jeudi 12 juin 2014

Homélie de Mgr Marc Aillet à Notre Dame de Chartres (clôture du pèlerinage)




Texte du sermon prononcé à Chartres par Mgr Marc Aillet lors de la messe de clôture du pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté 2014. Durant son homélie, l'évêque de Bayonne a exhorté les fidèles à s'engager en politique, "forme éminente de la charité… et de l’évangélisation".

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, Amen.

Je veux d’abord remercier son excellence Mgr Michel Pansard, évêque de Chartres de m’accueillir ainsi que vous tous, dans sa belle cathédrale dédiée à la Vierge Marie.

Et c’est une grande joie pour moi de présider cette messe de clôture de votre beau pèlerinage, non seulement pour me plonger dans votre ferveur pleine de ces trois jours de prière, de réflexion et aussi d’effort, de pénitence même que vous venez confier à la Vierge Marie. Et aussi moi-même comme pèlerin, pour confier particulièrement à Notre Dame, mon diocèse, la consécration solennelle au Sacré Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie que j’ai accomplie avec de nombreux prêtres et fidèles hier en la fête de la Pentecôte.

Ce n’est pas seulement une messe de clôture mais une messe d’envoi en mission, vous venez en effet de confier à la Vierge Marie qui vous accueille ici, ces trois jours de pèlerinage, ces trois journées de prière, de méditation, où vous vous êtes aussi délestés de tout ce qui vous encombre dans votre vie ordinaire pour recentrer votre existence sur Dieu.

Magnifique démarche que vous accomplissez aujourd’hui où vous allez aussi confier à la Vierge Marie l’engagement que vous voulez prendre au terme de ce temps fort de votre vie chrétienne. En particulier votre engagement dans la cité, car c’est bien le thème de votre dernière journée de pèlerinage sous le patronage de saint Thomas More : ce grand homme d’État du XVIe siècle, laïc, qui voulut par une conscience éclairée par la foi « obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Ils sont nombreux encore aujourd’hui, ceux qui payent cher leur fidélité à la voix de leur conscience, à la voix de la Vérité, et nous voulons particulièrement ce soir les envelopper dans notre prière.
"Une forme éminente de la charité"

La politique, au sens noble du mot, si elle est recherche incessante d’un ordre social juste, si elle est orientée vers le bien commun, est une forme éminente de la charité, comme l’ont dit tous les papes récents jusqu’à notre pape régnant, le pape François.

Je sais bien la défiance et le désamour pour la chose publique, pour la politique, qui gagne aujourd’hui un nombre croissant de nos concitoyens à cause de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui traverse sans cesse avec ces affaires notre vie politique en France. Et pourtant l’engagement politique fait partie intégrante de la mission des catholiques. La tâche qui vous est dévolue à vous particulièrement fidèles du Christ, laïcs, de l’animation chrétienne des réalités temporelles, de votre propre initiative et de façon autonome, comme le rappelle le concile Vatican II à la lumière de la foi et de l’enseignement de l’Eglise. Mais encore faut-il que cet engagement politique soit resitué par rapport à la primauté de Dieu dans la vie de l’homme.

C’était en effet le thème général de votre pèlerinage : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. » Toute la vie et toute l’activité de l’homme doivent être rattachées à cette Vérité du commencement : la primauté de Dieu dans la vie de l’homme. N’est-ce pas ce sens que nous devons donner à cette parole de Jésus dans l’Évangile : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Parce que nous sommes marqués au plus intime de nous mêmes par l’effigie de Dieu. Nous qui avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, c’est le fondement même de la dignité humaine, nous appartenons davantage à Dieu qu’à César.

Si le bien commun qui est confié dans la cité à César dont l’autorité est légitime et qui trouve son fondement ultime en Dieu même est une fin dernière, la fin dernière de la société humaine, elle reste subordonnée à la fin dernière surnaturelle de tout homme qui est capable de Dieu et qui est fait pour Dieu.

Le bien commun, qui n’est pas seulement la somme des biens particuliers, mais qui est le bien que tous peuvent rechercher en commun, parce que seul il peut garantir la dignité de toute personne humaine sans acception de personne à commencer par la plus petite, la plus faible, la plus fragile, a été défini par saint Jean XXIII comme « l’ensemble des conditions économiques, sociales, culturelles, morales, intellectuelles, spirituelles, qui permettent dans la société à tout homme sans exception de rechercher sa fin dernière surnaturelle ». D’où la primauté de l’adoration dans la vie de l’homme, d’où la priorité de la prière pour le chrétien qui s’engage au service du bien commun dans la Cité. Comme disait Marthe Robin, l’action, et en particulier l’action politique déborde toujours de la prière. Comme nous disait le pape François dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium sans des moments prolongés d’adoration eucharistique, de lecture priante de la parole de Dieu, de dialogue sincère avec le Seigneur, nos tâches se vident facilement de sens. Nous nous décourageons à cause de la fatigue et des difficultés et la ferveur s’éteint.
Dans le contexte de l’évangélisation

Il faut encore chers amis, chers frères et sœurs, que votre engagement politique, vous qui êtes chrétiens, qui appartenez à l’Eglise du Christ, doit être resitué dans le contexte de l’évangélisation, cette mission spécifique de l’Eglise et des chrétiens, qui a été confiée par Jésus à ses apôtres, et qui a commencé au jour de la Pentecôte où la promesse de Jésus à Ses disciples s’est accomplie : « Vous recevrez une force venue d’En-Haut, l’Esprit Saint viendra sur vous et vous serez Mes témoins. »

L’Eglise existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour rendre témoignage à la Vérité. Comme le Christ le dit lui-même dans son procès inique devant Pilate : « Je suis né, Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité. »

Et la Vérité, vous le savez bien, n’est pas seulement une idée, un slogan, une idéologie, une opinion, mais c’est une personne : « le Christ Jésus ». Non seulement nous devons rendre témoignage à la Vérité, qui est le Christ Fils de Dieu mort et ressuscité pour sauver tous les hommes, mais aussi la vérité sur l’homme, c’est-à-dire sur le mariage, sur la famille, sur le bien commun de la société sous toutes ses formes.

Comme le disait le concile Vatican II dans sa constitution pastorale Gaudium et Spes : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe Incarné. Le Christ Jésus, en nous révélant le Père et Son amour, révèle l’homme à lui-même et l’éminence de sa dignité, Jésus qui est le chemin de l’homme. » Saint Jean Paul II disait que « l’homme est la route de l’Eglise, parce que l’Eglise doit aller à l’homme pour le sauver tout entier ». Mais le Christ est le chemin de l’homme, Lui seul peut dire : « Je suis le chemin, la Vérité et la Vie. », le chemin qui mène à la Vérité tout entière, pas une vérité partielle mais la Vérité qui embrasse la totalité de l’existence humaine, pas une vie médiocre ou au rabais, mais la vie pleine dont le Christ nous a montré le chemin et qui s’épanouira dans la vie éternelle.
Quelle est notre mission ?

Chers amis, votre première mission est l’engagement politique inscrit dans cette mission d’évangéliser. Comme disait le pape François dans son exhortation La joie de l’Évangile : « S’il y a bien quelque chose qui doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la lumière, la force, la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. » Et cette mission d’évangélisation qui intègre les catholiques en politique, cette mission d’évangélisation doit encore être éclairée par l’Évangile d’aujourd’hui qui nous dit quelque chose sur notre rapport au monde.

Vous avez entendu l’Évangile, Jésus dit : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il nous a envoyé Son Fils unique dans le monde. Pour que tout homme qui croit ne se perde pas mais ait la vie éternelle. Le Fils de Dieu est venu dans le monde non pas pour juger ou condamner le monde mais pour que par Lui, le monde soit sauvé. » Rappelez-vous ce que Jésus dit dans la prière sacerdotale au chapitre XVII de saint Jean, lorsqu’Il prie Son Père, non pas de les retirer du monde mais de les garder du mauvais. Jésus nous a envoyé dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité, pour annoncer l’Évangile.

Nous ne sommes pas naïfs, chers frères et sœurs, au point de croire que la frontière entre le monde dans lequel nous sommes envoyés, et la Vérité dont nous avons à rendre témoignage, passe à l’extérieur de nous, comme si nous nous étions des justes et les autres étaient des pécheurs, mais cette frontière entre le monde et la Vérité passe à l’intérieur de notre propre cœur qui a toujours besoin d’être purifié. C’est la conversion du cœur qui donne tout un sens à cette démarche de pèlerinage que vous venez d’accomplir, qui est la source de notre mission d’évangélisation et de sa fécondité, qui est la source de votre engagement dans la cité. Nous avons toujours besoin d’être purifiés dans notre raison par la foi. Nous avons toujours besoin d’être réveillés dans les forces morales et spirituelles de notre vie pour être non pas efficaces à la manière des hommes mais pour être féconds à la manière de Dieu.

Voyez chers frères et sœurs, si Romano Guardini, ce grand théologien allemand, auquel se référait si souvent notre pape émérite Benoît XVI, a pu dire : « L’Eglise se réveille dans les âmes, parce que l’Eglise c’est la vie de Dieu dans les âmes qui a été instaurée en nous par la grâce du Saint Esprit donnée à ceux qui croient au Christ », on pourrait ajouter la politique, l’engagement politique se réveille et doit se réveiller dans la conscience. C’est pourquoi, j’ai été, chers frères et sœurs, très attentif l’an dernier à cette grande mobilisation de centaines de milliers de citoyens français dont de très nombreux jeunes et familles de la génération Jean Paul II, et vous en êtes, qui sont descendus dans la rue, non pas au nom de revendications catégorielles, mais pour promouvoir le bien commun et défendre le mariage et la famille, cellule de base de toute société humaine. Le mariage fondé sur l’union stable d’un homme et d’une femme, ouverts à la vie pour en garantir la filiation, c’est la Vérité du commencement. Au commencement où Dieu créa l’homme à son image, homme et femme, Il les créa. J’ai parlé pour ma part à travers cette mobilisation, d’un printemps des consciences.
Soyons des veilleurs

Et je pense en particulier à ce très beau fruit, de cette mobilisation qu’est le mouvement des Veilleurs qui me fait toujours penser à cette parole de saint Jean Paul II commentant l’appel de Jasna Góra, vous savez, cette prière prononcée, chantée devant la Vierge Noire de Czestochowa, le lieu d’unité d’un peuple, de sa résistance spirituelle au communisme athée, et qui en eut même raison, cet appel de Jasna Góra : « Je suis près de toi, je me souviens, je veille ». Saint Jean Paul II, le 14 août 1991 à Czestochowa pour la veillée des Journées mondiales de la jeunesse, commentait en français ce « je veille » : « Que veut dire “je veille” ? Cela veut dire : “Je suis un homme de conscience, j’appelle le bien : bien, le mal : mal, je cherche à combattre le mal en moi et à promouvoir le bien en moi”. »

Chers frères et sœurs, soyez des veilleurs. La politique se réveille dans la conscience purifiée, éclairée par la foi, formée par l’enseignement social de l’Eglise pour que cette conscience, qui d’instinct se tourne vers le bien et le bien commun de la société, qui est une vraie fin dernière de la cité des hommes, soit affermie en vertus. Le monde a besoin aujourd’hui de chrétiens qui s’engagent en politique. Il a besoin d’hommes et de femmes vertueux. Il a besoin de saints pour restaurer la juste politique et permettre à tout homme de rechercher sa fin dernière, surnaturelle, qui est en Dieu.

Amen !


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Cardinal André XXIII - Extrait " Vision actuelle sur la Laïcité (KTO) "
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie I)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie II)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie III)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie IV)

"La révolte des masses"  - d' Ortega Y Gasset
Adieu Benoît XVI - Livre d' Or (ici
Inauguration de la statue de Jean-Paul II par Monsieur le Sénateur Gérard COLLOMB
Dans les combats, "Mes Armes"  - faisons les nôtres ... (Ste Thérèse de l' enfant Jésus)
"DIVINI ILLIUS MAGISTRI"  LETTRE ENCYCLIQUE  DE SA SAINTETÉ
LE PAPE PIE XI  SUR L'ÉDUCATION CHRÉTIENNE DE LA JEUNESSE
                                            (Observatoire Sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon)
"Notre République" par Charles Vaugirard
                    oriente elle vers le bien ?
                    Extrait de l' Evangile de la Vie (Evangelium vitae)




mercredi 11 juin 2014

"L’impatience féministe" petit retour sur la parole de Chantal Delsol



(Article de 2011)

Quarante ans après l’appel des “343”(+) pour l’avortement, les féministes nouvelle version ont pour slogan “L’égalité maintenant !” – titre d’un manifeste publié dans Libération le 2 avril. On l’aura compris, le discours décrit les inégalités “qui restent”. Comme si nous devions avancer inéluctablement vers une société où les idées des Lumières seraient réalisées à la lettre, et tout de suite.

Outre le ton revanchard et puéril de ces textes dont les descriptions pour autant ne sont pas fausses, on bute sur deux questions qui délégitiment ces revendications, au moins à l’éclairage de l’histoire récente.

La première concerne le paramètre du temps. À les entendre, on dirait que le temps ne compte pas. Expliquons-nous. Une transformation majeure a eu lieu au cours des dernières décennies dans les relations entre les hommes et les femmes. On peut dire que nous ne sommes plus dans la relation ancienne, et en outre instinctive, naturelle, celle qui durait depuis Cro-Magnon, la relation maître-serviteur. Naturellement, cela dépend des milieux, et toutes les nuances existent. Bien des signes demeurent de la sou mission féminine et de la prééminence masculine. Mais l’important (parce que tant de choses en découlent) est de préciser que ces transformations radicales ont été et sont encore très difficiles à accepter pour les hommes ; il est toujours ardu, il apparaît toujours injuste de perdre une domination – les historiens admettent qu’après la disparition du servage ou de l’esclavage dans un lieu donné, le malaise, le ressentiment, l’amertume des anciens maîtres réclament environ deux siècles pour s’effacer. L’addition du malaise des hommes et des revendications encore multipliées des femmes engendre toutes sortes de ruptures, conscientes ou non, mais terribles pour la société, essentiellement les ruptures conjugales et l’éclatement des familles.

Je maintiens que la stabilité familiale et sociale est plus importante à ce stade que l’impatience des féministes. On ne peut imposer aux hommes une métamorphose à marche forcée, effaçant d’un coup l’empreinte d’une culture millénaire. Les choses ont déjà été si vite que nombre d’entre eux ont le sentiment d’être devenus des serviteurs – celui qui a l’habitude d’une domination exclusive et arbitraire pendant des siècles ressent comme une humiliation le moindre partage d’autorité. Et que nombre d’entre eux ne respectent l’autonomie, la parole, la compétence des femmes que parce qu’ils y sont obligés par le conformisme ambiant, et le font entièrement à contre-coeur. Ce qui est bien dommageable, car ce que l’on fait contraint et sans y croire, on le fait à pas de crabe, l’amertume au cœur et en attendant on ne sait quelle revanche. Une métamorphose pareille réclame du temps, et ici, l’impatience est mortifère.

Mais il y a plus. Que veut dire l’égalité ? Elle signifie égalité en dignité, c’est-à-dire en respect porté non seulement à l’être même, mais à ses capacités et à ses mérites. Elle signifie qu’on ne réduit plus les femmes à se sacrifier seules à la communauté familiale, au détriment de leur propre développement. Et cela non pas parce que les Lumières nous le disent mais parce que notre culture, d’origine chrétienne, décrit l’humain, homme ou femme, comme une personne, soit comme un tout destiné à déployer ses propres talents. Mais l’égalité ne signifie pas qu’il faudrait instaurer, par souci de justice mal comprise, une égalité arithmétique. L’égalité arithmétique ne vaut que pour les semblables. Les hommes et les femmes ne sont pas semblables et, ne serait ce que pour des raisons biologiques incontestables, ne jouent pas le même rôle dans l’existence commune.

Aussi, quand on commence à appeler discrimination toute différence, c’est qu’on est en train de perdre la tête. Pour prendre un seul exemple, l’obligation, imposée peu à peu à travers l’Europe, d’un congé paternité égal au congé maternité fait partie de ces inepties à la mode dont on ne sait s’il faut rire ou pleurer. On voit la Halde organiser une chasse hargneuse et pleine d’acrimonie contre des manuels scolaires où l’on peut lire encore « papa lit et maman coud », type de phrase signant l’abomination de la désolation. Parler de stricte égalité de traitement n’a aucun sens (sinon un sens idéologique) lorsque les personnes sont dissemblables. La biologie suscite des rôles, et ce n’est pas parce qu’on a dans le passé figé les rôles absurdement qu’il faut à présent les effacer. Une femme qui sort d’un accouchement a besoin de davantage de repos qu’un homme qui a regardé sa femme accoucher. On regrette de devoir gaspiller de l’encre pour écrire des choses aussi triviales. De même, il sera généralement plus efficace que l’homme déménage l’armoire et que la femme recouse l’ourlet – même s’il peut y avoir des exceptions. Et l’on se demande si bientôt chacun des sexes ne devra pas revendiquer les organes qu’il n’a pas, comme un simple droit-créance. Ces combats sont si ridicules qu’ils détruisent le reste de l’argument. Il n’y a rien de pire que l’excessif qui, au-delà d’un certain seuil, brise toute la perspicacité qu’il dissimule. Chantal Delsol, de l'Institut

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Jean-Yves Nau: "José Bové est un néo-chrétien : anti-PMA 
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"La Gestation pour autrui au regard du mariage entre personnes de même sexe "
                                   (ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE)
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lundi 9 juin 2014

« PMA pour tous » : asepsie sexuelle et vice du raisonnement (Jean Yves Nau)







Bonjour

Que restera-t-il, après-demain, de « l’appel des 343 » lancé en juin 2014 dans les colonnes de Libération ? De quel poids aura pu peser ce mouvement des fraudeuses en faveur d’une « procréation médicalement assistée » à laquelle devraient selon elles avoir droit des couples de femmes homosexuelles ?

Fin de vie

L’affaire n’a pas eu l’écho médiatique espéré par celles et ceux qui l’ont lancée Libération n’a été que peu repris et les responsables du gouvernement n’ont pas souhaité le commenter. Hier bienvenu cet appel était devenu politiquement inopportun. C’est que la gauche au pouvoir a ici tiré un trait sur son ambition et ses promesses de réforme sociétale. Les réactions en chaîne de résistance au « mariage pour tous » pèseront jusqu’à la fin du quinquennat. Ne restera, dans le domaine sociétal, que l’espace de la fin de vie et l’annonce d’un hypothétique droit au suicide médicalisé.

Pour sans lendemain qu’il soit, l’appel des fraudeuses n’en vient pas moins rappeler le vice de raisonnement qui le porte. Dans leur manifeste ces femmes revendiquent le droit de pouvoir procréer via une insémination artificielle avec le sperme d’un donneur. Mais qui leur interdit ?

Cette technique – dite de l’IAD - a été médicalement codifiée il y a précisément quarante ans en France par le Pr Georges David. Elle a donné lieu au développement des Centres d’études et de conservation du sperme (Cecos) qui assurent le traitement palliatif de la stérilité masculine dans le cadre de couples hétérosexuels.

Ontologiquement incapables

Depuis trente ans la fécondation in vitro (FIV) puis l’insémination intra-cytoplasmique de spermatozoïde (Icsi) sont venus compléter les possibilités thérapeutiques de la stérilité, puis de l’hypofertilité. Depuis vingt ans la loi de bioéthique fait que ces techniques (prises en charge en totalité par notre collectivité) sont réservées « à des couples composés d’un homme et d’une femme en âge de procréer ».

Celles et ceux qui réclament la « PMA pour tous » estiment que le moment est venu de faire que l’une de ces thérapeutique (l’IAD) devienne accessible à des couples constitués de deux femmes – des couples dont la stérilité n’est pas pathologique mais des couples « ontologiquement incapables de procréer » (1). Mais loin de poser la question en ces termes les manifestant(e)s avancent des arguments médicaux. Ils expliquent ainsi que celles qui n’ont pas recours à une IAD dans les rares pays qui en font commerce légal s’exposent à des risques médicaux.

"Conditions dangereuses"

Extrait du manifeste de Libération : «Chaque année, des milliers de femmes ont recours à une PMA à l’étranger dans le but de fonder une famille. D’autres le font dans des conditions dangereuses pour leur santé en raison de l’exclusion à laquelle elles sont condamnées alors que cette même intervention est autorisée en France pour les couples hétérosexuels. »

Quelles « conditions dangereuses pour leur santé » ? Le manifeste ne le dit pas. Il faut ici comprendre que ces femmes ne bénéficieront pas des garanties offertes par la médicalisation (sperme non infectieux, absence de risque génétique connu) – garanties développées progressivement depuis quarante ans au motif qu’une thérapeutique ne pouvait comporter un risque dès lors que ce risque était évitable.

Asepsie sexuelle

Or si l’IAD médicalisée est interdite en France à des couples constitués de deux femmes rien n’interdit aux femmes homosexuelles d’avoir recours à une IAD non médicalisée. C’est ce qu’expliquait en février 2013 le biologiste Jacques Testart dans une tribune du Monde: : « Depuis toujours, des couples infertiles ont recouru à l’insémination naturelle par un donneur ou un proche mais, si l’asepsie sexuelle est exigée, elle est à la portée de tous. Un réceptacle (un verre) pour recueillir le sperme, puis une paille ou un cathéter pour l’administrer si possible avec l’aide d’un spéculum, voilà à quoi peut se résumer la "technologie" ». (voir ici)

La copie d’Illich

L’autre « garantie » offerte par l’IAD médicalisée est celle de l’anonymat du donneur. Mais rien n’interdit d’organiser cet anonymat en dehors de la sphère hospitalière. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir ce mouvement de revendication s’inscrivant dans le champ d’une gauche écologique libératrice animé par une farouche volonté de médicalisation de la procréation. Ivan Illich (1926-2002) devrait ici revoir sa copie.

Prestataire de service

Cet aspect du questionnement, ce vice de raisonnement, questionne aussi (et au premier chef ) la communauté médicale. Faut-il (et à quel titre ?) médicaliser un geste qui ne le réclame pas ? Le gynécologue -obstétricien et le biologiste de la reproduction doivent-ils n’être que de simples prestataires de service ? Sans clause de conscience ? Qu’est devenue la pensée de gauche de la pratique médicale ? Nous y reviendrons.

A demain

(1) Formule de François Sergent dans l’éditorial de Libération

Source: Jean-Yves Nau

                                                                (11 Juin 2014 Marie-Anne Frison-Roche)
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