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dimanche 8 mars 2015

Ligne Azur: CONCLUSIONS du rapporteur public du Conseil d'Etat






N° 369965
Confédération nationale des associations familiales catholiques

4ème et 5ème sous-sections réunies
Séance du 24 septembre 2014
Lecture du 15 octobre 2014


CONCLUSIONS

M. Rémi KELLER, rapporteur public

Par une circulaire du 4 janvier 2013, le ministre de l'éducation nationale a demandé aux recteurs de mettre en place une campagne de lutte contre l'homophobie en milieu scolaire. Il les a notamment invités « à relayer avec la plus grande énergie, au début de l'année, la campagne de communication relative à la « ligne azur », ligne d'écoute pour les jeunes en questionnement à l'égard de leur orientation ou leur identité sexuelles. » Il s’agit d’une ligne téléphonique gérée par l'association Sida Info Service (SIS), qui bénéficie d’un agrément national au titre des actions éducatives complémentaires de l’enseignement public. La ligne téléphonique, de même que le site internet qui lui est associé, se présentent comme un « Dispositif de soutien et d’information pour toute personne qui se pose des questions sur son orientation sexuelle et/ou son identité de genre ».

La confédération nationale des associations familiales catholiques vous demande d'annuler la circulaire en tant qu’elle invite les recteurs à relayer la campagne « ligne azur ». Elle fait notamment valoir que le site internet associé à la ligne comprend des contenus pornographiques, fait « la promotion de comportements sexuels que la morale réprouve » et encourage à la violation de la loi en matière de procréation médicale assistée et d'insémination artificielle, portant ainsi atteinte à la neutralité du service public et à la liberté de conscience des élèves, des parents et des enseignants. Signalons au passage que la campagne « ligne azur » a été reconduite en 2014.

Vous êtes compétents pour statuer sur cette demande dirigée contre une circulaire ministérielle de portée générale. La disposition contestée est impérative, et vous admettrez l'intérêt pour agir de la confédération requérante - qui n'est d'ailleurs pas contesté -, comme vous l'avez fait dans une précédente affaire Confédération nationale des associations familiales catholiques du 29 juillet 1998 (n° 180803, aux tables pour un autre motif), où la confédération contestait une circulaire ministérielle sur l'éducation à la sexualité.

I. - Le ministre oppose deux fins de non-recevoir que vous devrez écarter.

1. D'abord, la circonstance que le ministre précédent, Luc Chatel, avait lui aussi demandé aux recteurs de relayer la campagne contestée ne suffit pas à regarder la disposition contestée comme purement confirmative puisque la circulaire précédente ne s'appliquait pas à l’année 2013 mais à l’année 2012.

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par

le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public

qui en est l’auteur.


2. Par ailleurs, la circulaire contestée ne constitue pas un simple document

préparatoire puisqu'elle ordonne aux recteurs de relayer une campagne de communication

mise en oeuvre au moyen d'une ligne téléphonique - et peu importe à cet égard que les

affichettes et les tracts servant de supports à cette campagne n’aient été adressés

qu’ultérieurement aux établissements.(1)

3. Ajoutons que si la circulaire a été entièrement exécutée, cela ne rend pas la

demande sans objet puisque la disposition contestée a produit des effets(2). Le ministre ne se

place d'ailleurs pas sur ce terrain.

II. - Vous devez donc examiner les moyens de la requête.

1. Le moyen unique de légalité externe est tiré du défaut de consultation du Conseil

supérieur de l'éducation.

Il y a quelques années, ce motif avait permis à la requérante d'obtenir l'annulation

d'une circulaire de 1996 relative à l'éducation à la sexualité (29 juillet 1998, Confédération

nationale des associations familiales catholiques déjà cité, t. p. 695). Mais, dans cette affaire,

la circulaire avait institué dans les collèges un nouvel enseignement obligatoire de 2 heures

consacré à l'éducation sexuelle. Vous l'aviez en conséquence assimilée à un « règlement

relatif aux programmes (…) et à la scolarité » sur lequel le Conseil supérieur de l'éducation

devait être consulté en application de l'article 1er du décret du 7 juin 1990 – devenu R. 231-1

du code de l'éducation.

Mais tel n'est pas le cas de la disposition incriminée, qui ne concerne ni les

programmes ni la scolarité proprement dite, et qui n'entre dans aucune des autres catégories

de consultation obligatoire du conseil prévues à l'article R. 231-1, y compris celle des

« questions d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation ».

2. Sur le fond, comme nous l'avons indiqué, ce n'est pas la ligne téléphonique

« azur » elle-même qui est contestée mais le contenu du site internet qui lui est associé. Vous

pourriez donc être tentés de considérer que les moyens sont inopérants puisque la circulaire

du ministre ne fait pas allusion au site internet.

Mais il nous paraît impossible de dissocier les deux car le site est étroitement associé

à la ligne et porte d'ailleurs le même nom LigneAzur.org Cette dissociation serait d'autant

plus artificielle qu’à la suite de la circulaire ministérielle, des « supports de communication »

ont été adressés aux chefs d'établissement sous la forme d’affiches et de tracts qui invitaient

les élèves non seulement à s’adresser à la ligne téléphonique mais également à consulter le

site internet.

Les moyens dirigés contre le contenu de ce site sont en conséquence opérants.

1 Cf. la décision qui arrête le principe de la construction d'un centre de conférences internationales (sect., 30 oct. 1992, Min.

des aff. étrangères c/ Ass. de sauvegarde du site Alma-Champ-de-Mars, p. 384) ; également, ou la délibération du conseil de

la communauté urbaine de Bordeaux arrêtant le principe de la création d'un métro léger en site propre (sect., 6 mai 1996, Ass.

Aquitaine Alternatives, p. 144, sol. impl.).

2 Section, 12 oct. 1984, H…, p. 328 : 21 avr. 2000, N…, t. p. 1163. Comme le dit le professeur Chapus : « L’action du juge ne

saurait être arrêtée par le fait accompli » (R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 13è éd. p. 943).

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par

3. La requérante soulève cinq moyens de légalité interne dont quatre pourront être rapidement écartés.

Elle déplore d'abord que le site internet fasse la promotion de la « théorie du genre », selon laquelle « le genre (…) masculin ou féminin ne procèderait que d’une construction sociale à l’exclusion de toute réalité biologique ». Mais à supposer que tel soit le cas, le moyen manque de précisions car la requérante ne vous indique pas quels textes ou quels principes seraient méconnus par la théorie en question.

La confédération requérante invoque également une violation du caractère propre des établissements privés sous contrat – auxquels la circulaire est en principe destinée, contrairement à ce que soutient le ministre. Mais vous pouvez en faire une interprétation neutralisante en disant que les responsables de ces établissements ne sont pas tenus d’organiser la campagne de sensibilisation qui ne fait pas partie des « programmes d’enseignement » qu’ils sont tenus de respecter en application de l’article L. 442-5 du code de l’éducation.

Par ailleurs, l’organisation d’une campagne d'information sur l’orientation sexuelle n’est pas contraire aux dispositions de l'article L. 312-16 du code de l'éducation qui prévoient une éducation à la sexualité à raison d'au moins trois séances annuelles – la circulaire n’ayant ni pour objet ni pour effet de substituer cette campagne aux séances d’éducation en question.

Enfin, le seul fait d'organiser cette campagne ne constitue ni une violation de l'autorité parentale affirmée à l'article 371-1 du code civil, ni une méconnaissance du rôle éducatif des parents prévu à l'article L. 111-2 du code de l'éducation.

4. Il reste un moyen beaucoup plus sérieux : il est tiré de l'atteinte aux principes de neutralité et de liberté de conscience des élèves affirmés à l'article 2 de la Constitution, à l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'État et à l'article L. 141-2 du code de l'éducation. La requérante invoque aussi l'article 14-1° de la Convention internationale des droits de l'enfant aux termes duquel « les Etats parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion », mais ces stipulations nous paraissent dépourvues d'effet direct.

Pour le reste, le moyen est bien entendu opérant : vous avez en effet jugé, par une décision Association Promouvoir du 18 octobre 2000 (p. 391), que le principe de laïcité de l'enseignement public, « lequel est un élément de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect, d'une part, de cette neutralité par les programmes et par les enseignants et, d'autre part, de la liberté de conscience des élèves. »3

Et ce principe doit s'appliquer non seulement à l'enseignement proprement dit, mais également aux autres activités à visée éducative organisées par l'administration au sein des établissements scolaires.

Voir aussi l’avis du Conseil d’Etat sur le « foulard islamique » du 27 novembre 1989 ; également : 20 mai 1996, Ministre de l'éducation nationale c/ A…, p. 187.

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par

A l’appui de son moyen, la requérante cite certains contenus du site internet qui nous paraissent en effet pour le moins critiquables - et dont certains ont d'ailleurs été retirés dans les mois qui ont suivi la circulaire contestée.

Nous nous limiterons à citer quelques exemples :

- le site définit la pédophilie comme une simple « attirance sexuelle pour les enfants, quelle que soit l’orientation sexuelle de la personne », sans préciser qu'il s'agit d'une infraction pénale ; - on peut lire le témoignage d'un jeune qui dit « s'être touché avec un des moniteurs » pendant une colonie de vacances et qui confesse que « ça lui a plu » ;

- à la rubrique Prendre soin de soi, il est proposé de « réduire les risques avec des produits (tabac, alcool, drogues, médicaments) » ;

- le site fait valoir que l'usage de drogues « peut faire tomber les inhibitions » et qu’il est pour beaucoup « associé à des moments festifs », sans préciser que la consommation de drogues constitue une infraction pénale.

Par ailleurs, le site internet oriente ses lecteurs vers une brochure intitulée « Tomber la culotte » qui se prononce en faveur de l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de même sexe, qui est interdite par la loi, et propose aussi une technique d'insémination artificielle à domicile, également interdite par la loi. En outre, la brochure fait l'éloge du sado-masochisme, de l’échangisme et du libertinage, et elle décrit en détail des pratiques sexuelles diverses, dans des termes crus que nous serions fort gênés de reprendre dans cette enceinte et qui sont manifestement inadaptés aux élèves – et pas seulement les plus jeunes. La brochure en question fait également la promotion des sextoys. On peut y lire qu’« il est important de pouvoir négocier ensemble les pratiques que l'on souhaite mettre en oeuvre et les objets que l'on souhaite faire intervenir. » Il est précisé qu’« il est devenu facile de s’en procurer sur internet » et la brochure propose même un « guide pratique » pour leur entretien.

Dans l’affaire Association Promouvoir que nous avons évoquée, l'association requérante demandait l'annulation de la décision du gouvernement d'organiser une campagne de sensibilisation à la contraception dans les lycées et les classes de troisième des collèges. Vos 1ère et 2ème sous-sections réunies avaient rejeté cette demande en relevant notamment que le dépliant distribué aux élèves dans le cadre de cette campagne se bornait à donner des informations sur les différents modes de contraception, « sans inciter à adopter un comportement sexuel particulier ni comporter de mentions susceptibles de porter atteinte à la liberté de conscience des élèves ou de méconnaître la liberté des parents d'élever leurs enfants mineurs dans un sens conforme à leurs convictions ».

Il ne nous paraît pas possible d’adopter une telle solution en l'espèce. Comme on vient de le voir, le site internet critiqué prend position sur des questions de société, telles que la procréation médicalement assistée, qui font l'objet de débats et qui divisent la classe politique. La promotion de ce site par l’administration est donc contraire au principe de neutralité.

Plus grave encore, le site encourage des pratiques interdites par la loi, et encourage à des comportements sexuels particuliers. Enfin, comment ne pas comprendre que des parents – et des enfants - soient choqués à la lecture des contenus que nous avons évoqués ? Aussi respectable que soit l'objectif de la campagne décidée par le gouvernement, il « doit se concilier avec le respect des convictions des familles et de la personnalité de jeunes élèves »,

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.

comme le soulignait notre collègue Rémy Schwartz en concluant sur l'affaire Confédération nationale des associations familiales catholiques déjà citée du 29 juillet 1998.

Or, le contenu du site internet est susceptible, aussi bien sur le fond qu’en raison des termes employés, de porter atteinte aux convictions morales ou religieuses des élèves, des parents et des enseignants. Et ce n’est pas faire preuve d'une pudibonderie excessive que de constater que la présentation quasiment pornographique de certaines activités sexuelles est manifestement inadaptée aux élèves et qu’elle n'a certainement pas sa place dans les établissements d'enseignement secondaire. On ne peut que s'étonner de la légèreté du ministre qui a encouragé des enfants – parfois âgés de dix ans à peine - à consulter ce site. L’administration se défend d'ailleurs particulièrement mal dans cette affaire.

Nous vous proposons en conséquence de juger qu'en ordonnant aux recteurs de relayer « avec la plus grande énergie » la campagne de communication relative à la « ligne azur », le ministre a porté atteinte au principe de neutralité de l'enseignement et à la liberté de conscience des élèves et de leurs parents.

Par ces motifs, nous concluons :

- à l'annulation de la disposition contestée de la circulaire du 4 janvier 2013 ;

- à ce qu'une somme de 3 000 € soit mise à la charge de l'État au titre des frais exposés par la confédération requérante et non compris dans les dépens.

Fil d'actualité sur la "ligneAzue": Ici






Question écrite de Jean-Frédéric Poisson à
Mme NajatVallaud-Belkacem, Ministre de l'éducation nationale:


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Ligne Azur: CONCLUSIONS du rapporteur public du Conseil d'Etat
Ligne AZUR: le cache de l' ancien site avant modif du 8Fev 2014: ICI ou sur Dreuz.info
Le conseil d'état annule la décision de Vincent Peillon du 4 Janvier 2013 (15 Oct 2014)

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                 ( Proposé aussi sur le site de l'académie de Grenoble)
                                            (Enseignement Catholique)
personnes homosexuelles" (Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi)
                      et environnementale ? CESE 
       ... rien ne bouge, pas une virgule." ! via Koztoujours
                      (LaManifPourTous)
                           mariage et l’adoption par les couples homosexuels
Contre le “mariage” gay : 3 étapes
Discours de Tugdual Derville à la défense le 23 Octobre
Adoption homo : qui a peur du débat ?
De quel « genre » de phobie François Hollande est-il atteint ? (23 dec 2011)
Les réponses de François Hollande aux 17 questions d' HES !
La famille porteuse d' avenir - Conférence de Xavier Lacroix (27 Mars 2011) 

"Grégor Puppinck":

mercredi 12 novembre 2014

Vidéo VigiGender: "ce que le plan égalité filles-garçons réserve à nos enfants"




Découvrez ce que le plan égalité filles-garçons réserve à nos enfants

Cette vidéo vous révèle les fondements du plan d’action pour l’égalité entre les filles et les garçons dont le ministre de l’Education nationale a annoncé la mise en œuvre imminente à tous les niveaux scolaires.




Plein écranici



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16 Mai 2014  "Ce que soulève la Jupe" :




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                 ( Proposé aussi sur le site de l'académie de Grenoble)
                                            (Enseignement Catholique)
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"Grégor Puppinck":

mercredi 12 février 2014

"ABCD de l'égalité" : pourquoi la véritable faute de Vincent Peillon n'est pas celle que l'on croit ...





Progressistes contre réactionnaires, bien-pensants contre anti-systèmes, gauche contre droite, catholiques contre féministes, adversaires contre partisans des genders studies : le dispositif "ABCD de l'égalité" aura eu pour principal effet de transformer l'École en terrain de jeu politico-idéologique et de briser ainsi le consensus autour de ses finalités. Telle est à mon sens la faute que l'on peut imputer à Vincent Peillon : avoir mis la main à une entreprise d'instrumentalisation idéologique de l'École qui porte atteinte à l'idéal républicain de laïcité. La laïcité, ce n'est pas seulement la neutralité religieuse : celle-ci n'est en effet qu'une application particulière de l'exigence plus générale de neutralité idéologique de l'État.

L'École est un Bien commun que le ministre de l'Éducation nationale a pour devoir sacré de protéger contre les appétits des idéologues qui ne voient en elle qu'un instrument permettant d'agir sur les esprits en vue de transformer la société. Ses finalités - la transmission de la culture commune, des savoirs et des savoir-faire – sont et doivent rester incontestables et consensuelles. L'adhésion des parents à son projet est absolument nécessaire et l'on sape son autorité en suscitant leur méfiance.

Arguer des droits de la majorité ne suffit donc pas à justifier que l'on change les missions de l'École : que des désaccords donnant lieu à des politiques éducatives différentes interviennent à propos des moyens d'améliorer les performances scolaires des élèves est parfaitement légitime ; mais l'on ne peut admettre que les majorités successives s'emparent de l'École pour tenter d'imposer leur vision de la société. Or, il suffit de lire le texte de la convention interministérielle signée par Vincent Peillon le 7 février 2013, laquelle est à l'origine du dispositif qui fait l'objet de la polémique actuelle, pour comprendre que l'on a bien affaire à un projet partisan de ce type. Vincent Peillon a mis l'École au service d'une offensive idéologique transversale dont le foyer est le féminisme radical qui sévit au sein du ministère des Droits de la femme (lequel, soit-dit en passant, est fondé sur un authentique stéréotype sexiste, celui du "sexe faible" qu'il faudrait protéger contre lui-même).

Les "ABCD de l'égalité" promeuvent une conception spécieuse et non consensuelle de l'égalité filles/garçons

Certes, la désinformation à laquelle a donné lieu le programme "ABCD de l'égalité" est scandaleuse. Certes, celui-ci est si ridicule qu'il prête davantage au rire qu'à l'indignation. Il n'en demeure pas moins que la "culture de l'égalité entre les sexes" qu'il entend promouvoir, loin de constituer une "valeur fondamentale de la République", est dérivée d'une interprétation particulière, partisane et militante, du principe d'égalité. La chose est aisée à démontrer sans faire le moindre procès d'intention : il suffit pour cela de lire les textes officiels.

Le regretté Coluche moquait naguère la publicité pour une lessive qui prétendait laver "plus blanc que blanc". Nos progressistes post-modernes inventent quant à eux l'égalité plus égale que l'égalité. Quelle égalité filles/garçons à l'École peut-on en effet bien vouloir vendre aujourd'hui ? Il ne peut s'agir de l'égalité des droits : les filles accèdent aux mêmes programmes, dans les mêmes classes et les mêmes écoles, que les garçons. Il ne peut davantage être question d'égalité des chances : les filles, à tous les niveaux, réussissent désormais mieux que les garçons.

Où donc est le problème ? Le texte de la convention interministérielle nous l'apprend : "Le paradoxe est connu : les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons mais leurs choix d'orientation demeurent très traditionnels et trop souvent restreints à quelques secteurs d'activité." Dit autrement : l'inégalité réside dans le mauvais usage que les jeunes filles font de leur liberté ! Les femmes sont présentées comme victimes d'auto-discriminations, de discriminations dont elles seraient elles-mêmes responsables. L'égalité des droits et l'égalité des chances réalisent l'idéal de l'égale liberté des individus qui constitue l'essence même du projet démocratique ou républicain. On sort à l'évidence de ce cadre lorsqu'on prétend définir a priori ce que devrait être le contenu du libre choix des individus. Or, c'est bien ce qui caractérise l'idéologie féministe sous l'influence de laquelle Vincent Peillon s'est placé. Selon cette conception de l'égalité, toute jeune femme qui ne conforme pas ses choix d'orientation et de carrière à la conception officielle de la femme émancipée est réputée aliénée par les stéréotypes sexistes inconscients.


Cette idéologie n'est pas en soi illégitime. On est parfaitement en droit de considérer que toute différence doit être interprétée comme une inégalité, que l'esprit des jeunes filles est altéré par les effets d'un conditionnement multiséculaire, que "naturaliser" les différences de choix et de comportements des femmes et des hommes est une vision réactionnaire de la condition humaine. On peut rêver, cela n'a rien de choquant, d'une société où la parité serait totale dans les métiers et les tâches domestiques. Mais contrairement à ce qui est affirmé par les textes officiels et le ministre, ces convictions ne se confondent pas avec les principes universels de liberté et d'égalité que la République doit défendre : elles n'en représentent qu'une interprétation particulière, et comme telle discutable. C'est pourquoi en faire le fondement d'un programme scolaire n'est pas admissible.

Les "ABCD de l'égalité se fondent sur un discours féministe qui possède tous les traits caractéristiques de l'idéologie

Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que les aspects les plus caractéristiques et les plus caricaturaux de l'idéologie sont présents dans ces textes officiels qui préparent, présentent et justifient le dispositif des "ABCD de l'égalité". Au premier chef, bien entendu, on trouve la prétention à la scientificité : les études sur le genre sont présentés comme des "savoirs scientifiques" par le texte de la convention interministérielle - chacun étant donc invité à se soumettre à l'autorité de la Science. On ne saurait pourtant cacher bien longtemps que les études de genre ont été conçues par et pour le féminisme. Or, on ne peut en toute rigueur parler de science lorsque la pensée normative se mêle à la description du réel. Comment, en outre, pourrait-on faire "scientifiquement" la juste part de l'inné, de l'acquis et de la liberté dans la production des différences qui distinguent les manières de vivre et de penser des hommes et des femmes ? Les études sur le genre ne sont ni plus ni moins (et même plutôt moins) scientifiques que le marxisme ou la science économique libérale. Lorsqu'on aborde le domaine de la condition humaine, le pluralisme interprétatif est de rigueur : présenter comme "scientifique" la vision de l'homme et de la société à laquelle on adhère est un des signes les plus sûrs auxquels se reconnaît la prétention hégémonique d'une idéologie.

L'idéologie, qui parle au nom du Vrai et du Bien, distingue une avant-garde éclairée et révolutionnaire. Sa puissance de séduction réside dans la promesse faite aux adhérents de disposer d'une position de surplomb intellectuel permettant de regarder de haut le reste de l'humanité. Une telle promesse est toujours payante, même en démocratie, car il ne manque jamais d'imbéciles pour se croire plus intelligents que les autres. Le féminisme gouvernemental repose sur une idée simple : "Préjugés et stéréotypes sexistes, ancrés dans l'inconscient collectif, sont la source directe de discriminations et, à ce titre, doivent être combattus dès le plus jeune âge".

Qui véhicule ces préjugés et stéréotypes ? Tout le monde et son voisin : "Les pratiques ordinaires dans la classe constituent des phénomènes souvent sexués, sans que les enseignants, l'ensemble des acteurs de l'éducation, les élèves et leurs familles en aient nécessairement conscience." Qui y échappe ? L'avant-garde féministe consciente d'elle-même, celle qui produit les études sur le genre, les ministres qui s'en inspirent... et quiconque voudra bien sans sourciller adhérer à ce discours simpliste qui vous intime de choisir votre camp – vous placer du point de vue de la bonne conscience éclairée ou rester un pauvre automate programmé par le méchant et anonyme "inconscient collectif". Selon le modèle promu par la psychanalyse, et en vertu du même ressort intellectuel (vous êtes le jouet de votre inconscient), la moindre réserve critique ou réticence à adhérer est interprétée comme une "résistance" - laquelle en l'espèce "prouve" non seulement votre aliénation mais aussi votre malfaisance (votre sexisme).

L'épistémologie de Karl Popper l'a montré, l'immunisation contre le réel est un trait qui distingue la pseudo-science de la science. Tandis que la seconde soumet au réel des hypothèses qui peuvent être invalidées par l'expérience, l'idéologie a réponse à tout, trouvant toujours le moyen d'interpréter les faits qui viennent la contredire sans jamais se remettre en cause. Les garçons sont massivement présents dans certaines filières d'excellence ? C'est qu'ils bénéficient des stéréotypes hérités de la longue histoire de la domination masculine. Ils forment l'essentiel des effectifs des élèves décrocheurs ou en échec scolaire ? C'est qu'ils sont victimes de ces mêmes stéréotypes. Bon sang mais c'est bien sûr ! Comment ne pas adhérer à une source d'explications aussi lumineuse ?!

L'idéologie se reconnaît également à la démesure de ses ambitions. Nos ministres souhaitent que l'École "participe à modifier la division sexuée des rôles dans la société". L'École, en un sens exerce et continuera à exercer ce rôle en permettant aux filles de de réaliser leurs ambitions en réussissant leurs études. L'éducation des filles a de fait constitué le principal facteur de l'émancipation des femmes au cours du dernier demi-siècle. Mais le projet actuel, on l'a vu, est de nature différente : il demande à l'École de déprogrammer-reprogrammer la manière d'être et de penser des enfants en s'attaquant aux stéréotypes et préjugés ancrés dans l'inconscient collectif (et identifiés comme tels par l'avant-garde éclairée). L'ambition, lit-on sur le site du ministère de l'Éducation nationale, est d'intervenir dès l'école primaire, "en agissant sur les représentations des élèves et les pratiques des acteurs de l'éducation." La transformation des mœurs ne se conçoit plus comme l'effet secondaire de la réalisation des objectifs consensuels de l'École (l'acquisition des savoirs et des compétences, l'égalité des chances). Il s'agit désormais de se donner les moyens, par la psychanalyse des professeurs et la rééducation des enfants, de façonner directement les manières de vivre et de penser. Dans sa célèbre Lettre aux instituteurs, à propos de l'éducation morale, Jules Ferry recommandait aux maîtres de ne toucher qu'avec le plus grand scrupule "à cette chose délicate et sacrée, qui est la conscience de l'enfant". Vincent Peillon, quant à lui, leur demande d'empiéter sauvagement sur son inconscient.


Un tel projet pourrait paraître totalitaire s'il n'était complètement dérisoire. Imaginer qu'il puisse y avoir un lien quelconque entre le fait de demander à un élève si les chevaliers peuvent avoir peur du noir, d'une part et, d'autre part, les choix de carrière que celui-ci effectuera en parvenant à l'orée de l'âge adulte relève de la pensée magique. D'une manière générale, l'idée que l'on puisse changer les mœurs par décret, en contrariant l'influence de la famille et de la société, est illusoire. Même les pouvoirs totalitaires n'y sont pas parvenus. Les pays communistes d'Europe de l'Est furent ainsi le meilleur conservatoire des religions; l'Église catholique se porte mieux en Pologne que dans n'importe quel pays d'Europe de l'Ouest! Les quelques heures de "rééducation" par la déconstruction des stéréotypes genrés seront donc en elles-mêmes sans danger pour les enfants. Les conséquences malheureuses de l'opération, encore une fois, tiennent à la politisation de l'École, laquelle résulte de son instrumentalisation idéologique et conduit à une perte de crédibilité aux yeux de nombreux parents.
On peut et on doit par conséquent reprocher au ministre de n'avoir pas su sanctuariser l'École en la préservant des conflits idéologiques qui traversent la société. Les rumeurs dont l'École est victime témoignent de l'hystérisation du débat et de la perte de tout bon sens. Que dire cependant des propos tenus par le ministre ? On ne s'étonne plus de rien, mais il a tout de même osé affirmer que les professeurs ne notaient pas les garçons et les filles de la même façon : une telle accusation de sexisme, objectivement diffamatoire, aurait dû susciter une levée de boucliers si les esprits n'étaient pas embrumés par la mode idéologique du moment. On dira peut-être que le ministre accorde aux professeurs des circonstances atténuantes puisqu'il les considère victimes de leur inconscient, et donc en un sens irresponsables. Potentiellement, toutefois, et en bonne logique, tout professeur qui voudrait se soustraire aux séances d'auto-psychanalyse collective devrait être soupçonné de vouloir persévérer dans ses pratiques de discrimination sexiste. Les propos de Vincent Peillon paraissent ainsi dictés non par les exigences de sa fonction mais par sa vocation de petit commissaire politique du féminisme radical. Lui qui se rêvait en ministre de la refondation de l'École restera peut-être dans les livres d'histoire comme celui qui, par esprit partisan, voulut instaurer un ministère de la Rééducation nationale.

est professeur de philosophie.
Source: Atlantico


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