EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE
"AMORIS LAETITIA"
DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS [*]
« Ne nous laissons pas pénétrer par l’esprit du monde » [*]
Divorcés-remariés : « Miséricorde ne veut pas dire renoncer
aux commandements de Dieu » - Cardinal Müller [*]
Précédents articles: [*]
Selon le cardinal Müller, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi et plus haut responsable auprès du Pape de la validité de l’enseignement de la doctrine catholique, l’encyclique Amoris Lætitia du pape François se situe dans la parfaite continuité de l’enseignement de l’Église, comme le site de la Conférence des évêques allemands a voulu le clarifier.
Non, les écrits du Pape ne rendent en aucun cas possible un « divorce catholique », explique avec force le cardinal. Il s’exprime également sur le cas des quatre cardinaux qui ont adressé une critique au pape François en réclamant plus de clarté concernant l’attitude à avoir à l’égard des divorcés-remariés. Il y voit le risque d’une polarisation inutile et de polémiques nuisant à l’unité de l’Église et à la communion authentique des fidèles.
« Il n’y a aucune exception au principe de l’indissolubilité du sacrement du mariage »
Müller insiste sur le fait que l’enseignement de l’Église n’est pas au-dessus de la parole de Dieu et de l’enseignement du Christ que l’on trouve dans la Bible, ainsi que l’explique la constitution dogmatique sur la révélation divine (Dei Verbum) rédigé lors du concile Vatican II. Il ne peut y avoir de contradiction avec l’enseignement des saintes écritures et des saints apôtres. Il n’y a donc aucun doute sur l’enseignement d’Amoris Lætitia : cet écrit s’inscrit en totale continuité avec les saintes écritures et avec l’enseignement de l’Église.
« Il n’y a aucune exception au principe de l’indissolubilité du sacrement du mariage » explique Müller au sujet des divorcés remariés. Les cas dont parle le Pape se concentrent sur la question de savoir si toutes les conditions naturelles – et avant tout la volonté claire et certaine de se marier – ainsi que la juste compréhension de la théologie du mariage avaient été présentes ou pas lors du mariage. Il s’agit donc de cas qui ont toujours existé dans l’histoire de l’Église, à savoir l’existence visibles de mariages contractés non valides et qui peuvent donc être reconnus comme nuls.
Pour les quelques cas pour lesquels il est très difficile, selon le droit canon, de se prononcer sur la validité du mariage et d’obtenir un jugement, il est possible, avec un accompagnement spirituel approfondi, de considérer, pour sa conscience propre, que le mariage est invalide.
Mais ce n’est pas une porte ouverte à une espèce de « divorce catholique » que l’on désirerait en secret en le recouvrant avec honte d’un manteau de mots faussement pieux.
Le cardinal Müller a souhaité également réagir aux mentions faites par le pape François d’une « Église synodale ». Selon lui, le Pape souhaite par-là mettre en œuvre un style d’enseignement plein d’humilité qui soit dans la vérité de l’héritage de saint Pierre et qui mette au premier plan l’écoute des autres dimensions de l’Église, sa dimension apostolique avec saint Paul et priante avec Marie. Le discours qui place le Pape au sommet d’une sorte de pyramide a toujours été schématique et source d’une compréhension biaisé du véritable rôle du Saint-Père, le premier serviteur des serviteurs de Dieu.
[↩]
Thibaud Collin: Couples non mariés, divorcés remariés : le pari osé du pape François
[↩]
Mgr Zbignevs Stankevics, archevêque catholique de Riga (Lettonie), a participé aux travaux du cercle mineur italophone B, dont les conclusions ont été publiées hier. Il affirme qu’une majorité des Pères synodaux est opposée à un changement de la discipline sur l’accès à la communion des divorcés remariés.
Plusieurs rapports de cercles mineurs ne sont pas favorables à un changement de discipline concernant les divorcés remariés. Est-ce le cas de l’ensemble des Pères synodaux à votre avis ?
Une majorité des Pères du synode est opposée à un changement de la doctrine concernant les divorcés remariés. D’ailleurs, je n’ai pratiquement pas entendu une seule voix le demandant. J’ai plutôt entendu certains Pères synodaux qui estimaient qu’il s’agissait d’une question de discipline, et que nous pouvions donc réfléchir à la modifier. Mais l’objectif de ces Pères synodaux, en changeant la discipline, est en réalité un changement de la doctrine. C’est pour cette raison que j’ai fait cette recommandation dans mon groupe : si nous n’avons pas d’unanimité sur ce sujet, nous devons réfléchir davantage avant de prendre une décision.
Quelle est la position de votre groupe linguistique (italien B) sur la question des divorcés remariés ?
Pour arriver à une unanimité dans mon groupe, il a été décidé de ne pas donner la sainte communion pour les personnes divorcées et remariées. C’est impossible, avons-nous estimé. Mais mon groupe a reconnu, comme le dit l’Instrumentum laboris, que, dans certains cas spécifiques et exceptionnels, la décision pouvait être laissée à l’évêque. Mais il s’agit de l’approche générale du groupe.
Quelle est votre approche personnelle ?
Mon approche était d’éviter toutes les choses suspectes. C’est-à-dire d’éviter toutes les choses qui ne sont pas encore approuvées par la tradition de l’Église et son enseignement.
Comment expliquez-vous que plusieurs évêques d’Europe de l’Est soient opposés à un changement de l’enseignement de l’Église ?
En Europe de l’Est, nous vivions la persécution il y a encore peu de temps. Beaucoup d’évêques ont sacrifié leur vie au nom de leur foi. Nous sommes donc très sensibles au moindre changement. Dès que nous sentons que quelqu’un essaie de changer l’essence de notre foi, nous avons peur. C’est pour cette raison que nous sommes si soupçonneux.
Les pays occidentaux raisonnent différemment. Selon leur approche, nous devons être ouverts, être en dialogue avec la société et nous devons faire preuve de compréhension. Nous devons aller aussi loin que possible dans notre rencontre avec l’autre. Cette approche, à l’ouest, est très démocratique mais elle peut aussi dans le même temps se transformer en une pensée relativiste et subjectiviste. Il faut faire attention à ne pas se laisser pénétrer par l’esprit du monde. C’est le cas lorsque nous utilisons cette affirmation : le monde change, donc l’Église doit aussi changer…
Mais l’Église peut aussi changer de vocabulaire, de langage pour mieux être comprise, comme l’ont proposé plusieurs groupes linguistiques ?
Je suis d’accord pour une modification de notre langage, mais dans la limite de la préservation de l’essence et du contenu de ce langage. Nous pouvons nous exprimer avec un langage nouveau, mais nous ne devons pas modifier notre rapport à Dieu. Le risque est de changer notre approche sur la question des divorcés remariés ou des personnes homosexuelles en changeant, non pas le langage, mais l’essence même de notre rapport à Dieu. Une partie des Pères synodaux ont ça à cœur, c’est la raison pour laquelle le combat a été si fort dans l’enceinte du synode.
Se remarier après avoir reçu une première fois le sacrement du mariage place dans un état permanent de péché, être installé dans une relation homosexuelle est un état permanent de péché. Nous devons faire attention à la distinction entre le péché et le pécheur. Nous devons avoir de la miséricorde pour le pêcheur, mais nous devons l’aider à renoncer à son péché. C’est pour cela que nous devons appeler le péché par son nom et en rappeler ses causes. C’est pour aider le pécheur à comprendre où est son erreur. Faire cela, c’est lui faire miséricorde. L’erreur serait au contraire de se taire et de ne pas dire la vérité. Le pécheur continuerait à vivre et nous, nous deviendrions des chiens muets qui n’aboient plus. Or, les prêtres et les évêques sont comme les Dominicains : ce sont des « chiens de Dieu » (dont la vocation était d'« aboyer contre les hérésies » et d’être les chiens du Seigneur surveillant le troupeau de brebis, Ndlr). Nous avons à tenir cette mission pour son Église et pour la société tout entière.
Samedi, le pape François a appelé à davantage de synodalité et à une nécessaire décentralisation de l’Église. Qu’en pensez-vous, partagez-vous son opinion ?
La décentralisation est un des principes fondateurs de l’enseignement social de l’Église. Le principe de subsidiarité, puisqu’il s’agit de lui, signifie que le sommet n’est pas là pour commander, mais pour laisser les niveaux inférieurs résoudre eux-mêmes leurs problèmes. Et s’ils n’y arrivent pas, alors il doit les aider.
Ce schéma est valable pour l’Église, avec une précision. La doctrine, la morale, le droit canonique et la liturgie sont les mêmes pour tous. À chaque pays ensuite de se les approprier pour les expliquer et les exprimer selon les mentalités locales et les cultures. Le pape estime qu’il y a aujourd’hui trop de contrôle de la part du Vatican et de la Curie, et qu’il est nécessaire de donner davantage d’autorité aux Églises locales. Cela ne veut pas dire remettre en cause l’enseignement ou la morale de l’Église.
Sur quel critère jugerez-vous de la réussite de ce synode ?
Si nous arrivons à obtenir une unanimité. Sauf peut-être deux ou trois évêques. Au cours de ce synode ont été exprimées beaucoup d’opinions différentes. Dans cette situation, il ne me semble pas possible d’opérer des changements profonds et majeurs. Notamment parce que nous ne parlons pas uniquement en notre nom, mais parce que nous portons la voix de nos Églises locales. Je suis le représentant de l’Église lettone, je représente la sensibilité de mes fidèles. Je ne peux pas oublier cela.
[↩]
(source: le monde)
C’est peu dire que la publication de l’exhortation apostolique Amoris laetitia (La joie de l’amour) était attendue. Avec ce texte prend fin un processus commencé en février 2014 par lequel le pape François voulait mettre fin à une crise ayant éclaté dans l’Eglise en juillet 1968, avec la publication de l’encyclique Humanae vitae sur la régulation des naissances. Depuis cette date, le débat pastoral et moral n’a pas cessé et l’hémorragie des fidèles non plus, au moins dans les pays de vieille chrétienté.
L’affrontement entre les plus hauts cardinaux de l’Eglise porte depuis deux ans sur la possibilité de donner la communion, voire la réconciliation, aux divorcés remariés civilement. Rappelons que Jean-Paul II avait déjà répondu à cette question ; mais c’était il y a 35 ans dans sa propre exhortation suite au synode de 1980 sur la famille. Il avait affirmé dans Familiaris consortio que ces fidèles vivant dans une contradiction objective avec ce que signifie la communion eucharistique ne pouvaient pas y accéder ; sauf à se séparer, ou à vivre dans la continence parfaite s’ils ne pouvaient pas se séparer pour de graves raisons (l’éducation de leurs enfants). Cette règle directement liée à la doctrine sur trois sacrements (mariage, eucharistie et réconciliation) est apparue à un nombre toujours plus important de fidèles et de pasteurs comme trop dure et comme un repoussoir, analogue à ce que l’interdit de la contraception avait produit en termes d’incompréhension et de défection. Chargé par le pape François lui-même d’étudier cette question, le dernier synode d’octobre 2015 n’a pas tranché et lui a adressé un texte final consultatif suffisamment indéterminé pour que chacune des positions puisse y lire ce qu’elle juge pertinent.
Le pape François publie aujourd’hui un long texte de plus de 200 pages dans lequel un chapitre entier (le 8e) est consacré à « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » les personnes en situation « irrégulières ». La lecture attentive de ce chapitre permet d’affirmer que le pape François ne tranche pas, lui non plus. Il reste dans l’indétermination, et il prend ainsi le grand risque d’une polémique interprétative, mais décuplée cette fois-ci en raison de l’autorité de ce document.
A aucun moment il n’écrit qu’il est licite qu’un fidèle divorcé vivant maritalement puisse communier. Il rappelle même à plusieurs reprises la doctrine sur l’indissolubilité du mariage en exhortant les conjoints à la fidélité. Mais il faut aussi noter que l’ensemble de ce chapitre est écrit selon une méthode et un ton radicalement nouveaux. « Il s’agit d’intégrer tout le monde » (§297), et de « valoriser les éléments constructifs dans des situations qui ne correspondent pas encore ou qui ne correspondent plus à son enseignement sur le mariage » (§292). Le pape François valide une pastorale où le pasteur doit accompagner son fidèle en soulignant la continuité de ce qu’ils vivent aujourd’hui avec ce qu’il est appelé à vivre, à savoir « l’idéal » du mariage chrétien (le mot est omniprésent). L’idée est bien sûr que par la valorisation de ce qui est vécu de positif le fidèle soit amené à découvrir la profondeur et la vérité de ce que l’Eglise lui « propose » de vivre. L’accent n’est plus mis d’abord sur la conversion et l’arrachement au péché mais sur la croissance des semences présentes dans ces situations irrégulières.
Le point qui sera sans nul doute le plus discuté est le passage où le pape François, citant le texte du synode de 2015, conseille aux pasteurs le discernement au cas par cas des situations afin d’aider le fidèle à former un jugement en conscience sur sa situation matrimoniale. « Le colloque avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une participation plus entière à la vie de l’Eglise et sur les étapes à accomplir pour la favoriser et la faire grandir. Etant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité, ce discernement ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Evangile proposées par l’Eglise. » (§300) Il est certes difficile de conclure d’un tel passage au caractère légitime de la communion pour les divorcés remariés ! Mais le pape jésuite prend ensuite le soin d’accompagner ce passage de toutes sortes de remarques sur « les circonstances atténuantes dans le discernement pastoral », sur la distinction entre péché objectif et imputabilité subjective, ou encore en citant un texte de saint Thomas d’Aquin pour légitimer des « exceptions », là où le texte médiéval ne parle pas d’exceptions !
Bref, le pape François fait un pari osé. En effet, il espère que par un tel changement de perspective pastorale, il va remettre en chemin vers « l’idéal » de la vie chrétienne les fidèles jusqu’alors en souffrance en raison de leur « situation irrégulière ». On peut aussi faire l’hypothèse que ce texte sera reçu par nombre de fidèles et de pasteurs comme la reconnaissance « mezza voce » de leur situation. Auquel cas, le pape François loin de les mettre en route les aura confortés dans leur statu quo et aura reconnu face à tous que la doctrine catholique du mariage est décidément un idéal peu accessible pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Les mois et les années qui viennent permettront de constater l’échec ou la réussite de ce pari.
L’affrontement entre les plus hauts cardinaux de l’Eglise porte depuis deux ans sur la possibilité de donner la communion, voire la réconciliation, aux divorcés remariés civilement. Rappelons que Jean-Paul II avait déjà répondu à cette question ; mais c’était il y a 35 ans dans sa propre exhortation suite au synode de 1980 sur la famille. Il avait affirmé dans Familiaris consortio que ces fidèles vivant dans une contradiction objective avec ce que signifie la communion eucharistique ne pouvaient pas y accéder ; sauf à se séparer, ou à vivre dans la continence parfaite s’ils ne pouvaient pas se séparer pour de graves raisons (l’éducation de leurs enfants). Cette règle directement liée à la doctrine sur trois sacrements (mariage, eucharistie et réconciliation) est apparue à un nombre toujours plus important de fidèles et de pasteurs comme trop dure et comme un repoussoir, analogue à ce que l’interdit de la contraception avait produit en termes d’incompréhension et de défection. Chargé par le pape François lui-même d’étudier cette question, le dernier synode d’octobre 2015 n’a pas tranché et lui a adressé un texte final consultatif suffisamment indéterminé pour que chacune des positions puisse y lire ce qu’elle juge pertinent.
Le pape François publie aujourd’hui un long texte de plus de 200 pages dans lequel un chapitre entier (le 8e) est consacré à « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » les personnes en situation « irrégulières ». La lecture attentive de ce chapitre permet d’affirmer que le pape François ne tranche pas, lui non plus. Il reste dans l’indétermination, et il prend ainsi le grand risque d’une polémique interprétative, mais décuplée cette fois-ci en raison de l’autorité de ce document.
A aucun moment il n’écrit qu’il est licite qu’un fidèle divorcé vivant maritalement puisse communier. Il rappelle même à plusieurs reprises la doctrine sur l’indissolubilité du mariage en exhortant les conjoints à la fidélité. Mais il faut aussi noter que l’ensemble de ce chapitre est écrit selon une méthode et un ton radicalement nouveaux. « Il s’agit d’intégrer tout le monde » (§297), et de « valoriser les éléments constructifs dans des situations qui ne correspondent pas encore ou qui ne correspondent plus à son enseignement sur le mariage » (§292). Le pape François valide une pastorale où le pasteur doit accompagner son fidèle en soulignant la continuité de ce qu’ils vivent aujourd’hui avec ce qu’il est appelé à vivre, à savoir « l’idéal » du mariage chrétien (le mot est omniprésent). L’idée est bien sûr que par la valorisation de ce qui est vécu de positif le fidèle soit amené à découvrir la profondeur et la vérité de ce que l’Eglise lui « propose » de vivre. L’accent n’est plus mis d’abord sur la conversion et l’arrachement au péché mais sur la croissance des semences présentes dans ces situations irrégulières.
Le point qui sera sans nul doute le plus discuté est le passage où le pape François, citant le texte du synode de 2015, conseille aux pasteurs le discernement au cas par cas des situations afin d’aider le fidèle à former un jugement en conscience sur sa situation matrimoniale. « Le colloque avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une participation plus entière à la vie de l’Eglise et sur les étapes à accomplir pour la favoriser et la faire grandir. Etant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité, ce discernement ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Evangile proposées par l’Eglise. » (§300) Il est certes difficile de conclure d’un tel passage au caractère légitime de la communion pour les divorcés remariés ! Mais le pape jésuite prend ensuite le soin d’accompagner ce passage de toutes sortes de remarques sur « les circonstances atténuantes dans le discernement pastoral », sur la distinction entre péché objectif et imputabilité subjective, ou encore en citant un texte de saint Thomas d’Aquin pour légitimer des « exceptions », là où le texte médiéval ne parle pas d’exceptions !
Bref, le pape François fait un pari osé. En effet, il espère que par un tel changement de perspective pastorale, il va remettre en chemin vers « l’idéal » de la vie chrétienne les fidèles jusqu’alors en souffrance en raison de leur « situation irrégulière ». On peut aussi faire l’hypothèse que ce texte sera reçu par nombre de fidèles et de pasteurs comme la reconnaissance « mezza voce » de leur situation. Auquel cas, le pape François loin de les mettre en route les aura confortés dans leur statu quo et aura reconnu face à tous que la doctrine catholique du mariage est décidément un idéal peu accessible pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Les mois et les années qui viennent permettront de constater l’échec ou la réussite de ce pari.
******************** 9 Avril 2016 ********************
Pour l’évêque de Bayonne, l’exhortation apostolique Amoris lætitia appelle à se garder de toute dialectique doctrinale.
Quelle votre impression générale à la lecture de l’exhortation apostolique Amoris lætitia ?
C’est un très beau texte, qui a du souffle et qui assume pleinement l’enseignement de l’Église. Le pape François intègre des données absentes chez ses prédécesseurs comme la question du gender ou des mères porteuses, qu’il juge sévèrement, ainsi que, comme il dit, l’accélération de la « destruction juridique de la famille ». Mais il cite aussi abondamment les catéchèses sur la théologie du corps de saint Jean-Paul II, ainsi que le passage de Deus caritas est de Benoît XVI sur l’eros et l’agapè. Ce texte porte aussi la marque personnelle du pape. On la voit notamment dans le magnifique quatrième chapitre de cinquante pages consacré à l’amour dans le mariage. C’est un prolongement pastoral de l’enseignement de l’Église. Cette dimension personnelle est intéressante parce que, même quand il dit qu’il ne fallait pas attendre de ce document un changement de la discipline de l’Église, il l’assume de manière tout aussi personnelle.
Pourquoi dites-vous que ce texte porte la marque personnelle du pape ?
C’est l’approche d’un pasteur. François insiste beaucoup sur l’accompagnement personnel des processus de croissance et sur une Église proche des réalités. Ce qu’il dit par ailleurs dans le cadre de ce Jubilé sur la Miséricorde et qu’il disait déjà dans Evangelii gaudium. Quand il insiste sur ces réalités, il ne dit pas qu’il faut adapter la législation de l’Église aux réalités, mais rejoindre les gens dans ce qu’ils vivent de beau et, aussi, de blessé. Par deux fois il souligne que ce qui prime n’est pas la « pastorale des échecs » mais la promotion du mariage et de la famille comme une réponse aux aspirations de nos contemporains, en particulier des jeunes.
Y a-t-il aussi la trace de sa formation jésuite ?
Il y a de fait une dialectique interne à la pastorale : en effet, il s’agit d’incarner l’idéal exigeant du mariage et de la famille dans la vie concrète des personnes. Le pape François nous demande d’y être attentifs avec la même charité, compassion, miséricorde que le Seigneur. Mais il ne s’agit pas de transiger sur les exigences de la vérité. À mon avis, c’est important : il faut distinguer cette dialectique pastorale d’une dialectique doctrinale.
Quelle serait cette dialectique doctrinale ?
Ce serait celle qui opposerait les « conservateurs », qui pourraient avoir tendance à se réfugier derrière les principes de manière parfois rigide, et les « progressistes », qui voudraient changer la doctrine et la discipline de l’Église pour l’adapter aux réalités concrètes de la vie des personnes. Le pape François n’est pas dans cette optique de changement de la doctrine ni de la discipline. Il est dans la dialectique du pasteur qui prend à bras le corps la réalité. C’est cela qu’il faut surtout souligner. À la lumière de la parole de Dieu et de l’enseignement de l’Église, que le pape François assume sereinement.
Ce texte change-t-il la législation canonique sur la communion ?
Dans une note de bas de page n. 351, le pape François parle de l’aide que l’Église peut apporter aux personnes et qui pourrait aller, dans certains cas, jusqu’aux sacrements. Mais cette note ne vise pas particulièrement les divorcés remariés. Elle concerne toutes les situations irrégulières. Cette note, qui ne donne d’ailleurs aucune préconisation pratique, doit être éclairée par le principe fondamental qui est qu’on ne changera pas la législation canonique. En effet, dans le paragraphe 300, il explique : « on ne devait pas attendre du Synode ou de cette Exhortation une nouvelle législation générale du genre canonique, applicable à tous les cas. » Puis, plus loin : « étant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité (cf. Familiaris consortio, n.34), [le] discernement [qui oriente les fidèles à la prise de conscience de leur situation devant Dieu, Ndlr.], ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Évangile proposées par l’Église. »
A celui qui attendait une révolution du point de vue de la discipline en vigueur sur l’accès des divorcés-remariés aux sacrements de Réconciliation et d’Eucharistie, sa possibilité n’est même pas mentionnée. Et s’il y a « ouverture », elle est d’ordre pastoral et concerne l’accompagnement et l’intégration des personnes à la vie de la communauté ecclésiale. En somme, il développe ce que Jean-Paul II a dit dans Familiaris consortio, avec son approche essentiellement pastorale et des éléments très concrets pour la vie du couple et de la famille. En cela, le chapitre quatrième – le plus original – sur l’amour dans le mariage, est exemplaire, non moins que le cinquième sur la fécondité du mariage.
Quel est le véritable enjeu sorti de ce document ?
Le véritable enjeu, c’est l’approche pastorale, qui doit être faite de proximité avec les gens, d’attention aimante aux réalités de la vie concrète. Aux agents pastoraux, le pape François semble dire : « Je comprends que vous désiriez un enseignement clair et sans confusion, mais ne soyez pas éloignés des réalités concrètes des gens, sous prétexte que vous êtes fidèles à l’enseignement de l’Église. Ce n’est pas parce que vous vous salirez les mains avec un peu de la boue des réalités parfois blessées de la vie des gens, que vous ne devrez pas leur présenter l’idéal exigeant du mariage et de la famille. Donc soyez-là, proches, compatissants, montrez-leur qu’ils appartiennent à l’Église, ouvrez-leur un chemin de croissance, aidez-les, en éclairant leur conscience, mais sans se substituer à elle, à participer toujours plus, selon leur état, à la vie de l’Eglise. »
En temps que pasteur, comment recevez-vous ce message ?
Je me sens conforté dans ma mission et par rapport aux orientations pastorales familiales que nous mettons en œuvre dans notre diocèse. Dans le diocèse de Bayonne, nous organisons des journées avec les divorcés remariés et les divorcés non remariés. Je suis présent, je leur dis qu’ils sont d’abord des baptisés et que je suis leur Pasteur ; je leur donne un espace de parole ; puis je leur propose de cheminer avec eux, comme les disciples d’Emmaüs, à la lumière de la Parole de Dieu lue en Eglise, et conformément à la discipline de l’Eglise…
Nous avons mis en place aussi, avec une dizaine de bénévoles formés, ce que nous avons appelé « l’accueil Louis et Zélie », comme « un hôpital de campagne », selon l’expression du Pape François, pour accueillir, écouter, accompagner toutes sortes de situations de difficultés ou de blessures de la relation affective, de la fertilité, de la vie de couple ou de famille…. Des gens pas forcément pratiquants réguliers viennent avec leurs situations difficiles et trouvent un éclairage, un réconfort, une espérance dans leur cheminement, par ce que dit l’Église, qui est « experte en humanité » (Paul VI).
Comment interprétez-vous la lettre des cardinaux au pape pour le dissuader d’ouvrir la communion aux divorcés remariés ?
Je pense que cette lettre a largement précédé la publication de l’exhortation. Dans ce sens, je suppose que c’était une manière d’alerter respectueusement le Pape sur les groupes de pression, y compris à l’intérieur de l’Eglise, qui pouvaient bien faire du lobbying, par medias interposés, pour « revendiquer » la communion pour les divorcés-remariés, qui semblait focaliser l’attention du grand nombre. On peut constater en tout cas que ces groupes seront déçus : la question n’est pas explicitement évoquée et la proposition pratique du Cardinal Kasper a même complètement disparu. Ne nous étonnons pas qu’il puisse y avoir au sein de l’Eglise des diversités d’approches, voire des désaccords dans la formulation de la doctrine et dans son application. C’est la preuve que l’Eglise est un Corps vivant. Ce qui est sûr, c’est que, quelle que soit la partition de chacun, l’Esprit Saint assiste le Successeur de Pierre et un consensus, je ne dis pas un compromis, finit toujours par se faire jour.
(@) Samuel Pruvot
[↩]
[↩]
(source: Le Figaro)
Aline Lizotte est docteur canonique en philosophie et directrice de l'Institut Karol Wojtyla. D'origine canadienne, elle est l'une des références internationalement reconnues dans l'Eglise catholique sur les questions d'éthique conjugale et de la sexualité. En philosophe, elle analyse les résultats du récent synode sur la famille.
LE FIGARO. - Même s'il n'a pas pris position pour éviter un vote négatif d'une partie des évêques, le synode a suggéré au pape, et cela a été voté, que la question de la communion des divorcés remariés ne soit plus réglée par un oui ou par un non, mais à travers un «discernement» au cas par cas, selon des critères préétablis par l'Eglise: est-ce une évolution notable de la théologie morale catholique?
Aline LIZOTTE. - Les numéros 84, 85 et 86 de la relation synodale sont pour le moins confus sinon ambigus. On n'y parle pas directement d'interdiction ou de permission de communier, mais de trouver les divers modes d'intégration en vue d'une meilleure participation à la vie communautaire chrétienne.
Parmi ces différents modes d'intégration, il y aurait la permission de devenir parrains, de faire la catéchèse, de lire les textes à la messe, bref, de participer aux actes qui préparent à la vie sacramentelle.
Mais il y a aussi la possibilité de communier. Jean Paul II n'était pas allé aussi loin. Tout en refusant fermement la possibilité de participer à la communion, il avait, lui aussi, bien affirmé que les divorcés faisaient partie de la communauté chrétienne - ils n'étaient pas excommuniés - et qu'ils devaient s'unir à la prière de l'Eglise, participer au sacrifice eucharistique et prendre part aux oeuvres de charité sociales.
Aujourd'hui le numéro 84 du document final va plus loin, puisqu'il parle de «dépasser» les «exclusions» dans le domaine liturgique, éducatif, pastoral et … «institutionnel». Ce mot est vague mais il est très important car il peut tout désigner dans l'Eglise. Qu'est ce qui empêcherait en effet un divorcé remarié de devenir diacre…
Quant au numéro 85, il exagère une distinction capitale pourtant clairement établie par Jean-Paul II et qui appartient depuis toujours à la théologie morale: cette distinction, exprimée dans Veritatis Splendor (nos 54-64) et dans la somme théologique de saint Tomas d'Aquin Ia-IIae, q.18, a.3, permet de faire une différence entre ce qui est «objectif» dans un choix moral et ce qui dépend des «circonstances». Mais, le document final donne, aux circonstances, une importance démesurée qu'elle n'a pas dans l'équilibre classique de la théologie morale.
On introduit donc un déséquilibre?
On veut donner plus de place, désormais, aux circonstances. Or la distinction classique montre qu'il y a des actes moraux qui sont objectivement graves, même si, effectivement, certaines circonstances, propres à la personne, permettent d'en diminuer la responsabilité, voire de l'annuler.
Il y a donc une différence entre la réalité objective d'un acte et ce que l'on appelle «l'imputabilité» de l'acte, sa charge morale, si je puis dire, qui repose, ou non, sur les épaules de celui qui a commis cet acte. C'est ce qu'enseigne le Catéchisme de l'Eglise Catholique (no 1735). Jean-Paul II a d'ailleurs appliqué cette distinction au discernement pastoral des pasteurs et des confesseurs lors de la direction spirituelle des consciences.
Et cette distinction - appliquée à l'échec d'un mariage et le divorce - éclaire la culpabilité dans la conscience morale. Car une chose est une séparation qui aboutit à un divorce dont l'auteur a tout fait pour plaquer son conjoint en l'abandonnant à sa solitude avec la charge de ses enfants ; une autre chose est l'état du conjoint «ainsi répudié» qui a tout tenté pour conserver son engagement matrimonial et qui se trouve acculé à un état de vie, difficile ou quasi impossible. Un état dont il ne porte pas la responsabilité. C'est une victime.
Surgit alors cette question cruciale: cette personne - homme ou femme - en se remariant commet-elle un péché «d'adultère» qui, en tant que péché, l'entrainerait à s'éloigner de la communion? Et peut-on la juger de la même manière que son conjoint qui l'a plaquée et qui s'est remarié?
Que répond sur ce point le Synode?
Sur ce point la relation synodale est loin d'être claire…Elle est même ambigüe!
Pourquoi?
Nous sommes, en effet, face à deux actes objectivement différents: Une chose est de ne pas se juger coupable, au for interne, c'est-à-dire dans sa conscience, de l'échec de son mariage et même d'aller jusqu'à la conclusion intime que ce mariage était invalide. Autre chose est de s'appuyer sur cette seule conscience - même assisté par un conseiller spirituel, voire d'un évêque - pour prendre la décision de se remarier. En se disant, en somme, je ne suis pas coupable - en conscience - de l'échec de mon mariage, j'ai même la conviction intime que mon premier mariage est invalide ; en me remariant, je ne commets donc pas un adultère ainsi je peux communier.
Or, et c'est là le fond du problème, la condition de commettre, ou de ne pas commettre un adultère, ne dépend pas uniquement des conditions intérieures du jugement de conscience mais elle dépend de la validité, ou de la non validité du premier mariage.
Ce qui ne relève pas uniquement du for interne de l'un des conjoints, ou, autrement dit de sa seule conscience profonde, mais du for externe, c'est-à-dire des critères objectifs de la loi! Donc, déterminer de la validité ou non, d'un consentement - fondateur du mariage - n'est pas une question de conscience qui n'appartiendrait qu'à un seul des deux conjoints. Ce sont les deux personnes qui sont engagées.
Il ne s'agit pas simplement de se dire: «je sens, j'ai toujours pensé, que mon mariage n'était pas valide»... Certes, la conscience peut-être loyale, mais elle peut-être aussi objectivement erronée. En ce sens, il est inexact de dire comme le proclame Mgr Cupich, l'archevêque de Chicago, que la conscience est toujours inviolable.
Je parle donc d'ambiguïté parce que les critères donnés au n°85 du document final du synode sont justement prévus pour aider la personne, son confesseur et même son évêque à juger de la droiture et de l'honnêteté de sa conscience. Mais, je regrette, ces critères ne sont pas suffisants pour conclure avec certitude de la validité ou de la non validité du premier mariage.
Quels risques voyez-vous?
Agir dans ce sens va conduire à mettre en place une sorte de système de «consulting spirituel», de coaching interne qui aideront les consciences à ne plus se sentir coupables d'un remariage. Fortes de leur subjectivité elles estimeront avoir le droit à un remariage en bonne et due forme. Ce n'est pas par hasard que Jean-Paul II, pour énoncer l'interdiction de la communion pour les divorcés remariés, avait bien pris soin d'établir cette distinction qui démontrait que «l'examen de conscience» dont parle aujourd'hui le document final n'est pas suffisant pour évaluer la situation objective et la situation du conjoint lésé.
Cette ouverture, doublée de la facilitation des procédures d'annulation canonique du lien du mariage décidée par le pape François en septembre dernier, ne contribue-t-elle pas à créer, dans l'opinion, l'idée que l'Eglise vient d'inventer le «divorce catholique»?
Pour l'Église catholique le problème auquel elle doit faire face n'est pas celui des divorcés remariés mais celui de la crédibilité de son mariage. En quoi sa doctrine du mariage a-t-elle encore une influence sur la vie des gens et même sur ses propres fidèles… Mais d'où vient le problème? Vient-il du changement sociétal, assez impressionnant ou vient-il des insuffisances d'une pastorale inadéquate? On pensait la doctrine acquise, on s'aperçut que ce ne l'était pas. Dans cette perspective, il faut bien comprendre que le problème des divorces remariés apparaît comme un cas type, sur lequel on réfléchit comme sur un cas le plus difficile à résoudre. On a espéré le résoudre uniquement par la voie pastorale… sans changer les affirmations doctrinales. Mais cela touche à la quadrature du cercle car la pastorale découle de la doctrine! Elle est, en prudence, son application. Changer une pastorale sans changer de doctrine dans les points essentiels de cette doctrine, c'est un problème impossible à résoudre. La doctrine de l'Église catholique est en effet claire et ferme: un mariage validement célébré (ratum) et consommé (consumatum) est indissoluble. J'ajoute que la facilité que donnent les législations civiles, divorce à l'amiable, pacs, admission du concubinage, rend l'engagement absolu et pour toute la vie moins tentant. Les difficultés conjugales s'amoncelant on recourt donc à une législation civile pour rompre un mariage et même en contracter un second ou un troisième. Mais, en doctrine, ces mariages, sont pour l'Église, «nuls» au sens juridique et aucun ne rompt la validité du premier mariage si ce dernier est déclaré valide.
Si l'ouverture qu'amorce ce synode sur le jugement de conscience, jointe à la facilité des procédures qui sera mis en vigueur par le Motu Proprio Mitis Iudex Dominus Iesus e Mitis et Misericors Iesus du 8 septembre 2015, pour l'obtention d'un décret de nullité on risque d'aller en pratique, non vers un «divorce à la catholique» mais vers une sorte de conception protestante de la liberté de conscience. Car la conscience, comme je viens de l'expliquer ne peut pas seulement se fonder sur le seul ressenti qu'elle perçoit, ou non, de la gravité de ses actes, mais sur des critères objectifs de la loi morale.
L'Eglise, sur ce point, manque-t-elle de «cœur» comme l'a dit le Pape? N'est-elle pas trop dure en ne parlant que de «loi»? Sur quoi l'Eglise se fonde-t-elle, au juste, pour affirmer qu'un premier mariage, s'il est valide, donc librement consenti et pour la vie, est par nature indissoluble? Et pourquoi ne peut-elle pas évoluer sur l'indissolubilité du mariage?
L'Église peut évoluer sur des questions qui découle de son droit propre. Ainsi elle évolue sur beaucoup de questions: réformes liturgiques, réforme de la pénitence pendant le carême, réforme sur les fêtes de préceptes, reforme sur l'état clérical, reforme sur l'exercice de l'autorité dans l'Église (collégialité), reforme de procédures sur les demandes de décret de nullité du mariage, réforme sur les vœux de religion. Depuis Vatican II, on a vu s'abattre une somme de réformes qui ont façonné de façon directe notre comportement extérieur vis-à-vis de Dieu et notre agir communautaire envers nos frères. Les réformes ont d'ailleurs été tellement importantes qu'il a fallu réécrire et promulgué une nouveau Droit Canon (1983).
Mais il y a des domaines qui ne sont pas du droit de l'Église. D'abord parce qu'aucun Pape n'a fondé et ne fonde l'Église. C'est toujours Jésus-Christ qui bâtit son Eglise. Ensuite parce que le Christ a laissé à l'Église des moyens de participer à sa vie, à sa prière, à son mystère de salut, moyens qui sont liés à sa volonté: ce sont les sacrements et leur substance sur lesquels l'Église n'a aucun pouvoir. Il faut toujours de l'eau pour baptiser ; il faut toujours du pain et du vin pour une consécration eucharistique ; il faut toujours une accusation orale des péchés - on ne peut faire cela par correspondance ou par internet - pour recevoir le sacrement de la Réconciliation. Enfin il faut toujours que l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, pour qu'un consentement matrimonial ait valeur de sacrement. Cette substance sacramentelle n'appartient pas à l'Église.
Ainsi, le mariage que Dieu a institué est hétérosexuel, monogame, indissoluble et ouvert à la vie. Ces propriétés du mariage l'Église ne les invente pas, elle les reçoit du Christ lui-même. Si elle peut changer la discipline, par exemple, l'âge de la première communion, le ministre du baptême, les conditions de l'onction des malades etc ; elle ne peut changer la substance du sacrement. Or, l'indissolubilité fait partie essentiellement du sacrement du mariage.. Et sur cette question l'Église n'a aucun pouvoir d'en changer.
Mais les personnes, ces couples qui ont vécu un échec, l'Eglise peut-elle ignorer leur souffrance? Ce fut une demande constante pendant ces vingt jours de synode?
Pour l'Église catholique, ce problème des divorcés remariés est un problème épineux. Il y a là une structure de péché, c'est-à-dire, une situation qui porte à user du mariage comme si on était marié alors qu'on ne l'est pas, puisque le premier mariage est toujours valide. Cependant, dans l'Église, ces personnes ne sont pas exclues de la communauté chrétienne. Elles sont comme tous les chrétiens, conviés à la participation à l'Eucharistie du dimanche. Cependant, elles ne peuvent pas communier. Convoquées à un sacrifice de communion, elles ne peuvent pas y participer pleinement.
Poser la question sur les divorcés remariés c'est donc réfléchir sur le cas type par excellence.
C'est dur à dire mais sur le plan canonique et philosophique ces personnes se sont mises volontairement et peut-être inconsciemment dans une situation impossible. Elles usent d'un droit qu'elles n'ont pas, car elles sont liées - par leur parole donnée sacramentellement - à une autre personne. Non seulement, elles ne respectent plus la parole donnée devant Dieu mais elles usurpent le droit de l'autre, de la femme abandonnée du mari humilié. Certes elles se justifient en invoquant l'échec du premier mariage et la réussite du second. Pourquoi leur refuserait-on donc le droit de «refaire leur vie»? Pourquoi même, si l'on dit qu'elles ne sont pas exclues de la communauté chrétienne, leur refuserait-on le droit à la communion? Cette communion n'est-elle pas le signe de l'appartenance à la communauté? Toute la communauté est invitée, à la Messe, au festin des Noces de l'Agneau? Pourquoi pas eux? Souvent, ils vivent honnêtement, en toute fidélité et dévouement au nouvel époux ou épouse, ayant de nouveaux enfants, ayant une nouvelle famille? Pourquoi ce durcissement de la pastorale qui se veut avant tout fidèle à une doctrine juste, mais qui semble surtout manquer de miséricorde? Voilà le dilemme que l'on pose entre le doctoral et le pastoral! Mais la question est de savoir si ce dilemme est réellement un dilemme doctoral vis-à-vis d'une pastorale inadéquate? Ou une mauvaise façon de poser le problème…
Et permettez-moi d'ajouter que le fait d'avoir introduit le jugement de conscience dans la mêlée, n'a rien éclairci, au contraire, cela pose encore plus de problèmes. Quels sont les chrétiens, les catholiques, qui savent vraiment ce qu'est un jugement de conscience, qui sont capables du discours moral qu'il demande ou qui en ont même le courage? Quels sont les pasteurs suffisamment aptes à aider le chrétien à poser ce jugement de conscience? Car un jugement de conscience ne part pas de son état subjectif, de son psychisme, de son désir, mais il doit toujours partir de la loi? Un épouse délaissée peut avoir conscience que dans l'échec de son mariage, elle n'y est pour rien - c'est un cas rare - mais lorsqu'elle examine une décision à prendre sur un remariage la conscience doit poser objectivement la question: en conscience, je ne suis pas coupable de l'échec de mon premier mariage, mais si ce premier mariage est valide, l'échec me donne-t-il le droit moral de me remarier civilement?
En attendant, affirme le pape François, l'Église a comme le devoir de chercher une voie nouvelle pour venir en aide aux difficultés concrètes des divorcés remariés…
L'Église a toujours le devoir de venir en aide à tous ses enfants et l'obligation de ne pas alourdir le joug que peut constituer l'obéissance aux devoirs du chrétien. «Mon joug et doux et mon fardeau léger Mt XI,30, dit le Seigneur. La mission de l'Église n'est pas de le rendre impossible à porter. Ce joug est doux et ce fardeau léger parce que le Seigneur donne la grâce de le porter. Mais quelles sont les vraies difficultés des divorcés remariés? Celles de ne pas communier? On nous parle d'eux comme des gens heureux ayant réussi un second mariage alors que le premier a échoué. Mais ce mariage échoué, cette femme abandonnée, cet homme méprisée, ces enfants ballotées, celui ou celle que l'on charge de tous les torts, de toutes les malveillances, on n'arrive pas à l'oublier. Même s'il y a eu divorce et qu'il était raisonnable de demander le divorce, la nouvelle femme, le nouvel homme qui habite un nouveau lit, n'y trouve pas en réalité un véritable lieu conjugal car le passé est toujours présent, chez un être humain il ne peut s'effacer. Cette plainte revient très souvent: je l'aime toujours, même si je trouve un bonheur sexuel avec l'autre. Et il faut affronter la révolte et la honte des enfants. Que l'on divorce, oui si c'est nécessaire, cela vaut mieux que les continuels affrontements, les violences verbales, les mensonges répétés. Mais que le conjoint qui part se remarie, cela créé une sourde révolte qui est un tabou dans notre société. Plus ils sont adultes, plus les enfants sont révoltés. Ils seront maintenant des enfants de divorcés. Et cela ne s'avale pas facilement!
La voie nouvelle n'est donc pas la communion eucharistique. Elle risque fort d'amplifier la souffrance comme, si en plus d'avoir trompé sa femme ou son mari, on en venait à tromper aussi Dieu. C'est terrible à dire mais chacun sait, au fond de lui, s'il y croit un tant soi peu qu'on ne trompe pas Dieu. Pour suivre et conseiller de nombreuses situations de ce genre dans le cadre de l'Institut Karol Wojtyla je peux vous affirmer, non sur la base d'une théorie, mais sur celle de l'expérience et de témoignages douloureux que ce sentiment intérieur, ce sensus fidei, qui demeure tapi dans la conscience profonde de ces époux brisés est plus fort que toute concession juridique si jamais l'autorisation de la communion devenait une concession juridique.
C'est pourtant la voie que François semble bien vouloir ouvrir…
Oui, il faut une pastorale nouvelle pour les divorcés remariés, comme il en faut une pour les concubins qui demandent le mariage, comme il en faut une pour ceux qui sont civilement mariés et qui «veulent se mettre en règle». Il faut une pastorale qui fasse comprendre que le mariage sacramentel n'est pas une permission de «coucher ensemble» sans faire de péché. Mais que le sacrement de mariage donne, aux époux, une participation particulière à entrer dans le mystère d'alliance proposé par Dieu à toute l'humanité. Mystère dont le Christ est le garant en devenant l'Epoux de l'Église. La vérité du sacrement de mariage doit être proposée à toute personne qui passe d'une situation irrégulière à une situation de grâce.
Pour les divorcés remariés, c'est plus délicat. Le sacrement de mariage, le premier, le seul valide est encore vivant, il n'est pas mort. Les grâces de ce sacrement existent toujours. Comment les rendre efficaces pour accepter, de part et d'autre, entre l'époux blessé et lésé et l'époux unit «invalidement» à un autre conjoint, une vraie réconciliation dans le Christ, réconciliation toujours possible par un vrai pardon, par une nouvelle fidélité au jus corporis, du conjoint abandonné. Le jus corporis, c'est dans le droit romain, le ‘droit du corps' que chaque conjoint a sur le corps de l'autre. Arriver à mettre cela en acte serait une vraie pastorale du mariage! On ne peut manquer de s'étonner que les Pères synodaux n'y aient pas songé.
Ils ont plutôt mis en avant la conscience intime pour justifier cette prise de distance de la loi morale objective, cela peut se comprendre aussi. La morale de l'Eglise n'était-elle pas trop sur «l'objectif» et pas assez sur le «subjectif» qui est tout de même le sanctuaire profond de la personne?
La conscience intime n'est jamais une prise de distance vis-à-vis de la loi morale objective. La conscience intime pose deux actes dit saint Thomas d'Aquin: elle juge ou elle reproche. Elle juge de la bonté morale d'un acte particulier, personnel et singulier... à la lumière de la loi morale qui est là pour l'éclairer. Et elle doit juger à partir du droit. Par exemple: j'ai froid, je suis sans abri, il y a en face de moi, une maison désaffectée. Est-ce que je commets un vol si je la squatte pour l'habiter le temps de me trouver un autre logement? Non, car le droit à l'usage des biens matériels dit l'Eglise est prioritaire sur le droit de propriété et tout propriétaire doit assistance à une personne en danger. Autre exemple: je suis seule, sans amour, je veux un père pour mes enfants, j'ai été abandonnée par mon premier mari? Est-ce que j'ai le droit de me remarier civilement et de vivre matrimonialement avec cet homme que j'aime? Si le Pasteur à qui la question est posée, répond, «oui, car vous n'êtes pas coupable dans l'échec de votre premier mariage» cela signifie que ce pasteur ne tient aucun compte de l'indissolubilité du mariage. Cette loi de l'indissolubilité n'aurait de force que dans une sorte d'idéal. Elle ne vaudrait que pour les «heureux», les «purs». Chaque personne qui aurait des difficultés avec la loi morale, aurait donc le droit de faire tomber la loi. Personne n'est obligé de faire ce qui est objectivement mal pour qu'il en ressorte un bien subjectif. Cela peut sembler très dur... mais le respect de la volonté de Dieu, de ses exigences amène à plus de bonheur que d'en construire un autre en édulcorant ses propres lois sous prétexte de miséricorde.
Mais l'Église n'a-t-elle pas à un vrai problème avec sa morale - suivie par très peu - ce synode lui offre la possibilité de changer cette culture morale familiale pour mieux s'adapter. N'est-il pas temps de le faire?
J'ai été amené un jour à conseiller une religieuse. Je lui demande ‘combien y avait-il d'enfants chez-vous'? Elle me répond avec un léger sourire pressentant le sursaut que me causerait sa réponse: ‘nous étions vingt-deux'! Devant ma surprise, elle me dit, ‘oui mon père qui était ministre avait trois femmes et nous, les enfants, nous savions très bien qui était notre mère. Notre père, lui, s'occupait de nous tous. Tous les matins, avant de partir au travail, il nous réunissait, nous faisait le catéchisme et après l'avoir embrassé nous partions chacun dans notre école ou à notre travail'. C'est un vrai modèle de famille patriarcale qui semblait fonctionner pas trop mal… Mais je n'ai jamais vu ce modèle en Occident. Ce que je vois de plus en plus, c'est un homme ou une femme qui me dit: ‘j'ai cinq ou même dix frères et sœurs, mais, si nous avons tous la même mère, nous n'avons pas tous le même père. Et l'homme avec qui vit ma mère aujourd'hui, n'est pas mon père…' C'est une famille recomposée. Jamais je n'ai trouvé de bonheur sur le visage de celui ou de celle qui me parle de cette famille nouveau genre... Est-ce là la nouvelle culture familiale? J'ai rencontré une toute jeune fille qui disait à sa petite amie, ‘moi j'ai de la chance, à Noël, j'ai deux papas qui me donnent plein de cadeaux'. Cela a duré jusqu'au jour où, la petite amie, a invité la jeune fille, à un week-end dans sa famille, une famille où il n'y avait qu'un papa qui ne donnait pas souvent des cadeaux mais qui aimait sa femme et ses enfants. Et la jeune fille comblée de cadeaux est sortie songeuse de ce week-end. ‘Tu as bien de la chance, toi', dit-elle à son amie!
Mais, je vous demande, quand donc la morale de l'Église a-t-elle été populaire? A quelle époque de l'histoire a-t-on été pleinement d'accord avec la morale de l'Église? L'Église est-elle faite pour aimer le monde, être du monde, penser comme le monde? Est-ce cela, sa mission? Quand on lit tout ce que l'on dit sur la nécessité, pour l'Église, de se mettre au diapason du monde, c'est-à-dire d'accepter l'avortement comme un fait normal, le divorce comme une mesure de stabilité de l'amour, l'homosexualité comme une autre façon d'avoir le plaisir sexuel, on se dit qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. L'Église est là pour être la lumière des nations. Elle n'est pas là pour leur plaire!
Derrière les apparences du synode, ne se produit-il pas, en fait, une bataille d'écoles de théologies morales catholiques qui n'avaient jamais pu encore se confronter jusque-là à un tel nouveau?
Oui, je crois qu'il y a cela! Et j'ajoute que ce phénomène n'est pas nouveau. Dans ce synode, deux ou plusieurs théologies morales se sont affrontées, plusieurs écoles se sont disputées. Pour une bonne partie des experts, combien sont-ils? Le problème à résoudre n'est pas celui des divorcés remariés mais c'est celui de Veritatis Splendor l'encyclique de Jean-Paul II! C'est là où le bât blesse. Il y a diverses écoles: l'option fondamentale de Joseph Fuchs S. J., le proportionalisme de Peter Knauer, S.J. la systémie de Xavier Thévenot SDB et de Edgard Morin, l'école de Tubingen, l'école argentine de Lucio Gera, de Rafael Tello, de Juan Carlos Scannone,S.J. s'unissent pour faire disparaître Veritatis Splendor et sa théologie morale objective!
Une théologie où il est dit que «l'objet» moral est le point d'appui de la raison dans la recherche de la vérité morale. Or, on ne veut pas d'une théologie qui affirme l'existence d'une réalité morale malgré la fluctuation des circonstances. On veut bien de l'intention morale, on veut bien des circonstances qui en modèlent la pratique, mais on ne veut pas d'une application objective des principes de la loi morale, à la recherche honnête du bien. Cet affrontement des idées, ce combat des concepts est peut- être la cause d'une certaine confusion du langage qui risque, si on en croit les débats actuels, de diminuer la fécondité du synode. Peut-être a t-on le droit de penser à cette phrase de la Genèse «c'est là que Yahvé confondit le langage de tous» Gn 11,9. Une présence paradoxale de l'Esprit Saint!
En quoi ce synode serait un échec, en quoi peut-il être un succès?
Un synode n'est qu'une Assemblée partielle dans l'Église, il est là pour conseiller le Pape dans son rôle de Pasteur suprême et de gouvernement de toute l'Église. Le synode n'est pas un Concile, il n'engage pas l'autorité magistérielle infaillible de l'Église. Ni même l'autorité du Pape dans son magistère ordinaire. Tout dépend de ce que le Pape décide. Mais on attendait du Synode qu'il inaugure, pour toute l'Église, une véritable refonte de la Pastorale du Mariage et de la Famille. C'était peut-être un projet ambitieux. Peut-être faudra-t-il se contenter d'un début d'orientation. Nous sommes toujours pressés, et nous ne savons pas encore après plus de vingt siècles de Christianisme, laisser du temps à l'Esprit Saint.
[↩]
(source: Famille Chrétienne)
Pour l’évêque de Bayonne, l’exhortation apostolique Amoris lætitia appelle à se garder de toute dialectique doctrinale.
Quelle votre impression générale à la lecture de l’exhortation apostolique Amoris lætitia ?
C’est un très beau texte, qui a du souffle et qui assume pleinement l’enseignement de l’Église. Le pape François intègre des données absentes chez ses prédécesseurs comme la question du gender ou des mères porteuses, qu’il juge sévèrement, ainsi que, comme il dit, l’accélération de la « destruction juridique de la famille ». Mais il cite aussi abondamment les catéchèses sur la théologie du corps de saint Jean-Paul II, ainsi que le passage de Deus caritas est de Benoît XVI sur l’eros et l’agapè. Ce texte porte aussi la marque personnelle du pape. On la voit notamment dans le magnifique quatrième chapitre de cinquante pages consacré à l’amour dans le mariage. C’est un prolongement pastoral de l’enseignement de l’Église. Cette dimension personnelle est intéressante parce que, même quand il dit qu’il ne fallait pas attendre de ce document un changement de la discipline de l’Église, il l’assume de manière tout aussi personnelle.
Pourquoi dites-vous que ce texte porte la marque personnelle du pape ?
C’est l’approche d’un pasteur. François insiste beaucoup sur l’accompagnement personnel des processus de croissance et sur une Église proche des réalités. Ce qu’il dit par ailleurs dans le cadre de ce Jubilé sur la Miséricorde et qu’il disait déjà dans Evangelii gaudium. Quand il insiste sur ces réalités, il ne dit pas qu’il faut adapter la législation de l’Église aux réalités, mais rejoindre les gens dans ce qu’ils vivent de beau et, aussi, de blessé. Par deux fois il souligne que ce qui prime n’est pas la « pastorale des échecs » mais la promotion du mariage et de la famille comme une réponse aux aspirations de nos contemporains, en particulier des jeunes.
Y a-t-il aussi la trace de sa formation jésuite ?
Il y a de fait une dialectique interne à la pastorale : en effet, il s’agit d’incarner l’idéal exigeant du mariage et de la famille dans la vie concrète des personnes. Le pape François nous demande d’y être attentifs avec la même charité, compassion, miséricorde que le Seigneur. Mais il ne s’agit pas de transiger sur les exigences de la vérité. À mon avis, c’est important : il faut distinguer cette dialectique pastorale d’une dialectique doctrinale.
Quelle serait cette dialectique doctrinale ?
Ce serait celle qui opposerait les « conservateurs », qui pourraient avoir tendance à se réfugier derrière les principes de manière parfois rigide, et les « progressistes », qui voudraient changer la doctrine et la discipline de l’Église pour l’adapter aux réalités concrètes de la vie des personnes. Le pape François n’est pas dans cette optique de changement de la doctrine ni de la discipline. Il est dans la dialectique du pasteur qui prend à bras le corps la réalité. C’est cela qu’il faut surtout souligner. À la lumière de la parole de Dieu et de l’enseignement de l’Église, que le pape François assume sereinement.
Ce texte change-t-il la législation canonique sur la communion ?
Dans une note de bas de page n. 351, le pape François parle de l’aide que l’Église peut apporter aux personnes et qui pourrait aller, dans certains cas, jusqu’aux sacrements. Mais cette note ne vise pas particulièrement les divorcés remariés. Elle concerne toutes les situations irrégulières. Cette note, qui ne donne d’ailleurs aucune préconisation pratique, doit être éclairée par le principe fondamental qui est qu’on ne changera pas la législation canonique. En effet, dans le paragraphe 300, il explique : « on ne devait pas attendre du Synode ou de cette Exhortation une nouvelle législation générale du genre canonique, applicable à tous les cas. » Puis, plus loin : « étant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité (cf. Familiaris consortio, n.34), [le] discernement [qui oriente les fidèles à la prise de conscience de leur situation devant Dieu, Ndlr.], ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Évangile proposées par l’Église. »
A celui qui attendait une révolution du point de vue de la discipline en vigueur sur l’accès des divorcés-remariés aux sacrements de Réconciliation et d’Eucharistie, sa possibilité n’est même pas mentionnée. Et s’il y a « ouverture », elle est d’ordre pastoral et concerne l’accompagnement et l’intégration des personnes à la vie de la communauté ecclésiale. En somme, il développe ce que Jean-Paul II a dit dans Familiaris consortio, avec son approche essentiellement pastorale et des éléments très concrets pour la vie du couple et de la famille. En cela, le chapitre quatrième – le plus original – sur l’amour dans le mariage, est exemplaire, non moins que le cinquième sur la fécondité du mariage.
Quel est le véritable enjeu sorti de ce document ?
Le véritable enjeu, c’est l’approche pastorale, qui doit être faite de proximité avec les gens, d’attention aimante aux réalités de la vie concrète. Aux agents pastoraux, le pape François semble dire : « Je comprends que vous désiriez un enseignement clair et sans confusion, mais ne soyez pas éloignés des réalités concrètes des gens, sous prétexte que vous êtes fidèles à l’enseignement de l’Église. Ce n’est pas parce que vous vous salirez les mains avec un peu de la boue des réalités parfois blessées de la vie des gens, que vous ne devrez pas leur présenter l’idéal exigeant du mariage et de la famille. Donc soyez-là, proches, compatissants, montrez-leur qu’ils appartiennent à l’Église, ouvrez-leur un chemin de croissance, aidez-les, en éclairant leur conscience, mais sans se substituer à elle, à participer toujours plus, selon leur état, à la vie de l’Eglise. »
En temps que pasteur, comment recevez-vous ce message ?
Je me sens conforté dans ma mission et par rapport aux orientations pastorales familiales que nous mettons en œuvre dans notre diocèse. Dans le diocèse de Bayonne, nous organisons des journées avec les divorcés remariés et les divorcés non remariés. Je suis présent, je leur dis qu’ils sont d’abord des baptisés et que je suis leur Pasteur ; je leur donne un espace de parole ; puis je leur propose de cheminer avec eux, comme les disciples d’Emmaüs, à la lumière de la Parole de Dieu lue en Eglise, et conformément à la discipline de l’Eglise…
Nous avons mis en place aussi, avec une dizaine de bénévoles formés, ce que nous avons appelé « l’accueil Louis et Zélie », comme « un hôpital de campagne », selon l’expression du Pape François, pour accueillir, écouter, accompagner toutes sortes de situations de difficultés ou de blessures de la relation affective, de la fertilité, de la vie de couple ou de famille…. Des gens pas forcément pratiquants réguliers viennent avec leurs situations difficiles et trouvent un éclairage, un réconfort, une espérance dans leur cheminement, par ce que dit l’Église, qui est « experte en humanité » (Paul VI).
Comment interprétez-vous la lettre des cardinaux au pape pour le dissuader d’ouvrir la communion aux divorcés remariés ?
Je pense que cette lettre a largement précédé la publication de l’exhortation. Dans ce sens, je suppose que c’était une manière d’alerter respectueusement le Pape sur les groupes de pression, y compris à l’intérieur de l’Eglise, qui pouvaient bien faire du lobbying, par medias interposés, pour « revendiquer » la communion pour les divorcés-remariés, qui semblait focaliser l’attention du grand nombre. On peut constater en tout cas que ces groupes seront déçus : la question n’est pas explicitement évoquée et la proposition pratique du Cardinal Kasper a même complètement disparu. Ne nous étonnons pas qu’il puisse y avoir au sein de l’Eglise des diversités d’approches, voire des désaccords dans la formulation de la doctrine et dans son application. C’est la preuve que l’Eglise est un Corps vivant. Ce qui est sûr, c’est que, quelle que soit la partition de chacun, l’Esprit Saint assiste le Successeur de Pierre et un consensus, je ne dis pas un compromis, finit toujours par se faire jour.
(@) Samuel Pruvot
[↩]
******************** 8 Avril 2016 ********************
EXHORTATION APOSTOLIQUE
POST-SYNODALE
"AMORIS LAETITIA"
DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS
[↩]
******************** 27 Octobre 2015 ********************
"Synode : l'Eglise catholique devient-elle protestante ?"
Interview d'Aline Lizotte par Jean-Marie Guénois
(source: Le Figaro)
LE FIGARO. - Même s'il n'a pas pris position pour éviter un vote négatif d'une partie des évêques, le synode a suggéré au pape, et cela a été voté, que la question de la communion des divorcés remariés ne soit plus réglée par un oui ou par un non, mais à travers un «discernement» au cas par cas, selon des critères préétablis par l'Eglise: est-ce une évolution notable de la théologie morale catholique?
Aline LIZOTTE. - Les numéros 84, 85 et 86 de la relation synodale sont pour le moins confus sinon ambigus. On n'y parle pas directement d'interdiction ou de permission de communier, mais de trouver les divers modes d'intégration en vue d'une meilleure participation à la vie communautaire chrétienne.
Parmi ces différents modes d'intégration, il y aurait la permission de devenir parrains, de faire la catéchèse, de lire les textes à la messe, bref, de participer aux actes qui préparent à la vie sacramentelle.
Mais il y a aussi la possibilité de communier. Jean Paul II n'était pas allé aussi loin. Tout en refusant fermement la possibilité de participer à la communion, il avait, lui aussi, bien affirmé que les divorcés faisaient partie de la communauté chrétienne - ils n'étaient pas excommuniés - et qu'ils devaient s'unir à la prière de l'Eglise, participer au sacrifice eucharistique et prendre part aux oeuvres de charité sociales.
Aujourd'hui le numéro 84 du document final va plus loin, puisqu'il parle de «dépasser» les «exclusions» dans le domaine liturgique, éducatif, pastoral et … «institutionnel». Ce mot est vague mais il est très important car il peut tout désigner dans l'Eglise. Qu'est ce qui empêcherait en effet un divorcé remarié de devenir diacre…
Quant au numéro 85, il exagère une distinction capitale pourtant clairement établie par Jean-Paul II et qui appartient depuis toujours à la théologie morale: cette distinction, exprimée dans Veritatis Splendor (nos 54-64) et dans la somme théologique de saint Tomas d'Aquin Ia-IIae, q.18, a.3, permet de faire une différence entre ce qui est «objectif» dans un choix moral et ce qui dépend des «circonstances». Mais, le document final donne, aux circonstances, une importance démesurée qu'elle n'a pas dans l'équilibre classique de la théologie morale.
On introduit donc un déséquilibre?
On veut donner plus de place, désormais, aux circonstances. Or la distinction classique montre qu'il y a des actes moraux qui sont objectivement graves, même si, effectivement, certaines circonstances, propres à la personne, permettent d'en diminuer la responsabilité, voire de l'annuler.
Il y a donc une différence entre la réalité objective d'un acte et ce que l'on appelle «l'imputabilité» de l'acte, sa charge morale, si je puis dire, qui repose, ou non, sur les épaules de celui qui a commis cet acte. C'est ce qu'enseigne le Catéchisme de l'Eglise Catholique (no 1735). Jean-Paul II a d'ailleurs appliqué cette distinction au discernement pastoral des pasteurs et des confesseurs lors de la direction spirituelle des consciences.
Et cette distinction - appliquée à l'échec d'un mariage et le divorce - éclaire la culpabilité dans la conscience morale. Car une chose est une séparation qui aboutit à un divorce dont l'auteur a tout fait pour plaquer son conjoint en l'abandonnant à sa solitude avec la charge de ses enfants ; une autre chose est l'état du conjoint «ainsi répudié» qui a tout tenté pour conserver son engagement matrimonial et qui se trouve acculé à un état de vie, difficile ou quasi impossible. Un état dont il ne porte pas la responsabilité. C'est une victime.
Surgit alors cette question cruciale: cette personne - homme ou femme - en se remariant commet-elle un péché «d'adultère» qui, en tant que péché, l'entrainerait à s'éloigner de la communion? Et peut-on la juger de la même manière que son conjoint qui l'a plaquée et qui s'est remarié?
Que répond sur ce point le Synode?
Sur ce point la relation synodale est loin d'être claire…Elle est même ambigüe!
Pourquoi?
Nous sommes, en effet, face à deux actes objectivement différents: Une chose est de ne pas se juger coupable, au for interne, c'est-à-dire dans sa conscience, de l'échec de son mariage et même d'aller jusqu'à la conclusion intime que ce mariage était invalide. Autre chose est de s'appuyer sur cette seule conscience - même assisté par un conseiller spirituel, voire d'un évêque - pour prendre la décision de se remarier. En se disant, en somme, je ne suis pas coupable - en conscience - de l'échec de mon mariage, j'ai même la conviction intime que mon premier mariage est invalide ; en me remariant, je ne commets donc pas un adultère ainsi je peux communier.
Or, et c'est là le fond du problème, la condition de commettre, ou de ne pas commettre un adultère, ne dépend pas uniquement des conditions intérieures du jugement de conscience mais elle dépend de la validité, ou de la non validité du premier mariage.
Ce qui ne relève pas uniquement du for interne de l'un des conjoints, ou, autrement dit de sa seule conscience profonde, mais du for externe, c'est-à-dire des critères objectifs de la loi! Donc, déterminer de la validité ou non, d'un consentement - fondateur du mariage - n'est pas une question de conscience qui n'appartiendrait qu'à un seul des deux conjoints. Ce sont les deux personnes qui sont engagées.
Il ne s'agit pas simplement de se dire: «je sens, j'ai toujours pensé, que mon mariage n'était pas valide»... Certes, la conscience peut-être loyale, mais elle peut-être aussi objectivement erronée. En ce sens, il est inexact de dire comme le proclame Mgr Cupich, l'archevêque de Chicago, que la conscience est toujours inviolable.
Je parle donc d'ambiguïté parce que les critères donnés au n°85 du document final du synode sont justement prévus pour aider la personne, son confesseur et même son évêque à juger de la droiture et de l'honnêteté de sa conscience. Mais, je regrette, ces critères ne sont pas suffisants pour conclure avec certitude de la validité ou de la non validité du premier mariage.
Quels risques voyez-vous?
Agir dans ce sens va conduire à mettre en place une sorte de système de «consulting spirituel», de coaching interne qui aideront les consciences à ne plus se sentir coupables d'un remariage. Fortes de leur subjectivité elles estimeront avoir le droit à un remariage en bonne et due forme. Ce n'est pas par hasard que Jean-Paul II, pour énoncer l'interdiction de la communion pour les divorcés remariés, avait bien pris soin d'établir cette distinction qui démontrait que «l'examen de conscience» dont parle aujourd'hui le document final n'est pas suffisant pour évaluer la situation objective et la situation du conjoint lésé.
Cette ouverture, doublée de la facilitation des procédures d'annulation canonique du lien du mariage décidée par le pape François en septembre dernier, ne contribue-t-elle pas à créer, dans l'opinion, l'idée que l'Eglise vient d'inventer le «divorce catholique»?
Pour l'Église catholique le problème auquel elle doit faire face n'est pas celui des divorcés remariés mais celui de la crédibilité de son mariage. En quoi sa doctrine du mariage a-t-elle encore une influence sur la vie des gens et même sur ses propres fidèles… Mais d'où vient le problème? Vient-il du changement sociétal, assez impressionnant ou vient-il des insuffisances d'une pastorale inadéquate? On pensait la doctrine acquise, on s'aperçut que ce ne l'était pas. Dans cette perspective, il faut bien comprendre que le problème des divorces remariés apparaît comme un cas type, sur lequel on réfléchit comme sur un cas le plus difficile à résoudre. On a espéré le résoudre uniquement par la voie pastorale… sans changer les affirmations doctrinales. Mais cela touche à la quadrature du cercle car la pastorale découle de la doctrine! Elle est, en prudence, son application. Changer une pastorale sans changer de doctrine dans les points essentiels de cette doctrine, c'est un problème impossible à résoudre. La doctrine de l'Église catholique est en effet claire et ferme: un mariage validement célébré (ratum) et consommé (consumatum) est indissoluble. J'ajoute que la facilité que donnent les législations civiles, divorce à l'amiable, pacs, admission du concubinage, rend l'engagement absolu et pour toute la vie moins tentant. Les difficultés conjugales s'amoncelant on recourt donc à une législation civile pour rompre un mariage et même en contracter un second ou un troisième. Mais, en doctrine, ces mariages, sont pour l'Église, «nuls» au sens juridique et aucun ne rompt la validité du premier mariage si ce dernier est déclaré valide.
Si l'ouverture qu'amorce ce synode sur le jugement de conscience, jointe à la facilité des procédures qui sera mis en vigueur par le Motu Proprio Mitis Iudex Dominus Iesus e Mitis et Misericors Iesus du 8 septembre 2015, pour l'obtention d'un décret de nullité on risque d'aller en pratique, non vers un «divorce à la catholique» mais vers une sorte de conception protestante de la liberté de conscience. Car la conscience, comme je viens de l'expliquer ne peut pas seulement se fonder sur le seul ressenti qu'elle perçoit, ou non, de la gravité de ses actes, mais sur des critères objectifs de la loi morale.
L'Eglise, sur ce point, manque-t-elle de «cœur» comme l'a dit le Pape? N'est-elle pas trop dure en ne parlant que de «loi»? Sur quoi l'Eglise se fonde-t-elle, au juste, pour affirmer qu'un premier mariage, s'il est valide, donc librement consenti et pour la vie, est par nature indissoluble? Et pourquoi ne peut-elle pas évoluer sur l'indissolubilité du mariage?
L'Église peut évoluer sur des questions qui découle de son droit propre. Ainsi elle évolue sur beaucoup de questions: réformes liturgiques, réforme de la pénitence pendant le carême, réforme sur les fêtes de préceptes, reforme sur l'état clérical, reforme sur l'exercice de l'autorité dans l'Église (collégialité), reforme de procédures sur les demandes de décret de nullité du mariage, réforme sur les vœux de religion. Depuis Vatican II, on a vu s'abattre une somme de réformes qui ont façonné de façon directe notre comportement extérieur vis-à-vis de Dieu et notre agir communautaire envers nos frères. Les réformes ont d'ailleurs été tellement importantes qu'il a fallu réécrire et promulgué une nouveau Droit Canon (1983).
Mais il y a des domaines qui ne sont pas du droit de l'Église. D'abord parce qu'aucun Pape n'a fondé et ne fonde l'Église. C'est toujours Jésus-Christ qui bâtit son Eglise. Ensuite parce que le Christ a laissé à l'Église des moyens de participer à sa vie, à sa prière, à son mystère de salut, moyens qui sont liés à sa volonté: ce sont les sacrements et leur substance sur lesquels l'Église n'a aucun pouvoir. Il faut toujours de l'eau pour baptiser ; il faut toujours du pain et du vin pour une consécration eucharistique ; il faut toujours une accusation orale des péchés - on ne peut faire cela par correspondance ou par internet - pour recevoir le sacrement de la Réconciliation. Enfin il faut toujours que l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, pour qu'un consentement matrimonial ait valeur de sacrement. Cette substance sacramentelle n'appartient pas à l'Église.
Ainsi, le mariage que Dieu a institué est hétérosexuel, monogame, indissoluble et ouvert à la vie. Ces propriétés du mariage l'Église ne les invente pas, elle les reçoit du Christ lui-même. Si elle peut changer la discipline, par exemple, l'âge de la première communion, le ministre du baptême, les conditions de l'onction des malades etc ; elle ne peut changer la substance du sacrement. Or, l'indissolubilité fait partie essentiellement du sacrement du mariage.. Et sur cette question l'Église n'a aucun pouvoir d'en changer.
Mais les personnes, ces couples qui ont vécu un échec, l'Eglise peut-elle ignorer leur souffrance? Ce fut une demande constante pendant ces vingt jours de synode?
Pour l'Église catholique, ce problème des divorcés remariés est un problème épineux. Il y a là une structure de péché, c'est-à-dire, une situation qui porte à user du mariage comme si on était marié alors qu'on ne l'est pas, puisque le premier mariage est toujours valide. Cependant, dans l'Église, ces personnes ne sont pas exclues de la communauté chrétienne. Elles sont comme tous les chrétiens, conviés à la participation à l'Eucharistie du dimanche. Cependant, elles ne peuvent pas communier. Convoquées à un sacrifice de communion, elles ne peuvent pas y participer pleinement.
Poser la question sur les divorcés remariés c'est donc réfléchir sur le cas type par excellence.
C'est dur à dire mais sur le plan canonique et philosophique ces personnes se sont mises volontairement et peut-être inconsciemment dans une situation impossible. Elles usent d'un droit qu'elles n'ont pas, car elles sont liées - par leur parole donnée sacramentellement - à une autre personne. Non seulement, elles ne respectent plus la parole donnée devant Dieu mais elles usurpent le droit de l'autre, de la femme abandonnée du mari humilié. Certes elles se justifient en invoquant l'échec du premier mariage et la réussite du second. Pourquoi leur refuserait-on donc le droit de «refaire leur vie»? Pourquoi même, si l'on dit qu'elles ne sont pas exclues de la communauté chrétienne, leur refuserait-on le droit à la communion? Cette communion n'est-elle pas le signe de l'appartenance à la communauté? Toute la communauté est invitée, à la Messe, au festin des Noces de l'Agneau? Pourquoi pas eux? Souvent, ils vivent honnêtement, en toute fidélité et dévouement au nouvel époux ou épouse, ayant de nouveaux enfants, ayant une nouvelle famille? Pourquoi ce durcissement de la pastorale qui se veut avant tout fidèle à une doctrine juste, mais qui semble surtout manquer de miséricorde? Voilà le dilemme que l'on pose entre le doctoral et le pastoral! Mais la question est de savoir si ce dilemme est réellement un dilemme doctoral vis-à-vis d'une pastorale inadéquate? Ou une mauvaise façon de poser le problème…
Et permettez-moi d'ajouter que le fait d'avoir introduit le jugement de conscience dans la mêlée, n'a rien éclairci, au contraire, cela pose encore plus de problèmes. Quels sont les chrétiens, les catholiques, qui savent vraiment ce qu'est un jugement de conscience, qui sont capables du discours moral qu'il demande ou qui en ont même le courage? Quels sont les pasteurs suffisamment aptes à aider le chrétien à poser ce jugement de conscience? Car un jugement de conscience ne part pas de son état subjectif, de son psychisme, de son désir, mais il doit toujours partir de la loi? Un épouse délaissée peut avoir conscience que dans l'échec de son mariage, elle n'y est pour rien - c'est un cas rare - mais lorsqu'elle examine une décision à prendre sur un remariage la conscience doit poser objectivement la question: en conscience, je ne suis pas coupable de l'échec de mon premier mariage, mais si ce premier mariage est valide, l'échec me donne-t-il le droit moral de me remarier civilement?
En attendant, affirme le pape François, l'Église a comme le devoir de chercher une voie nouvelle pour venir en aide aux difficultés concrètes des divorcés remariés…
L'Église a toujours le devoir de venir en aide à tous ses enfants et l'obligation de ne pas alourdir le joug que peut constituer l'obéissance aux devoirs du chrétien. «Mon joug et doux et mon fardeau léger Mt XI,30, dit le Seigneur. La mission de l'Église n'est pas de le rendre impossible à porter. Ce joug est doux et ce fardeau léger parce que le Seigneur donne la grâce de le porter. Mais quelles sont les vraies difficultés des divorcés remariés? Celles de ne pas communier? On nous parle d'eux comme des gens heureux ayant réussi un second mariage alors que le premier a échoué. Mais ce mariage échoué, cette femme abandonnée, cet homme méprisée, ces enfants ballotées, celui ou celle que l'on charge de tous les torts, de toutes les malveillances, on n'arrive pas à l'oublier. Même s'il y a eu divorce et qu'il était raisonnable de demander le divorce, la nouvelle femme, le nouvel homme qui habite un nouveau lit, n'y trouve pas en réalité un véritable lieu conjugal car le passé est toujours présent, chez un être humain il ne peut s'effacer. Cette plainte revient très souvent: je l'aime toujours, même si je trouve un bonheur sexuel avec l'autre. Et il faut affronter la révolte et la honte des enfants. Que l'on divorce, oui si c'est nécessaire, cela vaut mieux que les continuels affrontements, les violences verbales, les mensonges répétés. Mais que le conjoint qui part se remarie, cela créé une sourde révolte qui est un tabou dans notre société. Plus ils sont adultes, plus les enfants sont révoltés. Ils seront maintenant des enfants de divorcés. Et cela ne s'avale pas facilement!
La voie nouvelle n'est donc pas la communion eucharistique. Elle risque fort d'amplifier la souffrance comme, si en plus d'avoir trompé sa femme ou son mari, on en venait à tromper aussi Dieu. C'est terrible à dire mais chacun sait, au fond de lui, s'il y croit un tant soi peu qu'on ne trompe pas Dieu. Pour suivre et conseiller de nombreuses situations de ce genre dans le cadre de l'Institut Karol Wojtyla je peux vous affirmer, non sur la base d'une théorie, mais sur celle de l'expérience et de témoignages douloureux que ce sentiment intérieur, ce sensus fidei, qui demeure tapi dans la conscience profonde de ces époux brisés est plus fort que toute concession juridique si jamais l'autorisation de la communion devenait une concession juridique.
C'est pourtant la voie que François semble bien vouloir ouvrir…
Oui, il faut une pastorale nouvelle pour les divorcés remariés, comme il en faut une pour les concubins qui demandent le mariage, comme il en faut une pour ceux qui sont civilement mariés et qui «veulent se mettre en règle». Il faut une pastorale qui fasse comprendre que le mariage sacramentel n'est pas une permission de «coucher ensemble» sans faire de péché. Mais que le sacrement de mariage donne, aux époux, une participation particulière à entrer dans le mystère d'alliance proposé par Dieu à toute l'humanité. Mystère dont le Christ est le garant en devenant l'Epoux de l'Église. La vérité du sacrement de mariage doit être proposée à toute personne qui passe d'une situation irrégulière à une situation de grâce.
Pour les divorcés remariés, c'est plus délicat. Le sacrement de mariage, le premier, le seul valide est encore vivant, il n'est pas mort. Les grâces de ce sacrement existent toujours. Comment les rendre efficaces pour accepter, de part et d'autre, entre l'époux blessé et lésé et l'époux unit «invalidement» à un autre conjoint, une vraie réconciliation dans le Christ, réconciliation toujours possible par un vrai pardon, par une nouvelle fidélité au jus corporis, du conjoint abandonné. Le jus corporis, c'est dans le droit romain, le ‘droit du corps' que chaque conjoint a sur le corps de l'autre. Arriver à mettre cela en acte serait une vraie pastorale du mariage! On ne peut manquer de s'étonner que les Pères synodaux n'y aient pas songé.
Ils ont plutôt mis en avant la conscience intime pour justifier cette prise de distance de la loi morale objective, cela peut se comprendre aussi. La morale de l'Eglise n'était-elle pas trop sur «l'objectif» et pas assez sur le «subjectif» qui est tout de même le sanctuaire profond de la personne?
La conscience intime n'est jamais une prise de distance vis-à-vis de la loi morale objective. La conscience intime pose deux actes dit saint Thomas d'Aquin: elle juge ou elle reproche. Elle juge de la bonté morale d'un acte particulier, personnel et singulier... à la lumière de la loi morale qui est là pour l'éclairer. Et elle doit juger à partir du droit. Par exemple: j'ai froid, je suis sans abri, il y a en face de moi, une maison désaffectée. Est-ce que je commets un vol si je la squatte pour l'habiter le temps de me trouver un autre logement? Non, car le droit à l'usage des biens matériels dit l'Eglise est prioritaire sur le droit de propriété et tout propriétaire doit assistance à une personne en danger. Autre exemple: je suis seule, sans amour, je veux un père pour mes enfants, j'ai été abandonnée par mon premier mari? Est-ce que j'ai le droit de me remarier civilement et de vivre matrimonialement avec cet homme que j'aime? Si le Pasteur à qui la question est posée, répond, «oui, car vous n'êtes pas coupable dans l'échec de votre premier mariage» cela signifie que ce pasteur ne tient aucun compte de l'indissolubilité du mariage. Cette loi de l'indissolubilité n'aurait de force que dans une sorte d'idéal. Elle ne vaudrait que pour les «heureux», les «purs». Chaque personne qui aurait des difficultés avec la loi morale, aurait donc le droit de faire tomber la loi. Personne n'est obligé de faire ce qui est objectivement mal pour qu'il en ressorte un bien subjectif. Cela peut sembler très dur... mais le respect de la volonté de Dieu, de ses exigences amène à plus de bonheur que d'en construire un autre en édulcorant ses propres lois sous prétexte de miséricorde.
Mais l'Église n'a-t-elle pas à un vrai problème avec sa morale - suivie par très peu - ce synode lui offre la possibilité de changer cette culture morale familiale pour mieux s'adapter. N'est-il pas temps de le faire?
J'ai été amené un jour à conseiller une religieuse. Je lui demande ‘combien y avait-il d'enfants chez-vous'? Elle me répond avec un léger sourire pressentant le sursaut que me causerait sa réponse: ‘nous étions vingt-deux'! Devant ma surprise, elle me dit, ‘oui mon père qui était ministre avait trois femmes et nous, les enfants, nous savions très bien qui était notre mère. Notre père, lui, s'occupait de nous tous. Tous les matins, avant de partir au travail, il nous réunissait, nous faisait le catéchisme et après l'avoir embrassé nous partions chacun dans notre école ou à notre travail'. C'est un vrai modèle de famille patriarcale qui semblait fonctionner pas trop mal… Mais je n'ai jamais vu ce modèle en Occident. Ce que je vois de plus en plus, c'est un homme ou une femme qui me dit: ‘j'ai cinq ou même dix frères et sœurs, mais, si nous avons tous la même mère, nous n'avons pas tous le même père. Et l'homme avec qui vit ma mère aujourd'hui, n'est pas mon père…' C'est une famille recomposée. Jamais je n'ai trouvé de bonheur sur le visage de celui ou de celle qui me parle de cette famille nouveau genre... Est-ce là la nouvelle culture familiale? J'ai rencontré une toute jeune fille qui disait à sa petite amie, ‘moi j'ai de la chance, à Noël, j'ai deux papas qui me donnent plein de cadeaux'. Cela a duré jusqu'au jour où, la petite amie, a invité la jeune fille, à un week-end dans sa famille, une famille où il n'y avait qu'un papa qui ne donnait pas souvent des cadeaux mais qui aimait sa femme et ses enfants. Et la jeune fille comblée de cadeaux est sortie songeuse de ce week-end. ‘Tu as bien de la chance, toi', dit-elle à son amie!
Mais, je vous demande, quand donc la morale de l'Église a-t-elle été populaire? A quelle époque de l'histoire a-t-on été pleinement d'accord avec la morale de l'Église? L'Église est-elle faite pour aimer le monde, être du monde, penser comme le monde? Est-ce cela, sa mission? Quand on lit tout ce que l'on dit sur la nécessité, pour l'Église, de se mettre au diapason du monde, c'est-à-dire d'accepter l'avortement comme un fait normal, le divorce comme une mesure de stabilité de l'amour, l'homosexualité comme une autre façon d'avoir le plaisir sexuel, on se dit qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. L'Église est là pour être la lumière des nations. Elle n'est pas là pour leur plaire!
Derrière les apparences du synode, ne se produit-il pas, en fait, une bataille d'écoles de théologies morales catholiques qui n'avaient jamais pu encore se confronter jusque-là à un tel nouveau?
Oui, je crois qu'il y a cela! Et j'ajoute que ce phénomène n'est pas nouveau. Dans ce synode, deux ou plusieurs théologies morales se sont affrontées, plusieurs écoles se sont disputées. Pour une bonne partie des experts, combien sont-ils? Le problème à résoudre n'est pas celui des divorcés remariés mais c'est celui de Veritatis Splendor l'encyclique de Jean-Paul II! C'est là où le bât blesse. Il y a diverses écoles: l'option fondamentale de Joseph Fuchs S. J., le proportionalisme de Peter Knauer, S.J. la systémie de Xavier Thévenot SDB et de Edgard Morin, l'école de Tubingen, l'école argentine de Lucio Gera, de Rafael Tello, de Juan Carlos Scannone,S.J. s'unissent pour faire disparaître Veritatis Splendor et sa théologie morale objective!
Une théologie où il est dit que «l'objet» moral est le point d'appui de la raison dans la recherche de la vérité morale. Or, on ne veut pas d'une théologie qui affirme l'existence d'une réalité morale malgré la fluctuation des circonstances. On veut bien de l'intention morale, on veut bien des circonstances qui en modèlent la pratique, mais on ne veut pas d'une application objective des principes de la loi morale, à la recherche honnête du bien. Cet affrontement des idées, ce combat des concepts est peut- être la cause d'une certaine confusion du langage qui risque, si on en croit les débats actuels, de diminuer la fécondité du synode. Peut-être a t-on le droit de penser à cette phrase de la Genèse «c'est là que Yahvé confondit le langage de tous» Gn 11,9. Une présence paradoxale de l'Esprit Saint!
En quoi ce synode serait un échec, en quoi peut-il être un succès?
Un synode n'est qu'une Assemblée partielle dans l'Église, il est là pour conseiller le Pape dans son rôle de Pasteur suprême et de gouvernement de toute l'Église. Le synode n'est pas un Concile, il n'engage pas l'autorité magistérielle infaillible de l'Église. Ni même l'autorité du Pape dans son magistère ordinaire. Tout dépend de ce que le Pape décide. Mais on attendait du Synode qu'il inaugure, pour toute l'Église, une véritable refonte de la Pastorale du Mariage et de la Famille. C'était peut-être un projet ambitieux. Peut-être faudra-t-il se contenter d'un début d'orientation. Nous sommes toujours pressés, et nous ne savons pas encore après plus de vingt siècles de Christianisme, laisser du temps à l'Esprit Saint.
******************** 21 Octobre 2015 ********************
Mgr Zbignevs Stankevics, archevêque catholique de Riga (Lettonie), a participé aux travaux du cercle mineur italophone B, dont les conclusions ont été publiées hier. Il affirme qu’une majorité des Pères synodaux est opposée à un changement de la discipline sur l’accès à la communion des divorcés remariés.
Plusieurs rapports de cercles mineurs ne sont pas favorables à un changement de discipline concernant les divorcés remariés. Est-ce le cas de l’ensemble des Pères synodaux à votre avis ?
Une majorité des Pères du synode est opposée à un changement de la doctrine concernant les divorcés remariés. D’ailleurs, je n’ai pratiquement pas entendu une seule voix le demandant. J’ai plutôt entendu certains Pères synodaux qui estimaient qu’il s’agissait d’une question de discipline, et que nous pouvions donc réfléchir à la modifier. Mais l’objectif de ces Pères synodaux, en changeant la discipline, est en réalité un changement de la doctrine. C’est pour cette raison que j’ai fait cette recommandation dans mon groupe : si nous n’avons pas d’unanimité sur ce sujet, nous devons réfléchir davantage avant de prendre une décision.
Quelle est la position de votre groupe linguistique (italien B) sur la question des divorcés remariés ?
Pour arriver à une unanimité dans mon groupe, il a été décidé de ne pas donner la sainte communion pour les personnes divorcées et remariées. C’est impossible, avons-nous estimé. Mais mon groupe a reconnu, comme le dit l’Instrumentum laboris, que, dans certains cas spécifiques et exceptionnels, la décision pouvait être laissée à l’évêque. Mais il s’agit de l’approche générale du groupe.
Quelle est votre approche personnelle ?
Mon approche était d’éviter toutes les choses suspectes. C’est-à-dire d’éviter toutes les choses qui ne sont pas encore approuvées par la tradition de l’Église et son enseignement.
Comment expliquez-vous que plusieurs évêques d’Europe de l’Est soient opposés à un changement de l’enseignement de l’Église ?
En Europe de l’Est, nous vivions la persécution il y a encore peu de temps. Beaucoup d’évêques ont sacrifié leur vie au nom de leur foi. Nous sommes donc très sensibles au moindre changement. Dès que nous sentons que quelqu’un essaie de changer l’essence de notre foi, nous avons peur. C’est pour cette raison que nous sommes si soupçonneux.
Les pays occidentaux raisonnent différemment. Selon leur approche, nous devons être ouverts, être en dialogue avec la société et nous devons faire preuve de compréhension. Nous devons aller aussi loin que possible dans notre rencontre avec l’autre. Cette approche, à l’ouest, est très démocratique mais elle peut aussi dans le même temps se transformer en une pensée relativiste et subjectiviste. Il faut faire attention à ne pas se laisser pénétrer par l’esprit du monde. C’est le cas lorsque nous utilisons cette affirmation : le monde change, donc l’Église doit aussi changer…
Mais l’Église peut aussi changer de vocabulaire, de langage pour mieux être comprise, comme l’ont proposé plusieurs groupes linguistiques ?
Je suis d’accord pour une modification de notre langage, mais dans la limite de la préservation de l’essence et du contenu de ce langage. Nous pouvons nous exprimer avec un langage nouveau, mais nous ne devons pas modifier notre rapport à Dieu. Le risque est de changer notre approche sur la question des divorcés remariés ou des personnes homosexuelles en changeant, non pas le langage, mais l’essence même de notre rapport à Dieu. Une partie des Pères synodaux ont ça à cœur, c’est la raison pour laquelle le combat a été si fort dans l’enceinte du synode.
Se remarier après avoir reçu une première fois le sacrement du mariage place dans un état permanent de péché, être installé dans une relation homosexuelle est un état permanent de péché. Nous devons faire attention à la distinction entre le péché et le pécheur. Nous devons avoir de la miséricorde pour le pêcheur, mais nous devons l’aider à renoncer à son péché. C’est pour cela que nous devons appeler le péché par son nom et en rappeler ses causes. C’est pour aider le pécheur à comprendre où est son erreur. Faire cela, c’est lui faire miséricorde. L’erreur serait au contraire de se taire et de ne pas dire la vérité. Le pécheur continuerait à vivre et nous, nous deviendrions des chiens muets qui n’aboient plus. Or, les prêtres et les évêques sont comme les Dominicains : ce sont des « chiens de Dieu » (dont la vocation était d'« aboyer contre les hérésies » et d’être les chiens du Seigneur surveillant le troupeau de brebis, Ndlr). Nous avons à tenir cette mission pour son Église et pour la société tout entière.
Samedi, le pape François a appelé à davantage de synodalité et à une nécessaire décentralisation de l’Église. Qu’en pensez-vous, partagez-vous son opinion ?
La décentralisation est un des principes fondateurs de l’enseignement social de l’Église. Le principe de subsidiarité, puisqu’il s’agit de lui, signifie que le sommet n’est pas là pour commander, mais pour laisser les niveaux inférieurs résoudre eux-mêmes leurs problèmes. Et s’ils n’y arrivent pas, alors il doit les aider.
Ce schéma est valable pour l’Église, avec une précision. La doctrine, la morale, le droit canonique et la liturgie sont les mêmes pour tous. À chaque pays ensuite de se les approprier pour les expliquer et les exprimer selon les mentalités locales et les cultures. Le pape estime qu’il y a aujourd’hui trop de contrôle de la part du Vatican et de la Curie, et qu’il est nécessaire de donner davantage d’autorité aux Églises locales. Cela ne veut pas dire remettre en cause l’enseignement ou la morale de l’Église.
Sur quel critère jugerez-vous de la réussite de ce synode ?
Si nous arrivons à obtenir une unanimité. Sauf peut-être deux ou trois évêques. Au cours de ce synode ont été exprimées beaucoup d’opinions différentes. Dans cette situation, il ne me semble pas possible d’opérer des changements profonds et majeurs. Notamment parce que nous ne parlons pas uniquement en notre nom, mais parce que nous portons la voix de nos Églises locales. Je suis le représentant de l’Église lettone, je représente la sensibilité de mes fidèles. Je ne peux pas oublier cela.
Interview: Antoine Pasquier
[↩]
****************** 5 Novembre 2015**********************
Mgr de Germay: « La pastorale des personnes divorcées
remariées est l’arbre qui cache la forêt »
Réunis en assemblée plénière jusqu’à samedi à Lourdes, les évêques de France ont évoqué, le 4 novembre, l’après-Synode sur la famille. Mgr Olivier de Germay, évêque d’Ajaccio, qui avait été désigné suppléant pour participer au Synode, a fait une intervention remarquée dans l’hémicycle.
Est-il légitime de conclure que le Synode a ouvert aux divorcés remariés la porte de la communion ?
Le rapport final ne parle pas explicitement de cette question. À la suite de Jean-Paul II, le pape François invite à prendre en compte la diversité des situations. Il évoque aussi des « critères de discernement » pour une meilleure intégration dans la communauté, mais sans préciser – ce qui rend le texte ambigu – si ces critères concernent aussi l’accès aux sacrements.
Pourquoi la communion focalise-t-elle tous les débats ?
La pastorale des personnes divorcées remariées est un peu l’arbre qui cache la forêt ! En réalité, nous avons un problème avec la pastorale de l’eucharistie. La dimension de repas a été beaucoup mise en avant, au détriment de la dimension de sacrifice. Mais si la messe n’est qu’un repas, on ne comprend plus ce que signifie participer à l’eucharistie sans communier. C’est pourtant ce que faisaient nos ancêtres qui communiaient deux fois par an. Je pense qu’il faut interroger notre pratique de la communion systématique et retrouver le lien avec le sacrement de la réconciliation.
Sous quelle forme les divorcés remariés peuvent-ils s’associer en vérité à la vie de l’Église ?
Le Synode invite effectivement à une meilleure intégration de ces personnes. Elles peuvent le faire de bien des manières, car la vie chrétienne ne se limite pas aux sacrements. Je pense par ailleurs qu’il n’est pas juste de dire qu’elles sont exclues de l’eucharistie. Elles peuvent réellement participer à l’eucharistie, non seulement en écoutant la Parole, mais aussi en s’associant au sacrifice du Christ, en faisant de leur vie « une vivante offrande à la louange de [sa] gloire ».
Accepter de ne pas communier, c’est se libérer de l’autojustification et poser un acte de fidélité au Christ et à l’Église. On est là au cœur du mystère pascal, et ce n’est pas sans grâce !
[↩]
Mgr de Germay: « La pastorale des personnes divorcées
#DivorcésRemariés : accepter de ne pas communier est un acte de fidélité au #Christ https://t.co/zZ8JfJofwn pic.twitter.com/A3faYvc0vh
— Famille Chrétienne ن (@FChretienne) 5 Novembre 2015
Réunis en assemblée plénière jusqu’à samedi à Lourdes, les évêques de France ont évoqué, le 4 novembre, l’après-Synode sur la famille. Mgr Olivier de Germay, évêque d’Ajaccio, qui avait été désigné suppléant pour participer au Synode, a fait une intervention remarquée dans l’hémicycle.
Est-il légitime de conclure que le Synode a ouvert aux divorcés remariés la porte de la communion ?
Le rapport final ne parle pas explicitement de cette question. À la suite de Jean-Paul II, le pape François invite à prendre en compte la diversité des situations. Il évoque aussi des « critères de discernement » pour une meilleure intégration dans la communauté, mais sans préciser – ce qui rend le texte ambigu – si ces critères concernent aussi l’accès aux sacrements.
Pourquoi la communion focalise-t-elle tous les débats ?
La pastorale des personnes divorcées remariées est un peu l’arbre qui cache la forêt ! En réalité, nous avons un problème avec la pastorale de l’eucharistie. La dimension de repas a été beaucoup mise en avant, au détriment de la dimension de sacrifice. Mais si la messe n’est qu’un repas, on ne comprend plus ce que signifie participer à l’eucharistie sans communier. C’est pourtant ce que faisaient nos ancêtres qui communiaient deux fois par an. Je pense qu’il faut interroger notre pratique de la communion systématique et retrouver le lien avec le sacrement de la réconciliation.
Sous quelle forme les divorcés remariés peuvent-ils s’associer en vérité à la vie de l’Église ?
Le Synode invite effectivement à une meilleure intégration de ces personnes. Elles peuvent le faire de bien des manières, car la vie chrétienne ne se limite pas aux sacrements. Je pense par ailleurs qu’il n’est pas juste de dire qu’elles sont exclues de l’eucharistie. Elles peuvent réellement participer à l’eucharistie, non seulement en écoutant la Parole, mais aussi en s’associant au sacrifice du Christ, en faisant de leur vie « une vivante offrande à la louange de [sa] gloire ».
Accepter de ne pas communier, c’est se libérer de l’autojustification et poser un acte de fidélité au Christ et à l’Église. On est là au cœur du mystère pascal, et ce n’est pas sans grâce !
[↩]
******************** 22 Mars 2016 ********************
La doctrine de l’Église sur la famille ne change pas. En attendant la publication de l’Exhortation apostolique post-synodale du pape, le cardinal Gerhard L. Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, s’apprête à sortir un livre-entretien intitulé « Rapport sur l’espérance » écrit avec le prêtre et journaliste espagnol Carlos Granados, directeur général de la Bac (Bibliothèque d’auteurs chrétiens). La revue espagnole pro-vie « Actuall » a diffusé quelques extraits sur la famille, qui occupe l’un des quatre chapitres de ce livre. La communion aux divorcés-remariés est encore une fois le sujet brûlant. La raison pour laquelle ces personnes ne peuvent pas recevoir la communion, explique le cardinal, réside dans « la nature même du droit divin de l’indissolubilité du mariage », et c’est pourquoi le synode, « a beaucoup insisté sur cette impossibilité ». Miséricorde ne veut pas dire « renoncer aux commandements de Dieu ou trouver une justification pour les suspendre ou les rendre nuls ». “Vas et ne pèche plus” dit Jésus à la femme adultère après l’avoir traitée avec grande miséricorde, rappelle le cardinal.
L’exemple de la femme adultère
Le cardinal Müller tient beaucoup à cet exemple et pense que c’est plutôt de là que devraient partir les pasteurs appelés à « accueillir et accompagner les divorcés-remariés avec délicatesse et chaleur », pour qu’ils s’intègrent dans la vie ordinaire de l’Église. À ceux qui pensent que la position de l’Église sur la morale sexuelle n’est pas réaliste, le cardinal Müller répond : « Le plus grand des scandales pour l’Église ne serait pas d’avoir en son sein des pécheurs, mais d’arrêter d’appeler par son nom la différence entre le bien et le mal et de la relativiser ; d’arrêter d’expliquer ce qu’est le péché ou prétendre de le justifier sous prétexte d’une plus grande proximité et miséricorde envers le pécheur ».
Ainsi, dans le mariage, « nous pouvons échouer dans notre vie commune, dans nos attentes humaines, mais l’action de Dieu, le sacrement en tant que tel, lui, n’échoue pas », souligne le chef du dicastère pour la doctrine de la foi. Le mariage « n’est pas un idéal, un reflet de mon désir, comme un enfant qui veut devenir astronaute… les idéaux sont souvent irréalisables ». Le mariage « est une réalité reçue de Dieu » et sa fin « non seulement n’est pas naturelle, mais surnaturelle : la sanctification des époux et de la vie ».
L’idéologie du gender
Le cardinal Müller aborde aussi la question de l’idéologie du gender (ou du genre), dénonçant une véritable « colonisation idéologique », selon l’expression du pape François. La question qu’il pose est la suivante : « Peut-on bâtir une société sans respecter les différences entre l’homme et la femme ? ». En poursuivant cet objectif, conclue-t-il, nous sommes comme Adam et Eve : nous nous mettons à la place de Dieu et nous désignons nous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal.
[↩]
Les "Lineamenta" pour le prochain synode sur la famille d' oct 2015
(radiovaticana,New.va,vatican.va) (9 dec 2014) ⇝ [*]
LA "RETRACTATIO" - nouvelle conclusion de l’article de 1972,
réécrite par Joseph Ratzinger ( 3 dec 2014) ⇝ [*]
Clôture et Cérémonie de béatification du Pape Paul VI
(19 oct 2014) ⇝ [*]
Journalier du Synode sur la Famille d' sept/Octobre 2014 ⇝ [*]
Divorcés-remariés : « Miséricorde ne veut pas dire renoncer
aux commandements de Dieu » - Cardinal Müller
La doctrine de l’Église sur la famille ne change pas. En attendant la publication de l’Exhortation apostolique post-synodale du pape, le cardinal Gerhard L. Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, s’apprête à sortir un livre-entretien intitulé « Rapport sur l’espérance » écrit avec le prêtre et journaliste espagnol Carlos Granados, directeur général de la Bac (Bibliothèque d’auteurs chrétiens). La revue espagnole pro-vie « Actuall » a diffusé quelques extraits sur la famille, qui occupe l’un des quatre chapitres de ce livre. La communion aux divorcés-remariés est encore une fois le sujet brûlant. La raison pour laquelle ces personnes ne peuvent pas recevoir la communion, explique le cardinal, réside dans « la nature même du droit divin de l’indissolubilité du mariage », et c’est pourquoi le synode, « a beaucoup insisté sur cette impossibilité ». Miséricorde ne veut pas dire « renoncer aux commandements de Dieu ou trouver une justification pour les suspendre ou les rendre nuls ». “Vas et ne pèche plus” dit Jésus à la femme adultère après l’avoir traitée avec grande miséricorde, rappelle le cardinal.
L’exemple de la femme adultère
Le cardinal Müller tient beaucoup à cet exemple et pense que c’est plutôt de là que devraient partir les pasteurs appelés à « accueillir et accompagner les divorcés-remariés avec délicatesse et chaleur », pour qu’ils s’intègrent dans la vie ordinaire de l’Église. À ceux qui pensent que la position de l’Église sur la morale sexuelle n’est pas réaliste, le cardinal Müller répond : « Le plus grand des scandales pour l’Église ne serait pas d’avoir en son sein des pécheurs, mais d’arrêter d’appeler par son nom la différence entre le bien et le mal et de la relativiser ; d’arrêter d’expliquer ce qu’est le péché ou prétendre de le justifier sous prétexte d’une plus grande proximité et miséricorde envers le pécheur ».
Ainsi, dans le mariage, « nous pouvons échouer dans notre vie commune, dans nos attentes humaines, mais l’action de Dieu, le sacrement en tant que tel, lui, n’échoue pas », souligne le chef du dicastère pour la doctrine de la foi. Le mariage « n’est pas un idéal, un reflet de mon désir, comme un enfant qui veut devenir astronaute… les idéaux sont souvent irréalisables ». Le mariage « est une réalité reçue de Dieu » et sa fin « non seulement n’est pas naturelle, mais surnaturelle : la sanctification des époux et de la vie ».
L’idéologie du gender
Le cardinal Müller aborde aussi la question de l’idéologie du gender (ou du genre), dénonçant une véritable « colonisation idéologique », selon l’expression du pape François. La question qu’il pose est la suivante : « Peut-on bâtir une société sans respecter les différences entre l’homme et la femme ? ». En poursuivant cet objectif, conclue-t-il, nous sommes comme Adam et Eve : nous nous mettons à la place de Dieu et nous désignons nous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal.
******************** Précédents billets ********************
"AMORIS LAETITIA"
"Synode : l'Eglise catholique devient-elle protestante ?" par Jean-Marie Guénois
Synode sur la famille – « Ne nous laissons pas pénétrer par l’esprit du monde »
"Divorcés remariés : les «sophismes» de Mgr Vesco" Thibaud Collin
"Foi et culture face au mariage: pourquoi revenir à la théologie du corps
Audience générale du pape François:
(vatican.va) (10 dec 2014) ⇝ [*]
Les questions pour la réception et l'approfondissement de "Relatio Synodi"
(vatican.va) (9 dec 2014) ⇝ [*]
EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE
DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS [*]
Mgr Zbignevs Stankevics:
« Ne nous laissons pas pénétrer par l’esprit du monde » [*]
Mgr de Germay: « La pastorale des personnes divorcées
remariées est l’arbre qui cache la forêt » [*]
Divorcés-remariés : « Miséricorde ne veut pas dire renoncer
aux commandements de Dieu » - Cardinal Müller [*]
Mgr de Germay: « La pastorale des personnes divorcées
remariées est l’arbre qui cache la forêt » [*]
Mgr Zbignevs Stankevics:
« Ne nous laissons pas pénétrer par l’esprit du monde » [*]
(27 Oct 2015) ⇝ [*]
Synode sur la famille – « Ne nous laissons pas pénétrer par l’esprit du monde »
Mgr Zbignevs Stankevics, archevêque catholique de Riga (Lettonie)
(21 Oct 2015) ⇝ [*]
VIDEO - Débat entre Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d'Oranet Mgr Marc Aillet évêque de Bayonne
sur KTOTV (2 Oct 2015) ⇝ [*]
"(Préparation au) mariage nul(le)"
par Incarnare (16 Sept 2015) ⇝ [*]
sur KTOTV (2 Oct 2015) ⇝ [*]
"(Préparation au) mariage nul(le)"
par Incarnare (16 Sept 2015) ⇝ [*]
"Synode : 26 théologiens français remettent en cause l’enseignement
de Paul VI et de Jean Paul II"
Par Thibaud Collin (14 Sept 2015) ⇝ [*]
"Nullités de mariage. Le pape François réforme le Droit canon"
Divorcés remariés : la fidélité est-elle possible ?
Par Henry hude (14 Sept 2015) ⇝ [*]
Divorcés remariés : la fidélité est-elle possible ?
Mgr Olivier de Germay, évêque d'Ajaccio (30 Mai 2015) ⇝ [*]
"Église : durant l’entre-deux-synodes, les lignes bougent"
Alex et Maud Lauriot-Prevost (26 Avril 2015) ⇝ [*]
"Divorcés remariés : les «sophismes» de Mgr Vesco" Thibaud Collin
(20 Avril 2015) ⇝ [*]
"Foi et culture face au mariage: pourquoi revenir à la théologie du corps
de Jean-Paul II" Cardinal Carlo Caffarra (20 Mars 2015) ⇝ [*]
3 minutes en vérité avec le père Cédric Burgun, prêtre de la
Communauté de l'Emmanuel (Famille Chrétienne) (30 Mars 2015) ⇝ [*]
Réflexions de Mgr Gerhard Ludwig Müller:
«Un témoignage en faveur du pouvoir de la grâce
sur l'indissolubilité du Mariage et le débat sur les divorcés
remariés civilement et les sacrements»
(Vatican) (23 Mars 2015) ⇝ [*]
Réflexions de Mgr Vincenzo Paglia: «les dix axes dégagés par les mouvements familiaux» (FChrétienne) (24 Mars 2015) ⇝ [*]
Mgr Jean Laffitte: « Il y a une contradiction à demander le sacrement du
mariage sans avoir la foi » (i.média) (14 Fév 2015) ⇝ [*]
Mgr Jean Legrez: « Ne pas marier pour marier »
(famille chrétienne) (22 Janvier 2015) ⇝ [*]
Traduction de la Catéchèse du pape François:
(traduction Zenit.org) (11 dec 2014) ⇝ [*]3 minutes en vérité avec le père Cédric Burgun, prêtre de la
Communauté de l'Emmanuel (Famille Chrétienne) (30 Mars 2015) ⇝ [*]
Réflexions de Mgr Gerhard Ludwig Müller:
«Un témoignage en faveur du pouvoir de la grâce
sur l'indissolubilité du Mariage et le débat sur les divorcés
remariés civilement et les sacrements»
(Vatican) (23 Mars 2015) ⇝ [*]
Réflexions de Mgr Vincenzo Paglia: «les dix axes dégagés par les mouvements familiaux» (FChrétienne) (24 Mars 2015) ⇝ [*]
Mgr Jean Laffitte: « Il y a une contradiction à demander le sacrement du
mariage sans avoir la foi » (i.média) (14 Fév 2015) ⇝ [*]
Mgr Jean Legrez: « Ne pas marier pour marier »
(famille chrétienne) (22 Janvier 2015) ⇝ [*]
Traduction de la Catéchèse du pape François:
Audience générale du pape François:
Les questions pour la réception et l'approfondissement de "Relatio Synodi"
Les "Lineamenta" pour le prochain synode sur la famille d' oct 2015
(radiovaticana,New.va,vatican.va) (9 dec 2014) ⇝ [*]
LA "RETRACTATIO" - nouvelle conclusion de l’article de 1972,
réécrite par Joseph Ratzinger ( 3 dec 2014) ⇝ [*]
Clôture et Cérémonie de béatification du Pape Paul VI
(19 oct 2014) ⇝ [*]
Journalier du Synode sur la Famille d' sept/Octobre 2014 ⇝ [*]