociale de tous, particulièrement des plus faibles, des plus pauvres. C’est une exhortation à travailler pour la construction d’un monde plus fraternel où règne la paix.
Ce message prophétique, proclamé bien des siècles avant Jésus-Christ, trouve sa résonnance dans l’aujourd’hui de notre monde. Certes, ce monde a beaucoup évolué sur le plan de la technologie, des moyens de communication et de la production. Il reste pourtant marqué par des injustices de toutes sortes dont sont victimes de nombreuses populations. Elles sont incalculables les familles qui souffrent à cause de la misère, de l’exploitation, de la violence et de la guerre.
L’assemblée synodale sur la famille qui réunit des délégués de différentes nations est un lieu propice où, d’une voix unanime, nous devons dire, au nom de toutes les familles de la terre, au nom de la grande famille humaine que nous constituons tous et surtout au nom de notre foi, que les injustices criantes qui sévissent au sein des nations, comme ce qui se passe en Syrie, en Irak, en Afrique et en d’autres parties du monde dont la situation d’Haïti, ne font pas honneur à la dignité humaine.
Un monde digne de notre humanité, image de Dieu, est possible si, de notre part comme Eglise et à travers la Pastorale de la famille, nous travaillons dans la foi et la charité à rendre présent dans le monde le Royaume de Dieu. « Dans la mesure où Dieu réussira à régner parmi nous, la vie sociale sera un espace de fraternité, de justice, de paix, de dignité pour tous » (EG 180). Ce doit être vraiment au nom de notre foi, une foi authentique, car dit le Saint-Père :
Une foi authentique – qui n’est jamais confortable et individualiste – implique toujours un profond désir de changer le monde, de transmettre des valeurs (…). La terre est notre maison commune et nous sommes tous frères. Bien que « l’ordre juste de la société et de l’État soit un devoir essentiel du politique », l’Église « ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice ». Tous les chrétiens, et aussi les pasteurs, sont appelés à se préoccuper de la construction d’un monde meilleur’’ (EG 183).
Comme l’indique le témoignage évangélique, pour le salut des familles, c’est aussi la collaboration d’une foi active opérant par la charité que le Christ attend aujourd’hui de son Eglise et des familles, dans un monde où nombre de nos défis pastoraux dont ceux de la famille proviennent le plus souvent d’un manque de foi et d’amour, d’un manque de préparation à accueillir généreusement le don de la famille comme venant de Dieu.
Nous nous confions à la prière de la Sainte Vierge Marie, la Mère de l’Evangélisation, invoquée aujourd’hui sous le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Par son intercession, que Dieu continue de nous éclairer par son Esprit-Saint afin que cessent les injustices, les violences et les guerres de toutes sortes. Que tous les hommes et les femmes de ce monde deviennent dans le Christ une famille dont Dieu est le Père.
[03021-03.01] [Texte original: Français]
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Seconde Congrégation générale du Synode: résumé non officiel du débat général
Saint-Père: présent
Pères synodaux: 180
Cette session a ouvert le débat général autour des questions suivantes: Dessein de Dieu sur le mariage et la famille, Connaissance et réception de l'Ecriture et des documents de l'Eglise sur mariage et famille. La famille étant la cellule de la société, espace de l'amour gratuit, parler de famille et de mariage inclut de parler d'éducation et de fidélité. L'institution familiale doit donc être protégée car il en va de l'avenir de l'humanité. Nombreux sont les pères qui ont soutenu la nécessité d'adapter le langage de l'Eglise afin que sa doctrine sur la famille, la vie et la sexualité soit mieux compris.
A l'exemple du Concile, il faut dialoguer avec le monde, avec une ouverture critique mais sincère. Si l'Eglise n'écoute pas le monde, celui-ci ne l'écoutera pas. Mais ce dialogue doit envisager des sujets d'importance comme l'égalité de dignité homme femme ou le rejet de la violence. C'est pourquoi l'Evangile doit être montré plus qu'expliqué, c'est pourquoi il faut impliquer les fidèles dans l'annonce en reconnaissant leur charisme missionnaire. Evangéliser ne devant pas être une théorie dépersonnalisée, les familles doivent témoigner concrètement des valeurs évangéliques. L'enjeu consiste à passer de la défensive à la proposition, c'est à dire de reproposer la foi au moyen d'un langage nouveau et de témoignages convaincants rétablissant un pont avec la société. On a ainsi suggéré l'usage d'une catéchèse plus biblique que théologique car, malgré les apparences, les fidèles sont avides d'idéaux. Le chrétien sachant que le bonheur auquel l'homme tend est le Christ, il faut employer un langage adapté pour le dire au monde. L'Eglise doit oeuvrer par attraction, avec amitié envers le monde. Face aux couples en crise, à l'instar de Dieu, elle doit être compréhensive et miséricordieuse, et envisager la question sous le profil d'une justice respectueuse du dessein divin. Certes, le mariage demeure un sacrement indissoluble. La vérité étant le Christ et non un ensemble le règles, il convient de maintenir les principes tout en adaptant les formes. La nouveauté dans la continuité, ainsi que le disait Benoît XVI. Si le Synode ne met pas en discussion la doctrine, il réfléchit sur la pastorale, sur le discernement spirituel nécessaire à l'application de la doctrine face aux problèmes de la famille. La miséricorde n'élimine pas les commandements, elle en est la clef herméneutique.
On a convenu de la nécessité d'aborder avec respect certains cas, telles les unions libres marquées du sceau de l'amour et de la fidélité, qui présentent des éléments de sanctification et de vérité. Pour que le Synode diffuse encouragement et espoir, y compris aux personnes qui se trouvent dans des situations incorrectes, il faut avant tout envisager les aspects positifs. Et plus encore, il faut aimer sincèrement les familles en crise. Dans une société individualiste qui tend à la dissolution du modèle familial, on enregistre une perte de sens de l'union de l'être humain avec Dieu. Annoncer la beauté et la bonté de la famille ne peut se limiter à l'esthétisme, à la proposition d'un idéal à imiter, mais être une mise en valeur de l'alliance définitive des époux envers Dieu.
Un autre point essentiel s'étant dégagé des débats: le rejet du cléricalisme. Souvent l'Eglise semble plus préoccupée de son pouvoir que de son service, au point de désintéresser les gens. Retournons à imiter le Christ et retournons à l'humilité. La réforme de l'Eglise doit commencer par celle du clergé. Les fidèles doivent trouver les pasteurs dans le sillage du Seigneur, alors capables de les ramener vers lune Eglise enfin pleinement évangélisatrice. Il a alors été question de la sexualité au sein du mariage, et de sa valeur essentielle. Le sujet est tellement débattu et critiqué lorsqu'il est vécu hors mariage, que l'amour conjugal semble presque être une concession à la faiblesse humaine. En cela il est apparu nécessaire de disposer de prêtres mieux formés, mais aussi de politiques familiales capables de raviver la foi au sein des familles chrétiennes.
Au cours de la table ronde conduite entre 18 et 19 h, deux suggestions se sont manifestées: Que le Synode lance un message de soutien aux familles irakiennes, menacées d'extermination, contraintes à fuir leurs foyers pour ne pas avoir à renier leur foi. La proposition sera soumise à un vote. Et puis que le Synode se penche sur le clergé marié des Eglises orientales, qui connaît parfois une crise du couple pouvant conduire à la dissolution.
[03022-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0721-XX.02]
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Synod14 - Première Congrégation générale: Rapport du Secrétaire général, le Cardinal Lorenzo Baldisseri, 06.10.2014
[B0711]
[Traduction non officielle]
INTRODUCTION
Très Saint-Père,
Éminentissimes et Excellentissimes Pères synodaux,
Chers frères et sœurs,
C’est avec honneur et émotion que je m’adresse, pour la première fois, en tant que Secrétaire Général, à la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques, suite à ma nomination qui a eu lieu le 21 Septembre 2013. Et je tiens à remercier Votre Sainteté d'avoir convoqué cette Assise, haute expression de la collégialité épiscopale, au début de votre Pontificat sur le thème : « les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation ».
Dans sa première homélie dans la Chapelle Sixtine (14 mars 2013), Votre Sainteté, traçant les lignes de son pontificat, a prononcé trois verbes : marcher, édifier et professer, en mettant en premier lieu l'accent sur "marcher". Et marcher ensemble est justement "syn-odos", "Synodus." L'Église, communauté des croyants dans le Christ, est en marche vers la maison du Père, missionnaire dans les rues du monde, elle annonce et professe la foi en Jésus-Christ, en tant qu’instance institutionnelle mais aussi dans les différents charismes et ministères qui, en communion, spécifient la méthode, le mode de vie et le témoignage de l'Évangile.
Je tiens, Votre Sainteté, à exprimer ensuite ma gratitude pour la bonne nouvelle et la grâce de la béatification de Paul VI, qui sera célébrée le dimanche 19 octobre prochain, à l’issue de cette Assemblée Générale Extraordinaire, et que les Pères Synodaux et l'Église entière accueillent et reçoivent avec joie. Cet événement s’inscrit dans le cadre significatif de cette Assemblée qui compte des membres synodaux provenant de toutes les régions du monde. Il s’insère dans le large cadre de communion qui, en ces jours-ci, s’exprime par un grand nombre d'initiatives de prière pour le succès du Synode.
La déclaration de béatification de Paul VI dans le contexte synodal marque un point important de collégialité et de synodalité, pour l’actualité de sa figure après 50 ans, comme le pape qui a conduit et conclu le Concile œcuménique Vatican II et comme le pape qui, dans la mise en œuvre du même Concile, a établi le Synode des Évêques, en accompagnant ses premiers pas. L'année prochaine, en 2015, réunis encore une fois en Synode, nous aurons la joie de célébrer ces deux anniversaires.
Je tiens à m’adresser aux 253 participants de cette Assemblée Synodale, présidée par le Souverain Pontife, le Pape François, Chef du Collège épiscopal et Pasteur de l'Église universelle, pour leur souhaiter une cordiale et sincère bienvenue.
Je salue les Pères synodaux provenant des cinq continents : les Chefs des 13 Synodes des Évêques des Églises Orientales Catholiques sui iuris, les Présidents des 114 Conférences épiscopales, et les 3 Représentants de l'Union des Supérieurs Généraux. Je salue fraternellement aussi les 26 Chefs des Dicastères de la Curie Romaine, les 15 membres du XIIIème Conseil Ordinaire et les 26 Membres nommés par le pape.
J'adresse un salut particulier aux 8 Délégués fraternels, représentants des Églises et communautés ecclésiales, qui partagent avec les catholiques la préoccupation de travailler pour une action efficace en faveur de la famille.
Je salue également cordialement les 16 experts et 38 auditeurs, hommes et femmes, choisis entre tant de spécialistes et de personnes engagées dans la pastorale familiale, sachant que leurs compétences et leurs témoignages personnels et de leurs communautés respectives enrichiront les travaux synodaux.
J'étends mes salutations cordiales aux Attachés de Presse, aux Assistants, aux Traducteurs, au Personnel Technique et, en particulier, à Votre Excellence le Sous-Secrétaire, récemment élevé à l'épiscopat, ainsi qu’aux collaborateurs de la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, reconnaissant pour leur généreuse et précieuse contribution à la préparation de l'Assemblée Synodale.
L'Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques, par sa nature même, comme en témoignent les règles statutaires de l'Organe (Ordo Synodi Episcoporum), se traduit comme une Assemblée à finalité spécifique aussi bien quant au thème que dans sa rapide constitution pour le bien de l'Église universelle. On peut faire la différence entre l'Ordinaire et la Spéciale selon la qualité, le nombre de membres prévus et la durée.
Dans le cadre d'une nouvelle dynamique du Synode et en raison de l'urgence attribuée au thème annoncé, « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation», le Saint-Père a choisi ce type d’Assemblée le 8 octobre 2013, quand il a annoncé l'Assemblée Générale Extraordinaire du Synode du 5 au 19 octobre 2014, que nous célébrons maintenant.
C'est une date importante parce que la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, avec son Conseil Ordinaire, a accueilli la volonté du Saint-Père de rythmer le chemin synodal en plusieurs temps - qui seront décrits plus loin- c'est-à-dire en deux étapes, voire trois, si on inclut le Consistoire des Cardinaux des 20 et 21 février derniers. Le critère qui a guidé cette nouvelle démarche synodale est celui de suivre les règles en vigueur, d’aller de l'avant et d’accomplir ces étapes nécessaires pour parvenir à l'objectif avec efficacité et rapidité.
Passons maintenant au rapport des différentes activités du Synode des Évêques accomplies dans l’intervalle qui nous sépare de la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire célébrée en 2012, de la préparation de l'Assemblée Générale Extraordinaire et des perspectives et de la nouveauté de ce Synode, avec une conclusion.
I) Les activités entre la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire de 2012 et la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire.
L'Assemblée Générale Ordinaire s’est conclue le 28 octobre 2012, avec les «propositiones» qui ont été remises, comme de coutume, au Saint-Père, alors le Pape Benoît XVI. À la fin de cette Assemblée Synodale a été constituée le XIIIème Conseil Ordinaire du Secrétariat Général, composé de 15 membres, dont 12 sont élus par l'Assemblée, et 3 nommés par le Pape. Celui-ci a tenu 7 réunions.
La première réunion a été célébrée à la fin de l'Assemblé Générale Ordinaire, le 28 octobre 2012. Au cours de celle-ci, on a pris connaissance du travail à faire et des mesures à prendre.
La deuxième réunion, qui s'est tenue le 26 novembre 2012, a été consacrée à deux objectifs : d'une part, l'examen du contenu résultant de la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire en vue de la rédaction du projet pour un éventuel document post-synodal ; d'autre part, le lancement de la consultation sur le thème de la XIVème Assemblée Générale Ordinaire prévue pour l'année 2015, à l'occasion du 50ème anniversaire de la clôture du Concile œcuménique Vatican II.
Au cours de la troisième réunion, qui a eu lieu du 23 au 24 janvier 2013, le Conseil Ordinaire a procédé à la préparation de la version finale du document post-synodal et à l'analyse des propositions pour le thème de la prochaine Assemblée Générale Ordinaire. La réunion s'est terminée par la formulation d’un triple argument, dont émergent en premier lieu la thématique christologique et anthropologique avec une référence particulière à la Constitution conciliaire Gaudium et spes, 22.
Entre-temps, il y a eu la renonciation du Pape Benoît XVI, le 11 février 2013 et l'élection de son successeur, le Pape François, le 13 mars 2013. Après son élection, le nouveau Pontife a reçu en audience, à l'occasion de la quatrième réunion du XIIIème Conseil Ordinaire, qui a eu lieu les 13 et 14 juin, celui qui était alors le Secrétaire Général, Son Excellence Nikola Eterović et les membres du Conseil Ordinaire. Lors de cette réunion, ont été remis au Saint-Père François aussi bien un texte qui recueille les fruits de la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire sur l'évangélisation, que les résultats de la consultation pour le thème de la prochaine Assemblée Générale Ordinaire. Plus tard, le Saint-Père, lors de l'audience avec le Secrétaire Général le 4 juillet 2013, traça dans les grandes lignes un thème qui concernerait la vocation de la personne et de la famille humaine.
Je me réfère maintenant à la préparation, lointaine et récente, de la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire qui, hier, a solennellement commencé avec la célébration eucharistique présidée par le Saint-Père et concélébrée par tous les Pères Synodaux, ainsi que par les prêtres impliqués dans les travaux synodaux.
II) Préparation de la Troisième Assemblée Générale Extraordinaire
Après la quatrième réunion du Conseil Ordinaire, le 23 Août 2013, le Pape François a reçu en audience le Secrétaire Général, Son Excellence Monseigneur Nikola Eterović, et il a décidé, à cette occasion, de convoquer la Troisième Assemblée Générale Extraordinaire, en choisissant pour sujet les défis pastoraux sur la famille.
Par la suite, le Pape François, en me remettant, le 21 Septembre 2013, la tâche de guider la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, et en m'invitant en même temps à donner un nouvel élan et à renforcer la structure Synode, a exprimé sa volonté de convoquer au plus tôt la Troisième Assemblée Générale Extraordinaire du Synode sur le sujet qu'il avait annoncé, mais pas encore officiellement convoqué.
Pendant ce temps, le treizième Conseil Ordinaire, présidé par le Saint Père s'est réuni les 7 et 8 Octobre 2013 : la cinquième réunion.
Lors de cette réunion, le processus de préparation de l'élaboration de la première version du document préparatoire de l'Assemblée Générale Extraordinaire a commencé. Le texte, soumis à l'examen des membres du Conseil, comportait un questionnaire à diffuser largement auprès de toutes les organismes concernés et largement à toute l'Église, pour lancer une consultation sur les défis pastoraux liés à la famille. Le document a ensuite été approuvé avec des amendements, qui ont été dûment apposés avant l'envoi aux ayants droit et la publication.
Précisément à la fin des travaux de cette réunion, le Saint-Père a convoqué le 8 octobre 2013 la Troisième Assemblée Générale Extraordinaire, fixant définitivement le thème dans les termes suivants: «Les défis pastoraux sur la famille dans le contexte de l'évangélisation». Dans cette même réunion, le Saint-Père a confié officiellement les travaux préparatoires de la réunion de l'Assemblée Générale Extraordinaire au treizième Conseil Ordinaire élu lors de la Treizième Assemblée Générale Ordinaire de 2012.
Par la suite, le 14 octobre 2013, le Saint-Père François a nommé Son Éminence le Cardinal Péter Erdő Rapporteur Général, et Secrétaire Spécial Son Excellence Bruno Forte, déjà membres du Treizième Conseil Ordinaire qui se sont préparés à effectuer de la meilleure façon possible leurs missions respectives, en étroite collaboration avec la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques.
Le Document Préparatoire (Lineamenta) a ensuite été présenté lors d'une Conférence de presse le 5 Novembre 2013, en six langues (anglais, français, italien, portugais, espagnol et allemand). Avec cet acte public a ainsi commencé une vaste consultation de toute l'Église, qui a impliqué les communautés locales dans la réflexion et la prière sur le thème de l'Assemblée Synodale. Le questionnaire a suscité un grand intérêt parmi les pasteurs et les fidèles. Le pourcentage élevé de réponses reçues le démontre : 83,11% du nombre total des ayants droit (88,59% des Conférences épiscopales; 65,38% des Dicastères de la Curie romaine, 76,92% des Synodes des Églises Orientales). À ces réponses il faut ajouter de nombreux commentaires de personnes seules et de groupes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Église.
Les contributions, données en réponse au «questionnaire» du Document Préparatoire, ont fait l'objet d'un examen attentif et studieux de la part de la Secrétairerie Générale et du Conseil Ordinaire, qui a consacré à cette tâche la sixième réunion ayant eu lieu du 24 au 25 février 2014, présidée par le Saint Père, au cours de laquelle s’est donnée une première lecture du projet de l'Instrumentum Laboris, fruit du travail d'une équipe de neuf experts ayant lu, étudié et résumé les réponses au questionnaire.
Entre la sixième et la septième réunion du Conseil Ordinaire a eu lieu la nomination des Présidents Délégués : les Cardinaux André Vingt-Trois, Archevêque de Paris ; Luis Antonio G. Tagle, Archevêque de Manille ; et Raymundo Damasceno Assis, Archevêque de Aparecida (15 Mars 2014). En outre, dans la même période, le 8 Avril 2014 le Saint-Père a élevé à la dignité épiscopale le Sous-Secrétaire, Son Excellence Monseigneur Fabio Fabene avec le titre d’Évêque titulaire d’Acquapendente. À cette occasion, le Saint-Père a adressé une lettre au Secrétaire Général dans laquelle il a exprimé son désir de promouvoir la collégialité et de développer ultérieurement la synodalité dans l'Église.
L'abondant matériel rassemblé et systématisé par la Secrétairerie Générale en réponse au questionnaire du Document Préparatoire, a été synthétisé dans la rédaction de l’Instrumentum laboris ou Document de Travail, dont le texte a été discuté et approuvé lors de la septième réunion du Conseil Ordinaire, tenue les 13 et 14 mai 2014. Traduit dans les mêmes six langues que le Document Préparatoire, il a été rendu public lors d'une Conférence de Presse le 26 Juin 2014 et largement diffusé sur le site Internet du Saint-Siège.
En ce qui concerne la composition de cette Assemblée Synodale, il convient de noter que, selon l’Ordo Synodi Episcoporum (Art 5 § 2) prennent part à l'Assemblée Générale Extraordinaire en qualité de membres ex ufficio les chefs des Églises Orientales Catholiques sui iuris, les Présidents des Conférences épiscopales (nationales ou de plusieurs nations) et trois religieux élus par l'Union des Supérieurs Généraux. De plus, selon les mêmes règles synodales (art. 5 § 4) le Saint-Père a la prérogative de nommer à sa discrétion d’autres membres.
Par conséquent, 191 Pères Synodaux participent à cette Assemblée Générale Extraordinaire selon les trois catégories suivantes: 162 ex ufficio, 3 ex electione et 26 ex nominatione pontificia. L'Assemblée synodale ainsi composée accueille des Pères Synodaux provenant des cinq continents : 42 d'Afrique, 38 d'Amérique, 29 d'Asie, 78 d'Europe et 4 d'Océanie.
Les Membres ex officio sont les Chefs des treize Synodes des Évêques des Églises Orientales Catholiques sui iuris, les Présidents des 114 Conférences Épiscopales, les Chefs de vingt-cinq Dicastères de la Curie Romaine. Par disposition du Saint-Père, s'ajoutent aux précédents, en tant que membres ex ufficio, les prélats qui font partie du Treizième Conseil Ordinaire, auxquels la tâche de préparer l'Assemblée Générale Extraordinaire a été confiée. Trois religieux élus par l'Union des Supérieurs Généraux participent en qualité de Membres ex electione. Enfin, prennent part à l'Assemblée Synodale encore 26 Membres ex nominatione pontificia, provenant de différentes parties du monde : quatorze cardinaux, cinq archevêques, trois évêques et quatre prêtres.
Dans l’ensemble des 191 Pères Synodaux, on recense 61 cardinaux, un patriarche cardinal, sept patriarches, un archevêque majeur, 66 archevêques (dont deux métropolites, trois titulaires, deux émérites), 47 évêques (parmi lesquels un évêque titulaire, deux vicaires apostoliques, un exarque apostolique et un émérite), un évêque auxiliaire, un prêtre prélat et six religieux.
En outre, conformément à l'art. 7 de l'Ordo Synodi, d’autres participants ont été invités à l'Assemblée Synodale en qualité d’ Experts ou de consultants du Secrétaire Spécial (16), Auditeurs et Auditrices (38) et Délégués fraternels (8), de différentes cultures et nations. Il est à noter que parmi les Auditeurs, s’agissant d’un Synode consacré à la famille, nous avons voulu donner un accent particulier à la participation de couples mariés, des parents, et de chefs de familles, au nombre de 12 personnes. Un couple marié a été inclus également parmi les 16 Experts. Nous sommes reconnaissants envers les Délégués fraternels pour leur présence, représentants d'autres Églises et Communautés ecclésiales. Ils partagent certainement avec l'Église catholique le souci de l'évangélisation et le soin pastoral des familles dans le monde d'aujourd'hui.
Parallèlement aux activités d’administration courante en vue de la Troisième l'Assemblée Générale Extraordinaire, le Secrétariat a développé d'autres activités liées à la question du synode afin d'analyser certaines questions spécifiques qui sont étroitement liées avec le thème général. Plusieurs réunions ont eu lieu à cet effet, appelées "interdicastérielles", qui ont impliqué des représentants de plusieurs Dicastères de la Curie Romaine, ainsi que des personnes du monde académique des Universités Pontificales Romaines. Ces réunions ont donné un important travail d'étude et de recherche qui a été d'une grande utilité pour élaborer le résumé des réponses, rédiger le texte de l'Instrumentum laboris et pour la préparation de la Secrétairerie Générale afin de faire face aux travaux du Synode.
Enfin, la Secrétairerie Générale a promu des initiatives de prière sur la famille pour cette Assemblée Extraordinaire. En particulier, la Solennité de la Sainte Famille a été célébrée avec un relief particulier le Dimanche 29 Décembre 2013 en trois lieux de culte importants : la Basilique de l'Annonciation à Nazareth, en Terre Sainte; la Basilique de la Sainte Maison de Lorette en Italie; et le Sanctuaire de la Sagrada Familia à Barcelone. De plus, au cours de l'Angélus de ce dimanche, le Saint-Père a encouragé l'initiative, en invitant toute l'Église à prier pour que l'Assemblée Synodale porte de bons fruits. C’est à cette occasion que la prière pour le Synode sur la famille spécialement composée par le Saint-Père a été diffusée en plusieurs langues.
Le dimanche 28 Septembre a aussi été une journée spéciale de prière pour le Synode, que la Secrétairerie Générale a encouragé en invitant toutes les Conférences épiscopales et d'autres organismes ecclésiaux concernés à se joindre à la prière pour les familles et pour les travaux du Synode. Un modèle de prière des fidèles a été proposé et diffusé à cette fin, il peut être utilisé dans la célébration des Messes dominicales. À partir d'aujourd'hui, pendant que nous sommes réunis ici pour faire notre travail, dans la Basilique de Sainte Marie Majeure à Rome, les fidèles prieront pour le Synode dans la chapelle de la Salus Populi Romani, avec la collaboration du diocèse de Rome. Seront exposées des reliques de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de ses bienheureux parents, Zélie et Louis Martin, ainsi que les reliques des bienheureux époux Luigi et Maria Beltrame Quatrocchi.
III) Perspectives et nouveauté
L’ample description des activités du Secrétariat Général, surtout en raison de la préparation de l’Assemblée Extraordinaire qui s'ouvre aujourd'hui, permet de rassembler les nouveautés et les perspectives dans lesquelles le Synode des Évêques peut se développer, comme Paul VI le prévoyait déjà dans l’introduction du Motu Proprio Apostolica Sollicitudo.
Il est évident que la première nouveauté concerne le chemin synodal voulu par le Saint-Père. Un chemin qui se déploie entre deux synodes: la présente Assemblée Extraordinaire et l'Assemblée Ordinaire de l'an prochain. Il s’agit d’un temps fort et opportun, un Kairos pour toute l’Église, pasteurs et fidèles, dans lequel il convient de se laisser guider par l’Esprit Saint pour réaliser cette synodalité rappelée à diverses occasions par le Saint-Père comme élément majeur du Pontificat et de la vie de l'Église. Ensemble, chacun engageant sa responsabilité, nous avons été appelés à réfléchir sur le thème de la famille - et à l’approfondir -, à la lumière de l'Évangile et de la foi de l’Eglise. Dans le chemin préparatoire et dans notre présente assemblée, réunis ici avec l'Évêque de Rome, nous voyons réalisé l'enseignement du Pape François, qui ne se lasse jamais de nous rappeler que « l’on doit cheminer ensemble: les personnes, les Évêques et le Pape ». La synodalité est vécue à différents niveaux (Cf. Entretien donné à La Civiltà Cattolica du mois de Septembre 2013, n. 164 -19/09/2013- 465-466) et, se référant à la mission du Successeur de Pierre de confirmer dans la foi, le Saint-Père ajoutait: « Confirmer dans l’unité, le Synode des Évêques en harmonie avec la primauté. Nous devons emprunter cette voie de la synodalité, croître en harmonie avec le service de la primauté... cela doit pousser à dépasser chaque conflit qui blesse le corps de l'Eglise. Unis dans les différences: il n'y a pas d'autre voie catholique pour nous unir. Voilà l'esprit catholique, l'esprit chrétien: s’unir dans les différences. Voilà le chemin de Jésus! ... » ( Homélie pour la Solennité des Saints Pierre et Paul, 29 juin 2013).
Dans cet esprit synodal de communion fraternelle s’est déroulée la phase préparatoire de cette Assemblée Synodale, dans laquelle on a écouté le Peuple de Dieu dans sa diversité d’Évêques, de prêtres, de diacres et de fidèles laïcs. À travers le Questionnaire joint au Document Préparatoire se sont exprimés outre les Conférences Épiscopales et ceux qui en avaient le droit, des prêtres et de nombreux fidèles laïcs ou associations de laïcs qui, avec leurs propres observations, ont manifesté leur pensée sur les questions les plus vives de la famille de notre temps. Avec le Questionnaire a émergée une réalité répandue dans les diocèses et dans les paroisses, des associations et des groupes formés par des hommes et des femmes qui œuvrent pour soutenir la famille dans les différentes situations de chaque continent. Les nombreuses réponses reçues ont été encouragées par une partie du thème du Synode qui touche à la vie pastorale des communautés et par la sollicitude que les évêques ont depuis longtemps à l'égard de la famille. D'autre part l'esprit de liberté et de sincérité, qui avait été souhaité, y a contribué. Cette large liberté d'expression doit également caractériser cette assise synodale, car exprimer ses propres convictions est toujours positif, à condition que ce soit fait avec respect, charité et de manière constructive. Nous sommes tous conscients que dans la liberté croît la communion fraternelle, que s’enrichit le débat et que s’affirment les choix pastoraux plus appropriés à la famille d'aujourd'hui. En fait, il est important de s'exprimer sans peur et sans soupçons. La liberté d'exprimer ce que l’on croit ou ce dont l’on doute montre la qualité de l'homme qui le distingue des autres créatures et le rend responsable devant Dieu et devant les hommes. La discussion dans le Synode sera alors ouverte, il y aura confrontation et les participants dans leurs différentes fonctions sont appelés à faire briller non pas leur propre intérêt ou point de vue, mais à chercher la vérité qui n'est pas un concept abstrait, le résultat de la spéculation philosophique ou théologique, mais la personne du Christ, Homme-Dieu, homme historique et Fils du Père: « Je suis le chemin, la vérité et la vie ». Voilà d’où il faut partir. Jésus a été le premier évangélisateur, qui est descendu dans les rues et s'est fait connaître par la parole et par des signes et, finalement, par son témoignage de vie.
Parmi les subsides qui sont placés entre les mains des Pères Synodaux et de tous les participants se trouvent en particulier le Vademecum, instrument indispensable pour suivre les travaux de l'Assemblée. Je voudrais signaler quelques éléments nouveaux qui touchent l'organisation des travaux, et donc qui regardent à la méthodologie interne de cette Assemblée. Déjà, de par sa nature Extraordinaire, elle est réduite dans le temps et dans le nombre de participants, ce qui implique une plus grande attention dans la distribution des interventions et de la logistique.
Dans le calendrier, qui se trouve à la fin du Vademecum, vous pourrez noter que lors du débat dans la Salle du Synode, qui aura lieu durant la première semaine, à partir de la deuxième Congrégation générale, on suivra un ordre thématique en correspondance avec les parties et les chapitres de l'Instrumentum laboris. Ainsi, lundi après-midi les deux thèmes seront: Le dessein de Dieu sur le mariage et la famille (Première Partie, Chapitre I), et la connaissance de l’Écriture Sainte et du Magistère sur le mariage et la famille (Première Partie, Chapitre II). Pour la troisième Congrégation générale sont prévues deux autres thèmes: l'Évangile de la famille et la loi naturelle (Première Partie, Chapitre IV). L'après-midi de ce même jour sera consacrée à la pastorale de la famille et des diverses propositions en cours (Deuxième Partie, Chapitre I).
Mercredi matin, durant la cinquième Congrégation générale, le débat se poursuivra avec les défis pastoraux sur la famille (Deuxième Partie, Chapitre II). Au contraire dans l'après-midi l'attention se portera sur les situations pastorales difficiles (Deuxième Partie, Chapitre III). La septième Congrégation générale aura pour thème les défis pastoraux concernant l'ouverture à la vie (Troisième Partie, Chapitre I) tandis que la huitième Congrégation générale traitera du thème de l’Église et la famille face au défi éducatif (Troisième Partie, Chapitre II).
Chacune de ces sessions thématiques s’ouvrira par une brève introduction du Président Délégué de tour, et sera suivie par un témoignage confié au soin des Auditeurs et Auditrices choisis pour l'occasion, en privilégiant la participation de couples d’époux. De cette façon, ils pourront éclairer de leurs expériences de vie la thématique, offrant une perspective laïque qui contribuera certainement à enrichir le débat synodal.
Aussi, durant les réunions des Carrefours, qui auront lieu au cours de la deuxième semaine des travaux synodaux, on procèdera à la discussion de la Relatio post-disceptationem en suivant le même ordre thématique.
Une autre nouveauté de la méthodologie synodale réside en la Relatio Synodi, c’est-à-dire le Document qui rassemble la synthèse des travaux synodaux et qui, après les amendements opportuns issus des Carrefours, sera présenté en Salle du Synode dans sa rédaction finale à l'approbation de l'Assemblée. Cela signifie qu'il n'y aura pas de Propositions, comme c’est le cas dans les autres types d’Assemblées synodales.
Cette Relatio Synodi, une fois approuvée par l'Assemblée, sera présentée au Saint-Père afin qu’il en dispose à sa discrétion et à sa décision. Il sera également le point de départ de la préparation de la deuxième étape du processus synodal, à savoir la XIVème Assemblée Générale Ordinaire qui sera célébrée au cours du mois d’octobre 2015. En d'autres termes, cette Relatio deviendra, avec les adaptations nécessaires, le Document Préparatoire de la prochaine Assemblée synodale. Ce document sera ensuite envoyé aux ayants droit qui, après l’avoir discuté et approfondi, le renverront au Secrétariat Général en vue de l’élaboration de l'Instrumentum laboris de la XIVème Assemblée Générale Ordinaire.
En ce qui concerne la diffusion des nouvelles relatives à l'Assemblée Extraordinaire, interviennent également des nouveautés. Ce service sera à la charge de la Salle de Presse (Sala Stampa) en accord avec la Commission pour l'information. À la place du Bulletin du Synode des Évêques, il y aura l’habituel Bulletin de la Salle de Presse où on trouvera l’information générale, qui sera ensuite élargie dans les Briefings quotidiens que guidera le Directeur de la Salle de Presse en collaboration avec les professionnels de presse et avec la participation des Pères Synodaux. En outre, il y aura un service ‘Twitter’ afin de transmettre de manière synthétique et en temps réel les nouvelles les plus importantes de l'évolution des travaux synodaux.
La Relatio ante disceptationem présente également quelque élément de nouveauté dans le sens où cette fois-ci elle a été composé avec l'apport des interventions des Pères synodaux arrivées au Secrétariat Général avant le début du Synode. Le Secrétariat Général a prié les Pères synodaux d'envoyer à l'avance leur intervention, en indiquant si possible l’argument principal afin d'assurer le bon ordre des interventions dans la Salle du Synode, et en respectant l'ordre thématique. L'objectif n'était certainement pas de contrôler le contenu des interventions, mais celui de répondre de la meilleure façon au sens synodal et collégial des Pères, qui sont porteurs des expériences et des besoins des Églises particulières et des autres organismes. De cette façon, la Relatio susdite devient une base solide sur laquelle travailler au cours des interventions de la première semaine de travail en Salle du Synode. La Relatio post disceptationem, qui conclura la première semaine des travaux sera remise dans les mains des Pères synodaux qui l’examineront dans les carrefours linguistiques (circuli minores), l’étudieront et y apporteront leur contribution, selon les normes décrites dans le Vademecum, en vue de l’élaboration et de la rédaction des Relatio Synodi ou document final, qui sera un texte récapitulatif complet, composé de parties, de chapitres, et de numéros.
IV) Conclusion
L'Église est essentiellement une communion et elle l’est, comme l'a clairement affirmé Paul VI dans l'Homélie d'ouverture de la Première Assemblée Extraordinaire du Synode des Évêques du 11 novembre 1969, « dans sa double référence de communion en Christ avec Dieu et de communion en Christ avec les croyants en lui et virtuellement avec toute l’humanité ». Qu'est-ce que la collégialité sinon une communion, une solidarité, une fraternité, une charité ? Qu'est-ce que la synodalité sinon la dynamique originelle de la vie et du chemin de l'Église en tant que communauté, peuple de Dieu, qui marche conjointement dans un «ensemble articulé de divers charismes et ministères pour l'annonce, le témoignage et la promotion de l’avènement du Royaume parmi les hommes » ? (P. Coda, Rinnovamento a cinquant’anni dal Vaticano II, Il Regno, Attualità, 12/2014, p. 429).
Je souhaite que cette Assise Synodale soit le lieu privilégié de cette collégialité synodale, qui annonce l’Évangile en cheminant, et qu’elle soit imprégnée d’une nouvelle ouverture à l’Esprit, d’une méthode et d’un style de vie et de témoignage, qui garantisse l’unité dans la diversité, l’apostolicité dans la catholicité.
Que l’Esprit Saint illumine les participants de cette Assemblée et que la protection de la Vierge et l’intercession des Saints et bienheureux permettent le bon déroulement de ce Synode.
[03002-01.02] [Texte original: Italien] [Traduction non officielle]
[B0711-XX.03]
Synod14 - 1a Congregazione generale: Saluto del Presidente Delegato, Card. André Vingt-Trois all’apertura dei lavori sinodali, 06.10.2014
[B0713]
Synod14 - 1a Congregazione generale: Saluto del Presidente Delegato, Card. André Vingt-Trois all’apertura dei lavori sinodali
Queste le parole che il Presidente delegato di turno, Card. André Vingt-Trois, Arcivescovo di Paris (Francia), ha rivolto al Santo Padre all’apertura della prima Congregazione generale di questa mattina nell’Aula del Sinodo:
Très Saint Père,
Au nom des présidents-délégués et des participants à cette session extraordinaire du synode des évêques, je suis heureux de vous exprimer la reconnaissance de tous.
Notre reconnaissance d'abord pour avoir convoqué cette session extraordinaire un an avant la session ordinaire. Votre intention de développer la pratique de la collégialité entre les évêques, les conférences épiscopales et le siège apostolique (ou, pour parler comme vous le faites avec persévérance, avec l'évêque de Rome), cette intention donc trouve un bon exemple d'application dans ces deux sessions du synode. Non seulement vous augmentez le temps et les moyens du partage, mais le choix d'un même sujet ouvre devant nous la possibilité d'un travail progressif entre les deux sessions. Nous ne sommes pas bousculés par l'urgence de résoudre des problèmes graves en deux semaines. Nous sommes plutôt invités à approfondir les résultats de cette première session en les partageant avec nos conférences épiscopale.
Nous vous exprimons aussi notre reconnaissance pour le choix que vous avez fait du thème de ces deux sessions du synode. La famille est un des éléments constitutifs de la Nouvelle Évangélisation dans laquelle notre Église voit se renouveler sa mission. L'accueil très favorable qui a été réservé au questionnaire préparatoire et l'amplitude des réponses ont montré combien l'avenir des familles est au coeur des préoccupations de nos contemporains. Comment assurer la solidarité entre les générations ? Comment mettre en oeuvre les meilleures conditions pour l'accueil et l'éducation des enfants qui sont notre avenir ? Comment permettre à un homme et à une femme qui s'engagent l'un envers l'autre de devenir l'un pour l'autre artisans de bonheur et de paix. ?
Ces questions ne trouvent jamais des réponses simples et beaucoup de facteurs de la vie de notre humanité du XXI° siècle constituent des obstacles plus que des aides. L'Église s'est beaucoup exprimée sur ces sujets par la voix du Magistère, notamment saint Jean-Paul II. Elle s’exprime aussi par le signe que donnent des millions de familles stables et heureuses qui vivent leur sacrement de mariage à travers le monde. Elle s'exprime encore par sa présence chaleureuse auprès des familles frappées par l'échec.
La mission pastorale de l'Église, comme vous le rappelez sans cesse, n'est pas de rendre plus difficile la situation des enfants de Dieu, mais de leur apporter une aide dans la recherche de la vérité de leur vie. Vous nous appelez à entrer dans le regard d'amour que le Christ porte sur la foule sans pasteur, vous nous appelez à témoigner de la miséricorde de Dieu. Vous nous invitez à ne pas désespérer de la puissance de l'amour et à travailler avec persévérance pour que chaque homme et chaque femme de notre monde puisse entendre l'appel à la conversion et ose engager sa vie à la suite du Christ.
Nous souhaitons que le travail de cette session qui commence aujourd'hui soit conduit par l 'Esprit-Saint et qu 'il fasse progresser toute l'Église dans sa mission. Que notre participation corresponde à vos attentes et à l’attente des hommes.
[03005-03.01] [Texte original: Français]
[B0713-XX.02]
Synod14 - Première Congrégation générale: « Relatio ante disceptationem » du Rapporteur Général, le Cardinal Péter Erdő , 06.10.2014
[B0712]
[Traduction non officielle]
S O M M A I R E
Introduction
1. L’Évangile de la famille dans le contexte de l’évangélisation
a) Méthode du discernement sur la famille
b) Méthode du travail synodal
2. L’Évangile de la famille et la pastorale familiale
a) Le défi éducatif de la famille : école d’humanité,
de socialité, d’ecclésialité et de sainteté
b) Des parcours de formation solides et clairs
c) La famille, protagoniste de l’évangélisation
d) L’action pastorale dans les situations de crise
e) Difficultés internes à la famille et pressions externes
3. Les situations pastorales difficiles
a) L’Église, « maison paternelle » (EG 47)
b) Vérité et miséricorde
c) Les concubinages et les mariages civils
d) La pastorale des divorcés
e) La pratique canonique des causes matrimoniales et la voie extrajudiciaire
f) La pratique des Églises orthodoxes
4. La famille et l’Évangile de la vie
a) Annoncer l’Évangile de la vie
b) La famille dans le contexte relationnel
c) La responsabilité de l’Église et l’éducation
d) Thèmes concernant Humanae vitae
Conclusion
***
Introduction
Très Saint-Père,
Éminents et Excellents Pères synodaux,
Chers frères et sœurs,
Jésus-Christ est notre premier Maître et notre unique Seigneur. Lui seul possède les « paroles de la vie éternelle » (cf. Jn 6, 68). Ceci vaut également pour la vocation humaine et la famille. Le message du Christ n’est pas commode, mais exigeant : il requiert la conversion de nos cœurs. Et, en même temps, c’est une vérité qui nous libère. L’objectif fondamental de la proposition chrétienne sur la famille doit être « la joie de l’Évangile » qui « remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus » et « se laissent sauver par Lui » en faisant l’expérience de la libération « du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement » - comme l’enseigne le Pape François dans Evangelii gaudium (n° 1). Voilà pourquoi il est opportun de rappeler l’importance des thèmes de l’espérance (cf. Gaudium et spes, 1) et de la miséricorde, tant soulignée par le Pape François (cf. par exemple, Evangelii gaudium, 119 et 198).
L’annonce se présente donc comme proposition, dialogue et cheminement ensemble. Comme le dit le Pape Paul VI dans sa magistrale exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (n° 3) « … il faut absolument nous mettre en face d’un patrimoine de foi que l’Église a le devoir de préserver dans sa pureté intangible, mais le devoir aussi de présenter aux hommes de notre temps, autant que possible, d’une façon compréhensible et persuasive».
La base, le contenu de l’annonce, c’est la foi de l’Église sur le mariage et sur la famille, résumée dans divers documents, en particulier dans Gaudium et spes, dans Familiaris consortio de saint Jean-Paul II, qualifié par le Pape François de “Pape de la famille”, dans le Catéchisme de l’Église catholique, ainsi que dans de nombreux autres textes du Magistère. La famille d’aujourd’hui est non seulement objet d’évangélisation, mais aussi sujet premier de l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ dans le monde. Par conséquent, la compréhension et l’actualisation permanente de l’Évangile de la famille, que l’Esprit suggère à l’Église, sont nécessaires. Les problématiques familiales les plus graves doivent être considérées comme un “signe des temps”, qu’il faut discerner à la lumière de l’Évangile : à lire avec les yeux et le cœur du Christ, et avec le regard qu’il pose chez Simon le pharisien (cf. Lc 7, 36-50).
1. L’Évangile de la famille dans le contexte de l’évangélisation
a) Méthode de discernement sur la famille
La recherche des réponses pastorales s’accomplit dans le contexte culturel de notre temps. Beaucoup de nos contemporains éprouvent des difficultés à raisonner logiquement, à lire de longs textes. Nous vivons dans une culture de l’audiovisuel, des sentiments, des expériences émotionnelles et des symboles. Dans bon nombre de pays, même dans les pays les plus sécularisés, les lieux de pèlerinage sont toujours plus fréquentés. Des dizaines de milliers de conjoints vont, par exemple, au sanctuaire marial de Šaštin, en Slovaquie, pour demander à la Vierge de les aider à résoudre leurs problèmes conjugaux. Beaucoup perçoivent leur vie, non pas comme un projet, mais comme une série de moments dans lesquels la valeur suprême est de se sentir bien, d’être bien. Dans cette optique, tout engagement stable semble à craindre, le futur apparaît comme une menace, car il peut arriver que nous nous sentions moins bien à l’avenir. Même les rapports sociaux peuvent apparaître comme des limitations et des obstacles. Respecter, “vouloir le bien” d’une autre personne, peut aussi demander des renoncements. L’isolement est donc souvent lié à ce culte du bien-être momentané. Cette culture générale se reflète dans un grand nombre de réponses au questionnaire préparatoire de cette assemblée synodale ; ces réponses présentent un fait quasiment global, à savoir la diminution des mariages civils, la tendance toujours plus typique de vivre ensemble sans aucun mariage religieux ou civil. Échapper aux institutions apparaît comme un signe d’individualisation, mais aussi comme un symptôme de crise d’une société désormais appesantie par les formalismes, les obligations et la bureaucratie. Fuir les institutions semble donc un signe de pauvreté, de faiblesse de l’individu face à la “complexité” envahissante des structures. C’est dans ce contexte que nous devons annoncer l’Évangile de la famille.
Pourtant, la culture de la parole n’a pas disparu. La transmission de l’Évangile advient en tenant compte de la richesse de l’enseignement de l’Église. Nous avons besoin de la force de l’Esprit Saint pour trouver les voies de la vérité dans la charité, les réponses qui expriment à la fois la justice et la miséricorde, car les deux sont inséparables. Hesed et tzedaka, miséricorde et justice sont, dans l’Ancien Testament, la propriété de Dieu et coïncident en Lui. Nous confions nos travaux à Son aide.
Il faut souligner que l’Évangile de la famille est avant tout la Bonne Nouvelle d’une grâce donnée par l’Esprit dans le sacrement du mariage : c’est une possibilité nouvelle offerte à la fragilité de l’homme, à accueillir et à célébrer avec joie et gratitude, tant au niveau personnel que communautaire. Les obligations découlant du mariage ne doivent certes pas être oubliées, mais mises en évidence comme exigences du don, car le don même les rend possibles. La mise en garde du Pape François est tout à fait opportune à cet égard : « Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie » (Evangelii gaudium, 49).
L’entière et claire vérité de l’Évangile apporte cette lumière, ce sens et cette espérance dont l’homme d’aujourd’hui a tant besoin. Cette “vérité médicinale”, l’Église doit la proposer de manière à être effectivement reconnue comme “remède”, notamment pour les nombreuses situations familiales problématiques, souvent très tourmentées. En d’autres termes, sans réduire la vérité, celle-ci doit être proposée en se plaçant aussi dans l’optique de ceux qui “peinent” le plus à la reconnaître comme telle et à la vivre.
b) Méthode de travail synodal
En ce moment présent de la culture, quand nous sommes enclins à oublier les vérités essentielles, le cadre global, et tentés de nous égarer dans les détails, il apparaît particulièrement utile d’offrir aux pasteurs des communautés locales des lignes directrices claires afin de pouvoir aider ceux qui vivent dans des situations difficiles. De fait, on ne peut pas attendre de façon réaliste qu’ils trouvent seuls de justes solutions conformes à la vérité de l’Évangile et proches des situations particulières. Dans cette lumière, la collégialité épiscopale, dont le Synode constitue une expression privilégiée, est appelée à définir ses propositions, en conjuguant le respect et la promotion des expériences spécifiques des différentes Conférences épiscopales, en quête de lignes pastorales communes. Ceci doit également valoir au niveau des Églises locales, en évitant les improvisations d’une “pastorale de l’amateurisme”, qui finit par rendre plus difficile l’accueil de l’Évangile de la famille. Il faut rappeler, par ailleurs, que l’Assemblée synodale extraordinaire de 2014 représente la première étape d’un parcours ecclésial qui débouchera sur l’Assemblée ordinaire de 2015. Il s’ensuit que le langage et les indications doivent favoriser l’approfondissement théologique le plus noble, pour écouter avec la plus grande attention le message du Seigneur, en encourageant à la fois la participation et l’écoute de toute la communauté des fidèles. Voilà pourquoi la prière est importante, pour que notre travail produise les meilleurs fruits, les fruits que Dieu veut.
2. L’Évangile de la famille et la pastorale familiale
a) Le défi éducatif de la famille : école d’humanité, de socialité, d’ecclésialité et de sainteté
L’attention accordée par les pasteurs et les fidèles aux jeunes générations s’exprime en particulier dans l’effort de formation envers ceux qui entreprennent, avec courage et espérance, la voie qui conduit au mariage. Aussi la pastorale de la jeunesse a-t-elle pour tâche de soutenir précisément le défi éducatif au cours de ses différentes phases : à travers la formation générale de l’affectivité des jeunes, par la préparation aux noces prochaines, par l’accompagnement au cours de la vie conjugale et, spécialement, grâce à un soutien dans les situations les plus difficiles, de sorte que la famille constitue une authentique école d’humanité, de socialité, d’ecclésialité et de sainteté. La famille est une école d’humanité, car c’est une école d’amour dans la vie et dans la croissance de la personne (cf. GS 52 : famille “école d’humanité”), grâce à la relation que le mariage entretient et établit entre les époux et entre les parents et les enfants (cf. Gaudium et Spes, 49 et Familiaris consortio,11). La famille est une école de socialité parce qu’elle permet à la personne de grandir et de développer ses capacités de socialisation et de construction de la société (cf. FC 15 et 37). De même, la famille est le sein de la vie ecclésiale, qui éduque à la vie de communion de l’Église et à être des acteurs actifs à l’intérieur de celle-ci (cf. FC 48 et 50). Enfin, la famille est aussi une école de sanctification, où s’exerce et s’alimente le chemin de sainteté des conjoints et des enfants (cf. GS 48 et FC 56 et 59). Pour toutes ces raisons, l’Église annonce la valeur et la beauté de la famille. En cela, elle rend un service décisif à un monde qui requiert et qui implore presque d’être éclairé par la lumière de l’espérance.
Le profil diversifié de la réalité familiale, qui ressort de l’Instrumentum Laboris, montre que, dans la variété des contextes socioculturels, il existe un consensus, plus grand qu’il ne semble à première vue, sur le fait que mariage et famille sont des biens originels de la culture de l’humanité, un patrimoine qui doit être conservé, favorisé et, si nécessaire, défendu. Aujourd’hui encore, la plupart des êtres humains cherchent le bonheur de leur vie dans un lien durable entre un homme et une femme, avec des enfants nés de leur union. La famille rencontre, certes, aujourd’hui, de nombreuses difficultés, mais ce n’est pas un modèle dépassé ; on relève plutôt de façon très répandue chez les jeunes un nouveau désir de famille, comme le prouve le témoignage, et non des moindres, des nombreux mariages et des familles chrétiennes qui vivent de façon heureuse. Ces expériences positives ne doivent pas être perdues de vue, malgré les situations diffuses, précaires et irrégulières.
Parmi les chrétiens catholiques, la substance de l’enseignement du Nouveau Testament et du Catéchisme de l’Église Catholique sur le mariage semble assez connue. Toutefois, les aspects spécifiques de la doctrine et du Magistère de l’Église sur le mariage et la famille ne sont pas toujours suffisamment connus des fidèles. Au-delà de la question de la connaissance, on prend acte du fait que cette doctrine n’est souvent pas suivie dans la pratique. Cela ne signifie pas que la doctrine soit mise en discussion sur le principe par l’immense majorité des fidèles et des théologiens. Sous la forme où elle est présentée par le Concile Vatican II (cf. Gaudium et spes,47-52), résumée dans l’Instrumentum Laboris, la doctrine rencontre un large consensus parmi les catholiques pratiquants. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne l’indissolubilité du mariage et sa sacramentalité parmi les baptisés. La doctrine de l’indissolubilité du mariage n’est pas mise en question en tant que telle ; elle est même incontestée et, dans la majeure partie des cas, observée jusque dans la pratique pastorale de l’Église avec les personnes dont le mariage a échoué et qui cherchent un nouveau début. Ce ne sont donc pas les questions doctrinales, mais les questions pratiques – inséparables d’ailleurs des vérités de la foi – qui sont en discussion dans ce Synode, de nature purement pastorale.
Enfin, l’Instrumentum Laboris fait émerger deux aspects clairs concernant l’homosexualité. Avant tout, un large consensus quant au fait que des personnes à tendance homosexuelle ne doivent pas faire l’objet de discriminations, comme le réaffirme le Catéchisme de l’Église Catholique (nos 2357-2359). En second lieu, il ressort tout aussi clairement que la majorité des baptisés – et de la totalité des Conférences épiscopales – n’attend pas que ces rapports soient placés sur le même plan que le mariage entre un homme et une femme. Les formes idéologiques des théories du genre ou gender ne trouvent pas de consensus non plus auprès de la très grande majorité des catholiques.
Beaucoup veulent, en revanche, dépasser les rôles traditionnels, culturellement conditionnés, et la discrimination à l’encontre des femmes, qui perdure, sans nier pour autant la différence naturelle entre les sexes et leur complémentarité réciproque.
Il n’y a donc aucun motif, au sein de l’Église, pour un état d’âme de catastrophe ou d’abdication. Il existe un patrimoine de foi, clair et largement partagé, d’où l’Assemblée synodale peut partir et dont elle devrait rendre les fidèles plus universellement conscients, par le biais d’une profonde catéchèse sur le mariage et la famille. Sur la base de cette conviction fondamentale, une réflexion commune est possible sur les devoirs missionnaires des familles chrétiennes et sur les questions de la juste réponse pastorale aux situations difficiles.
Il serait souhaitable que le Synode, partant de la base de la foi commune, regarde au-delà du cercle des catholiques pratiquants et, considérant la situation complexe de la société, traite les difficultés sociales et culturelles objectives qui pèsent aujourd’hui sur la vie conjugale et familiale. Nous n’avons pas uniquement affaire aux problèmes d’éthique individuelle, mais à des structures de péché hostiles à la famille, dans un monde d’inégalité et d’injustice sociale, de consommation d’une part et de pauvreté de l’autre. Les changements culturels rapides dans tous les domaines entrainent les familles, qui sont la cellule fondamentale de la société, dans un processus de bouleversement qui met en question la tradition culturelle familiale et souvent la détruit. D’autre part, la famille est presque la dernière réalité humaine accueillante, dans un monde déterminé presque exclusivement par la finance et par la technologie. Une nouvelle culture de la famille peut être le point de départ dune civilisation humaine renouvelée.
b) Des parcours de formation solides et clairs
En abordant de plus près maintenant la pastorale orientée vers les familles en voie de constitution, il faut relever l’incertitude qui accompagne de nombreux jeunes, qui aspirent avec espérance à un amour stable et durable. S’adressant à l’Église, ils demandent – pas toujours de façon explicite – d’être motivés pour vaincre leurs peurs légitimes et à être accueillis par une communauté qui leur témoigne de la beauté et du concret de la vie conjugale, avec toutes ses difficultés réelles, spécialement relationnelles et économiques. Le désir de famille qu’ils portent dans leur cœur a besoin d’être confirmé et soutenu par des catéchèses solides, qui les invitent aussi à s’insérer dans la communauté des familles croyantes. Ces communautés sont présentes dans de nombreuses paroisses du monde et sont un signe très encourageant de notre époque.
En ce sens, il faut accompagner les futurs mariés vers une conscience claire de ce qu’est le mariage dans le dessein du Créateur, alliance qui a toujours la dignité sacramentelle parmi les baptisés (CIC, can. 1055 §§ 1-2). Les éléments substantiels et les propriétés essentielles (unicité, fidélité, fécondité) de ce dessein, s’ils ne sont pas respectés, mais exclus par un acte positif de volonté, rendent le mariage invalide. D’autre part, la foi personnelle facilite l’accueil de la grâce sacramentelle, par laquelle le mariage chrétien est corroboré, en poursuivant de façon responsable ses biens essentiels. Malgré les paroles liturgiques très claires que prononcent les époux, un bon nombre s’approchent en fait du sacrement sans avoir clairement conscience de l’engagement qu’ils prennent devant le Seigneur d’accueillir et de donner la vie au conjoint, sans conditions et pour toujours. Bien plus, sous l’influence de la culture dominante, certains se réservent le soi-disant “ droit ” de ne pas observer la fidélité conjugale, de divorcer et de se remarier si le mariage ne devait pas fonctionner, ou encore de ne pas s’ouvrir à la vie. En revanche, l’acceptation sereine et courageuse de cette responsabilité est un signe du choix personnel de foi sans lequel le sacrement, bien que valide, n’est pas efficace. De fait, le mariage, non seulement est un rapport très personnel et un lien spirituel, mais il est nécessairement aussi une institution de la société. Cela veut dire que la condition matrimoniale de la personne devant Dieu, réalité non perceptible avec les sens humains, doit être aussi accueillie de la façon la plus vraie possible par la communauté. Par conséquent, certaines présomptions sont indispensables en ce qui concerne l’état matrimonial de la personne. De la nature même des présomptions découle cependant la possibilité de la divergence entre la condition présumée et la condition réelle, sacramentelle, de la personne. En effet, même si l’amour en soi n’est pas une réalité sujette au jugement et à la vérification de tiers, l’institution du mariage et la famille le sont, sans aucun doute, étant donné leur importance sociale et ecclésiale.
Au cours des siècles, l’Église a voulu sauvegarder la vérité de l’humain, notamment grâce à des normes juridiques visant à garantir que l’engagement de la liberté, assumé consciemment dans l’acte du consentement, ne soit pas équivalent à n’importe quel autre engagement. L’effort pastoral de l’Église pour accompagner les fiancés au mariage devra être toujours plus conséquent pour montrer la valeur et la fascination d’un lien éternel.
c) La famille, protagoniste de l’évangélisation
Au-delà de la vocation spéciale et première de la famille à l’éducation humaine et chrétienne des enfants, il existe une mission des membres de la famille consistant à transmettre la foi et à en rendre témoignage devant les autres. La famille représente aussi le noyau de la communauté paroissiale. Dans de nombreux pays du monde, il existe des communautés vivantes dans les paroisses, composées d’époux ou de familles entières, qui se rencontrent régulièrement, prient ensemble, étudient et approfondissent le Catéchisme, lisent la Bible, parlent de problèmes de la vie quotidienne, des difficultés et des beautés de la vie commune du couple, ainsi que de questions d’éducation. En d’autres termes, elles s’efforcent de conjuguer la foi avec la vie. Elles s’aident mutuellement en cas de maladie, de chômage ou d’autres problèmes. Beaucoup d’entre elles participent au travail de lacaritas. Bon nombre aident à la préparation des fiancés au mariage en établissant avec eux des rapports d’amitié qui perdurent même après la célébration du mariage. Il y a des groupes de jeunes mères catholiques ayant des enfants en bas âge, qui accueillent aussi des mères sans appartenance religieuse ou non croyantes, réalisant ainsi une nouvelle forme de mission. Diverses communautés nouvelles proviennent des familles et aident des couples en crise ou assistent les femmes en difficultés existentielles ou psychologiques. Il semble important de promouvoir et de diffuser ces initiatives pour toute l’Église.
d) L’action pastorale dans les situations de crise
L’Instrumentum Laboris constate « que la perte de valeurs et même la désagrégation de la famille peuvent se transformer en occasion de renforcement du lien conjugal. Pour surmonter la crise, le soutien d’autres familles disposées à accompagner le difficile cheminement du couple en crise peut apporter un réel soutien. En particulier, on souligne la nécessité pour la paroisse de se faire proche, comme une famille des familles » (n° 63).
e) Difficultés internes à la famille et pressions externes
La difficulté diffuse d’établir une communication sereine à l’intérieur de la cellule familiale est due à de multiples facteurs comme : les préoccupations de type professionnel et économique ; les visions différentes pour l’éducation des enfants, provenant de différents modèles éducatifs parentaux ; des temps réduits de dialogue et de repos. À cela s’ajoutent des facteurs de désagrégation comme la séparation et le divorce, avec les conséquences de réalités familiales élargies ou, vice versa, monoparentales, où les références parentales se confondent ou se réduisent, jusqu’au point de s’annuler. Enfin, la mentalité égoïste si répandue qui se ferme à la vie, n’est pas négligeable non plus, avec la préoccupation croissante de la pratique de l’avortement. Ce même égoïsme peut conduire à la fausse vision de considérer les enfants comme des objets faisant partie de la propriété des parents, qui peuvent être fabriqués selon leurs désirs.
Spécialement dans des contextes où la pauvreté est largement répandue, ce sont particulièrement les femmes et les enfants qui subissent la violence et les abus ; cependant, dans des contextes plus développés, des facteurs de désagrégation ne manquent pas non plus, à cause de diverses formes de dépendance, comme l’alcool, les drogues, les jeux de hasard, la pornographie, d’autres formes de dépendance sexuelle et de réseaux sociaux (social network). Face à ces défis, l’Église ressent l’urgence d’évangéliser la famille par l’annonce de la sobriété et de l’essentialité, en encourageant la valeur des relations personnelles, la sensibilité envers les plus pauvres, la capacité d’un usage responsable des mass media et des nouvelles technologies, dans le respect de la dignité des personnes, spécialement des plus faibles et sans défenses, qui paient le prix le plus élevé de la solitude et de l’exclusion.
Parmi les pressions externes, la précarité grandissante sur le plan du travail représente un cauchemar pour de nombreuses familles ; le phénomène migratoire introduit souvent dans la famille des déséquilibres importants, comme ceux qui frappent ceux qui quittent leur terre - souvent à cause de la guerre et de la pauvreté - ou ceux qui les reçoivent dans leur pays. Le soutien concret de la part de l’Église à l’égard de ces familles ne peut pas se passer d’un engagement effectif des États et des organismes publics préposés à la tutelle et à la promotion du bien commun, grâce à des politiques appropriées.
3. Les situations pastorales difficiles
a) L’Église, « maison paternelle » (EG 47)
Comme l’affirme le Pape François : « La famille traverse une crise culturelle profonde, comme toutes les communautés [...] la fragilité des liens devient particulièrement grave parce qu’il s’agit de la cellule fondamentale de la société » (Evangelii gaudium, 66).
À cet égard, l’Instrumentum Laboris relève que « les réponses font ressortir la considération commune selon laquelle, dans le cadre des situations que l’on peut qualifier de situations conjugales difficiles, se cachent des histoires de grande souffrance, de même que des témoignages d’amour sincère. « L’Église est appelée à être toujours la maison ouverte du Père » (Evangelii Gaudium,47). Une véritable urgence pastorale est de permettre à ces personnes de panser leurs blessures, de guérir et de recommencer à cheminer avec toute la communauté ecclésiale ».
Pour affronter correctement ces situations, en premier lieu, l’Église affirme la valeur intangible de la vérité de l’indissolubilité du mariage, fondée sur le projet originel du Créateur (Gn 1, 27 ; 2, 24 ; cf. Mt 19, 4-9). En revanche, concernant la dignité sacramentelle qu’il revêt parmi les baptisés, elle affirme qu’elle se base sur la relation profonde entre le lien nuptial et le lien indissoluble du Christ avec l’Église (Ep 5, 22-33). En second lieu, une action renouvelée et adaptée de pastorale familiale est nécessaire. Celle-ci doit soutenir les époux dans leur engagement de fidélité réciproque et de dévouement à leurs enfants. En outre, il est nécessaire de réfléchir sur la meilleure façon d’accompagner les personnes qui se trouvent dans ces situations, de sorte qu’elles ne se sentent pas exclues de la vie de l’Église. Enfin, il faut discerner et définir des formes et des langages appropriés pour annoncer que tous sont et demeurent fils et sont aimés de Dieu Père et de l’Église mère.
b) Vérité et miséricorde
Au cours des dernières décennies, le thème de la miséricorde est apparu toujours plus au premier plan comme un point de vue important dans l’annonce de l’Évangile. La miséricorde de Dieu, déjà largement présentée dans l’Ancien Testament (cf. Ex 34, 6 ; 2 S24, 14 ; Ps 111, 4 ; etc.), est surtout révélée à son apogée dans les gestes et dans la prédication de Jésus. Dans la parabole du Père miséricordieux (cf. Lc 15, 11-32), ainsi que dans tout le Nouveau Testament, la miséricorde constitue une vérité centrale : Dieu est riche en miséricorde (cf. Ep 2, 4). Selon Thomas d’Aquin, elle est la propriété la plus importante de Dieu (cf. Summa theol. II/II q. 30 a. 4 ; Evangelii gaudium, 37) ; elle exprime la souveraineté absolue de Dieu et indique la fidélité créatrice à lui-même du Dieu qui est amour (cf. 1 Jn 4, 8.16). Pour recevoir cette miséricorde, le fils prodigue revient chez son Père, il demande pardon, il commence une vie nouvelle. La manifestation la plus décisive de la miséricorde divine envers l’humanité est l’Incarnation et l’Œuvre salvifique du Christ. Selon l’Évangile de saint Marc, le Christ lui-même commence son annonce de la Bonne Nouvelle par un appel à la conversion : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1, 15). De fait, Dieu se ne lasse jamais de pardonner au pécheur et il ne se lasse jamais de lui donner encore et encore une possibilité. Cette miséricorde ne signifie pas la justification du péché, mais la justification du pécheur, dans la mesure toutefois où il se convertit et se propose de ne plus pécher.
La miséricorde signifie donner au-delà de ce qui est dû, offrir et aider. Seule la miséricorde de Dieu peut réaliser le véritable pardon des péchés. Dans l’absolution sacramentelle, Dieu nous pardonne par le ministère de l’Église. Il nous reste ensuite la tâche de rendre témoignage à la miséricorde de Dieu, puis d’accomplir les actes classiques, connus dès l’Ancien Testament, de la miséricorde spirituelle et corporelle. Le lieu privilégié pour vivre ces actes de miséricorde est précisément la famille.
La signification de la miséricorde pour l’Église d’aujourd’hui a été mise en relief par saint Jean XXIII à l’ouverture du Concile Vatican II. Il a déclaré que l’Église de tout temps doit s’opposer à l’erreur ; cependant, aujourd’hui, elle doit recourir à la médecine de la miséricorde plus qu’aux armes de la rigueur. De la sorte, le Pape a donné cette tonalité fondamentale au Concile. Saint Jean-Paul II a repris cette question dans sa seconde Encyclique Dives in misericordia (1980) et a consacré le deuxième dimanche du temps pascal à la Divine Miséricorde. Le Pape Benoît XVI a approfondi ce thème dans l’encyclique Deus caritas est (2005). Dès le début de son pontificat, le Pape François a réaffirmé : « Dieu ne se fatigue jamais de nous pardonner, jamais ! [...] nous, parfois, nous nous fatiguons de demander pardon » (Angelus du 17 mars 2013). Dans le cas de la famille, du mariage, de la signification de son indissolubilité, valent les paroles du Pape François: «Le salut que Dieu nous offre est œuvre de sa miséricorde. Il n’y a pas d’action humaine, aussi bonne soit-elle, qui nous fasse mériter un si grand don. Dieu, par pure grâce, nous attire pour nous unir à lui. Il envoie son Esprit dans nos cœurs pour faire de nous ses fils, pour nous transformer et pour nous rendre capables de répondre par notre vie à son amour. L’Église est envoyée par Jésus Christ comme sacrement de salut offert par Dieu» (EG 112). Elle est « le lieu de la miséricorde gratuite, où tout le monde peut se sentir accueilli, aimé, pardonné et encouragé à vivre selon la bonne vie de l’Évangile » (ivi 114).
La miséricorde, comme thème central de la révélation de Dieu, est en somme importante pour l’herméneutique de l’action ecclésiale (cf. EG 193 sq.) ; naturellement, elle n’élimine pas la vérité et ne la relativise pas, mais elle conduit à l’interpréter correctement dans le cadre de la hiérarchie de la vérité (cf. UR 11 ; EG 36-37). Elle n’élimine pas non plus l’exigence de la justice.
La miséricorde n’annule pas non plus les engagements qui naissent des exigences du lien conjugal. Ceux-ci continuent à subsister même lorsque l’amour humain s’est affaibli ou a cessé. Cela signifie que, dans le cas d’un mariage sacramentel (consommé), après un divorce, tant que le premier conjoint est encore en vie, un second mariage reconnu par l’Église n’est pas possible.
c) Les concubinages et mariages civils
Comme cela a été relevé à partir des réponses au Questionnaire et résumé dans l’Instrumentum Laboris, les situations difficiles ou irrégulières sont diverses et on ne peut pas établir pour toutes, sous forme rigide, un même parcours (cf. n° 52) ; il faut discerner cas par cas. En ce sens, une dimension nouvelle de la pastorale familiale actuelle consiste à saisir la réalité des mariages civils et, une fois les différences dûment établies, celle des concubinages aussi. En effet, quand l’union atteint une grande stabilité à travers un lien public, qu’elle est caractérisée par une affection profonde, qu’elle assume ses responsabilité vis-à-vis de sa progéniture et procure une capacité à résister aux épreuves, elle peut être vue comme un germe à accompagner dans le développement vers le sacrement du mariage. Très souvent, le concubinage s’établit non pas en vue d’un avenir conjugal possible, mais sans aucune intention d’établir un rapport institutionnel.
L’Église ne peut pas ne pas saisir, même dans des situations qui sont à première vue éloignées des critères répondant à l’Évangile, une occasion de se faire proche des personnes, afin de les faire parvenir à une décision consciente, vraie et juste de leur rapport. Il n’existe aucune situation humaine qui ne puisse devenir pour l’Église une occasion de trouver des langages appropriés pour faire comprendre la valeur de l’union matrimoniale et de la vie familiale à la lumière de l’Évangile. Le défi qui nous est lancé aujourd’hui consiste à réussir à montrer le mieux que l’on ne saisit pas toujours ou que l’on est incapable de saisir.
d) La pastorale des divorcés remariés
Avant tout, la question des divorcés remariés civilement n’est qu’un problème parmi le grand nombre de défis pastoraux aujourd’hui fortement ressentis (cf. à ce propos FC n° 84). Il faut même relever que, dans certains pays, ce problème ne se pose pas, dans la mesure où le mariage civil n’existe pas ; dans d’autres pays, le pourcentage des divorcés remariés tend à diminuer en raison de la volonté de ne pas contracter un nouveau mariage – pas même civil – après l’échec du premier. Sur la base des réponses mentionnées dans le Questionnaire, il apparaît que ce problème revêt des accents différents selon les diverses régions du monde (cf.Instrumentum Laboris, 98-100).
À la lumière de ce qui a déjà été dit, il ne s’agit pas de mettre en question la parole du Christ (cf. Mt 19, 3-12 par.) et la vérité de l’indissolubilité du mariage (cf. Denzinger - Hünermann 1327 ; 1797 ; 1807 ; GS 49), ni même de considérer de fait qu’elles ne sont plus en vigueur. En outre, ce serait faire fausse route que de se concentrer uniquement sur la question de la réception des sacrements. La réponse peut donc être cherchée dans le contexte d’une plus vaste pastorale des jeunes et de la préparation au mariage. Un accompagnement pastoral intensif du mariage et de la famille est nécessaire, en particulier dans les situations de crise.
En ce qui concerne les divorcés que se sont remariés civilement, nombreux sont ceux qui rappellent qu’il faut tenir compte de la différence entre ceux qui ont consciemment rompu le mariage et ceux qui ont été abandonnés. La pastorale de l’Église devrait prendre tout particulièrement soin d’eux.
Les divorcés remariés civilement appartiennent à l’Église. Ils ont besoin et ils ont le droit d’être accompagnés par leurs pasteurs (cf.Sacramentum caritatis, 28). Ils sont invités à écouter la parole de Dieu, à participer à la liturgie de l’Église, à la prière, et à accomplir les bonnes œuvres de la charité. La pastorale de l’Église doit prendre soin d’eux de façon toute spéciale, en tenant compte de la situation de chacun. D’où la nécessité d’avoir au moins dans chaque Église particulière un prêtre, dûment préparé, qui puisse préalablement et gratuitement conseiller les parties sur la validité de leur mariage. De fait, de nombreux époux ne sont pas conscients des critères de validité du mariage et encore moins de la possibilité de l’invalidité. Après le divorce, cette vérification doit être menée à bien, dans un contexte de dialogue pastoral sur les causes de l’échec du mariage, en discernant les éventuels motifs de nullité. En même temps, il faut éviter toute apparence d’une simple procédure bureaucratique, reposant sur des intérêts économiques. Si tout cela se déroule dans le sérieux et dans la recherche de la vérité, la déclaration de nullité entrainera une libération des consciences des parties.
e) La pratique canonique des causes matrimoniales et la voie extrajudiciaire
En ayant bien présent ce qu’a relevé l’Instrumentum Laboris, à propos de la vaste requête de simplification des causes matrimoniales (cf. 98-102), du point de vue pastoral, et en tenant compte de la diffusion de la mentalité favorable au divorce pour ce qui est de la célébration valide du sacrement, il ne semble pas hasardeux, comme je viens de l’évoquer, d’estimer que bon nombre de mariages célébrés à l’Église peuvent résulter non valides. Pour vérifier d’une manière efficace et aisée l’éventuelle nullité du lien, il semble à beaucoup qu’il faille revoir, en premier lieu, le caractère obligatoire de la double sentence conforme pour la déclaration de nullité du lien matrimonial, en ne procédant au second degré qu’en cas d’appel d’une ou des deux parties, ou encore de la part du défenseur du lien, dans un laps de temps défini. Une éventuelle solution de ce genre devrait, en tout cas, éviter tout aspect mécanique et l’impression de la concession d’un divorce. Toutefois, dans certains cas, d’autres garanties pourraient être nécessaires, par exemple l’obligation du défenseur du lien de faire appel, afin d’éviter des solutions injustes et scandaleuses.
En second lieu, en raison de large mentalité favorable au divorce dans nombreuses sociétés, déjà évoquée, et vu la pratique des tribunaux civils qui prononcent les sentences de divorce, il arrive fréquemment que les parties qui célèbrent un mariage canonique le fassent en se réservant le droit de divorcer et de contracter un autre mariage en présence de difficultés dans la vie commune. Cette simulation, même sans une pleine conscience de cet aspect ontologique et canonique, rend le mariage invalide. Pour prouver la dite exclusion de l’indissolubilité, la confession suffit de la partie stimulante confirmée par les circonstances et par d’autres éléments (cf.CIC canons 1536 § 2, 1679). S’il en est déjà ainsi dans le processus judiciaire, on peut penser, pour certains, à la production de la preuve dans le cadre d’un processus administratif. En outre, selon des propositions qui font autorité, il faudrait évaluer l’importance de l’intention de la foi des futurs époux quant à la validité du mariage sacrement, selon le principe général selon lequel il est nécessaire, pour que le sacrement soit valide, qu’il y ait l’intention de faire ce que fait l’Église (cf. Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, 4). Cette voie extrajudiciaire pourrait prévoir – selon eux - un itinéraire de connaissance, de discernement et d’approfondissement qui, dans le cas de la présence des conditions d’invalidité, pourrait culminer dans la déclaration de nullité faite par l’évêque diocésain, qui proposerait aussi à la personne intéressée un cheminement de prise de conscience et de conversion en vue d’un éventuel futur mariage, afin de ne pas reproduire la même simulation.
En troisième lieu, il faut tenir compte du fait que, pour résoudre certains cas, la possibilité existe d’appliquer le “privilège paulinien” (cf. CIC, canons 1143-1147) ou de recourir au “privilège pétrinien” (dans les cas de mariage contractés avec une disparité de culte). Enfin, il faut aussi tenir compte de la possibilité de la dissolution, “par grâce”, du mariage conclu et non consommé.
f) La pratique des Églises orthodoxes
L’Instrumentum Laboris signale que certaines réponses suggèrent d’examiner de manière plus approfondie la pratique de plusieurs Églises orthodoxes, qui prévoit la possibilité de secondes et troisièmes noces, caractérisées par un caractère pénitentiel (cf. n° 95). Cette étude s’avère nécessaire pour éviter des interprétations insuffisamment fondées. Ce thème souligne l’importance de l’étude de l’histoire de la discipline de l’Église en Orient et en Occident. À cet égard, on pourrait réfléchir sur la contribution possible de la connaissance de la tradition disciplinaire, liturgique et doctrinale des Églises orientales.
4. La famille et l’Évangile de la vie
a) Annoncer l’Évangile de la vie
Étant donné la diversité culturelle et des traditions au sein des diverses réalités qui composent l’Église catholique, l’apport des différentes Conférences épiscopales apparaît d’une grande aide dans l’œuvre d’évangélisation et d’inculturation de l’Évangile. Pareillement à ce qui se réalise dans la communion épiscopale, il est nécessaire que cette synergie dans l’annonce s’effectue sub Petro et cum Petro.
L’ouverture à la vie ne s’ajoute pas, par contrainte externe ou par choix indiscutable et facultatif, à l’amour conjugal ; il en constitue une part essentielle, une exigence intrinsèque, car cet amour tend à la communion et la communion engendre la vie. Dans le monde occidental, il n’est pas rare de rencontrer des couples qui choisissent délibérément de ne pas avoir d’enfants, situation paradoxalement semblable à celle de ceux qui font tout pour en avoir. Dans les deux cas, la possibilité d’engendrer un enfant est nivelée sur sa propre capacité d’autodétermination, ramenée à une dimension de projet qui se place soi-même au centre : ses désirs, ses attentes, la réalisation de ses propres projets qui ne tiennent pas compte de l’autre.
L’amour sponsal, et plus généralement la relation, ne doit jamais se construire comme un cercle fermé. Dans l’accueil des enfants se condense l’accueil de l’autre, des autres, avec lesquels on apprend à découvrir et à construire notre humanité. Accueillir un enfant, ce n’est pas seulement le mettre au monde, mais l’engendrer dans son altérité, lui donner la vie.
L’accueil de la vie ne peut pas être pensé comme uniquement limité à la conception et à la naissance. Elle se complète par l’éducation des enfants, par le soutien offert à leur croissance. Sur cet aspect aussi, une réflexion est requise sur les dynamiques culturelles et sociales, surtout le rapport entre les différentes générations.
b) La famille dans le contexte relationnel
Il est cependant vrai aussi que l’accueil de la vie, la prise de responsabilité en fonction de l’engendrement de la vie et du soin qu’elle requiert, ne sont possibles que si la famille ne se conçoit pas comme un fragment isolé, mais comme étant insérée dans un tissu de relations. On se prépare à accueillir vraiment l’enfant s’il l’on se situe à l’intérieur d’une réalité de relations parentales, amicales, institutionnelles, tant civiles qu’ecclésiales. Il devient toujours plus important de ne pas laisser la famille, les familles, seules, mais d’accompagner et de soutenir leur chemin. Quand cela fait défaut, les tensions et les inévitables difficultés de la communication qu’implique la vie de la famille, la relation entre les époux ou la relation parents/enfants, peuvent parfois revêtir des tonalités dramatiques, au point d’exploser en gestes de folie destructrice. Derrière les tragédies familiales, il y a souvent une solitude désespérée, un cri de souffrance que personne n’a été en mesure de découvrir.
Pour que l’on puisse vraiment accueillir la vie dans la famille et en prendre toujours bien soin, de la conception jusqu’à la mort naturelle, il est nécessaire de retrouver le sens d’une solidarité diffuse et concrète. Retrouver la responsabilité formative de la communauté, en particulier de la communauté ecclésiale. Activer au niveau institutionnel les conditions qui rendent possible de bien s’en occuper, en faisant percevoir la naissance d’un enfant, de même que l’assistance à une personne âgée, comme un bien social à protéger et à favoriser. Il y a un besoin de communautés ecclésiales qui organisent les temps et les espaces de la pastorale à la mesure de la famille. Il faut également dépasser la tendance à la privatisation des affections. Le monde occidental risque de faire de la famille une réalité confiée exclusivement aux choix de l’individu, totalement détaché d’un cadre normatif et institutionnel. Une telle privatisation rend les liens familiaux plus fragiles et les vide progressivement du sens qui leur est propre.
La relation qui donne vie à une famille, les relations qui s’établissent en son sein, sont des points de rencontre entre la dimension privée et la dimension sociale. Dans les sociétés traditionnelles, la dimension sociale du mariage et de la famille se déploie en un contrôle communautaire si fort qu’il apparaît parfois suffoquant. Il faut trouver le juste point d’équilibre entre ces différentes dimensions, toutefois toutes deux essentielles, aussi bien à la vie de la famille qu’à la réalité de la personne, qui demeure toujours à la fois personne individuelle et personne sociale.
Dans la vie de la famille, on fait l’expérience de la façon dont les choix les plus intimes du sujet sont habités par une dimension de transcendance. À travers les époux, leur ouverture concrète à l’engendrement de la vie, on expérimente un mystère qui nous transcende. L’amour qui unit les deux conjoints et qui devient principe de vie nouvelle, c’est l’amour de Dieu.
c) La responsabilité de l’Église et l’éducation
Il revient à l’Église d’annoncer et de témoigner de la très haute dignité de la personne humaine. L’Église ne se limite pas à dire aux fidèles et aux hommes de bonne volonté ce qu’ils doivent faire, mais elle se fait solidaire avec eux. Elle partage leurs espoirs, leurs désirs et leurs difficultés. Ceci est un signe fort de crédibilité aux yeux du monde.
Une attention particulière doit être destinée en ce sens à l’éducation de l’affectivité et de la sexualité. En effet, il faut avant tout savoir les apprécier et annoncer leur valeur. Dans cette optique, il faut réaffirmer l’importance des parcours de formation. Le témoignage de la part des adultes ajoute de la crédibilité aux idéaux qui doivent être présentés avec clarté. Sans aucun doute, le témoignage d’un amour fidèle et profond fait de tendresse, de respect, d’accueil réciproque, de pardon, capable de grandir dans le temps sans se consumer dans l’immédiateté, aide beaucoup les jeunes générations. En même temps, il faut cependant éviter les banalisations, la superficialité et des formes de “ tolérance ” qui naissent d’une indifférence substantielle et d’une incapacité d’attention.
En outre, il apparaît nécessaire de poursuivre dans la voie de la proposition de la vision personnaliste de l’amour conjugal définie par Vatican II (cf. Gaudium et spes, 49), compte tenu aussi des grands défis que constitue la façon de présenter l’amour et la famille dans de nombreux mass médias. C’est là encore un thème qui requiert davantage d’étude.
d) Thèmes concernant Humanae vitae
À partir de ces perspectives, il est possible de re-proposer positivement le message d’Humanae vitae à travers une herméneutique historique adaptée, qui sache saisir les facteurs historiques et les préoccupations qui ont présidé à la rédaction du texte de Paul VI. En d’autres termes, il faut relire l’Encyclique dans la perspective que Paul VI lui-même indiquait durant l’audience du 31 juillet 1968 : «… ce n’est pas seulement la déclaration d’une loi morale négative, c’est-à-dire l’exclusion de toute action qui se proposerait de rendre impossible la procréation (n° 14), mais c’est surtout la présentation positive de la moralité conjugale en vertu de sa mission d’amour et de fécondité “ dans la vision intégrale de l’homme et de sa vocation, non seulement naturelle et terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle ” (n° 7). C’est la clarification d’un chapitre fondamental de la vie personnelle, conjugale, familiale et sociale de l’homme, mais il ne s’agit pas d’un traité complet de ce qui concerne l’être humain dans le domaine du mariage, de la famille, de l’honnêteté des mœurs, domaine immense sur lequel le magistère de l’Église pourra et devra sans doute revenir avec un dessein plus ample, organique et synthétique ».
Il faut ensuite spécifier que la norme morale qu’elle rappelle se réalise à la lumière de la “loi de la gradualité”, selon les indications déjà formulées au n° 34 de Familiaris consortio : en rappelant que l’homme en tant qu’être historique «… connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance ».
Conclusion
Si nous considérons les origines du christianisme, nous constatons qu’il est parvenu à être accepté et accueilli – malgré tous les refus et la diversité culturelle – en raison de la profondeur et de la force intrinsèque de son message. De fait, il a réussi à illuminer la dignité de la personne à la lumière de la Révélation, notamment en ce qui concernait l’affectivité, la sexualité et la famille.
Le défi à accueillir de la part du Synode est précisément de réussir à proposer à nouveau au monde d’aujourd’hui, si semblable par certains aspects à celui des premiers temps de l’Église, la fascination du message chrétien concernant le mariage et la famille, en soulignant la joie qu’ils donnent, mais, en même temps, d’apporter des réponses vraies et imprégnées de charité (cf. Ep4, 15) aux nombreux problèmes qui, spécialement aujourd’hui, touchent l’existence des familles. Tout en mettant en évidence le fait que la vraie liberté morale ne consiste pas à faire ce que l’on sent, ne vit pas seulement d’émotions, mais se réalise uniquement en acquérant le vrai bien.
Concrètement, il nous semble avant tout devoir nous placer aux côtés de nos sœurs et de nos frères dans l’esprit du bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37) : être attentifs à leur vie, en particulier être proches de ceux qui ont été “blessés” par la vie et qui attendent une parole d’espérance que, nous le savons, seul le Christ peut nous donner (cf. Jn 6, 68).
Le monde a besoin du Christ. Le monde a aussi besoin de nous, car nous appartenons au Christ.
[03003-01.01] [Texte original: Italien] [Traduction non officielle]
[B0712-XX.02]
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Traduzione in lingua francese
Aujourd’hui, le prophète Isaïe et l’Évangile utilisent l’image de la vigne du Seigneur. La vigne du Seigneur est son "rêve", le projet qu’il cultive avec tout son amour, comme un paysan prend soin de son vignoble. La vigne est une plante qui demande beaucoup de soin !
Le "rêve" de Dieu c’est son peuple : il l’a planté et le cultive avec un amour patient et fidèle, pour qu’il devienne un peuple saint, un peuple qui porte beaucoup de fruits de justice.
Mais, aussi bien dans la prophétie ancienne que dans la parabole de Jésus, le rêve de Dieu est déçu. Isaïe dit que la vigne, si aimée et soignée, « a produit de mauvais raisins » (5, 2.4), alors que Dieu « attendait le droit, et voici le crime ; il attendait la justice, et voici les cris» (v.7). Dans l’Évangile, au contraire, ce sont les paysans qui ruinent le projet du Seigneur : ils ne font pas leur travail, mais ils pensent à leurs intérêts.
Jésus, dans sa parabole, s’adresse aux chefs des prêtres et aux anciens du peuple, c’est-à-dire aux "sages", à la classe dirigeante. Dieu leur a confié de façon particulière son "rêve", c’est-à-dire son peuple, pour qu’ils le cultivent, en prennent soin, le protègent des animaux sauvages. Voilà la tâche des chefs du peuple : cultiver la vigne avec liberté, créativité et ardeur.
Jésus dit que pourtant ces paysans se sont emparés de la vigne ; par leur cupidité et leur orgueil, ils veulent faire d’elle ce qu’ils veulent, et ainsi ils ôtent à Dieu la possibilité de réaliser son rêve sur le peuple qu’il s’est choisi.
La tentation de la cupidité est toujours présente. Nous la trouvons aussi dans la grande prophétie d’Ézéchiel sur les pasteurs (cf. ch. 34), commentée par saint Augustin dans son célèbre discours que nous venons de relire dans la Liturgie des Heures. Cupidité d’argent et de pouvoir. Et pour assouvir cette cupidité, les mauvais pasteurs chargent sur les épaules des gens des fardeaux insupportables qu’eux-mêmes ne déplacent pas même avec un doigt (cf. Mt 23, 4).
Nous aussi, au Synode des Évêques, nous sommes appelés à travailler pour la vigne du Seigneur. Les Assemblées synodales ne servent pas à discuter d’idées belles et originales, ou à voir qui est le plus intelligent… Elles servent à cultiver et à mieux garder la vigne du Seigneur, pour coopérer à son "rêve", à son projet d’amour sur son peuple. Dans ce cas, le Seigneur nous demande de prendre soin de la famille, qui depuis les origines est partie intégrante de son dessein d’amour pour l’humanité.
Nous sommes tous pécheurs et à nous aussi, peut arriver la tentation de "nous emparer" de la vigne, à cause de la cupidité qui ne nous manque jamais à nous, êtres humains. Le rêve de Dieu se heurte toujours à l’hypocrisie de quelques-uns de ses serviteurs. Nous pouvons "décevoir" le rêve de Dieu si nous ne nous laissons pas guider par l’Esprit Saint. Que l’Esprit nous donne la sagesse qui va au-delà de la science, pour travailler généreusement avec vraie liberté et humble créativité.
Frères Synodaux, pour cultiver et bien garder la vigne, il faut que nos cœurs et nos esprits soient gardés en Jésus Christ dans la « paix qui surpasse tout ce qu’on peut concevoir » (Ph 4,7). Ainsi nos pensées et nos projets seront conformes au rêve de Dieu : se former un peuple saint qui lui appartienne et qui produise des fruits du Royaume de Dieu (cf. Mt 21, 43).
[01564-03.02] [Texte original: Italien]
http://synod14.vatican.va/content/sinodo/it/sinodo2014/events/topic.html/content/sinodoevents/it/2014/10/1/sinododeivescovi
Huitième Congrégation générale du Synode: Résumé non official du débat général
Saint Père: présent
Pères synodaux: 181
Cette session a prolongé hier après-midi de débat général autour des sujets suivants: L'Eglise et la famille face au défi éducatif, le défi éducatif en général et l'éducation chrétienne dans les situations familiales difficiles.
Après avoir souligné que la vocation à la vie est l'élément fondant de la famille, les pères sont tombés d'accord pour recommander aux fidèles d'approfondir l'encyclique Humanae Vitae de Paul VI, notamment le recours au méthodes naturelles de régulation de la fertilité et le rejet de la contraception. La procréation ne saurait être distincte de l'acte conjugal, et toute manipulation génétique, y compris la cryo-conservation des embryons, est absolument condamnée.
On a critiqué les pays occidentaux et les organisations internationales qui, en Afrique notamment, présentent l'avortement et l'union homosexuelle comme des droits, et conditionnent avec insistance leur aide à leur acceptation. D'autant que le droit à la santé sexuelle et reproductive n'a même pas de définition précise en droit international. On mêle ainsi des principes contradictoires comme la condamnation de l'avortement forcé et la recommandation de l'avortement sécurisé, ou comme la protection de la maternité et celle de la contraception. Même sans force de loi, ces soi disant droits constituent un risque dans la mesure où ils déforment l'interprétation d'autres principes comme la lutte contre la discrimination féminine.
Il a de nouveau été question d'un préparation au mariage renforcée qui combatte la seule vision sociale et juridique des noces au profit de leur dimension religieuse et spirituelle. La préparation est trop souvent perçu comme un bref parcours à effectuer sans véritable conviction. Etant une vocation à la vie, le mariage doit être plus soigneusement préparé, à l'instar de la vocation religieuse. Les futurs époux n'ont souvent pas conscience du caractère sacramental du mariage, au point de le réduire à sa célébration.
Confirmant la nécessité d'alléger les procédures en nullité, à laquelle va travailler la commission spécifique nommée en septembre dernier, on a exprimé le voeu que la simplification canonique soit la même pour toute l'Eglise. Et à propos de l'obligation de l'appel conforme à la première sentence, on a avancé l'hypothèse de laisser à l'évêque diocésain juge du recours. Les laïcs et notamment des femmes doivent être plus nombreux au sein des tribunaux ecclésiastiques.
Comme eux, les prêtres doivent être mieux formés et bien préparés à la pastorale matrimoniale, en particulier par le biais de l'homélie. Le prêtre doit aussi être informé, car sa santé spirituelle et sa sincérité de rapport sont très appréciés par les fidèles.
Il a ensuite été question de la famille migrante à laquelle il faut assurer son droit fondamental à l'unité, au moyen de politiques migratoires internationales qui ne prennent pas seulement la défense du simple individu. Pour les migrants, la famille constitue un élément essentiel d'intégration dans les pays d'accueil.
Le débat libre est revenu la question des divorcés remariés et en particulier sur la nécessité d'élaborer un parcours pénitentiel comprenant une réflexion sur les anciens conjoints abandonnés, souvent socialement isolés et souffrant en silence. Mais aussi sur la nécessité de prendre en charge les enfants de ces couples, sujets à des retombées psychologiques découlant de la séparation de leurs parents.
Une pastorale spécifique permettrait parfois de rapprocher les parents de l'Eglise. Ceci dit l'éducation des enfants comprend le droit de la famille à choisir le projet éducatif qu'ils souhaitent.
Le Secrétaire général a précisé que 180 pères ont pris la parole au cours des huit congrégations générales, et 80 durant les heures de débat libre.
[03031-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0742-XX.01]
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Septième Congrégation générale du Synode: Résumé non official du débat général
Saint Père: présent
Pères synodaux: 184
Cette session s'est déroulée en deux parties, d'abord la poursuite du débat général d'hier après-midi (sur les situations pastorales difficiles, en l'occurrence familiales, et les unions entre personnes de même sexe), puis le débat consacré aux défis pastoraux concernant l'ouverture à la vie.
Il a de nouveau été question de l'accès à la communion pour les divorcés remariés. L'indissolubilité du mariage a nettement été réaffirmée car le lien sacramental est une réalité objective, l'oeuvre du Christ dans l'Eglise. Ce point doit être défendu et traité au moyen d'une catéchèse pré-matrimoniale adaptée, de manière à ce que les futurs époux soit pleinement conscients du caractère sacramental de leur union et de sa nature vocationnelle. Un accompagnement pastoral devra accompagner les couples après leur mariage.
Mais il convient d'envisager les cas concrets un à un, en distinguant par exemple qui a été abandonné de qui a abandonné. Ne pouvant négliger cela, l'Eglise ne doit pas appliquer une pastorale du tout ou rien, mais être miséricordieuse. Le mystère de l'Eglise est un mystère de consolation.
Ne pas être autorisés à communier ne signifie pas pour les remariés ne plus être membres de la communauté. On doit prendre en considération les responsabilités qu'ils pourraient y exercer. Il faut en tout cas simplifier et accélérer les procédures de nullité.
Dans certaines régions du monde, le concubinat est souvent causé par des motifs socio-économiques, non par un rejet des enseignements de l'Eglise. D'autres types d'union de fait n'abandonnent pas l'objectif d'une vie chrétienne. Là encore, une pastorale spécifique est nécessaire. Etant dans l'impossibilité de reconnaître le mariage entre personnes du même sexe, l'Eglise peut toutefois développer une approche respectueuse et non discriminatoire.
A propos encore des mariages mixtes, il faut regarder au-delà des difficultés pour percevoir leur pouvoir de témoignage harmonieux au niveau du dialogue inter-religieux. On a redit la nécessité d'un nouveau langage qui permette à l'Eglise d'impliquer ensemble croyants et non croyants en vue d'identifier des modèles familiaux permettant le développement des individus et le bien-être de la société. Il faut parler avec une simplicité qui porte au coeur des gens.
La seconde partie de la session a traité de la paternité responsable et réaffirmé que le don de la vie comme la chasteté sont des valeurs fondant le mariage chrétien, qui se dressent face au crime de l'avortement. Envisageant la situation, principalement asiatique, dans laquelle nombre de familles sont confrontées à l'infanticide, au viol des femmes et au trafic des êtres humains, on a rappelé la nécessité de mettre en exergue la justice comme vertu fondamentale du foyer.
Puis le débat a touché à la responsabilité d'éducateurs que détiennent les parents. Il faut être particulièrement attentifs au volet éducation des enfants à la foi, d'autant que la pastorale de l'enfance peut créer un lien avec des familles en crise.
La contraception a bel et bien un impact négatif sur la société, à commencer par son effet sur l'effondrement de la natalité. Face au phénomène, les catholiques ne sauraient être passifs. Ils doivent diffuser un message d'espérance en expliquant que les enfants sont une bénédiction pour leurs parents, dont ils renforcent la foi et la pratique religieuse.
En dernier lieu, on a redit combien le rôle des laïcs, et notamment des mouvements, est indispensable dans l'apostolat de la famille, l'accompagnement des couples et l'évangélisation de la société.
[03029-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0737-XX.02]
Introduzione del Presidente delegato, Card. André Vingt-Trois
Cet après-midi, la Huitième Congrégation Générale sera maintenant consacrée à un autre thème présenté dans la troisième partie de l’Instrumentum laboris qui traite de l’ouverture à la vie et de la responsabilité éducative. Nous concentrerons donc notre attention et nos débats sur le chapitre 2 qui affronte plus particulièrement L’Église et la famille face au défi éducatif.
Les défis que doit affronter la famille dans le milieu éducatif sont multiples (132) et souvent les parents se sentent peu préparés face à cette tâche. Le Magistère récent a insisté sur l’importance de l’éducation, pour laquelle les époux reçoivent une grâce singulière dans le mariage. Le Pape François a souligné aussi l’importance de l’éducation dans la transmission de la foi. L’Église est appelée à aider les familles dans leur tâche éducative, à commencer par l’initiation chrétienne. L’éducation chrétienne en famille se réalise, avant tout, à travers le témoignage de vie des parents vis-à-vis des enfants (133-134).
Aujourd’hui, le défi de l’éducation chrétienne et de la transmission de la foi est souvent caractérisé, dans de nombreux pays, par le profond changement du rapport entre les générations, qui conditionne la communication des valeurs au sein de la réalité familiale (135-137). Si la transmission de la foi et l’éducation chrétienne apparaissent inséparables d’un témoignage de vie authentique, on comprend que les situations difficiles au sein de la cellule familiale accentuent la complexité du processus éducatif (138-139). Il y a globalement trois éléments à propos des situations irrégulières et de leur incidence sur l’éducation: les unions entre personnes du même sexe ; l’existence et l’augmentation de cellules monoparentales ; enfin, le phénomène des "enfants de la rue", très présent dans le Sud du monde (140).
Dans leurs requêtes, les parents en situation irrégulière s’adressent à l’Église (141) avec des attitudes très différentes, selon les sentiments et les motivations qui les animent. La requête principale et la plus fréquente est celle de l’administration des sacrements à leurs enfants (142-143). Une difficulté apparaît quand les parents divorcés sont en désaccord au sujet de l’itinéraire d’initiation chrétienne de l’enfant; dans ces cas-là, l’Église est appelée à jouer un important rôle de médiation (144). Il y a parfois aussi le malaise de parents qui ne peuvent pas accéder au sacrement de la pénitence et de l’Eucharistie, alors que leurs enfants sont invités à y participer (153). Une pastorale sensible apparaît toujours plus nécessaire, une pastorale guidée par le respect de ces situations irrégulières, capable d’offrir un soutien concret à l’éducation des enfants, y compris à travers les écoles catholiques (154-157).
Conscients de l’importance de ce défi de la transmission de la foi au sein de la famille, écoutons maintenant le témoignage des époux Olivier et Xristilla Roussy, Responsables de la branche apostolique Amour et Vérité -international, de la Communauté de l’Emmanuel, qui nous parleront de leur expérience familiale quant à la responsabilité de la transmission de la vie et de la foi.
[03019-03.01] [Texte original: Français]
Testimonianza dei coniugi Olivier e Xristilla Roussy, della Communauté de l’Emmanuel, Responsabili internazionali diAmour et Vérité (Francia)
Très Saint Père,
Chers Pères synodaux,
Nous allons fêter nos 20 ans de mariage et les 19 ans de l’aînée de nos 7 enfants.
Xristilla a grandi dans une famille dont les parents étaient divorcés et Olivier au sein d’une famille nombreuse.
Nous avons toujours eu le désir d’une grande famille. Nos premiers enfants sont nés et notre famille a pris peu à peu forme avec vitalité. L’arrivée de nos enfants nous a décentrés de nous-mêmes. Elle nous a aidés à dépasser nos limites humaines comme le bruit, la fatigue, l’inconfort. On ne connaît pas toutes ces difficultés avant de les vivre. On se demande si on va pouvoir les supporter lorsqu’elles surviennent. Mais, avec le temps et la prière, ce sont des renoncements qui nous procurent une joie profonde.
Durant nos fiançailles, nous avions choisi de nous former à la régulation naturelle des naissances. Après l’arrivée du troisième enfant, Xristilla était épuisée. Nous n’arrivions plus à vivre paisiblement nos unions conjugales. Nous avons alors décidé que Xristilla prendrait une pilule contraceptive pour quelques mois. Ce choix de la contraception était censé nous apaiser ; il eut l’effet contraire. Nous avons très mal vécu cette période. Xristilla était souvent de mauvaise humeur, le désir était absent et la joie disparaissait. Nous avions l’impression de ne plus être en vérité avec nous-mêmes. Nous n’étions plus unifiés. Nous avons compris que nous avions fermé une porte au Seigneur dans notre vie conjugale. Nous avons alors décidé de reprendre une régulation naturelle des naissances. C’est apparemment un chemin plus difficile qui nous invite à être continents lors des périodes fertiles alors même que nous désirons plus fortement nous unir. C’est souvent dur à accepter et à choisir à chaque fois. Mais nous le vivons à deux. C’est une aventure commune qui nous pousse à vouloir le bonheur de l’autre. Bien plus qu’une méthode, ce mode de vie nous permet chaque jour de nous accueillir l’un l’autre, de communiquer, de nous connaître, de nous attendre, de nous faire confiance, d’être délicats. Nous avons choisi cette voie, nous ne la subissons pas et nous en sommes profondément heureux malgré les efforts qu’elle requiert.
Nous avons expérimenté que ces méthodes sont fiables, même s’il nous faut témoigner qu’il nous est arrivé de ne pas contenir notre désir et qu’un enfant a vu le jour neuf mois plus tard. L’accueil de cette nouvelle vie aurait été impossible avec une contraception. Pourtant, ce nouvel enfant est un vrai bonheur.
Nous sommes très heureux que Dieu soit au cœur de notre vie, y compris de notre intimité conjugale. Nous décidons de la vivre sous son regard. Cela irradie notre vie de couple en nous rendant plus confiants dans l’avenir, plus libres et plus attentifs aux autres. Cette disponibilité nous ouvre à la volonté de Dieu dans toutes les dimensions de notre vie. Nous sentons que ce mode de vie nous porte aussi dans notre responsabilité éducative et rejaillit sur le climat familial.
Dans notre mission de parents, nous désirons avant tout éveiller nos enfants à la sainteté. Comme nous tous, ils sont confrontés aux multiples tentations du monde et humblement, nous essayons de les faire grandir dans la liberté et la générosité, de leur apprendre le sens du discernement, de la décision et de l'effort. Nous les aidons à bâtir leur projet de vie sous le regard de Dieu. Dans le rythme difficile de la vie moderne, nous cherchons à être attentifs à chacun et à leur accorder suffisamment de temps, ensemble et personnellement.
Notre vie de couple et notre vie de famille ont été marquées par notre cheminement dans la Communauté. Nous avons bénéficié de la formation qu’elle donne à ses membres mariés ; elle nous a aidés à devenir nous-mêmes. En tant que responsables d’Amour et Vérité, la branche apostolique de la Communauté de l’Emmanuel dont la mission est de soutenir les couples et les familles, nous faisons l’expérience qu’il est possible de vivre et proposer l’enseignement de l’Eglise, d’allier l’amour et la vérité sans renoncer ni à l’un, ni à l’autre. Nous cherchons à accueillir toutes les personnes quelles que soient leur histoire ou leur culture (des familles chrétiennes, mais aussi des couples loin de l’Eglise, souvent non-mariés, des parents seuls, des divorcés-remariés,…). L’Esprit Saint les place sur notre route afin que nous les aimions et que nous leur tendions la main. Mais elles ne pourront recevoir l’enseignement de l’Eglise que si elles se sentent d’abord écoutées et rejointes dans leur quotidien. Ensuite seulement, nous pourrons leur offrir des moyens concrets de cheminer.
Désorientés par les messages angoissants générés par le monde, toutes ces personnes en manque d’espérance ont peur de ne pas pouvoir durer dans leur amour et de ne pas être capables d’accueillir la vie. Par des témoignages simples et directs, et des enseignements concrets, nous proposons un art de vivre chrétien montrant que la sexualité et la fécondité peuvent être vécues dans le plan de Dieu et non dans la logique consumériste et égoïste du monde. Avec audace et charité, accueillant la loi pastorale de la gradualité, nous proposons à chacun de marcher vers le Christ selon le pas qu’il peut franchir chaque jour.
Fragilisés dans leur responsabilité éducative par le manque de repères ou la peur de ne pas être légitimes dans leur rôle, les parents ont la tentation de baisser les bras. Par des formations proposant des outils simples, nous les encourageons à donner une éducation intégrale, orientée vers la sainteté et le développement de l’intelligence, de la liberté, de la volonté, à la lumière de la foi. Cela passe en particulier par une éducation à la vie affective et sexuelle pour laquelle il est indispensable de responsabiliser les parents.
Nous sommes toujours bousculés par les questions et les doutes de nos contemporains, mais c’est exactement là où la rencontre peut se faire pour avancer ensuite vers la Vérité qui rend libre. Un accompagnement individuel, un accueil délicat, une communion fraternelle entre tous les états de vie, sont autant de moyens qui rendent possible la rencontre personnelle avec Jésus.
L’amour du Christ nous presse sur la voie d’une charité inventive. Ainsi, à Paray le Monial, lors de ses grands rassemblements, la Communauté de l’Emmanuel propose aux familles de se consacrer au Cœur de Jésus, pour demeurer en Lui et rayonner de son amour.
Nous sommes appelés à aimer les personnes et à les faire cheminer, plus qu’à juger leurs actes, à être des témoins de miséricorde n’ignorant pas les réalités auxquelles elles sont confrontées. Seule cette attitude du cœur peut nous éviter de devenir de petites communautés, étriquées, maîtrisées et finalement moribondes. L’accueil, l’accompagnement et la vie fraternelle ne seraient-ils pas aujourd’hui les clés essentielles pour l’évangélisation des familles ?
[03020-03.01] [Texte original: Français]
[B0738-XX.01]
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Sixième Congrégation générale du Synode: Résumé non official du débat général
Saint Père: présent
Pères synodaux: 180
Cette session a prolongé le débat général autours des situations pastorales difficiles, notamment familiales, et les unions entre personnes de même sexe.
On a rappelé d'abord que, n'étant pas une sorte de douane mais une maison de famille, l'Eglise devait offrir un accompagnement à tous, y compris aux personnes en situation pastorale délicate. Rassemblant familles en bonne santé et familles en crise, l'Eglise ne peut être indifférente dans son chemin de sanctification aux faiblesses de certains. Elle doit aider le plus faible.
La procédure relative aux nullités matrimoniales a besoin d'être allégée, et il faut plus de laïcs dans les tribunaux ecclésiastiques. Ceci dit, il faut éviter la superficialité et garantir le respect de la vérité et des droits des parties. Si le procès canonique n'est pas contraire à la charité pastorale, la pastorale judiciaire doit éviter toute culpabilisation et traiter chaque cas avec équilibre. Toujours à propos des procédures en nullité, on a réfléchi à l'hypothèse d'un recours administratif qui ne se substituerait pas au recours judiciaire mais en serait un complément en fonction d'une décision épiscopale.
Les divorcés remariés doivent être traités avec respect parce qu'ils se trouvent souvent dans des situations précaires et douloureuses, et cherchent à retisser une vie ecclésiale. Ils ont besoin d'une pastorale de miséricorde et non de répression. Si la polygamie est en recul, à cause de la décroissance du monde rural et à l'accroissement de l'urbanisation, on doit tenir compte des polygames convertis au catholicisme, et qui désirent recevoir les sacrement. Pour cette catégorie des mesures pastorales s'imposent.
Par ailleurs, il convient de mieux préparer les candidats au mariage, en insistant en particulier sur l'aspect sacramental du lien conjugal et une mission éducative qui ne se limite pas à un discours moraliste portant à un analphabétisme religieux. Le parcours matrimonial doit tendre au développement de la personne.
L'heure de débat libre a servi à la présentation d'expériences personnelles mais aussi de modèles appliqués à la pastorale des divorcés remariés, passant par des groupes d'écoute. Il convient ici d'éviter les formules du type "état permanent de péché", et s'expliquer que la non admission à la communion n'élimine pas automatiquement la grâce du Christ. Cette non admission découle de la permanence du lien sacramental antérieur et indissoluble. On a avancé à ce propos l'hypothèse de la communion spirituelle, qui montre en tout cas les limites comme la difficulté de nouvelles solutions.
Dans la pastorale des homosexuels aussi, l'écoute doit être fondamentale, notamment au moyen de groupes.
Il a enfin été question de fidèles qui passent à une autre confession chrétienne, et vice-versa, avec toutes les difficultés découlant des mariages inter-confessionnels, la question de leur validité, notamment parce que le divorce est prévu dans les Eglises orthodoxes.
Certains intervenants ont fait noté la grande évolution de la problématique de la famille chrétienne depuis le Synode ordinaire qui lui fut consacré en 1980, y compris en matière de culture juridique. L'Eglise doit tenir compte de cette évolution internationale, qui doit être sujet de débats dans universités et autres institutions culturelles.
[03028-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0736-XX.01]
Introduzione del Presidente delegato, Card. André Vingt-Trois
Aujourd’hui, cette Septième Congrégation Générale sera consacrée à un sujet présenté dans la troisième partie de l’Instrumentum laboris qui traite de l’ouverture à la vie et de la responsabilité éducative. Ce matin nous concentrerons notre attention et nos débats sur le chapitre 1 qui affronte plus particulièrement les défis pastoraux concernant l’ouverture à la vie. Dans ce domaine, on touche des dimensions et des aspects très intimes de l’existence, pour lesquels ressortent des différences substantielles entre une vision chrétienne de la vie et de la sexualité et un mode de vie fortement sécularisé.
C’est pourquoi la connaissance et l’accueil du Magistère sur l’ouverture à la vie (123-125) sont essentiels. En effet, nombreux sont ceux qui ont des difficultés à saisir la distinction entre les méthodes naturelles de régulation de la fertilité et la contraception. Lescauses principales de cet accueil difficile (126-127) proviennent de la différence entre la conception anthropologique chrétienne et celle de la mentalité dominante. C’est ainsi que du point de vue pastoral (128), il importe de faire davantage connaître – dans un nouveau langage et en collaboration avec le monde universitaire, la cohérence de la vision anthropologique proposée par l’Église.
Tout cela n’est pas sans conséquences sur la pratique sacramentelle (129) des couples qui, souvent, n’estiment pas que l’utilisation de méthodes anticonceptionnelles soit un péché et donc tendent à ne pas en faire une matière à confession et ainsi recevoir la communion sans problèmes.
Enfin, il faut encourager une mentalité ouverte à la vie (130-131) pour contrecarrer la mentalité contraceptive et la diffusion d’un modèle anthropologique individualiste qui déterminent en certaines régions du monde une forte baisse démographique dont les conséquences sociales et humaines ne sont pas aujourd’hui assez tenues en considération. Dans ce contexte, il faut reconnaître l’utilité des planning familiaux liés aux diocèses et les associations de familles qui deviennent témoins de la beauté et de la valeur de l’ouverture à la vie.
Conscients de l’importance de ce témoignage de vie auprès de nos contemporains, écoutons maintenant l’attestation des époux Arturo et Hermelinda As Zamberline, Couple responsable de la sous-région du Brésil des Équipes Notre-Dame, qui nous viennent tout droit de ce grand pays où la statue monumentale du Christ Rédempteur rappelle à tous que son image sacrée est le symbole de sa protection et de sa bénédiction qui rayonne sur le Brésil et les Brésiliens.
[03017-03.01] [Texte original: Français]
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Cinquième Congrégation générale du Synode: Résumé non officiel du débat général
Saint-Père: Absent (Audience générale)
Pères synodaux: 182
Cette session a prolongé de débat général autours des défis pastoraux de la famille, de la crise de la foi dans le contexte familial, et des situations critiques internes à la famille.
Il a d'abord été question de l'Eglise au proche et moyen Orient ainsi qu'en Afrique du nord, qui vit dans un contexte politique, économique et religieux critique, avec de graves effets sur la famille. Les lois y interdisent les réunifications familiales, la pauvreté pousse les gens à l'émigration, le fondamentalisme religieux nie aux chrétiens la parité avec les musulmans, ce qui pose des problèmes très graves dans les unions mixtes.
Les mariage inter-religieux sont en augmentation et l'Eglise doit comprendre quelle catéchèse offrir aux enfants nés de ces mariages, et s'ils veulent continuer à pratiquer leur religion. L'Eglise, qui ne doit pas abandonner ces fidèles, ni les chrétiens qui se convertissent à l'islam pour se marier, doit réfléchir à des solutions.
Le problème n'est pas strictement inter-religieux, mais parfois oecuménique comme dans les cas où un catholique n'ayant pas obtenu la nullité de son mariage passe à une autre confession pour se remarier religieusement. Même si l'Eglise choisie permet cette solution, et malgré le patrimoine commun de foi, il faut suivre un chemin de miséricorde dans les cas les plus délicats.
On a par ailleurs mis en évidence que le synode devra prendre en compte, avec toute la prudence requise, les divorcés remariés, en conjuguant vérité et miséricorde envers qui souffre. Ces époux qui se trouvent dans cette situation n'en sont souvent pas la cause.
Pour sa part, le Saint-Siège ne cesse de défendre la famille à tout niveau, d'en souligner la dignité, d'en rappeler les droits et devoir y compris devant les instances internationales. Comme le disait Benoît XVI, les non de l'Eglise sont des oui à la vie. Sans hésitation, elle doit donc continuer de combattre le silence éducatif et religieux touchant la famille, au moyen d'un témoignage plus incisif de l'Evangile, c'est à dire qui tienne compte de la créativité pastorale.
La place fondamentale des laïcs dans l'évangélisation a été réaffirmée, celle des jeunes avant tout, des mouvements et nouvelles communautés, qui accomplissent un service vital, missionnaire et prophétique, à contre-courant de la pensée courante. Mieux écouter les fidèles et plus investir sur eux constituent des priorités car c'est avec eux que l'Eglise peut trouver des solutions aux problèmes de leurs familles.
Il a alors été question de la crise de l'emploi, du précariat et du chômage, des conséquences pour la familles d'une absence de sécurité qui peut glisser vers la pauvreté économique et la perte du foyer. Le manque d'argent en fait paradoxalement une divinité. Ainsi sacrifie-t-on des familles sur l'autel du profit alors que l'argent devrait servir à vivre.
On a enfin rappelée la nécessité de mieux préparer les époux au mariage, notamment au niveau sexuel et affectif, en prônant une mystique familiale de la sexualité. Le rôle des grand parents dans la transmission de la foi au sein de la famille a également été souligné, ainsi que la nécessité d'inclure les anciens dans le noyau familial. La même attention et solidarité doit être réservée aux malades, eux aussi menacés par la culture du rebut dénoncée par le Pape.
[03026-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0731-XX.02]
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Quatrième Congrégation générale du Synode: résumé non officiel du débat général
Saint-Père: présent
Pères synodaux: 182
Cette session a prolongé de débat général autours des diverses propositions relatives à la pastorale de la famille. Ayant établi le lien entre crise de la foi et crise de la famille, la première générant l'autre, les pères ont noté que la foi est perçue comme un ensemble de données doctrinales, alors qu'elle est avant tout un acte libre envers Dieu. On a donc suggéré un vade-mecum de la catéchèse familiale qui puisse en renforcer la mission évangélisatrice. Le fait que nombre de baptisés aient une foi vague les conduit souvent au mariage sans une conscience précise de leur acte. La famille doit aussi faire face à la dictature de la pensée unique qui insère dans la société des contre-valeurs et déforme le concept d'union entre un homme et une femme. La crise des valeurs, le sécularisme athée et l'hédonisme, l'ambition du pouvoir détruisent et dénaturent la famille, fragilisent les personnes et donc la société toute entière. Les fidèles doivent donc redécouvrir le sens de leur appartenance à l'Eglise, car ce sont les familles de l'Eglise qui attirent les autres. Experte en humanité, l'Eglise doit réaffirmer la nécessité de la famille et son caractère irremplaçable, réveiller en l'homme le sens d'appartenance à un noyau familial. Reflet de l'amour de Dieu, c'est la famille qui éduque aux rapports sociaux.
Il a ensuite été question de l'importance du rapport entre les familles et les prêtres, qui les accompagnent dans les grandes étapes de leur vie. En retour, les familles aident les prêtres à vivre leur célibat comme affectivité équilibrée et non comme renonciation. Berceau des vocations, la famille suscite souvent dans la prière commune la naissance de l'appel au sacerdoce. A propos du lien entre baptême et mariage car la signification du sacrement conjugal est diminuée lorsque l'initiation chrétienne n'a pas été solide. Le mariage chrétien ne peut donc se réduire à un coutume ou à une exigence sociale. Il est une vocation qui a besoin d'une préparation soigneuse. Les répercussions du travail sur la vie familiale, avec notamment la flexibilité des horaires ou des contingences géographiques, le travail à la maison aussi, engendrent des difficultés dans le dialogue familial. Il a été question de la famille en Afrique, qui fait face à la polygamie et au lévirat, à l'influence des sectes, à la guerre et à la pauvreté, aux flux migratoires et au contrôle des naissances imposé par les instances internationales. Tout cela mine la stabilité de la famille et il faut y répondre par une évangélisation plus profonde, qui diffusent la paix, la justice et l'amour, le respect et la place de la femme dans la société, l'éducation et la défense de l'enfance et de toutes les victimes de violences.
Puis les pères ont à nouveau évoqué la nécessité d'un nouveau langage pour l'annonce évangélique, notamment face aux nouvelles technologies. Quant à l'indissolubilité du mariage, on a souligné combien la législation semble s'opposer au bien de la personne. La vérité du lien et de la stabilité conjugale étant inscrites dans la personne, il faut éviter de lui opposer la loi et percevoir comment aider la personne à ne pas trahir sa propre vérité. On a suggéré de réfléchir aux couples qui n'ont pas pu avoir d'enfant, et aux familles des pays frappés par l'Ebola. Enfin l'image de l'Eglise comme lumière a été rappelée pour dire qu'elle ne doit pas se limiter à fonctionner comme un phare mais se présenter sous la forme d'innombrables flammèches amies des gens. Le Conseil pontifical pour la famille a distribué à l'assemblée sont Enchiridion sur la famille.
[03025-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0730-XX.01]
Testimonianza della Sig.ra Jeannette Touré (Costa d'Avorio)
Eminences, Excellences,
Révérends Pères, Révérendes Sœurs,
Chers amis Auditeurs de la 3ème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Evêques,
C'est une évidence pour nous chrétiens de dire que c'est Dieu qui a conçu l'idée de la famille et qu'en le faisant, il nous a donné plusieurs principes dans sa parole concernant sa structure, ainsi que le rôle que doit jouer chaque membre. Il me paraît donc raisonnable de penser qu'II est le mieux placé pour nous montrer comment doivent fonctionner toutes les familles afin d'éviter les précipices qui les détruisent. Cependant, une question mérite de retenir notre attention.
Qu'est-ce que la famille, mieux, doit-on encore parler de la famille au singulier ?
La question mérite d'être posée quand on sait que de nos jours, la famille moderne est bousculée par l'augmentation des divorces, la chute des mariages, le nombre croissant des enfants nés hors mariage. Que dire, quand on voit tout autour de nous, l'extrême diversité des modèles familiaux: familles monoparentales, familles recomposées, familles à fidélités' successives, familles éclatées, communautés' de familles, familles homosexuelles... Est-ce bien cela la famille selon le cœur de Dieu ?
A la vérité, la famille telle que voulue et aimée de Dieu est la seule qui se doit : « homme et femme il les créa afin qu'ils fécondent la terre et soient heureux» Gen1, 27. Et à ce titre, elle se doit d'être image et ressemblance de Dieu partout où elle se trouve. Elle doit être, pour son entourage, porteuse de la Bonne Nouvelle du Salut par son témoignage de' vie. Pour nous, en tant que couple mixte, ce thème : "Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation" est d'autant plus important qu'il s'applique à notre réalité : comment un homme, un musulman et-une femme, une chrétienne catholique qui-se sont aimés il y a de cela un peu plus de 52 ans, et qui continuent de s'aimer encore aujourd'hui, peuvent-ils être témoins de l'évangile pour leurs enfants, pour leur entourage, pour leurs amis, pour leurs différentes communautés religieuses ?
Notre contribution à ce thème voudrait être notre témoignage de vie : 52 années de vie commune dans la tolérance, le respect mutuel de nos croyances, dans le soutien l'un de l'autre, dans l'éducation chrétienne de nos enfants (qui sont tous baptisés à l'Eglise catholique et ce avec l'accord de mon époux), tout cela en accueillant les joies reçues du Seigneur et en gardant beaucoup d'espérance au cœur des difficultés. De cette union sont nés 5 enfants et 6 petits enfants à qui nous avons inculqué nos valeurs derespect de l'autre dans la différence et à qui nous avons donné la foi.
Merci à mon époux qui a accepté que nos enfants soient tous catholiques. Eux aussi à leur tour essayent d'être porteurs de la Bonne Nouvelle autour d'eux. La famille, particulièrement la famille africaine a le devoir de témoigner de sa foi dans son milieu de vie et dans son entourage. C'est aussi un défi quand on connaît le poids de nos traditions. Nos choix et nos décisions doivent aider notre entourage à mieux connaître, accepter et aimer Dieu.
En face des modèles pas toujours reluisants, il nous faut affirmer qu'il y a un optimal à rechercher pour le bonheur de tous et de chacun et que la famille étant le lieu d'une attente considérable, il en résulte, que notre monde a besoin de modèles sur le plan de la famille comme dans bien d'autres domaines. Devant donc toutes ces menaces qui pèsent lourdement sur la famille, il me paraît urgent, que les familles reviennent à leur mission à savoir que :
- La famille est le lieu où l'on peut être soi-même et, enlever son masque sans être jugé ; le lieu où l'on apprend à avoir confiance en soi grâce au regard admiratif et en même temps lucide que les parents portent sur leur progéniture. Elle est le lieu où l'on vit l'amour au quotidien, où l'on échappe à la solitude, où l'on apprend à partager, à s'épanouir pleinement.
- La famille est le lieu où la vie sociale s'apprend en douceur et où l'on fait l'apprentissage de la différence ; le lieu où l'on transmet les valeurs. C'est que la famille doit favoriser la communication entre ses membres, pour devenir le lieu où l'amour doit se dire et la tendresse paternelle, notamment, doit s'exprimer.
Vous le savez certainement, la construction d'une famille nécessite un engagement généreux des époux dans cette formidable aventure, un défi lancé au temps par la décision de vivre la fidélité, un pari fait sur l'amour sans regarder en arrière et en prenant les moyens de rester fidèle, en cessant de songer à son unique épanouissement et à son unique confort.
De même, vous remarquerez que les familles dont les contours sont imprécis, où chacun fait ce qu'il veut et pense d'abord à lui, ne vont pas très loin, tout comme les familles totalitaires, c'est-à-dire, ces familles qui prétendent se suffire à elles-mêmes.
A la vérité, il s'agit pour les familles aujourd'hui, de s'engager au service de la cité, d'entrer dans des associations, d'entrer en relation avec Dieu. Et c'est là tout le défi que nous avons à relever tous ensemble.
Je vous remercie.
[03014-03.01] [Texte original: Français]
[B0727-XX.01]
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Troisième Congrégation générale du Synode: résumé non officiel du débat général
Saint-Père: présent
Pères synodaux: 184
Cette session a prolongé de débat général autours de: l'Evangile de la famille et la loi naturelle; et de La famille et la vocation de la personne dans le Christ.
En ouverture a été annoncé que le consistoire ordinaire du 20 octobre serait consacré à la situation du proche et moyen Orient, dans le sillage de la réunion tenue en début de semaine avec les nonces en poste dans la région. Les patriarches orientaux ainsi que le patriarche latin de Jérusalem y prendront part, et le Cardinal Secrétaire d'Etat en fera la présentation.
Les débats de ce matin on mis en exergue la nécessité d'une meilleure préparation pré-matrimoniale, solide et efficace. Il ne suffit pas d'envisager des remèdes aux échecs conjugaux mais élaborer les conditions de succès des mariages. Pour cela il est nécessaire d'offrir une vision du mariage qui ne se limite pas à sa réussite mais qui le présente comme un passage vers un but supérieur, au moyen d'une ascèse personnelle des couples qui soit force et énergie. Le mariage, qui est une vocation à part entière, implique la fidélité et la cohérence afin d'être un espace de progrès de l'humain.
Les époux doivent donc être accompagnés par le biais d'une pastorale spécifique vigoureuse. Personnalisée, la préparation sacramentale doit être longue et rigoureuse, même si cela risque de diminuer le nombre des noces à l'Eglise. On ne doit pas encombrer de causes matrimoniales les tribunaux ecclésiastiques.
Il a ensuite été question des media, dont la présence est parfois envahissante dans leur présentation d'idées opposées à la doctrine de l'Eglise en matière de mariage. Les fidèles doivent êtres mis en garde mais aussi mieux armés. L'enseignement de l'Eglise doit être plus incisif et ne pas se limiter à des interdits. Comme Jésus, elle doit se faire proche des personnes. En agissant ainsi il sera possible de réduire la fracture entre doctrine et pratique, entre enseignement ecclésial et vie familiale. Il n'est pas question de choisir entre doctrine et miséricorde mais de développer une pastorale éclairée, encourageant des familles en crise qui souvent ne ne sentent plus appartenir à l'Eglise.
Face aux couples en difficulté et aux divorcés remariés, l'Eglise soit présenter la vérité et non point un jugement. Avec compréhension, elle doit convaincre les intéressés à suivre la vérité, à suivre l'Eglise qui dit la vérité. C'est la miséricorde qui soigne et accompagne, d'autant que les familles en crise n'attendent pas des solutions pastorales rapides. Elles ne veulent pas être de simples statistiques mais se sentir comprises et aimées. Il faut accorder plus d'espace à la logique sacramentale qu'à la logique juridique.
Pour ce qui est de l'Eucharistie aux divorcés remariés, il a été réaffirmé qu'il ne s'agit pas du sacrement des parfaits mais de qui chemine.
Le débat est revenu sur la nécessité de changer de langage, sur le principe d'un dialogue plus large et assidu. Il convient d'écouter plus souvent l'expérience des époux car leurs problèmes, loin d'être ignorés, doivent devenir le fondement d'une théologie réelle. Il a été décidé de préciser le sens de concepts comme l'inspiration biblique, l'ordre de la création, la loi naturelle. Il ne suffit pas de changer le vocabulaire pour établir un pont et engager un dialogue efficace avec les fidèles. C'est bien d'une conversion pastorale dont il est besoin pour rendre l'annonce évangélique plus efficace.
On a alors présenté les dimensions spécifiques de la famille que sont la vocation à la vie, à la mission et à l'accueil. Témoigner du Christ au travers de l'unité familiale fait d'elle la première école d'altérité, un espace qui contraste avec l'agitation du monde ambiant. L'éducation à la sainteté de la famille, comme icône de la Trinité, a été soulignée, avec la prière qui transmet la foi des parents aux enfants.
Là encore, les prêtres et les catéchistes doivent également recevoir une formation plus adaptée".
[03023-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0724-XX.03]
Omelia del Card. Chibly Langlois
Très Saint-Père,
Eminents et Excellents Pères synodaux,
Frères et Sœurs, les participants,
En ce jour où nous faisons mémoire de Notre-Dame du Rosaire, nos travaux en assemblée synodale sur la famille se poursuivent dans la confiance en sa maternelle intercession. Grâce à sa prière, Dieu viendra lui-même libérer nos familles du manque d’amour dont elles sont victimes comme à la prière du Rosaire la victoire de Lépante a été obtenue. La Parole de Dieu qui nous est adressée par le prophète Jérémie est une invitation à chercher ce qui est juste pour nos sociétés alors que nous cherchons à relever les nombreux défis de la pastorale familiale dans le contexte de l’Evangélisation.
Le Prophète Jérémie a été envoyé par le Seigneur rappeler au roi et au peuple de Juda que l’avenir de Juda dépend de la pratique du droit et de la justice. D’une part, il s’agit de faire justice particulièrement aux faibles, aux pauvres de la société d’alors et qui étaient facilement exploités : l’étranger, l’orphelin, la veuve. D’autre part, il importe de respecter la vie des innocents. C’est une plaidoirie pour la juste intégration sociale de tous, particulièrement des plus faibles, des plus pauvres. C’est une exhortation à travailler pour la construction d’un monde plus fraternel où règne la paix.
Ce message prophétique, proclamé bien des siècles avant Jésus-Christ, trouve sa résonnance dans l’aujourd’hui de notre monde. Certes, ce monde a beaucoup évolué sur le plan de la technologie, des moyens de communication et de la production. Il reste pourtant marqué par des injustices de toutes sortes dont sont victimes de nombreuses populations. Elles sont incalculables les familles qui souffrent à cause de la misère, de l’exploitation, de la violence et de la guerre.
L’assemblée synodale sur la famille qui réunit des délégués de différentes nations est un lieu propice où, d’une voix unanime, nous devons dire, au nom de toutes les familles de la terre, au nom de la grande famille humaine que nous constituons tous et surtout au nom de notre foi, que les injustices criantes qui sévissent au sein des nations, comme ce qui se passe en Syrie, en Irak, en Afrique et en d’autres parties du monde dont la situation d’Haïti, ne font pas honneur à la dignité humaine.
Un monde digne de notre humanité, image de Dieu, est possible si, de notre part comme Eglise et à travers la Pastorale de la famille, nous travaillons dans la foi et la charité à rendre présent dans le monde le Royaume de Dieu. « Dans la mesure où Dieu réussira à régner parmi nous, la vie sociale sera un espace de fraternité, de justice, de paix, de dignité pour tous » (EG 180). Ce doit être vraiment au nom de notre foi, une foi authentique, car dit le Saint-Père :
Une foi authentique – qui n’est jamais confortable et individualiste – implique toujours un profond désir de changer le monde, de transmettre des valeurs (…). La terre est notre maison commune et nous sommes tous frères. Bien que « l’ordre juste de la société et de l’État soit un devoir essentiel du politique », l’Église « ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice ». Tous les chrétiens, et aussi les pasteurs, sont appelés à se préoccuper de la construction d’un monde meilleur’’ (EG 183).
Comme l’indique le témoignage évangélique, pour le salut des familles, c’est aussi la collaboration d’une foi active opérant par la charité que le Christ attend aujourd’hui de son Eglise et des familles, dans un monde où nombre de nos défis pastoraux dont ceux de la famille proviennent le plus souvent d’un manque de foi et d’amour, d’un manque de préparation à accueillir généreusement le don de la famille comme venant de Dieu.
Nous nous confions à la prière de la Sainte Vierge Marie, la Mère de l’Evangélisation, invoquée aujourd’hui sous le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Par son intercession, que Dieu continue de nous éclairer par son Esprit-Saint afin que cessent les injustices, les violences et les guerres de toutes sortes. Que tous les hommes et les femmes de ce monde deviennent dans le Christ une famille dont Dieu est le Père.
[03021-03.01] [Texte original: Français]
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Seconde Congrégation générale du Synode: résumé non officiel du débat général
Saint-Père: présent
Pères synodaux: 180
Cette session a ouvert le débat général autour des questions suivantes: Dessein de Dieu sur le mariage et la famille, Connaissance et réception de l'Ecriture et des documents de l'Eglise sur mariage et famille. La famille étant la cellule de la société, espace de l'amour gratuit, parler de famille et de mariage inclut de parler d'éducation et de fidélité. L'institution familiale doit donc être protégée car il en va de l'avenir de l'humanité. Nombreux sont les pères qui ont soutenu la nécessité d'adapter le langage de l'Eglise afin que sa doctrine sur la famille, la vie et la sexualité soit mieux compris.
A l'exemple du Concile, il faut dialoguer avec le monde, avec une ouverture critique mais sincère. Si l'Eglise n'écoute pas le monde, celui-ci ne l'écoutera pas. Mais ce dialogue doit envisager des sujets d'importance comme l'égalité de dignité homme femme ou le rejet de la violence. C'est pourquoi l'Evangile doit être montré plus qu'expliqué, c'est pourquoi il faut impliquer les fidèles dans l'annonce en reconnaissant leur charisme missionnaire. Evangéliser ne devant pas être une théorie dépersonnalisée, les familles doivent témoigner concrètement des valeurs évangéliques. L'enjeu consiste à passer de la défensive à la proposition, c'est à dire de reproposer la foi au moyen d'un langage nouveau et de témoignages convaincants rétablissant un pont avec la société. On a ainsi suggéré l'usage d'une catéchèse plus biblique que théologique car, malgré les apparences, les fidèles sont avides d'idéaux. Le chrétien sachant que le bonheur auquel l'homme tend est le Christ, il faut employer un langage adapté pour le dire au monde. L'Eglise doit oeuvrer par attraction, avec amitié envers le monde. Face aux couples en crise, à l'instar de Dieu, elle doit être compréhensive et miséricordieuse, et envisager la question sous le profil d'une justice respectueuse du dessein divin. Certes, le mariage demeure un sacrement indissoluble. La vérité étant le Christ et non un ensemble le règles, il convient de maintenir les principes tout en adaptant les formes. La nouveauté dans la continuité, ainsi que le disait Benoît XVI. Si le Synode ne met pas en discussion la doctrine, il réfléchit sur la pastorale, sur le discernement spirituel nécessaire à l'application de la doctrine face aux problèmes de la famille. La miséricorde n'élimine pas les commandements, elle en est la clef herméneutique.
On a convenu de la nécessité d'aborder avec respect certains cas, telles les unions libres marquées du sceau de l'amour et de la fidélité, qui présentent des éléments de sanctification et de vérité. Pour que le Synode diffuse encouragement et espoir, y compris aux personnes qui se trouvent dans des situations incorrectes, il faut avant tout envisager les aspects positifs. Et plus encore, il faut aimer sincèrement les familles en crise. Dans une société individualiste qui tend à la dissolution du modèle familial, on enregistre une perte de sens de l'union de l'être humain avec Dieu. Annoncer la beauté et la bonté de la famille ne peut se limiter à l'esthétisme, à la proposition d'un idéal à imiter, mais être une mise en valeur de l'alliance définitive des époux envers Dieu.
Un autre point essentiel s'étant dégagé des débats: le rejet du cléricalisme. Souvent l'Eglise semble plus préoccupée de son pouvoir que de son service, au point de désintéresser les gens. Retournons à imiter le Christ et retournons à l'humilité. La réforme de l'Eglise doit commencer par celle du clergé. Les fidèles doivent trouver les pasteurs dans le sillage du Seigneur, alors capables de les ramener vers lune Eglise enfin pleinement évangélisatrice. Il a alors été question de la sexualité au sein du mariage, et de sa valeur essentielle. Le sujet est tellement débattu et critiqué lorsqu'il est vécu hors mariage, que l'amour conjugal semble presque être une concession à la faiblesse humaine. En cela il est apparu nécessaire de disposer de prêtres mieux formés, mais aussi de politiques familiales capables de raviver la foi au sein des familles chrétiennes.
Au cours de la table ronde conduite entre 18 et 19 h, deux suggestions se sont manifestées: Que le Synode lance un message de soutien aux familles irakiennes, menacées d'extermination, contraintes à fuir leurs foyers pour ne pas avoir à renier leur foi. La proposition sera soumise à un vote. Et puis que le Synode se penche sur le clergé marié des Eglises orientales, qui connaît parfois une crise du couple pouvant conduire à la dissolution.
[03022-03.01] [Texte original: Italien - version de travail]
[B0721-XX.02]
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Synod14 - Première Congrégation générale: Rapport du Secrétaire général, le Cardinal Lorenzo Baldisseri, 06.10.2014
[B0711]
[Traduction non officielle]
INTRODUCTION
Très Saint-Père,
Éminentissimes et Excellentissimes Pères synodaux,
Chers frères et sœurs,
C’est avec honneur et émotion que je m’adresse, pour la première fois, en tant que Secrétaire Général, à la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques, suite à ma nomination qui a eu lieu le 21 Septembre 2013. Et je tiens à remercier Votre Sainteté d'avoir convoqué cette Assise, haute expression de la collégialité épiscopale, au début de votre Pontificat sur le thème : « les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation ».
Dans sa première homélie dans la Chapelle Sixtine (14 mars 2013), Votre Sainteté, traçant les lignes de son pontificat, a prononcé trois verbes : marcher, édifier et professer, en mettant en premier lieu l'accent sur "marcher". Et marcher ensemble est justement "syn-odos", "Synodus." L'Église, communauté des croyants dans le Christ, est en marche vers la maison du Père, missionnaire dans les rues du monde, elle annonce et professe la foi en Jésus-Christ, en tant qu’instance institutionnelle mais aussi dans les différents charismes et ministères qui, en communion, spécifient la méthode, le mode de vie et le témoignage de l'Évangile.
Je tiens, Votre Sainteté, à exprimer ensuite ma gratitude pour la bonne nouvelle et la grâce de la béatification de Paul VI, qui sera célébrée le dimanche 19 octobre prochain, à l’issue de cette Assemblée Générale Extraordinaire, et que les Pères Synodaux et l'Église entière accueillent et reçoivent avec joie. Cet événement s’inscrit dans le cadre significatif de cette Assemblée qui compte des membres synodaux provenant de toutes les régions du monde. Il s’insère dans le large cadre de communion qui, en ces jours-ci, s’exprime par un grand nombre d'initiatives de prière pour le succès du Synode.
La déclaration de béatification de Paul VI dans le contexte synodal marque un point important de collégialité et de synodalité, pour l’actualité de sa figure après 50 ans, comme le pape qui a conduit et conclu le Concile œcuménique Vatican II et comme le pape qui, dans la mise en œuvre du même Concile, a établi le Synode des Évêques, en accompagnant ses premiers pas. L'année prochaine, en 2015, réunis encore une fois en Synode, nous aurons la joie de célébrer ces deux anniversaires.
Je tiens à m’adresser aux 253 participants de cette Assemblée Synodale, présidée par le Souverain Pontife, le Pape François, Chef du Collège épiscopal et Pasteur de l'Église universelle, pour leur souhaiter une cordiale et sincère bienvenue.
Je salue les Pères synodaux provenant des cinq continents : les Chefs des 13 Synodes des Évêques des Églises Orientales Catholiques sui iuris, les Présidents des 114 Conférences épiscopales, et les 3 Représentants de l'Union des Supérieurs Généraux. Je salue fraternellement aussi les 26 Chefs des Dicastères de la Curie Romaine, les 15 membres du XIIIème Conseil Ordinaire et les 26 Membres nommés par le pape.
J'adresse un salut particulier aux 8 Délégués fraternels, représentants des Églises et communautés ecclésiales, qui partagent avec les catholiques la préoccupation de travailler pour une action efficace en faveur de la famille.
Je salue également cordialement les 16 experts et 38 auditeurs, hommes et femmes, choisis entre tant de spécialistes et de personnes engagées dans la pastorale familiale, sachant que leurs compétences et leurs témoignages personnels et de leurs communautés respectives enrichiront les travaux synodaux.
J'étends mes salutations cordiales aux Attachés de Presse, aux Assistants, aux Traducteurs, au Personnel Technique et, en particulier, à Votre Excellence le Sous-Secrétaire, récemment élevé à l'épiscopat, ainsi qu’aux collaborateurs de la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, reconnaissant pour leur généreuse et précieuse contribution à la préparation de l'Assemblée Synodale.
L'Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques, par sa nature même, comme en témoignent les règles statutaires de l'Organe (Ordo Synodi Episcoporum), se traduit comme une Assemblée à finalité spécifique aussi bien quant au thème que dans sa rapide constitution pour le bien de l'Église universelle. On peut faire la différence entre l'Ordinaire et la Spéciale selon la qualité, le nombre de membres prévus et la durée.
Dans le cadre d'une nouvelle dynamique du Synode et en raison de l'urgence attribuée au thème annoncé, « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation», le Saint-Père a choisi ce type d’Assemblée le 8 octobre 2013, quand il a annoncé l'Assemblée Générale Extraordinaire du Synode du 5 au 19 octobre 2014, que nous célébrons maintenant.
C'est une date importante parce que la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, avec son Conseil Ordinaire, a accueilli la volonté du Saint-Père de rythmer le chemin synodal en plusieurs temps - qui seront décrits plus loin- c'est-à-dire en deux étapes, voire trois, si on inclut le Consistoire des Cardinaux des 20 et 21 février derniers. Le critère qui a guidé cette nouvelle démarche synodale est celui de suivre les règles en vigueur, d’aller de l'avant et d’accomplir ces étapes nécessaires pour parvenir à l'objectif avec efficacité et rapidité.
Passons maintenant au rapport des différentes activités du Synode des Évêques accomplies dans l’intervalle qui nous sépare de la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire célébrée en 2012, de la préparation de l'Assemblée Générale Extraordinaire et des perspectives et de la nouveauté de ce Synode, avec une conclusion.
I) Les activités entre la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire de 2012 et la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire.
L'Assemblée Générale Ordinaire s’est conclue le 28 octobre 2012, avec les «propositiones» qui ont été remises, comme de coutume, au Saint-Père, alors le Pape Benoît XVI. À la fin de cette Assemblée Synodale a été constituée le XIIIème Conseil Ordinaire du Secrétariat Général, composé de 15 membres, dont 12 sont élus par l'Assemblée, et 3 nommés par le Pape. Celui-ci a tenu 7 réunions.
La première réunion a été célébrée à la fin de l'Assemblé Générale Ordinaire, le 28 octobre 2012. Au cours de celle-ci, on a pris connaissance du travail à faire et des mesures à prendre.
La deuxième réunion, qui s'est tenue le 26 novembre 2012, a été consacrée à deux objectifs : d'une part, l'examen du contenu résultant de la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire en vue de la rédaction du projet pour un éventuel document post-synodal ; d'autre part, le lancement de la consultation sur le thème de la XIVème Assemblée Générale Ordinaire prévue pour l'année 2015, à l'occasion du 50ème anniversaire de la clôture du Concile œcuménique Vatican II.
Au cours de la troisième réunion, qui a eu lieu du 23 au 24 janvier 2013, le Conseil Ordinaire a procédé à la préparation de la version finale du document post-synodal et à l'analyse des propositions pour le thème de la prochaine Assemblée Générale Ordinaire. La réunion s'est terminée par la formulation d’un triple argument, dont émergent en premier lieu la thématique christologique et anthropologique avec une référence particulière à la Constitution conciliaire Gaudium et spes, 22.
Entre-temps, il y a eu la renonciation du Pape Benoît XVI, le 11 février 2013 et l'élection de son successeur, le Pape François, le 13 mars 2013. Après son élection, le nouveau Pontife a reçu en audience, à l'occasion de la quatrième réunion du XIIIème Conseil Ordinaire, qui a eu lieu les 13 et 14 juin, celui qui était alors le Secrétaire Général, Son Excellence Nikola Eterović et les membres du Conseil Ordinaire. Lors de cette réunion, ont été remis au Saint-Père François aussi bien un texte qui recueille les fruits de la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire sur l'évangélisation, que les résultats de la consultation pour le thème de la prochaine Assemblée Générale Ordinaire. Plus tard, le Saint-Père, lors de l'audience avec le Secrétaire Général le 4 juillet 2013, traça dans les grandes lignes un thème qui concernerait la vocation de la personne et de la famille humaine.
Je me réfère maintenant à la préparation, lointaine et récente, de la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire qui, hier, a solennellement commencé avec la célébration eucharistique présidée par le Saint-Père et concélébrée par tous les Pères Synodaux, ainsi que par les prêtres impliqués dans les travaux synodaux.
II) Préparation de la Troisième Assemblée Générale Extraordinaire
Après la quatrième réunion du Conseil Ordinaire, le 23 Août 2013, le Pape François a reçu en audience le Secrétaire Général, Son Excellence Monseigneur Nikola Eterović, et il a décidé, à cette occasion, de convoquer la Troisième Assemblée Générale Extraordinaire, en choisissant pour sujet les défis pastoraux sur la famille.
Par la suite, le Pape François, en me remettant, le 21 Septembre 2013, la tâche de guider la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, et en m'invitant en même temps à donner un nouvel élan et à renforcer la structure Synode, a exprimé sa volonté de convoquer au plus tôt la Troisième Assemblée Générale Extraordinaire du Synode sur le sujet qu'il avait annoncé, mais pas encore officiellement convoqué.
Pendant ce temps, le treizième Conseil Ordinaire, présidé par le Saint Père s'est réuni les 7 et 8 Octobre 2013 : la cinquième réunion.
Lors de cette réunion, le processus de préparation de l'élaboration de la première version du document préparatoire de l'Assemblée Générale Extraordinaire a commencé. Le texte, soumis à l'examen des membres du Conseil, comportait un questionnaire à diffuser largement auprès de toutes les organismes concernés et largement à toute l'Église, pour lancer une consultation sur les défis pastoraux liés à la famille. Le document a ensuite été approuvé avec des amendements, qui ont été dûment apposés avant l'envoi aux ayants droit et la publication.
Précisément à la fin des travaux de cette réunion, le Saint-Père a convoqué le 8 octobre 2013 la Troisième Assemblée Générale Extraordinaire, fixant définitivement le thème dans les termes suivants: «Les défis pastoraux sur la famille dans le contexte de l'évangélisation». Dans cette même réunion, le Saint-Père a confié officiellement les travaux préparatoires de la réunion de l'Assemblée Générale Extraordinaire au treizième Conseil Ordinaire élu lors de la Treizième Assemblée Générale Ordinaire de 2012.
Par la suite, le 14 octobre 2013, le Saint-Père François a nommé Son Éminence le Cardinal Péter Erdő Rapporteur Général, et Secrétaire Spécial Son Excellence Bruno Forte, déjà membres du Treizième Conseil Ordinaire qui se sont préparés à effectuer de la meilleure façon possible leurs missions respectives, en étroite collaboration avec la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques.
Le Document Préparatoire (Lineamenta) a ensuite été présenté lors d'une Conférence de presse le 5 Novembre 2013, en six langues (anglais, français, italien, portugais, espagnol et allemand). Avec cet acte public a ainsi commencé une vaste consultation de toute l'Église, qui a impliqué les communautés locales dans la réflexion et la prière sur le thème de l'Assemblée Synodale. Le questionnaire a suscité un grand intérêt parmi les pasteurs et les fidèles. Le pourcentage élevé de réponses reçues le démontre : 83,11% du nombre total des ayants droit (88,59% des Conférences épiscopales; 65,38% des Dicastères de la Curie romaine, 76,92% des Synodes des Églises Orientales). À ces réponses il faut ajouter de nombreux commentaires de personnes seules et de groupes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Église.
Les contributions, données en réponse au «questionnaire» du Document Préparatoire, ont fait l'objet d'un examen attentif et studieux de la part de la Secrétairerie Générale et du Conseil Ordinaire, qui a consacré à cette tâche la sixième réunion ayant eu lieu du 24 au 25 février 2014, présidée par le Saint Père, au cours de laquelle s’est donnée une première lecture du projet de l'Instrumentum Laboris, fruit du travail d'une équipe de neuf experts ayant lu, étudié et résumé les réponses au questionnaire.
Entre la sixième et la septième réunion du Conseil Ordinaire a eu lieu la nomination des Présidents Délégués : les Cardinaux André Vingt-Trois, Archevêque de Paris ; Luis Antonio G. Tagle, Archevêque de Manille ; et Raymundo Damasceno Assis, Archevêque de Aparecida (15 Mars 2014). En outre, dans la même période, le 8 Avril 2014 le Saint-Père a élevé à la dignité épiscopale le Sous-Secrétaire, Son Excellence Monseigneur Fabio Fabene avec le titre d’Évêque titulaire d’Acquapendente. À cette occasion, le Saint-Père a adressé une lettre au Secrétaire Général dans laquelle il a exprimé son désir de promouvoir la collégialité et de développer ultérieurement la synodalité dans l'Église.
L'abondant matériel rassemblé et systématisé par la Secrétairerie Générale en réponse au questionnaire du Document Préparatoire, a été synthétisé dans la rédaction de l’Instrumentum laboris ou Document de Travail, dont le texte a été discuté et approuvé lors de la septième réunion du Conseil Ordinaire, tenue les 13 et 14 mai 2014. Traduit dans les mêmes six langues que le Document Préparatoire, il a été rendu public lors d'une Conférence de Presse le 26 Juin 2014 et largement diffusé sur le site Internet du Saint-Siège.
En ce qui concerne la composition de cette Assemblée Synodale, il convient de noter que, selon l’Ordo Synodi Episcoporum (Art 5 § 2) prennent part à l'Assemblée Générale Extraordinaire en qualité de membres ex ufficio les chefs des Églises Orientales Catholiques sui iuris, les Présidents des Conférences épiscopales (nationales ou de plusieurs nations) et trois religieux élus par l'Union des Supérieurs Généraux. De plus, selon les mêmes règles synodales (art. 5 § 4) le Saint-Père a la prérogative de nommer à sa discrétion d’autres membres.
Par conséquent, 191 Pères Synodaux participent à cette Assemblée Générale Extraordinaire selon les trois catégories suivantes: 162 ex ufficio, 3 ex electione et 26 ex nominatione pontificia. L'Assemblée synodale ainsi composée accueille des Pères Synodaux provenant des cinq continents : 42 d'Afrique, 38 d'Amérique, 29 d'Asie, 78 d'Europe et 4 d'Océanie.
Les Membres ex officio sont les Chefs des treize Synodes des Évêques des Églises Orientales Catholiques sui iuris, les Présidents des 114 Conférences Épiscopales, les Chefs de vingt-cinq Dicastères de la Curie Romaine. Par disposition du Saint-Père, s'ajoutent aux précédents, en tant que membres ex ufficio, les prélats qui font partie du Treizième Conseil Ordinaire, auxquels la tâche de préparer l'Assemblée Générale Extraordinaire a été confiée. Trois religieux élus par l'Union des Supérieurs Généraux participent en qualité de Membres ex electione. Enfin, prennent part à l'Assemblée Synodale encore 26 Membres ex nominatione pontificia, provenant de différentes parties du monde : quatorze cardinaux, cinq archevêques, trois évêques et quatre prêtres.
Dans l’ensemble des 191 Pères Synodaux, on recense 61 cardinaux, un patriarche cardinal, sept patriarches, un archevêque majeur, 66 archevêques (dont deux métropolites, trois titulaires, deux émérites), 47 évêques (parmi lesquels un évêque titulaire, deux vicaires apostoliques, un exarque apostolique et un émérite), un évêque auxiliaire, un prêtre prélat et six religieux.
En outre, conformément à l'art. 7 de l'Ordo Synodi, d’autres participants ont été invités à l'Assemblée Synodale en qualité d’ Experts ou de consultants du Secrétaire Spécial (16), Auditeurs et Auditrices (38) et Délégués fraternels (8), de différentes cultures et nations. Il est à noter que parmi les Auditeurs, s’agissant d’un Synode consacré à la famille, nous avons voulu donner un accent particulier à la participation de couples mariés, des parents, et de chefs de familles, au nombre de 12 personnes. Un couple marié a été inclus également parmi les 16 Experts. Nous sommes reconnaissants envers les Délégués fraternels pour leur présence, représentants d'autres Églises et Communautés ecclésiales. Ils partagent certainement avec l'Église catholique le souci de l'évangélisation et le soin pastoral des familles dans le monde d'aujourd'hui.
Parallèlement aux activités d’administration courante en vue de la Troisième l'Assemblée Générale Extraordinaire, le Secrétariat a développé d'autres activités liées à la question du synode afin d'analyser certaines questions spécifiques qui sont étroitement liées avec le thème général. Plusieurs réunions ont eu lieu à cet effet, appelées "interdicastérielles", qui ont impliqué des représentants de plusieurs Dicastères de la Curie Romaine, ainsi que des personnes du monde académique des Universités Pontificales Romaines. Ces réunions ont donné un important travail d'étude et de recherche qui a été d'une grande utilité pour élaborer le résumé des réponses, rédiger le texte de l'Instrumentum laboris et pour la préparation de la Secrétairerie Générale afin de faire face aux travaux du Synode.
Enfin, la Secrétairerie Générale a promu des initiatives de prière sur la famille pour cette Assemblée Extraordinaire. En particulier, la Solennité de la Sainte Famille a été célébrée avec un relief particulier le Dimanche 29 Décembre 2013 en trois lieux de culte importants : la Basilique de l'Annonciation à Nazareth, en Terre Sainte; la Basilique de la Sainte Maison de Lorette en Italie; et le Sanctuaire de la Sagrada Familia à Barcelone. De plus, au cours de l'Angélus de ce dimanche, le Saint-Père a encouragé l'initiative, en invitant toute l'Église à prier pour que l'Assemblée Synodale porte de bons fruits. C’est à cette occasion que la prière pour le Synode sur la famille spécialement composée par le Saint-Père a été diffusée en plusieurs langues.
Le dimanche 28 Septembre a aussi été une journée spéciale de prière pour le Synode, que la Secrétairerie Générale a encouragé en invitant toutes les Conférences épiscopales et d'autres organismes ecclésiaux concernés à se joindre à la prière pour les familles et pour les travaux du Synode. Un modèle de prière des fidèles a été proposé et diffusé à cette fin, il peut être utilisé dans la célébration des Messes dominicales. À partir d'aujourd'hui, pendant que nous sommes réunis ici pour faire notre travail, dans la Basilique de Sainte Marie Majeure à Rome, les fidèles prieront pour le Synode dans la chapelle de la Salus Populi Romani, avec la collaboration du diocèse de Rome. Seront exposées des reliques de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de ses bienheureux parents, Zélie et Louis Martin, ainsi que les reliques des bienheureux époux Luigi et Maria Beltrame Quatrocchi.
III) Perspectives et nouveauté
L’ample description des activités du Secrétariat Général, surtout en raison de la préparation de l’Assemblée Extraordinaire qui s'ouvre aujourd'hui, permet de rassembler les nouveautés et les perspectives dans lesquelles le Synode des Évêques peut se développer, comme Paul VI le prévoyait déjà dans l’introduction du Motu Proprio Apostolica Sollicitudo.
Il est évident que la première nouveauté concerne le chemin synodal voulu par le Saint-Père. Un chemin qui se déploie entre deux synodes: la présente Assemblée Extraordinaire et l'Assemblée Ordinaire de l'an prochain. Il s’agit d’un temps fort et opportun, un Kairos pour toute l’Église, pasteurs et fidèles, dans lequel il convient de se laisser guider par l’Esprit Saint pour réaliser cette synodalité rappelée à diverses occasions par le Saint-Père comme élément majeur du Pontificat et de la vie de l'Église. Ensemble, chacun engageant sa responsabilité, nous avons été appelés à réfléchir sur le thème de la famille - et à l’approfondir -, à la lumière de l'Évangile et de la foi de l’Eglise. Dans le chemin préparatoire et dans notre présente assemblée, réunis ici avec l'Évêque de Rome, nous voyons réalisé l'enseignement du Pape François, qui ne se lasse jamais de nous rappeler que « l’on doit cheminer ensemble: les personnes, les Évêques et le Pape ». La synodalité est vécue à différents niveaux (Cf. Entretien donné à La Civiltà Cattolica du mois de Septembre 2013, n. 164 -19/09/2013- 465-466) et, se référant à la mission du Successeur de Pierre de confirmer dans la foi, le Saint-Père ajoutait: « Confirmer dans l’unité, le Synode des Évêques en harmonie avec la primauté. Nous devons emprunter cette voie de la synodalité, croître en harmonie avec le service de la primauté... cela doit pousser à dépasser chaque conflit qui blesse le corps de l'Eglise. Unis dans les différences: il n'y a pas d'autre voie catholique pour nous unir. Voilà l'esprit catholique, l'esprit chrétien: s’unir dans les différences. Voilà le chemin de Jésus! ... » ( Homélie pour la Solennité des Saints Pierre et Paul, 29 juin 2013).
Dans cet esprit synodal de communion fraternelle s’est déroulée la phase préparatoire de cette Assemblée Synodale, dans laquelle on a écouté le Peuple de Dieu dans sa diversité d’Évêques, de prêtres, de diacres et de fidèles laïcs. À travers le Questionnaire joint au Document Préparatoire se sont exprimés outre les Conférences Épiscopales et ceux qui en avaient le droit, des prêtres et de nombreux fidèles laïcs ou associations de laïcs qui, avec leurs propres observations, ont manifesté leur pensée sur les questions les plus vives de la famille de notre temps. Avec le Questionnaire a émergée une réalité répandue dans les diocèses et dans les paroisses, des associations et des groupes formés par des hommes et des femmes qui œuvrent pour soutenir la famille dans les différentes situations de chaque continent. Les nombreuses réponses reçues ont été encouragées par une partie du thème du Synode qui touche à la vie pastorale des communautés et par la sollicitude que les évêques ont depuis longtemps à l'égard de la famille. D'autre part l'esprit de liberté et de sincérité, qui avait été souhaité, y a contribué. Cette large liberté d'expression doit également caractériser cette assise synodale, car exprimer ses propres convictions est toujours positif, à condition que ce soit fait avec respect, charité et de manière constructive. Nous sommes tous conscients que dans la liberté croît la communion fraternelle, que s’enrichit le débat et que s’affirment les choix pastoraux plus appropriés à la famille d'aujourd'hui. En fait, il est important de s'exprimer sans peur et sans soupçons. La liberté d'exprimer ce que l’on croit ou ce dont l’on doute montre la qualité de l'homme qui le distingue des autres créatures et le rend responsable devant Dieu et devant les hommes. La discussion dans le Synode sera alors ouverte, il y aura confrontation et les participants dans leurs différentes fonctions sont appelés à faire briller non pas leur propre intérêt ou point de vue, mais à chercher la vérité qui n'est pas un concept abstrait, le résultat de la spéculation philosophique ou théologique, mais la personne du Christ, Homme-Dieu, homme historique et Fils du Père: « Je suis le chemin, la vérité et la vie ». Voilà d’où il faut partir. Jésus a été le premier évangélisateur, qui est descendu dans les rues et s'est fait connaître par la parole et par des signes et, finalement, par son témoignage de vie.
Parmi les subsides qui sont placés entre les mains des Pères Synodaux et de tous les participants se trouvent en particulier le Vademecum, instrument indispensable pour suivre les travaux de l'Assemblée. Je voudrais signaler quelques éléments nouveaux qui touchent l'organisation des travaux, et donc qui regardent à la méthodologie interne de cette Assemblée. Déjà, de par sa nature Extraordinaire, elle est réduite dans le temps et dans le nombre de participants, ce qui implique une plus grande attention dans la distribution des interventions et de la logistique.
Dans le calendrier, qui se trouve à la fin du Vademecum, vous pourrez noter que lors du débat dans la Salle du Synode, qui aura lieu durant la première semaine, à partir de la deuxième Congrégation générale, on suivra un ordre thématique en correspondance avec les parties et les chapitres de l'Instrumentum laboris. Ainsi, lundi après-midi les deux thèmes seront: Le dessein de Dieu sur le mariage et la famille (Première Partie, Chapitre I), et la connaissance de l’Écriture Sainte et du Magistère sur le mariage et la famille (Première Partie, Chapitre II). Pour la troisième Congrégation générale sont prévues deux autres thèmes: l'Évangile de la famille et la loi naturelle (Première Partie, Chapitre IV). L'après-midi de ce même jour sera consacrée à la pastorale de la famille et des diverses propositions en cours (Deuxième Partie, Chapitre I).
Mercredi matin, durant la cinquième Congrégation générale, le débat se poursuivra avec les défis pastoraux sur la famille (Deuxième Partie, Chapitre II). Au contraire dans l'après-midi l'attention se portera sur les situations pastorales difficiles (Deuxième Partie, Chapitre III). La septième Congrégation générale aura pour thème les défis pastoraux concernant l'ouverture à la vie (Troisième Partie, Chapitre I) tandis que la huitième Congrégation générale traitera du thème de l’Église et la famille face au défi éducatif (Troisième Partie, Chapitre II).
Chacune de ces sessions thématiques s’ouvrira par une brève introduction du Président Délégué de tour, et sera suivie par un témoignage confié au soin des Auditeurs et Auditrices choisis pour l'occasion, en privilégiant la participation de couples d’époux. De cette façon, ils pourront éclairer de leurs expériences de vie la thématique, offrant une perspective laïque qui contribuera certainement à enrichir le débat synodal.
Aussi, durant les réunions des Carrefours, qui auront lieu au cours de la deuxième semaine des travaux synodaux, on procèdera à la discussion de la Relatio post-disceptationem en suivant le même ordre thématique.
Une autre nouveauté de la méthodologie synodale réside en la Relatio Synodi, c’est-à-dire le Document qui rassemble la synthèse des travaux synodaux et qui, après les amendements opportuns issus des Carrefours, sera présenté en Salle du Synode dans sa rédaction finale à l'approbation de l'Assemblée. Cela signifie qu'il n'y aura pas de Propositions, comme c’est le cas dans les autres types d’Assemblées synodales.
Cette Relatio Synodi, une fois approuvée par l'Assemblée, sera présentée au Saint-Père afin qu’il en dispose à sa discrétion et à sa décision. Il sera également le point de départ de la préparation de la deuxième étape du processus synodal, à savoir la XIVème Assemblée Générale Ordinaire qui sera célébrée au cours du mois d’octobre 2015. En d'autres termes, cette Relatio deviendra, avec les adaptations nécessaires, le Document Préparatoire de la prochaine Assemblée synodale. Ce document sera ensuite envoyé aux ayants droit qui, après l’avoir discuté et approfondi, le renverront au Secrétariat Général en vue de l’élaboration de l'Instrumentum laboris de la XIVème Assemblée Générale Ordinaire.
En ce qui concerne la diffusion des nouvelles relatives à l'Assemblée Extraordinaire, interviennent également des nouveautés. Ce service sera à la charge de la Salle de Presse (Sala Stampa) en accord avec la Commission pour l'information. À la place du Bulletin du Synode des Évêques, il y aura l’habituel Bulletin de la Salle de Presse où on trouvera l’information générale, qui sera ensuite élargie dans les Briefings quotidiens que guidera le Directeur de la Salle de Presse en collaboration avec les professionnels de presse et avec la participation des Pères Synodaux. En outre, il y aura un service ‘Twitter’ afin de transmettre de manière synthétique et en temps réel les nouvelles les plus importantes de l'évolution des travaux synodaux.
La Relatio ante disceptationem présente également quelque élément de nouveauté dans le sens où cette fois-ci elle a été composé avec l'apport des interventions des Pères synodaux arrivées au Secrétariat Général avant le début du Synode. Le Secrétariat Général a prié les Pères synodaux d'envoyer à l'avance leur intervention, en indiquant si possible l’argument principal afin d'assurer le bon ordre des interventions dans la Salle du Synode, et en respectant l'ordre thématique. L'objectif n'était certainement pas de contrôler le contenu des interventions, mais celui de répondre de la meilleure façon au sens synodal et collégial des Pères, qui sont porteurs des expériences et des besoins des Églises particulières et des autres organismes. De cette façon, la Relatio susdite devient une base solide sur laquelle travailler au cours des interventions de la première semaine de travail en Salle du Synode. La Relatio post disceptationem, qui conclura la première semaine des travaux sera remise dans les mains des Pères synodaux qui l’examineront dans les carrefours linguistiques (circuli minores), l’étudieront et y apporteront leur contribution, selon les normes décrites dans le Vademecum, en vue de l’élaboration et de la rédaction des Relatio Synodi ou document final, qui sera un texte récapitulatif complet, composé de parties, de chapitres, et de numéros.
IV) Conclusion
L'Église est essentiellement une communion et elle l’est, comme l'a clairement affirmé Paul VI dans l'Homélie d'ouverture de la Première Assemblée Extraordinaire du Synode des Évêques du 11 novembre 1969, « dans sa double référence de communion en Christ avec Dieu et de communion en Christ avec les croyants en lui et virtuellement avec toute l’humanité ». Qu'est-ce que la collégialité sinon une communion, une solidarité, une fraternité, une charité ? Qu'est-ce que la synodalité sinon la dynamique originelle de la vie et du chemin de l'Église en tant que communauté, peuple de Dieu, qui marche conjointement dans un «ensemble articulé de divers charismes et ministères pour l'annonce, le témoignage et la promotion de l’avènement du Royaume parmi les hommes » ? (P. Coda, Rinnovamento a cinquant’anni dal Vaticano II, Il Regno, Attualità, 12/2014, p. 429).
Je souhaite que cette Assise Synodale soit le lieu privilégié de cette collégialité synodale, qui annonce l’Évangile en cheminant, et qu’elle soit imprégnée d’une nouvelle ouverture à l’Esprit, d’une méthode et d’un style de vie et de témoignage, qui garantisse l’unité dans la diversité, l’apostolicité dans la catholicité.
Que l’Esprit Saint illumine les participants de cette Assemblée et que la protection de la Vierge et l’intercession des Saints et bienheureux permettent le bon déroulement de ce Synode.
[03002-01.02] [Texte original: Italien] [Traduction non officielle]
[B0711-XX.03]
Synod14 - 1a Congregazione generale: Saluto del Presidente Delegato, Card. André Vingt-Trois all’apertura dei lavori sinodali, 06.10.2014
[B0713]
Synod14 - 1a Congregazione generale: Saluto del Presidente Delegato, Card. André Vingt-Trois all’apertura dei lavori sinodali
Queste le parole che il Presidente delegato di turno, Card. André Vingt-Trois, Arcivescovo di Paris (Francia), ha rivolto al Santo Padre all’apertura della prima Congregazione generale di questa mattina nell’Aula del Sinodo:
Très Saint Père,
Au nom des présidents-délégués et des participants à cette session extraordinaire du synode des évêques, je suis heureux de vous exprimer la reconnaissance de tous.
Notre reconnaissance d'abord pour avoir convoqué cette session extraordinaire un an avant la session ordinaire. Votre intention de développer la pratique de la collégialité entre les évêques, les conférences épiscopales et le siège apostolique (ou, pour parler comme vous le faites avec persévérance, avec l'évêque de Rome), cette intention donc trouve un bon exemple d'application dans ces deux sessions du synode. Non seulement vous augmentez le temps et les moyens du partage, mais le choix d'un même sujet ouvre devant nous la possibilité d'un travail progressif entre les deux sessions. Nous ne sommes pas bousculés par l'urgence de résoudre des problèmes graves en deux semaines. Nous sommes plutôt invités à approfondir les résultats de cette première session en les partageant avec nos conférences épiscopale.
Nous vous exprimons aussi notre reconnaissance pour le choix que vous avez fait du thème de ces deux sessions du synode. La famille est un des éléments constitutifs de la Nouvelle Évangélisation dans laquelle notre Église voit se renouveler sa mission. L'accueil très favorable qui a été réservé au questionnaire préparatoire et l'amplitude des réponses ont montré combien l'avenir des familles est au coeur des préoccupations de nos contemporains. Comment assurer la solidarité entre les générations ? Comment mettre en oeuvre les meilleures conditions pour l'accueil et l'éducation des enfants qui sont notre avenir ? Comment permettre à un homme et à une femme qui s'engagent l'un envers l'autre de devenir l'un pour l'autre artisans de bonheur et de paix. ?
Ces questions ne trouvent jamais des réponses simples et beaucoup de facteurs de la vie de notre humanité du XXI° siècle constituent des obstacles plus que des aides. L'Église s'est beaucoup exprimée sur ces sujets par la voix du Magistère, notamment saint Jean-Paul II. Elle s’exprime aussi par le signe que donnent des millions de familles stables et heureuses qui vivent leur sacrement de mariage à travers le monde. Elle s'exprime encore par sa présence chaleureuse auprès des familles frappées par l'échec.
La mission pastorale de l'Église, comme vous le rappelez sans cesse, n'est pas de rendre plus difficile la situation des enfants de Dieu, mais de leur apporter une aide dans la recherche de la vérité de leur vie. Vous nous appelez à entrer dans le regard d'amour que le Christ porte sur la foule sans pasteur, vous nous appelez à témoigner de la miséricorde de Dieu. Vous nous invitez à ne pas désespérer de la puissance de l'amour et à travailler avec persévérance pour que chaque homme et chaque femme de notre monde puisse entendre l'appel à la conversion et ose engager sa vie à la suite du Christ.
Nous souhaitons que le travail de cette session qui commence aujourd'hui soit conduit par l 'Esprit-Saint et qu 'il fasse progresser toute l'Église dans sa mission. Que notre participation corresponde à vos attentes et à l’attente des hommes.
[03005-03.01] [Texte original: Français]
[B0713-XX.02]
Synod14 - Première Congrégation générale: « Relatio ante disceptationem » du Rapporteur Général, le Cardinal Péter Erdő , 06.10.2014
[B0712]
[Traduction non officielle]
S O M M A I R E
Introduction
1. L’Évangile de la famille dans le contexte de l’évangélisation
a) Méthode du discernement sur la famille
b) Méthode du travail synodal
2. L’Évangile de la famille et la pastorale familiale
a) Le défi éducatif de la famille : école d’humanité,
de socialité, d’ecclésialité et de sainteté
b) Des parcours de formation solides et clairs
c) La famille, protagoniste de l’évangélisation
d) L’action pastorale dans les situations de crise
e) Difficultés internes à la famille et pressions externes
3. Les situations pastorales difficiles
a) L’Église, « maison paternelle » (EG 47)
b) Vérité et miséricorde
c) Les concubinages et les mariages civils
d) La pastorale des divorcés
e) La pratique canonique des causes matrimoniales et la voie extrajudiciaire
f) La pratique des Églises orthodoxes
4. La famille et l’Évangile de la vie
a) Annoncer l’Évangile de la vie
b) La famille dans le contexte relationnel
c) La responsabilité de l’Église et l’éducation
d) Thèmes concernant Humanae vitae
Conclusion
***
Introduction
Très Saint-Père,
Éminents et Excellents Pères synodaux,
Chers frères et sœurs,
Jésus-Christ est notre premier Maître et notre unique Seigneur. Lui seul possède les « paroles de la vie éternelle » (cf. Jn 6, 68). Ceci vaut également pour la vocation humaine et la famille. Le message du Christ n’est pas commode, mais exigeant : il requiert la conversion de nos cœurs. Et, en même temps, c’est une vérité qui nous libère. L’objectif fondamental de la proposition chrétienne sur la famille doit être « la joie de l’Évangile » qui « remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus » et « se laissent sauver par Lui » en faisant l’expérience de la libération « du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement » - comme l’enseigne le Pape François dans Evangelii gaudium (n° 1). Voilà pourquoi il est opportun de rappeler l’importance des thèmes de l’espérance (cf. Gaudium et spes, 1) et de la miséricorde, tant soulignée par le Pape François (cf. par exemple, Evangelii gaudium, 119 et 198).
L’annonce se présente donc comme proposition, dialogue et cheminement ensemble. Comme le dit le Pape Paul VI dans sa magistrale exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (n° 3) « … il faut absolument nous mettre en face d’un patrimoine de foi que l’Église a le devoir de préserver dans sa pureté intangible, mais le devoir aussi de présenter aux hommes de notre temps, autant que possible, d’une façon compréhensible et persuasive».
La base, le contenu de l’annonce, c’est la foi de l’Église sur le mariage et sur la famille, résumée dans divers documents, en particulier dans Gaudium et spes, dans Familiaris consortio de saint Jean-Paul II, qualifié par le Pape François de “Pape de la famille”, dans le Catéchisme de l’Église catholique, ainsi que dans de nombreux autres textes du Magistère. La famille d’aujourd’hui est non seulement objet d’évangélisation, mais aussi sujet premier de l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ dans le monde. Par conséquent, la compréhension et l’actualisation permanente de l’Évangile de la famille, que l’Esprit suggère à l’Église, sont nécessaires. Les problématiques familiales les plus graves doivent être considérées comme un “signe des temps”, qu’il faut discerner à la lumière de l’Évangile : à lire avec les yeux et le cœur du Christ, et avec le regard qu’il pose chez Simon le pharisien (cf. Lc 7, 36-50).
1. L’Évangile de la famille dans le contexte de l’évangélisation
a) Méthode de discernement sur la famille
La recherche des réponses pastorales s’accomplit dans le contexte culturel de notre temps. Beaucoup de nos contemporains éprouvent des difficultés à raisonner logiquement, à lire de longs textes. Nous vivons dans une culture de l’audiovisuel, des sentiments, des expériences émotionnelles et des symboles. Dans bon nombre de pays, même dans les pays les plus sécularisés, les lieux de pèlerinage sont toujours plus fréquentés. Des dizaines de milliers de conjoints vont, par exemple, au sanctuaire marial de Šaštin, en Slovaquie, pour demander à la Vierge de les aider à résoudre leurs problèmes conjugaux. Beaucoup perçoivent leur vie, non pas comme un projet, mais comme une série de moments dans lesquels la valeur suprême est de se sentir bien, d’être bien. Dans cette optique, tout engagement stable semble à craindre, le futur apparaît comme une menace, car il peut arriver que nous nous sentions moins bien à l’avenir. Même les rapports sociaux peuvent apparaître comme des limitations et des obstacles. Respecter, “vouloir le bien” d’une autre personne, peut aussi demander des renoncements. L’isolement est donc souvent lié à ce culte du bien-être momentané. Cette culture générale se reflète dans un grand nombre de réponses au questionnaire préparatoire de cette assemblée synodale ; ces réponses présentent un fait quasiment global, à savoir la diminution des mariages civils, la tendance toujours plus typique de vivre ensemble sans aucun mariage religieux ou civil. Échapper aux institutions apparaît comme un signe d’individualisation, mais aussi comme un symptôme de crise d’une société désormais appesantie par les formalismes, les obligations et la bureaucratie. Fuir les institutions semble donc un signe de pauvreté, de faiblesse de l’individu face à la “complexité” envahissante des structures. C’est dans ce contexte que nous devons annoncer l’Évangile de la famille.
Pourtant, la culture de la parole n’a pas disparu. La transmission de l’Évangile advient en tenant compte de la richesse de l’enseignement de l’Église. Nous avons besoin de la force de l’Esprit Saint pour trouver les voies de la vérité dans la charité, les réponses qui expriment à la fois la justice et la miséricorde, car les deux sont inséparables. Hesed et tzedaka, miséricorde et justice sont, dans l’Ancien Testament, la propriété de Dieu et coïncident en Lui. Nous confions nos travaux à Son aide.
Il faut souligner que l’Évangile de la famille est avant tout la Bonne Nouvelle d’une grâce donnée par l’Esprit dans le sacrement du mariage : c’est une possibilité nouvelle offerte à la fragilité de l’homme, à accueillir et à célébrer avec joie et gratitude, tant au niveau personnel que communautaire. Les obligations découlant du mariage ne doivent certes pas être oubliées, mais mises en évidence comme exigences du don, car le don même les rend possibles. La mise en garde du Pape François est tout à fait opportune à cet égard : « Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie » (Evangelii gaudium, 49).
L’entière et claire vérité de l’Évangile apporte cette lumière, ce sens et cette espérance dont l’homme d’aujourd’hui a tant besoin. Cette “vérité médicinale”, l’Église doit la proposer de manière à être effectivement reconnue comme “remède”, notamment pour les nombreuses situations familiales problématiques, souvent très tourmentées. En d’autres termes, sans réduire la vérité, celle-ci doit être proposée en se plaçant aussi dans l’optique de ceux qui “peinent” le plus à la reconnaître comme telle et à la vivre.
b) Méthode de travail synodal
En ce moment présent de la culture, quand nous sommes enclins à oublier les vérités essentielles, le cadre global, et tentés de nous égarer dans les détails, il apparaît particulièrement utile d’offrir aux pasteurs des communautés locales des lignes directrices claires afin de pouvoir aider ceux qui vivent dans des situations difficiles. De fait, on ne peut pas attendre de façon réaliste qu’ils trouvent seuls de justes solutions conformes à la vérité de l’Évangile et proches des situations particulières. Dans cette lumière, la collégialité épiscopale, dont le Synode constitue une expression privilégiée, est appelée à définir ses propositions, en conjuguant le respect et la promotion des expériences spécifiques des différentes Conférences épiscopales, en quête de lignes pastorales communes. Ceci doit également valoir au niveau des Églises locales, en évitant les improvisations d’une “pastorale de l’amateurisme”, qui finit par rendre plus difficile l’accueil de l’Évangile de la famille. Il faut rappeler, par ailleurs, que l’Assemblée synodale extraordinaire de 2014 représente la première étape d’un parcours ecclésial qui débouchera sur l’Assemblée ordinaire de 2015. Il s’ensuit que le langage et les indications doivent favoriser l’approfondissement théologique le plus noble, pour écouter avec la plus grande attention le message du Seigneur, en encourageant à la fois la participation et l’écoute de toute la communauté des fidèles. Voilà pourquoi la prière est importante, pour que notre travail produise les meilleurs fruits, les fruits que Dieu veut.
2. L’Évangile de la famille et la pastorale familiale
a) Le défi éducatif de la famille : école d’humanité, de socialité, d’ecclésialité et de sainteté
L’attention accordée par les pasteurs et les fidèles aux jeunes générations s’exprime en particulier dans l’effort de formation envers ceux qui entreprennent, avec courage et espérance, la voie qui conduit au mariage. Aussi la pastorale de la jeunesse a-t-elle pour tâche de soutenir précisément le défi éducatif au cours de ses différentes phases : à travers la formation générale de l’affectivité des jeunes, par la préparation aux noces prochaines, par l’accompagnement au cours de la vie conjugale et, spécialement, grâce à un soutien dans les situations les plus difficiles, de sorte que la famille constitue une authentique école d’humanité, de socialité, d’ecclésialité et de sainteté. La famille est une école d’humanité, car c’est une école d’amour dans la vie et dans la croissance de la personne (cf. GS 52 : famille “école d’humanité”), grâce à la relation que le mariage entretient et établit entre les époux et entre les parents et les enfants (cf. Gaudium et Spes, 49 et Familiaris consortio,11). La famille est une école de socialité parce qu’elle permet à la personne de grandir et de développer ses capacités de socialisation et de construction de la société (cf. FC 15 et 37). De même, la famille est le sein de la vie ecclésiale, qui éduque à la vie de communion de l’Église et à être des acteurs actifs à l’intérieur de celle-ci (cf. FC 48 et 50). Enfin, la famille est aussi une école de sanctification, où s’exerce et s’alimente le chemin de sainteté des conjoints et des enfants (cf. GS 48 et FC 56 et 59). Pour toutes ces raisons, l’Église annonce la valeur et la beauté de la famille. En cela, elle rend un service décisif à un monde qui requiert et qui implore presque d’être éclairé par la lumière de l’espérance.
Le profil diversifié de la réalité familiale, qui ressort de l’Instrumentum Laboris, montre que, dans la variété des contextes socioculturels, il existe un consensus, plus grand qu’il ne semble à première vue, sur le fait que mariage et famille sont des biens originels de la culture de l’humanité, un patrimoine qui doit être conservé, favorisé et, si nécessaire, défendu. Aujourd’hui encore, la plupart des êtres humains cherchent le bonheur de leur vie dans un lien durable entre un homme et une femme, avec des enfants nés de leur union. La famille rencontre, certes, aujourd’hui, de nombreuses difficultés, mais ce n’est pas un modèle dépassé ; on relève plutôt de façon très répandue chez les jeunes un nouveau désir de famille, comme le prouve le témoignage, et non des moindres, des nombreux mariages et des familles chrétiennes qui vivent de façon heureuse. Ces expériences positives ne doivent pas être perdues de vue, malgré les situations diffuses, précaires et irrégulières.
Parmi les chrétiens catholiques, la substance de l’enseignement du Nouveau Testament et du Catéchisme de l’Église Catholique sur le mariage semble assez connue. Toutefois, les aspects spécifiques de la doctrine et du Magistère de l’Église sur le mariage et la famille ne sont pas toujours suffisamment connus des fidèles. Au-delà de la question de la connaissance, on prend acte du fait que cette doctrine n’est souvent pas suivie dans la pratique. Cela ne signifie pas que la doctrine soit mise en discussion sur le principe par l’immense majorité des fidèles et des théologiens. Sous la forme où elle est présentée par le Concile Vatican II (cf. Gaudium et spes,47-52), résumée dans l’Instrumentum Laboris, la doctrine rencontre un large consensus parmi les catholiques pratiquants. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne l’indissolubilité du mariage et sa sacramentalité parmi les baptisés. La doctrine de l’indissolubilité du mariage n’est pas mise en question en tant que telle ; elle est même incontestée et, dans la majeure partie des cas, observée jusque dans la pratique pastorale de l’Église avec les personnes dont le mariage a échoué et qui cherchent un nouveau début. Ce ne sont donc pas les questions doctrinales, mais les questions pratiques – inséparables d’ailleurs des vérités de la foi – qui sont en discussion dans ce Synode, de nature purement pastorale.
Enfin, l’Instrumentum Laboris fait émerger deux aspects clairs concernant l’homosexualité. Avant tout, un large consensus quant au fait que des personnes à tendance homosexuelle ne doivent pas faire l’objet de discriminations, comme le réaffirme le Catéchisme de l’Église Catholique (nos 2357-2359). En second lieu, il ressort tout aussi clairement que la majorité des baptisés – et de la totalité des Conférences épiscopales – n’attend pas que ces rapports soient placés sur le même plan que le mariage entre un homme et une femme. Les formes idéologiques des théories du genre ou gender ne trouvent pas de consensus non plus auprès de la très grande majorité des catholiques.
Beaucoup veulent, en revanche, dépasser les rôles traditionnels, culturellement conditionnés, et la discrimination à l’encontre des femmes, qui perdure, sans nier pour autant la différence naturelle entre les sexes et leur complémentarité réciproque.
Il n’y a donc aucun motif, au sein de l’Église, pour un état d’âme de catastrophe ou d’abdication. Il existe un patrimoine de foi, clair et largement partagé, d’où l’Assemblée synodale peut partir et dont elle devrait rendre les fidèles plus universellement conscients, par le biais d’une profonde catéchèse sur le mariage et la famille. Sur la base de cette conviction fondamentale, une réflexion commune est possible sur les devoirs missionnaires des familles chrétiennes et sur les questions de la juste réponse pastorale aux situations difficiles.
Il serait souhaitable que le Synode, partant de la base de la foi commune, regarde au-delà du cercle des catholiques pratiquants et, considérant la situation complexe de la société, traite les difficultés sociales et culturelles objectives qui pèsent aujourd’hui sur la vie conjugale et familiale. Nous n’avons pas uniquement affaire aux problèmes d’éthique individuelle, mais à des structures de péché hostiles à la famille, dans un monde d’inégalité et d’injustice sociale, de consommation d’une part et de pauvreté de l’autre. Les changements culturels rapides dans tous les domaines entrainent les familles, qui sont la cellule fondamentale de la société, dans un processus de bouleversement qui met en question la tradition culturelle familiale et souvent la détruit. D’autre part, la famille est presque la dernière réalité humaine accueillante, dans un monde déterminé presque exclusivement par la finance et par la technologie. Une nouvelle culture de la famille peut être le point de départ dune civilisation humaine renouvelée.
b) Des parcours de formation solides et clairs
En abordant de plus près maintenant la pastorale orientée vers les familles en voie de constitution, il faut relever l’incertitude qui accompagne de nombreux jeunes, qui aspirent avec espérance à un amour stable et durable. S’adressant à l’Église, ils demandent – pas toujours de façon explicite – d’être motivés pour vaincre leurs peurs légitimes et à être accueillis par une communauté qui leur témoigne de la beauté et du concret de la vie conjugale, avec toutes ses difficultés réelles, spécialement relationnelles et économiques. Le désir de famille qu’ils portent dans leur cœur a besoin d’être confirmé et soutenu par des catéchèses solides, qui les invitent aussi à s’insérer dans la communauté des familles croyantes. Ces communautés sont présentes dans de nombreuses paroisses du monde et sont un signe très encourageant de notre époque.
En ce sens, il faut accompagner les futurs mariés vers une conscience claire de ce qu’est le mariage dans le dessein du Créateur, alliance qui a toujours la dignité sacramentelle parmi les baptisés (CIC, can. 1055 §§ 1-2). Les éléments substantiels et les propriétés essentielles (unicité, fidélité, fécondité) de ce dessein, s’ils ne sont pas respectés, mais exclus par un acte positif de volonté, rendent le mariage invalide. D’autre part, la foi personnelle facilite l’accueil de la grâce sacramentelle, par laquelle le mariage chrétien est corroboré, en poursuivant de façon responsable ses biens essentiels. Malgré les paroles liturgiques très claires que prononcent les époux, un bon nombre s’approchent en fait du sacrement sans avoir clairement conscience de l’engagement qu’ils prennent devant le Seigneur d’accueillir et de donner la vie au conjoint, sans conditions et pour toujours. Bien plus, sous l’influence de la culture dominante, certains se réservent le soi-disant “ droit ” de ne pas observer la fidélité conjugale, de divorcer et de se remarier si le mariage ne devait pas fonctionner, ou encore de ne pas s’ouvrir à la vie. En revanche, l’acceptation sereine et courageuse de cette responsabilité est un signe du choix personnel de foi sans lequel le sacrement, bien que valide, n’est pas efficace. De fait, le mariage, non seulement est un rapport très personnel et un lien spirituel, mais il est nécessairement aussi une institution de la société. Cela veut dire que la condition matrimoniale de la personne devant Dieu, réalité non perceptible avec les sens humains, doit être aussi accueillie de la façon la plus vraie possible par la communauté. Par conséquent, certaines présomptions sont indispensables en ce qui concerne l’état matrimonial de la personne. De la nature même des présomptions découle cependant la possibilité de la divergence entre la condition présumée et la condition réelle, sacramentelle, de la personne. En effet, même si l’amour en soi n’est pas une réalité sujette au jugement et à la vérification de tiers, l’institution du mariage et la famille le sont, sans aucun doute, étant donné leur importance sociale et ecclésiale.
Au cours des siècles, l’Église a voulu sauvegarder la vérité de l’humain, notamment grâce à des normes juridiques visant à garantir que l’engagement de la liberté, assumé consciemment dans l’acte du consentement, ne soit pas équivalent à n’importe quel autre engagement. L’effort pastoral de l’Église pour accompagner les fiancés au mariage devra être toujours plus conséquent pour montrer la valeur et la fascination d’un lien éternel.
c) La famille, protagoniste de l’évangélisation
Au-delà de la vocation spéciale et première de la famille à l’éducation humaine et chrétienne des enfants, il existe une mission des membres de la famille consistant à transmettre la foi et à en rendre témoignage devant les autres. La famille représente aussi le noyau de la communauté paroissiale. Dans de nombreux pays du monde, il existe des communautés vivantes dans les paroisses, composées d’époux ou de familles entières, qui se rencontrent régulièrement, prient ensemble, étudient et approfondissent le Catéchisme, lisent la Bible, parlent de problèmes de la vie quotidienne, des difficultés et des beautés de la vie commune du couple, ainsi que de questions d’éducation. En d’autres termes, elles s’efforcent de conjuguer la foi avec la vie. Elles s’aident mutuellement en cas de maladie, de chômage ou d’autres problèmes. Beaucoup d’entre elles participent au travail de lacaritas. Bon nombre aident à la préparation des fiancés au mariage en établissant avec eux des rapports d’amitié qui perdurent même après la célébration du mariage. Il y a des groupes de jeunes mères catholiques ayant des enfants en bas âge, qui accueillent aussi des mères sans appartenance religieuse ou non croyantes, réalisant ainsi une nouvelle forme de mission. Diverses communautés nouvelles proviennent des familles et aident des couples en crise ou assistent les femmes en difficultés existentielles ou psychologiques. Il semble important de promouvoir et de diffuser ces initiatives pour toute l’Église.
d) L’action pastorale dans les situations de crise
L’Instrumentum Laboris constate « que la perte de valeurs et même la désagrégation de la famille peuvent se transformer en occasion de renforcement du lien conjugal. Pour surmonter la crise, le soutien d’autres familles disposées à accompagner le difficile cheminement du couple en crise peut apporter un réel soutien. En particulier, on souligne la nécessité pour la paroisse de se faire proche, comme une famille des familles » (n° 63).
e) Difficultés internes à la famille et pressions externes
La difficulté diffuse d’établir une communication sereine à l’intérieur de la cellule familiale est due à de multiples facteurs comme : les préoccupations de type professionnel et économique ; les visions différentes pour l’éducation des enfants, provenant de différents modèles éducatifs parentaux ; des temps réduits de dialogue et de repos. À cela s’ajoutent des facteurs de désagrégation comme la séparation et le divorce, avec les conséquences de réalités familiales élargies ou, vice versa, monoparentales, où les références parentales se confondent ou se réduisent, jusqu’au point de s’annuler. Enfin, la mentalité égoïste si répandue qui se ferme à la vie, n’est pas négligeable non plus, avec la préoccupation croissante de la pratique de l’avortement. Ce même égoïsme peut conduire à la fausse vision de considérer les enfants comme des objets faisant partie de la propriété des parents, qui peuvent être fabriqués selon leurs désirs.
Spécialement dans des contextes où la pauvreté est largement répandue, ce sont particulièrement les femmes et les enfants qui subissent la violence et les abus ; cependant, dans des contextes plus développés, des facteurs de désagrégation ne manquent pas non plus, à cause de diverses formes de dépendance, comme l’alcool, les drogues, les jeux de hasard, la pornographie, d’autres formes de dépendance sexuelle et de réseaux sociaux (social network). Face à ces défis, l’Église ressent l’urgence d’évangéliser la famille par l’annonce de la sobriété et de l’essentialité, en encourageant la valeur des relations personnelles, la sensibilité envers les plus pauvres, la capacité d’un usage responsable des mass media et des nouvelles technologies, dans le respect de la dignité des personnes, spécialement des plus faibles et sans défenses, qui paient le prix le plus élevé de la solitude et de l’exclusion.
Parmi les pressions externes, la précarité grandissante sur le plan du travail représente un cauchemar pour de nombreuses familles ; le phénomène migratoire introduit souvent dans la famille des déséquilibres importants, comme ceux qui frappent ceux qui quittent leur terre - souvent à cause de la guerre et de la pauvreté - ou ceux qui les reçoivent dans leur pays. Le soutien concret de la part de l’Église à l’égard de ces familles ne peut pas se passer d’un engagement effectif des États et des organismes publics préposés à la tutelle et à la promotion du bien commun, grâce à des politiques appropriées.
3. Les situations pastorales difficiles
a) L’Église, « maison paternelle » (EG 47)
Comme l’affirme le Pape François : « La famille traverse une crise culturelle profonde, comme toutes les communautés [...] la fragilité des liens devient particulièrement grave parce qu’il s’agit de la cellule fondamentale de la société » (Evangelii gaudium, 66).
À cet égard, l’Instrumentum Laboris relève que « les réponses font ressortir la considération commune selon laquelle, dans le cadre des situations que l’on peut qualifier de situations conjugales difficiles, se cachent des histoires de grande souffrance, de même que des témoignages d’amour sincère. « L’Église est appelée à être toujours la maison ouverte du Père » (Evangelii Gaudium,47). Une véritable urgence pastorale est de permettre à ces personnes de panser leurs blessures, de guérir et de recommencer à cheminer avec toute la communauté ecclésiale ».
Pour affronter correctement ces situations, en premier lieu, l’Église affirme la valeur intangible de la vérité de l’indissolubilité du mariage, fondée sur le projet originel du Créateur (Gn 1, 27 ; 2, 24 ; cf. Mt 19, 4-9). En revanche, concernant la dignité sacramentelle qu’il revêt parmi les baptisés, elle affirme qu’elle se base sur la relation profonde entre le lien nuptial et le lien indissoluble du Christ avec l’Église (Ep 5, 22-33). En second lieu, une action renouvelée et adaptée de pastorale familiale est nécessaire. Celle-ci doit soutenir les époux dans leur engagement de fidélité réciproque et de dévouement à leurs enfants. En outre, il est nécessaire de réfléchir sur la meilleure façon d’accompagner les personnes qui se trouvent dans ces situations, de sorte qu’elles ne se sentent pas exclues de la vie de l’Église. Enfin, il faut discerner et définir des formes et des langages appropriés pour annoncer que tous sont et demeurent fils et sont aimés de Dieu Père et de l’Église mère.
b) Vérité et miséricorde
Au cours des dernières décennies, le thème de la miséricorde est apparu toujours plus au premier plan comme un point de vue important dans l’annonce de l’Évangile. La miséricorde de Dieu, déjà largement présentée dans l’Ancien Testament (cf. Ex 34, 6 ; 2 S24, 14 ; Ps 111, 4 ; etc.), est surtout révélée à son apogée dans les gestes et dans la prédication de Jésus. Dans la parabole du Père miséricordieux (cf. Lc 15, 11-32), ainsi que dans tout le Nouveau Testament, la miséricorde constitue une vérité centrale : Dieu est riche en miséricorde (cf. Ep 2, 4). Selon Thomas d’Aquin, elle est la propriété la plus importante de Dieu (cf. Summa theol. II/II q. 30 a. 4 ; Evangelii gaudium, 37) ; elle exprime la souveraineté absolue de Dieu et indique la fidélité créatrice à lui-même du Dieu qui est amour (cf. 1 Jn 4, 8.16). Pour recevoir cette miséricorde, le fils prodigue revient chez son Père, il demande pardon, il commence une vie nouvelle. La manifestation la plus décisive de la miséricorde divine envers l’humanité est l’Incarnation et l’Œuvre salvifique du Christ. Selon l’Évangile de saint Marc, le Christ lui-même commence son annonce de la Bonne Nouvelle par un appel à la conversion : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1, 15). De fait, Dieu se ne lasse jamais de pardonner au pécheur et il ne se lasse jamais de lui donner encore et encore une possibilité. Cette miséricorde ne signifie pas la justification du péché, mais la justification du pécheur, dans la mesure toutefois où il se convertit et se propose de ne plus pécher.
La miséricorde signifie donner au-delà de ce qui est dû, offrir et aider. Seule la miséricorde de Dieu peut réaliser le véritable pardon des péchés. Dans l’absolution sacramentelle, Dieu nous pardonne par le ministère de l’Église. Il nous reste ensuite la tâche de rendre témoignage à la miséricorde de Dieu, puis d’accomplir les actes classiques, connus dès l’Ancien Testament, de la miséricorde spirituelle et corporelle. Le lieu privilégié pour vivre ces actes de miséricorde est précisément la famille.
La signification de la miséricorde pour l’Église d’aujourd’hui a été mise en relief par saint Jean XXIII à l’ouverture du Concile Vatican II. Il a déclaré que l’Église de tout temps doit s’opposer à l’erreur ; cependant, aujourd’hui, elle doit recourir à la médecine de la miséricorde plus qu’aux armes de la rigueur. De la sorte, le Pape a donné cette tonalité fondamentale au Concile. Saint Jean-Paul II a repris cette question dans sa seconde Encyclique Dives in misericordia (1980) et a consacré le deuxième dimanche du temps pascal à la Divine Miséricorde. Le Pape Benoît XVI a approfondi ce thème dans l’encyclique Deus caritas est (2005). Dès le début de son pontificat, le Pape François a réaffirmé : « Dieu ne se fatigue jamais de nous pardonner, jamais ! [...] nous, parfois, nous nous fatiguons de demander pardon » (Angelus du 17 mars 2013). Dans le cas de la famille, du mariage, de la signification de son indissolubilité, valent les paroles du Pape François: «Le salut que Dieu nous offre est œuvre de sa miséricorde. Il n’y a pas d’action humaine, aussi bonne soit-elle, qui nous fasse mériter un si grand don. Dieu, par pure grâce, nous attire pour nous unir à lui. Il envoie son Esprit dans nos cœurs pour faire de nous ses fils, pour nous transformer et pour nous rendre capables de répondre par notre vie à son amour. L’Église est envoyée par Jésus Christ comme sacrement de salut offert par Dieu» (EG 112). Elle est « le lieu de la miséricorde gratuite, où tout le monde peut se sentir accueilli, aimé, pardonné et encouragé à vivre selon la bonne vie de l’Évangile » (ivi 114).
La miséricorde, comme thème central de la révélation de Dieu, est en somme importante pour l’herméneutique de l’action ecclésiale (cf. EG 193 sq.) ; naturellement, elle n’élimine pas la vérité et ne la relativise pas, mais elle conduit à l’interpréter correctement dans le cadre de la hiérarchie de la vérité (cf. UR 11 ; EG 36-37). Elle n’élimine pas non plus l’exigence de la justice.
La miséricorde n’annule pas non plus les engagements qui naissent des exigences du lien conjugal. Ceux-ci continuent à subsister même lorsque l’amour humain s’est affaibli ou a cessé. Cela signifie que, dans le cas d’un mariage sacramentel (consommé), après un divorce, tant que le premier conjoint est encore en vie, un second mariage reconnu par l’Église n’est pas possible.
c) Les concubinages et mariages civils
Comme cela a été relevé à partir des réponses au Questionnaire et résumé dans l’Instrumentum Laboris, les situations difficiles ou irrégulières sont diverses et on ne peut pas établir pour toutes, sous forme rigide, un même parcours (cf. n° 52) ; il faut discerner cas par cas. En ce sens, une dimension nouvelle de la pastorale familiale actuelle consiste à saisir la réalité des mariages civils et, une fois les différences dûment établies, celle des concubinages aussi. En effet, quand l’union atteint une grande stabilité à travers un lien public, qu’elle est caractérisée par une affection profonde, qu’elle assume ses responsabilité vis-à-vis de sa progéniture et procure une capacité à résister aux épreuves, elle peut être vue comme un germe à accompagner dans le développement vers le sacrement du mariage. Très souvent, le concubinage s’établit non pas en vue d’un avenir conjugal possible, mais sans aucune intention d’établir un rapport institutionnel.
L’Église ne peut pas ne pas saisir, même dans des situations qui sont à première vue éloignées des critères répondant à l’Évangile, une occasion de se faire proche des personnes, afin de les faire parvenir à une décision consciente, vraie et juste de leur rapport. Il n’existe aucune situation humaine qui ne puisse devenir pour l’Église une occasion de trouver des langages appropriés pour faire comprendre la valeur de l’union matrimoniale et de la vie familiale à la lumière de l’Évangile. Le défi qui nous est lancé aujourd’hui consiste à réussir à montrer le mieux que l’on ne saisit pas toujours ou que l’on est incapable de saisir.
d) La pastorale des divorcés remariés
Avant tout, la question des divorcés remariés civilement n’est qu’un problème parmi le grand nombre de défis pastoraux aujourd’hui fortement ressentis (cf. à ce propos FC n° 84). Il faut même relever que, dans certains pays, ce problème ne se pose pas, dans la mesure où le mariage civil n’existe pas ; dans d’autres pays, le pourcentage des divorcés remariés tend à diminuer en raison de la volonté de ne pas contracter un nouveau mariage – pas même civil – après l’échec du premier. Sur la base des réponses mentionnées dans le Questionnaire, il apparaît que ce problème revêt des accents différents selon les diverses régions du monde (cf.Instrumentum Laboris, 98-100).
À la lumière de ce qui a déjà été dit, il ne s’agit pas de mettre en question la parole du Christ (cf. Mt 19, 3-12 par.) et la vérité de l’indissolubilité du mariage (cf. Denzinger - Hünermann 1327 ; 1797 ; 1807 ; GS 49), ni même de considérer de fait qu’elles ne sont plus en vigueur. En outre, ce serait faire fausse route que de se concentrer uniquement sur la question de la réception des sacrements. La réponse peut donc être cherchée dans le contexte d’une plus vaste pastorale des jeunes et de la préparation au mariage. Un accompagnement pastoral intensif du mariage et de la famille est nécessaire, en particulier dans les situations de crise.
En ce qui concerne les divorcés que se sont remariés civilement, nombreux sont ceux qui rappellent qu’il faut tenir compte de la différence entre ceux qui ont consciemment rompu le mariage et ceux qui ont été abandonnés. La pastorale de l’Église devrait prendre tout particulièrement soin d’eux.
Les divorcés remariés civilement appartiennent à l’Église. Ils ont besoin et ils ont le droit d’être accompagnés par leurs pasteurs (cf.Sacramentum caritatis, 28). Ils sont invités à écouter la parole de Dieu, à participer à la liturgie de l’Église, à la prière, et à accomplir les bonnes œuvres de la charité. La pastorale de l’Église doit prendre soin d’eux de façon toute spéciale, en tenant compte de la situation de chacun. D’où la nécessité d’avoir au moins dans chaque Église particulière un prêtre, dûment préparé, qui puisse préalablement et gratuitement conseiller les parties sur la validité de leur mariage. De fait, de nombreux époux ne sont pas conscients des critères de validité du mariage et encore moins de la possibilité de l’invalidité. Après le divorce, cette vérification doit être menée à bien, dans un contexte de dialogue pastoral sur les causes de l’échec du mariage, en discernant les éventuels motifs de nullité. En même temps, il faut éviter toute apparence d’une simple procédure bureaucratique, reposant sur des intérêts économiques. Si tout cela se déroule dans le sérieux et dans la recherche de la vérité, la déclaration de nullité entrainera une libération des consciences des parties.
e) La pratique canonique des causes matrimoniales et la voie extrajudiciaire
En ayant bien présent ce qu’a relevé l’Instrumentum Laboris, à propos de la vaste requête de simplification des causes matrimoniales (cf. 98-102), du point de vue pastoral, et en tenant compte de la diffusion de la mentalité favorable au divorce pour ce qui est de la célébration valide du sacrement, il ne semble pas hasardeux, comme je viens de l’évoquer, d’estimer que bon nombre de mariages célébrés à l’Église peuvent résulter non valides. Pour vérifier d’une manière efficace et aisée l’éventuelle nullité du lien, il semble à beaucoup qu’il faille revoir, en premier lieu, le caractère obligatoire de la double sentence conforme pour la déclaration de nullité du lien matrimonial, en ne procédant au second degré qu’en cas d’appel d’une ou des deux parties, ou encore de la part du défenseur du lien, dans un laps de temps défini. Une éventuelle solution de ce genre devrait, en tout cas, éviter tout aspect mécanique et l’impression de la concession d’un divorce. Toutefois, dans certains cas, d’autres garanties pourraient être nécessaires, par exemple l’obligation du défenseur du lien de faire appel, afin d’éviter des solutions injustes et scandaleuses.
En second lieu, en raison de large mentalité favorable au divorce dans nombreuses sociétés, déjà évoquée, et vu la pratique des tribunaux civils qui prononcent les sentences de divorce, il arrive fréquemment que les parties qui célèbrent un mariage canonique le fassent en se réservant le droit de divorcer et de contracter un autre mariage en présence de difficultés dans la vie commune. Cette simulation, même sans une pleine conscience de cet aspect ontologique et canonique, rend le mariage invalide. Pour prouver la dite exclusion de l’indissolubilité, la confession suffit de la partie stimulante confirmée par les circonstances et par d’autres éléments (cf.CIC canons 1536 § 2, 1679). S’il en est déjà ainsi dans le processus judiciaire, on peut penser, pour certains, à la production de la preuve dans le cadre d’un processus administratif. En outre, selon des propositions qui font autorité, il faudrait évaluer l’importance de l’intention de la foi des futurs époux quant à la validité du mariage sacrement, selon le principe général selon lequel il est nécessaire, pour que le sacrement soit valide, qu’il y ait l’intention de faire ce que fait l’Église (cf. Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, 4). Cette voie extrajudiciaire pourrait prévoir – selon eux - un itinéraire de connaissance, de discernement et d’approfondissement qui, dans le cas de la présence des conditions d’invalidité, pourrait culminer dans la déclaration de nullité faite par l’évêque diocésain, qui proposerait aussi à la personne intéressée un cheminement de prise de conscience et de conversion en vue d’un éventuel futur mariage, afin de ne pas reproduire la même simulation.
En troisième lieu, il faut tenir compte du fait que, pour résoudre certains cas, la possibilité existe d’appliquer le “privilège paulinien” (cf. CIC, canons 1143-1147) ou de recourir au “privilège pétrinien” (dans les cas de mariage contractés avec une disparité de culte). Enfin, il faut aussi tenir compte de la possibilité de la dissolution, “par grâce”, du mariage conclu et non consommé.
f) La pratique des Églises orthodoxes
L’Instrumentum Laboris signale que certaines réponses suggèrent d’examiner de manière plus approfondie la pratique de plusieurs Églises orthodoxes, qui prévoit la possibilité de secondes et troisièmes noces, caractérisées par un caractère pénitentiel (cf. n° 95). Cette étude s’avère nécessaire pour éviter des interprétations insuffisamment fondées. Ce thème souligne l’importance de l’étude de l’histoire de la discipline de l’Église en Orient et en Occident. À cet égard, on pourrait réfléchir sur la contribution possible de la connaissance de la tradition disciplinaire, liturgique et doctrinale des Églises orientales.
4. La famille et l’Évangile de la vie
a) Annoncer l’Évangile de la vie
Étant donné la diversité culturelle et des traditions au sein des diverses réalités qui composent l’Église catholique, l’apport des différentes Conférences épiscopales apparaît d’une grande aide dans l’œuvre d’évangélisation et d’inculturation de l’Évangile. Pareillement à ce qui se réalise dans la communion épiscopale, il est nécessaire que cette synergie dans l’annonce s’effectue sub Petro et cum Petro.
L’ouverture à la vie ne s’ajoute pas, par contrainte externe ou par choix indiscutable et facultatif, à l’amour conjugal ; il en constitue une part essentielle, une exigence intrinsèque, car cet amour tend à la communion et la communion engendre la vie. Dans le monde occidental, il n’est pas rare de rencontrer des couples qui choisissent délibérément de ne pas avoir d’enfants, situation paradoxalement semblable à celle de ceux qui font tout pour en avoir. Dans les deux cas, la possibilité d’engendrer un enfant est nivelée sur sa propre capacité d’autodétermination, ramenée à une dimension de projet qui se place soi-même au centre : ses désirs, ses attentes, la réalisation de ses propres projets qui ne tiennent pas compte de l’autre.
L’amour sponsal, et plus généralement la relation, ne doit jamais se construire comme un cercle fermé. Dans l’accueil des enfants se condense l’accueil de l’autre, des autres, avec lesquels on apprend à découvrir et à construire notre humanité. Accueillir un enfant, ce n’est pas seulement le mettre au monde, mais l’engendrer dans son altérité, lui donner la vie.
L’accueil de la vie ne peut pas être pensé comme uniquement limité à la conception et à la naissance. Elle se complète par l’éducation des enfants, par le soutien offert à leur croissance. Sur cet aspect aussi, une réflexion est requise sur les dynamiques culturelles et sociales, surtout le rapport entre les différentes générations.
b) La famille dans le contexte relationnel
Il est cependant vrai aussi que l’accueil de la vie, la prise de responsabilité en fonction de l’engendrement de la vie et du soin qu’elle requiert, ne sont possibles que si la famille ne se conçoit pas comme un fragment isolé, mais comme étant insérée dans un tissu de relations. On se prépare à accueillir vraiment l’enfant s’il l’on se situe à l’intérieur d’une réalité de relations parentales, amicales, institutionnelles, tant civiles qu’ecclésiales. Il devient toujours plus important de ne pas laisser la famille, les familles, seules, mais d’accompagner et de soutenir leur chemin. Quand cela fait défaut, les tensions et les inévitables difficultés de la communication qu’implique la vie de la famille, la relation entre les époux ou la relation parents/enfants, peuvent parfois revêtir des tonalités dramatiques, au point d’exploser en gestes de folie destructrice. Derrière les tragédies familiales, il y a souvent une solitude désespérée, un cri de souffrance que personne n’a été en mesure de découvrir.
Pour que l’on puisse vraiment accueillir la vie dans la famille et en prendre toujours bien soin, de la conception jusqu’à la mort naturelle, il est nécessaire de retrouver le sens d’une solidarité diffuse et concrète. Retrouver la responsabilité formative de la communauté, en particulier de la communauté ecclésiale. Activer au niveau institutionnel les conditions qui rendent possible de bien s’en occuper, en faisant percevoir la naissance d’un enfant, de même que l’assistance à une personne âgée, comme un bien social à protéger et à favoriser. Il y a un besoin de communautés ecclésiales qui organisent les temps et les espaces de la pastorale à la mesure de la famille. Il faut également dépasser la tendance à la privatisation des affections. Le monde occidental risque de faire de la famille une réalité confiée exclusivement aux choix de l’individu, totalement détaché d’un cadre normatif et institutionnel. Une telle privatisation rend les liens familiaux plus fragiles et les vide progressivement du sens qui leur est propre.
La relation qui donne vie à une famille, les relations qui s’établissent en son sein, sont des points de rencontre entre la dimension privée et la dimension sociale. Dans les sociétés traditionnelles, la dimension sociale du mariage et de la famille se déploie en un contrôle communautaire si fort qu’il apparaît parfois suffoquant. Il faut trouver le juste point d’équilibre entre ces différentes dimensions, toutefois toutes deux essentielles, aussi bien à la vie de la famille qu’à la réalité de la personne, qui demeure toujours à la fois personne individuelle et personne sociale.
Dans la vie de la famille, on fait l’expérience de la façon dont les choix les plus intimes du sujet sont habités par une dimension de transcendance. À travers les époux, leur ouverture concrète à l’engendrement de la vie, on expérimente un mystère qui nous transcende. L’amour qui unit les deux conjoints et qui devient principe de vie nouvelle, c’est l’amour de Dieu.
c) La responsabilité de l’Église et l’éducation
Il revient à l’Église d’annoncer et de témoigner de la très haute dignité de la personne humaine. L’Église ne se limite pas à dire aux fidèles et aux hommes de bonne volonté ce qu’ils doivent faire, mais elle se fait solidaire avec eux. Elle partage leurs espoirs, leurs désirs et leurs difficultés. Ceci est un signe fort de crédibilité aux yeux du monde.
Une attention particulière doit être destinée en ce sens à l’éducation de l’affectivité et de la sexualité. En effet, il faut avant tout savoir les apprécier et annoncer leur valeur. Dans cette optique, il faut réaffirmer l’importance des parcours de formation. Le témoignage de la part des adultes ajoute de la crédibilité aux idéaux qui doivent être présentés avec clarté. Sans aucun doute, le témoignage d’un amour fidèle et profond fait de tendresse, de respect, d’accueil réciproque, de pardon, capable de grandir dans le temps sans se consumer dans l’immédiateté, aide beaucoup les jeunes générations. En même temps, il faut cependant éviter les banalisations, la superficialité et des formes de “ tolérance ” qui naissent d’une indifférence substantielle et d’une incapacité d’attention.
En outre, il apparaît nécessaire de poursuivre dans la voie de la proposition de la vision personnaliste de l’amour conjugal définie par Vatican II (cf. Gaudium et spes, 49), compte tenu aussi des grands défis que constitue la façon de présenter l’amour et la famille dans de nombreux mass médias. C’est là encore un thème qui requiert davantage d’étude.
d) Thèmes concernant Humanae vitae
À partir de ces perspectives, il est possible de re-proposer positivement le message d’Humanae vitae à travers une herméneutique historique adaptée, qui sache saisir les facteurs historiques et les préoccupations qui ont présidé à la rédaction du texte de Paul VI. En d’autres termes, il faut relire l’Encyclique dans la perspective que Paul VI lui-même indiquait durant l’audience du 31 juillet 1968 : «… ce n’est pas seulement la déclaration d’une loi morale négative, c’est-à-dire l’exclusion de toute action qui se proposerait de rendre impossible la procréation (n° 14), mais c’est surtout la présentation positive de la moralité conjugale en vertu de sa mission d’amour et de fécondité “ dans la vision intégrale de l’homme et de sa vocation, non seulement naturelle et terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle ” (n° 7). C’est la clarification d’un chapitre fondamental de la vie personnelle, conjugale, familiale et sociale de l’homme, mais il ne s’agit pas d’un traité complet de ce qui concerne l’être humain dans le domaine du mariage, de la famille, de l’honnêteté des mœurs, domaine immense sur lequel le magistère de l’Église pourra et devra sans doute revenir avec un dessein plus ample, organique et synthétique ».
Il faut ensuite spécifier que la norme morale qu’elle rappelle se réalise à la lumière de la “loi de la gradualité”, selon les indications déjà formulées au n° 34 de Familiaris consortio : en rappelant que l’homme en tant qu’être historique «… connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance ».
Conclusion
Si nous considérons les origines du christianisme, nous constatons qu’il est parvenu à être accepté et accueilli – malgré tous les refus et la diversité culturelle – en raison de la profondeur et de la force intrinsèque de son message. De fait, il a réussi à illuminer la dignité de la personne à la lumière de la Révélation, notamment en ce qui concernait l’affectivité, la sexualité et la famille.
Le défi à accueillir de la part du Synode est précisément de réussir à proposer à nouveau au monde d’aujourd’hui, si semblable par certains aspects à celui des premiers temps de l’Église, la fascination du message chrétien concernant le mariage et la famille, en soulignant la joie qu’ils donnent, mais, en même temps, d’apporter des réponses vraies et imprégnées de charité (cf. Ep4, 15) aux nombreux problèmes qui, spécialement aujourd’hui, touchent l’existence des familles. Tout en mettant en évidence le fait que la vraie liberté morale ne consiste pas à faire ce que l’on sent, ne vit pas seulement d’émotions, mais se réalise uniquement en acquérant le vrai bien.
Concrètement, il nous semble avant tout devoir nous placer aux côtés de nos sœurs et de nos frères dans l’esprit du bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37) : être attentifs à leur vie, en particulier être proches de ceux qui ont été “blessés” par la vie et qui attendent une parole d’espérance que, nous le savons, seul le Christ peut nous donner (cf. Jn 6, 68).
Le monde a besoin du Christ. Le monde a aussi besoin de nous, car nous appartenons au Christ.
[03003-01.01] [Texte original: Italien] [Traduction non officielle]
[B0712-XX.02]
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Traduzione in lingua francese
Aujourd’hui, le prophète Isaïe et l’Évangile utilisent l’image de la vigne du Seigneur. La vigne du Seigneur est son "rêve", le projet qu’il cultive avec tout son amour, comme un paysan prend soin de son vignoble. La vigne est une plante qui demande beaucoup de soin !
Le "rêve" de Dieu c’est son peuple : il l’a planté et le cultive avec un amour patient et fidèle, pour qu’il devienne un peuple saint, un peuple qui porte beaucoup de fruits de justice.
Mais, aussi bien dans la prophétie ancienne que dans la parabole de Jésus, le rêve de Dieu est déçu. Isaïe dit que la vigne, si aimée et soignée, « a produit de mauvais raisins » (5, 2.4), alors que Dieu « attendait le droit, et voici le crime ; il attendait la justice, et voici les cris» (v.7). Dans l’Évangile, au contraire, ce sont les paysans qui ruinent le projet du Seigneur : ils ne font pas leur travail, mais ils pensent à leurs intérêts.
Jésus, dans sa parabole, s’adresse aux chefs des prêtres et aux anciens du peuple, c’est-à-dire aux "sages", à la classe dirigeante. Dieu leur a confié de façon particulière son "rêve", c’est-à-dire son peuple, pour qu’ils le cultivent, en prennent soin, le protègent des animaux sauvages. Voilà la tâche des chefs du peuple : cultiver la vigne avec liberté, créativité et ardeur.
Jésus dit que pourtant ces paysans se sont emparés de la vigne ; par leur cupidité et leur orgueil, ils veulent faire d’elle ce qu’ils veulent, et ainsi ils ôtent à Dieu la possibilité de réaliser son rêve sur le peuple qu’il s’est choisi.
La tentation de la cupidité est toujours présente. Nous la trouvons aussi dans la grande prophétie d’Ézéchiel sur les pasteurs (cf. ch. 34), commentée par saint Augustin dans son célèbre discours que nous venons de relire dans la Liturgie des Heures. Cupidité d’argent et de pouvoir. Et pour assouvir cette cupidité, les mauvais pasteurs chargent sur les épaules des gens des fardeaux insupportables qu’eux-mêmes ne déplacent pas même avec un doigt (cf. Mt 23, 4).
Nous aussi, au Synode des Évêques, nous sommes appelés à travailler pour la vigne du Seigneur. Les Assemblées synodales ne servent pas à discuter d’idées belles et originales, ou à voir qui est le plus intelligent… Elles servent à cultiver et à mieux garder la vigne du Seigneur, pour coopérer à son "rêve", à son projet d’amour sur son peuple. Dans ce cas, le Seigneur nous demande de prendre soin de la famille, qui depuis les origines est partie intégrante de son dessein d’amour pour l’humanité.
Nous sommes tous pécheurs et à nous aussi, peut arriver la tentation de "nous emparer" de la vigne, à cause de la cupidité qui ne nous manque jamais à nous, êtres humains. Le rêve de Dieu se heurte toujours à l’hypocrisie de quelques-uns de ses serviteurs. Nous pouvons "décevoir" le rêve de Dieu si nous ne nous laissons pas guider par l’Esprit Saint. Que l’Esprit nous donne la sagesse qui va au-delà de la science, pour travailler généreusement avec vraie liberté et humble créativité.
Frères Synodaux, pour cultiver et bien garder la vigne, il faut que nos cœurs et nos esprits soient gardés en Jésus Christ dans la « paix qui surpasse tout ce qu’on peut concevoir » (Ph 4,7). Ainsi nos pensées et nos projets seront conformes au rêve de Dieu : se former un peuple saint qui lui appartienne et qui produise des fruits du Royaume de Dieu (cf. Mt 21, 43).
[01564-03.02] [Texte original: Italien]
http://synod14.vatican.va/content/sinodo/it/sinodo2014/events/topic.html/content/sinodoevents/it/2014/10/1/sinododeivescovi
(http://bit.ly/1vXNfWS)
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