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mardi 9 décembre 2014

La Laïcité ou vivre "comme si Dieu n'existait pas" !!!





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(Extrait) Message du Pape Benoît XVI pour la journée mondiale des
                                                                                   mission 2011 ⇝ 1

(Extrait) Discours du Pape Benoït XVI lors de la rencontre avec le
                                                    lergé du diocèse d'Aoste 2005 ⇝ 2

          "Avec la disparition de l’idée de Dieu disparaît aussi celle
                                   d’un monde vrai par Robert Spaemann ⇝ 3

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MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI
POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES MISSIONS 2011


«Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jn 20,21)


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A tous
Ce devoir n'a rien perdu de son caractère urgent. Et même, «la mission du Christ Rédempteur, confiée à l'Eglise, est encore bien loin de son achèvement... Un regard d'ensemble porté sur l'humanité montre que cette mission en est encore à ses débuts et que nous devons nous engager de toutes nos forces à son service» (Jean-Paul II, EncycliqueRedemptoris missio, n. 1). Nous ne pouvons être tranquilles à la seule pensée que, après deux mille ans, il y a encore des peuples qui ne connaissent pas le Christ et n'ont pas encore entendu son message de salut.
Mais pas seulement; le nombre de ceux qui, bien qu'ayant reçu le message de l'Evangile, l'ont oublié et abandonné et ne se reconnaissent plus dans l'Eglise ne cesse de croître et de nombreux milieux, même dans des sociétés traditionnellement chrétiennes, sont aujourd'hui réticents à s'ouvrir à la parole de la foi. Un changement culturel est en marche, renforcé aussi par la mondialisation, des mouvements de pensée et le relativisme dominant, un changement qui conduit à une mentalité et à un style de vie qui ignorent le message évangélique, comme si Dieu n'existait pas, et qui encouragent la recherche du bien-être, du gain facile, de la carrière et du succès comme but de la vie, même au détriment des valeurs morales.Tous les peuples sont destinataires de l'annonce de l'Evangile. L'Eglise, «par nature est missionnaire, puisqu'elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père (Concile oecuménique Vatican II, Ad gentes, n. 2). Telle est «la grâce et la vocation de l'Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser» (Paul VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n. 14). De ce fait, elle ne peut jamais se replier sur elle-même. Elle s'enracine dans des lieux déterminés pour aller au-delà. Son action, conformément à la parole du Christ et sous l'influence de sa grâce et de sa charité, se fait pleinement et réellement présente à tous les hommes et à tous les peuples pour les mener à la foi en Christ (cf. Ad gentes, n. 5).
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RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ DU DIOCÈSE D'AOSTE

DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI

Eglise paroissiale d'Introd (Val d'Aoste)



Lundi 25 juillet 2005



........  J'ai été trop long. En ce qui concerne le deuxième point, même si ce n'est qu'en partie, il me semble l'avoir déjà abordé. C'est vrai: aux personnes, surtout aux responsables du monde, l'Eglise apparaît comme quelque chose de dépassé, et nos propositions comme n'étant pas nécessaires. Ils se comportent comme s'ils pouvaient, comme s'ils voulaient vivre sans notre parole et ils pensent toujours qu'ils n'ont pas besoin de nous. Ils ne cherchent pas notre parole.
Cela est vrai et nous fait souffrir, mais cela fait également partie de la situation historique d'une certaine vision anthropologique, selon laquelle l'homme doit faire les choses comme Karl Marx l'avait dit: l'Eglise a eu 1800 ans pour montrer qu'elle pouvait changer le monde et elle n'a rien fait, maintenant nous le ferons seuls.
Il s'agit d'une idée très répandue et également étayée par des philosophies; on comprend ainsi l'impression d'un aussi grand nombre de personnes pensant pouvoir vivre sans l'Eglise, qui apparaît comme quelque chose du passé. Mais il apparaît également toujours plus que seules les valeurs morales et les convictions fortes donnent la possibilité, même au prix de certains sacrifices, de vivre et de construire le monde. On ne peut pas construire de manière mécanique comme l'avait proposé Karl Marx avec la théorie du capital et de la propriété, etc.
S'il n'existe pas de forces morales dans les âmes, ni la disponibilité à souffrir également pour ces valeurs, on ne construit pas un monde meilleur, au contraire, le monde empire chaque jour, l'égoïsme domine et détruit tout. En voyant cela, on se pose à nouveau la question: mais d'où viennent les forces qui nous rendent capables de souffrir également pour le bien, de souffrir pour le bien qui me fait tout d'abord mal personnellement, qui n'a pas d'utilité immédiate? Où sont les ressources, les sources? D'où vient la force de promouvoir ces valeurs?
On voit que la moralité en tant que telle ne vit pas, n'est pas efficace si elle n'a pas un fondement plus profond dans des convictions qui donnent réellement des certitudes et qui donnent aussi la force de souffrir car, dans le même temps, elles font partie d'un amour, un amour qui grandit dans la souffrance et qui est la substance de la vie. A la fin, en effet, seul l'amour nous fait vivre et l'amour est toujours également souffrance: il mûrit dans la souffrance et donne la force de souffrir pour le bien sans tenir compte de sa propre personne en ce moment actuel.
Il me semble que cette conscience grandit, car on voit déjà les effets d'une condition où n'existent pas les forces qui proviennent d'un amour qui est la substance de ma vie et qui me donne la force de mener la lutte pour le bien. Ici aussi, nous avons naturellement besoin de patience, mais d'une patience active, au sens où il faut faire comprendre aux gens: vous avez besoin de cela.
Et même s'ils ne se convertissent pas tout de suite, ils s'approchent au moins du cercle de ceux qui, dans l'Eglise, ont cette force intérieure. L'Eglise a toujours eu en son sein ce groupe fort intérieurement, qui porte réellement la force de la foi, ainsi que des personnes qui en quelque sorte s'y accrochent, se laissent porter et participent ainsi.
Je pense à la parabole du Seigneur à propos du minuscule grain de sénevé qui devient ensuite un arbre si grand que même les oiseaux du ciel y trouvent refuge. Et je dirais que ces oiseaux peuvent représenter les personnes qui ne se convertissent pas encore, mais qui se posent au moins sur l'arbre de l'Eglise. J'ai fait cette réflexion: à l'époque des lumières, l'époque où la foi était divisée entre catholiques et protestants, on pensa qu'il fallait conserver les valeurs morales communes en leur donnant un fondement suffisant. On pensa: nous devons rendre les valeurs morales indépendantes des confessions religieuses, de façon à ce qu'elles existent "etsi Deus non daretur".Aujourd'hui, nous sommes dans la situation contraire, la situation s'est inversée. Les valeurs morales ne sont plus évidentes. Elles ne deviennent évidentes que si Dieu existe. J'ai donc suggéré que les laïcs, ceux que l'on appelle les laïcs, devraient réfléchir pour savoir si, pour eux, le contraire n'est pas valable aujourd'hui: nous devons vivre "quasi Deus daretur", même si nous n'avons pas la force de croire, nous devons vivre sur cette hypothèse, autrement, le monde ne fonctionne pas. Ce serait là, il me semble, un premier pas pour s'approcher de la foi. Et je vois lors de nombreuses rencontres que, grâce à Dieu, le dialogue avec une partie du monde laïc, au moins, se développe.....

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Un philosophe relance le pari du pape: vivre comme si Dieu existait

Cest l'Allemand Robert Spaemann, dans un livre sur la "rumeur immortelle", toujours vivante et toujours controversée, qu'est l'existence de Dieu. En arrière-plan, le conseil donné par Benoît XVI "y compris à nos amis incroyants"

par Sandro Magister



ROMA, le 31 octobre 2008 – Un livre vraiment important, déjà publié en Allemagne, sort ces jours-ci en Italie. Son auteur est un philosophe chrétien de première grandeur, Robert Spaemann (voir photo). Le titre italien est "La diceria immortale", le titre original allemand "Das unsterbliche Gerücht". Un titre que l’auteur explique de la manière suivante:
"Qu’il existe un être qui, dans notre langue, s’appelle 'Dieu', c’est une vieille rumeur que l’on n’arrive pas à réduire au silence. Cet être ne fait pas partie de ce qui existe dans le monde. Il devrait plutôt être la cause et l’origine de l’univers. Mais la rumeur indique que cette origine a laissé dans le monde des traces et des références. C’est la seule raison pour laquelle on peut faire des affirmations si diverses sur Dieu".
Le livre, édité en Italie par Cantagalli, est le premier d’une collection intitulée – pas par hasard – "Come se Dio fosse", comme si Dieu existait.

Vivre "comme si Dieu existait" – que l’on croie ou non en Lui – c’est la proposition paradoxale lancée par Benoît XVI à la culture et aux hommes d'aujourd’hui.

Cette proposition, Joseph Ratzinger l’a formulée pour la première fois, en théologien mais aussi en philosophe, dans son mémorable discours du 1er avril 2005 à Subiaco, dernière conférence publique avant d'être élu pape.

Voici comment il l’avait exposée:

"A l’époque des Lumières, on a tenté de comprendre et définir les normes morales essentielles en disant qu’elles seraient valables 'etsi Deus non daretur', même si Dieu n’existait pas. Face à l’opposition entre confessions et à la crise menaçante de l’image de Dieu, on a essayé de maintenir les valeurs essentielles de la morale hors des contradictions et de leur chercher une évidence qui les rende indépendantes des nombreuses divisions et incertitudes des diverses philosophies et confessions. C’est comme cela que l’on a voulu assurer les bases de la cohabitation et, plus généralement, celles de l’humanité. A cette époque, cela paraissait possible, dans la mesure où la plupart des grandes convictions de fond créées par le christianisme résistaient et semblaient indéniables. Mais il n’en est plus ainsi. La recherche d’une telle certitude rassurante, qui puisse rester incontestée au-delà de toutes les différences, a échoué. Même l’effort vraiment grandiose de Kant n’a pas pu créer la nécessaire certitude partagée. Kant avait nié que Dieu puisse être connaissable dans le cadre de la raison pure, tout en présentant Dieu, la liberté et l’immortalité comme des postulats de la raison pratique, sans laquelle, pour être cohérent, aucun comportement moral ne lui paraissait possible. La situation actuelle du monde ne nous fait-elle pas penser de nouveau qu’il pourrait avoir raison? Je voudrais le dire autrement: la tentative, portée à l’extrême, de modeler les choses humaines en faisant tout à fait abstraction de Dieu nous conduit de plus en plus au bord du gouffre, vers la mise de côté totale de l’homme. Il faudrait alors renverser l’axiome des philosophes des Lumières et dire: même ceux qui ne parviennent pas à trouver le chemin de l’acceptation de Dieu devraient en tout cas chercher à vivre et à mener leur vie 'veluti si Deus daretur', comme si Dieu existait. C’est le conseil que Pascal donnait déjà à ses amis incroyants; c’est celui que nous voudrions donner, aujourd’hui aussi, à nos amis incroyants. Ainsi personne n’est limité dans sa liberté, mais toutes nos affaires trouvent un soutien et un critère dont elles ont un besoin urgent".
Lu dans ce contexte, le livre de Spaemann est encore plus passionnant.
On en trouvera ci-dessous un échantillon, sous forme de passages liés entre eux, pris dans les pages 24 à 42 de l'édition italienne:


"Avec la disparition de l’idée de Dieu disparaît aussi celle d’un monde vrai" 

par Robert Spaemann 



L’histoire des arguments en faveur de l’existence de Dieu est immense. Il y a toujours eu des hommes qui ont cherché à s’assurer du bien-fondé de leur foi. [...] Les preuves classiques de l’existence de Dieu cherchaient à montrer qu’il est vrai que Dieu existe. Elles présupposaient que la vérité existe et que le monde est doté de structures compréhensibles, accessibles à la pensée, qui trouvent leur fondement dans l’origine divine du monde. Elle nous sont directement accessibles et donc capables de nous mener à ce fondement.

Ce présupposé est contesté à partir de Hume et surtout par Nietzsche. [...] L'œuvre entière de Nietzsche peut être lue comme une paraphrase de la formule lapidaire de Hume: " We never really advance a step beyond ourselves ", en réalité, jamais nous n’avançons d’un pas au-delà de nous-mêmes [...] Nietzsche écrit que "nous aussi, philosophes des Lumières, libres penseurs du XIXe siècle, nous empruntons encore notre feu à la foi chrétienne – qui fut aussi la foi de Platon – qui admettait que Dieu est la vérité et que la vérité est divine". Mais justement cette pensée est pour Nietzsche une auto-illusion. Il n’y a pas de vérité. Il n’y a que des réactions utiles ou nuisibles. "Nous ne devons pas nous imaginer que le monde nous montre un visage lisible", disent Michel Foucault et Richard Rorty. [...] Avec la disparition de l’idée de Dieu disparaît aussi celle d’un monde vrai. [...]

Le néo-pragmatiste Rorty remplace la connaissance par l’espérance d’un monde meilleur, où l’on ne peut même plus dire en quoi cette espérance devrait consister. [...] En conséquence de quoi Rorty n’accepte même plus le reproche de parler de façon obscure et contradictoire. En fait, dans le cadre d’une pensée qui se sent obligée non plus à la vérité mais au succès, on ne peut même plus dire clairement en quoi devrait consister ce succès. Des pensées obscures peuvent être plus efficaces que des pensées claires. La nouvelle situation est caractérisée par le fait que nous décidons "uno actu", par notre pure volonté, si nous devons penser un absolu, penser cet absolu comme Dieu, reconnaître quelque chose comme une vérité non relative à nous-mêmes; et enfin si nous devons nous considérer comme autorisés à nous percevoir en tant qu’êtres capables de vérité, autrement dit en tant que personnes. [...]

Chez Nietzsche la "voie moderne", c’est-à-dire le nominalisme, parvient à la plénitude et à la pleine conscience de soi. [...] Donc dans cette situation, les arguments pour penser l’absolu comme Dieu ne peuvent être que des arguments "ad hominem". [...] Si nous ne le voulons pas, il n’y a aucun argument qui puisse nous convaincre de l’existence de Dieu. [...]

Lorsque la pensée de la vérité disparaît celle de la réalité disparaît aussi. Quand on dit et pense ce qui est, c’est structuré d’une manière inévitablement temporelle. On ne peut pas penser quelque chose comme réel sans le penser dans le présent, c’est-à-dire comme réel "maintenant". Quelque chose qui n’a jamais été que passé ou qui ne sera que futur, ça n’a jamais existé et ça n’existera jamais. Ce qui est maintenant a été futur avant et sera passé ensuite. Le "futurum exactum", le futur antérieur, est inséparable du présent. Dire d’un événement actuel que dans l’avenir il n’aura plus eu lieu, revient à dire que, en réalité, il n’a même pas lieu maintenant. En ce sens tout le réel est éternel. Il ne pourra pas y avoir un moment où il ne sera plus vrai que quelqu’un a ressenti une douleur ou une joie qu’il ressent maintenant. Et cette réalité passée fait absolument abstraction du fait que nous nous en souvenons.
Mais quel est le statut ontologique de cette transformation en passé si toutes les traces sont effacées, s’il ne doit plus y avoir d’univers? Le passé est toujours le passé d’un présent; qu’en sera-t-il du passé s’il n’y a plus aucun présent? L’inévitabilité du "futurum exactum" implique donc l’inévitabilité de penser un "lieu" où tout ce qui arrive est conservé pour toujours. Sans quoi il faudrait accepter l’idée absurde que, un jour, ce qui est maintenant n’aura plus été; et par conséquent le présent lui-même n’est pas réel: une pensée que seul le bouddhisme tend à soutenir. La conséquence du bouddhisme est la négation de la vie.

Nietzsche a réfléchi comme personne avant lui aux conséquences de l’athéisme, avec l'intention de parcourir non pas la route de la négation de la vie, mais celle de l’affirmation de la vie. [...] La conséquence la plus catastrophique lui semblait être que l’homme perde ce à quoi tend son auto-transcendance. En fait, Nietzsche considérait que le plus grand acquis du christianisme était qu’il enseignait l’amour de l’homme par amour de Dieu: "le sentiment le plus noble et le plus haut que les hommes aient atteint jusqu’à présent". Le surhomme et l’idée d’un éternel retour se substituaient à l’idée de Dieu. En fait, Nietzsche voyait avec clarté qui, sinon, déterminerait à l’avenir le visage de la terre: les "derniers hommes", qui croient avoir inventé le bonheur et se moquent de l’"amour", de la "création", de la "nostalgie" et de l’"étoile". Uniquement occupés à manigancer leur luxure, ils considèrent comme un fou tout dissident qui tient sérieusement à quelque chose, comme par exemple à la "vérité".

L’héroïque nihilisme de Nietzsche s’est montré impuissant, comme il le craignait lui-même, face aux "derniers hommes". [...] Le nihilisme banal du dernier homme est aujourd’hui propagé, entre autres, par Richard Rorty. L’homme qui a abandonné la vérité en même temps que l’idée de Dieu ne connaît plus maintenant que ses propres états subjectifs. Son rapport avec la réalité n’est pas représentatif, mais seulement causal. Il veut se concevoir lui-même comme une bête rusée. A une bête de ce genre on ne donne pas la connaissance de Dieu. [...]

Mais si nous voulons penser le réel comme réel, nous devons penser Dieu. "Je crains que nous ne puissions nous libérer de Dieu tant que nous croirons à la grammaire", écrit Nietzsche. Il aurait aussi pu ajouter: "... tant que nous continuerons à nous penser comme réels". Un argument "ad hominem". 

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Fil d'actualité sur Benoït XVI : ici

Fil d'actualité sur Le Laïcité : ici

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Erbilight (Visite du Cardinal Barbarin et délégation à Erbil (Irak) Decembre 2014)
                        + réactions et décryptage (25 nov 2014)

Veilleurs: "Cathos et rebelles" ( via Le Figaro 18 Avril 2014)
"Les Veilleurs" (20 Avril 2013)
Proclamation de St Thomas More comme patron des responsables 
Loi naturelle et loi civile: 1-"un mariage de raison"
Halte au narcissisme du corps avec Adèle van Reeth
"Le droit canonique est un droit de guérison"(L'Eglise : une institution juridique ? )


Cardinal André XXIII - Extrait " Vision actuelle sur la Laïcité (KTO) "
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie I)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie II)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie III)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie IV)

"La révolte des masses" - d' Ortega Y Gasset
Adieu Benoît XVI - Livre d' Or (ici)
Dans les combats, "Mes Armes" - faisons les nôtres ... (Ste Thérèse de l' enfant Jésus)
"DIVINI ILLIUS MAGISTRI" LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ
LE PAPE PIE XI SUR L'ÉDUCATION CHRÉTIENNE DE LA JEUNESSE
(Observatoire Sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon)
"Notre République" par Charles Vaugirard










dimanche 7 décembre 2014

Erbilight


erbilight.org

Le Pape François s'adresse aux chrétiens d'Irak VIDEO                  ⇝ (6 Décembre)
                                         Texte du discours du Pape ⇝ (lire)
Procession mariale en direct d'Erbil VIDEO                                      ⇝ (6 Décembre)
Erbilight sur France 2 - JT 20h  VIDEO                                             ⇝ (6 Décembre)
Edition Spéciale KTOTV en Direct d'Erbil avec le
                                               Cardinal Barbarin VIDEO                    ⇝ (7 Décembre)
Monseigneur Barbarin à la rencontre des réfugiés chrétiens et
                                                     yazidis à Erbil VIDEO                    ⇝ (7 Décembre)
                               Chapelet en direct d'Erbil VIDEO ⇝ (7 Décembre)

Le Cardinal Barbarin revient sur son voyage en Irak                          ⇝ (8 Décembre)
Monseigneur Barbarin : Noël, la crèche et les chrétiens persécutés ⇝ (23 Décembre)
Lettre du Pape François aux Chrétiens du Moyen-Orient                 ⇝ (21 Décembre)
Monseigneur Barbarin à la Fondation St Irénée                                ⇝ (Février 2015)
Entretient avec Myriam, une petite Irakienne                                    ⇝ (Février 2015)



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Entretient avec Myriam, une petite Irakienne 



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Monseigneur Barbarin à la Fondation St Irénée 



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(source: Vatican.va)




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(source: FigaroVox)

Monseigneur Barbarin : Noël, la crèche et les chrétiens persécutés



Nous sommes repartis en Irak à la veille du 8 décembre dans le cadre du jumelage Lyon-Mossoul. Il s'agissait d'exporter, en quelque sorte, la tradition lyonnaise des illuminations auprès de nos frères si cruellement éprouvés par la nuit d'un exil qui se prolonge.

En visitant leurs camps, j'ai été touché par la présence des crèches qu'ils installent sous une toile, devant leurs églises. Une tente au milieu de ces immenses tentes dans lesquelles s'entassent des centaines de personnes qui ont tout perdu, pour ne pas perdre leur foi.


Nous nous sommes trouvés démunis, désarmés devant le sourire et les larmes du peuple irakien, fragile comme un nouveau-né, merveilleux et inconsolable.

Un des membres de notre délégation a eu cette formule qui m'a marqué: «Cette année, la paroisse Mar Elia n'accueille pas seulement la crèche traditionnelle, mais aussi de nombreuses crèches vivantes.»

En repensant à ces visites, ces rencontres, ces visages, je crois en effet que nous sommes venus à eux, comme des étrangers pour visiter une crèche, des crèches, des centaines de crèches.

Comme des mages venus d'Occident, nous voulions leur apporter l'encens de notre prière, non pas seulement une prière pour eux, mais une prière à vivre avec eux.

Nous voulions apporter l'or de l'entraide, cet argent qui contribue au relogement: pas seulement celui des chrétiens pour les chrétiens, mais celui de financements privés et publics qui permet à des centaines de familles, chrétiennes ou yézidies, de trouver un toit.

Mais nous ne voulions pas leur apporter la myrrhe, cet aromate qui embaume les corps morts comme une promesse d'éternité, parce que justement nous croyons qu'ils doivent pouvoir rester, vivants, chez eux. Nous avons tous quelque chose à faire pour que «les roseaux de Dieu, qui plient mais ne rompent pas» comme l'a dit le Pape, ne soient pas déracinés.

En fait de cadeaux, nous nous sommes trouvés démunis, désarmés devant le sourire et les larmes du peuple irakien, fragile comme un nouveau-né, merveilleux et inconsolable. Nous croyions lui apporter quelque chose, mais cet enfant qui était là nous révélait notre suffisance, notre manque de foi et l'état de notre société…


Présenter la crèche au regard de tous s'harmonise très bien avec la loi de 1905 qui a su trouver un bel équilibre dans notre société.

Car tandis qu'on se querelle icisur la présence de quelques crèches dans l'espace public, on ne s'indigne pas beaucoup de ces milliers de crèches vivantes, non seulement en Irak, mais aussi en Syrie, et chez nous… en France. Bien sûr, il ne s'agit pas de grotte ou d'étable, mais de voitures ou de cartons sur nos places, dans nos rues, dans des espaces publics qui restent pourtant souvent à l'abri de nos regards. Des hommes et des femmes dorment dehors, naissent dehors, et meurent dehors. Et la voix de l'abbé Pierre nous manque terriblement pour nous réveiller.

Mgr Louis-Raphaël Sako, patriarche des chaldéens de Babylone, a parléde notre pèlerinage comme d'une visite au corps souffrant du Christ: «J'étais nu, malade, sans abri… et vous m'avez visité.» Je m'incline religieusement devant l'enfant de la crèche, à côté du sapin, des cadeaux, des bûches… Me prosternerais-je aussi devant l'enfant de la rue? Jésus y est pourtant bien plus présent que dans un morceau de plâtre peint.

N'allez pas croire que je n'aime pas la crèche! Au contraire, il y a dans la géniale invention de François d'Assise comme un condensé de la Révélation: le Verbe s'est fait chair et cette chair est une nourriture… Et voilà, sous nos yeux, Dieu qui atterrit sur terre dans une mangeoire, à Bethléem, la maison du pain.

Certes, la crèche a probablement revêtu aussi une dimension culturelle, mais si elle n'est que culturelle, elle ne m'intéresse guère. La crèche n'est pas un «objet religieux non identifié» ; elle a bel et bien été inventée pour susciter ou conforter un acte de foi en Dieu, l'Éternel qui se fait tout petit au milieu de nous. La présenter au regard de tous s'harmonise très bien avec la loi de 1905 qui a su trouver un bel équilibre dans notre société, elle qui dans son article 28 précise qu'«il est interdit d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit… à l'exception des musées ou expositions.» Cette phrase toute en nuances est à l'image de la loi: claire et souple à la fois… Et une crèche n'est-elle pas par nature une exposition?

Ce Jésus sans abri : qu'on l'abrite donc à Erbil, à Alep, à Lyon… et dans nos cœurs, comme le dit la poésie de Maurice Carême que l'on fait réciter aux enfants en cette époque ! On verra plus tard pour les conseils généraux et les mairies.

Même Jean-Paul Sartre, alors prisonnier, écrit dans un texte resté célèbre: «Vous avez le droit d'exiger qu'on vous montre la Crèche», parce qu'il y a dans cette représentation une dimension qui excède le visible, le fini, l'absurde de notre condition. Avec lui, nous devrions exiger d'ouvrir les yeux sur les crèches vivantes qui sont la honte de notre monde.

Ce soir, comme de nombreux prêtres ou volontaires engagés dans des lieux de grande pauvreté, je célébrerai la messe à Notre-Dame des Sans-Abri et je me souviendrai de l'une des phrases de son fondateur, Gabriel Rosset: «On aime les sans-abri du moment qu'on les abrite.» Ce Jésus sans abri: qu'on l'abrite donc à Erbil, à Alep, à Lyon… et dans nos cœurs, comme le dit la poésie de Maurice Carême que l'on fait réciter aux enfants en cette époque! On verra plus tard pour les conseils généraux et les mairies.

«Je ne puis craindre un Dieu qui pour moi s'est fait si petit», dit sainte Thérèse de L'Enfant Jésus. Si petit qu'Il pose par sa seule présence une question à notre conscience. Si grand qu'Il est le seul à pouvoir consoler nos peines les plus inconsolables.

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(source: radiovaticana)

Le Cardinal Barbarin revient sur son voyage en Irak



(RV) Entretien- Ce fut une visite intense que celle menée auprès des réfugiés chrétiens du Kurdistan irakien par une soixantaine de pèlerins du diocèse de Lyon, emmenés par le cardinal Philippe Barbarin. Ce dernier, dans l’avion qui le ramenait dimanche soir vers la France, livre au micro de Cyprien Viet ses impressions au terme de ces deux jours de rencontres avec les réfugiés, de messes et de procession. Le Cardinal Barbarin aborde la question de la présence de djihadistes français parmi les djihadistes qui ont chassé les chrétiens de la plaine de Ninive. Alors que Lyon accueille les traditionnelles festivités de l'Immaculée conception, il évoque aussi la "fête des lumières" qui a réuni entre 5000 et 10 000 personnes samedi soir dans les rues d'Erbil afin de symboliser le jumelage entre Lyon et Mossoul :




Au terme de ce pèlerinage mené à Erbil auprès des réfugiés, le patriarche de Babylone des Chaldéen, Mgr Louis Sako, évoque au micro de Cyprien Viet sa joie d'avoir reçu un soutien réconfortant dans cette période de persécutions pour les chrétiens d'Irak.


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Chapelet en direct d'Erbil (7 décembre)



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Monseigneur Barbarin à la rencontre des réfugiés chrétiens et yazidis à Erbil (7 Décembre)
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Edition Spéciale KTOTV en Direct d'Erbil avec le Cardinal Barbarin (7 Décembre)



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Erbilight sur France 2 - JT 20h 06/12/2014


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Procession mariale en direct d'Erbil (6 Décembre)



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Le Pape Francois s'adresse aux chrétiens d'Irak (6 Décembre)






La communauté chrétienne du Moyen-Orient a été comparée à «un roseau, qui quand vient le vent la tempête, se plie mais ne se rompt pas». C’est avec une image chère à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus que le Pape a parlé à nouveau des persécutions religieuses en Irak, exprimant sa proximité et sa solidarité aux chrétiens, mais aussi au yézidis en fuite des violences du soi-disant Etat islamique. Pour ce faire, il a envoyé un message vidéo au cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, qui depuis le 5 décembre se trouve en visite à Erbil, dans le cadre du jumelage entre son archidiocèse et celui de Mossoul.

Le Pape exprime «sa préoccupation et l’amour de toute l’Eglise», faisant sentir sa proximité «en ces moments d’épreuve», de souffrance mais aussi de témoignage, et assurant qu’il pense toujours «aux plaies, aux souffrances des mamans avec leurs enfants, des personnes âgées et des personnes déplacées, aux blessures de ceux qui sont victimes de tout type de souffrance».

Le Pape rappelle la préoccupation suscitée par «le fait que, notamment à cause d’un groupe extrémiste et fondamentaliste, des communautés entières ont enduré, et endurent encore à présent, des violences inhumaines à cause de leur identité ethnique et religieuse».

Réaffirmant que les chefs religieux, ont «l’obligation de dénoncer toutes les violations de la dignité et des droits humains», François propose à nouveau l’image chère à la petite Thérèse de Lisieux: «En ce moment, vous êtes ce roseau, vous vous pliez avec douleur, mais vous avez cette force de porter de l’avant votre foi, qui pour nous est témoignage». D’où la prière à l’Esprit Saint, invoqué afin qu’il leur donne «force et résistance», avec le souhait d’«une plus grande convergence internationale en vue de résoudre les conflits qui ensanglantent» la région, «de s’opposer aux autres causes qui poussent les personnes à quitter leur patrie et de promouvoir les conditions pour qu’elles puissent rester ou revenir».

En conclusion, le Pape annonce que le 8 décembre, solennité de l’Immaculée Conception, il demandera à toutes communautés chrétiennes de prier de manière particulière pur ceux qui sont persécutés en Irak et au Moyen-Orient.

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(Texte intégral du message sur radiovaticana

Chers frères et soeurs,
je voudrais vous saluer tous et chacun d’entre vous, ainsi que le Cardinal Philippe Barbarin, qui une nouvelle fois est venu jusqu’à vous pour vous offrir la sollicitude et l’amour de l’Eglise toute entière. Moi aussi j’aurais voulu être là, mais comme je n’ai pu faire ce voyage, je suis auprès de vous de cette manière…mais je vous suis très proche dans ces moments d’épreuve. J’ai dit, au retour de mon voyage en Turquie : les chrétiens sont chassés du Moyen-Orient, dans la souffrance. Je vous remercie pour le témoignage que vous donnez ; il y a tant de souffrance dans votre témoignage. Merci. Mille merci !
Il semble que là on ne veuille pas qu’il y ait des chrétiens, mais vous, vous témoignez du Christ.
Je pense aux plaies, aux douleurs des mères avec leurs enfants, aux personnes âgées et aux personnes déplacées, aux blessures de ceux qui sont victimes de toutes sortes de violences.
Comme je l’ai rappelé à Ankara, nous sommes particulièrement préoccupés par le fait qu’à cause d’un groupe extrêmiste et fondamentaliste, des communautés entières, spécialement – mais pas seulement- les chrétiens et les yazidi, ont supporté, et supportent encore, des violences inhumaines, à cause de leur identité ethnique et religieuse. Chrétiens et yazidi ont été chassés par la force de leurs maisons, ont dû abandonné toutes leurs affaires pour sauver leur propre vie et ne pas renier leur foi. La violence a touché aussi des édifices sacrés, des monuments, des symboles religieux et le patrimoine culturel, comme dans une volonté d’effacer toute trace, toute mémoire de l’autre.
En qualité de chefs religieux, nous avons l’obligation de dénoncer toutes les violations de la dignité et des droits de l’homme !
Aujourd’hui je voudrais m’approcher de vous qui supportez cette souffrance, être proche de vous…et je pense à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus qui disait qu’elle se sentait comme un roseau : quand vient le vent, la tempête, le roseau plie mais ne casse pas ! Vous êtes en ce moment ce roseau, vous pliez sous la douleur, mais vous avez cette force de conserver votre foi, qui pour nous est un témoignage. Vous êtes les roseaux de Dieu aujourd’hui ! Les roseaux qui se plient sous ce vent féroce, mais ensuite se redresseront !
Je voudrais vous remercier une fois encore, et je prie l’Esprit Saint qui renouvelle toutes choses, de vous donner à chacun d’entre vous force et résistance. C’est un don de l’Esprit Saint. Et je demande une fois encore, comme je l’ai fait en Turquie, une mobilisation internationale plus grande pour résoudre les conflits qui ensanglantent vos terres d’origine, pour lutter contre les autres causes qui poussent les personnes à quitter leurs patries et à promouvoir les conditions pour qu’elles puissent y demeurer ou y revenir. Je vous souhaite que vous puissiez rentrer chez vous.
Chers frères et soeurs, vous êtes dans mon cœur, dans ma prière et dans les cœurs et les prières de toutes les communautés chrétiennes à qui je demande de prier spécialement pour vous, le 8 décembre prochain, prier la Vierge pour qu’elle vous protège : Elle est la mère qui vous protège.
Frères et soeurs, votre résistance est martyre, rosée qui féconde. Et je vous demande de prier pour moi, que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge pour protège.
Que Dieu tout puissant vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint Esprit.

[]

************************

Erbilight (Visite du Cardinal Barbarin et délégation à Erbil (Irak) Decembre 2014)
Discours du Pape François au Parlement Européen et Conseil de l'Europe de strasbourg
                        + réactions et décryptage (25 nov 2014)
"La renonciation à la vérité est mortelle pour la foi"  par Benoît XVI
"Dagerman l’inconsolable (soixantenaire de sa disparition)" @JosephGynt @cahierslibres @TdCfr
"Jeunesse Lumière à 30 ans" JL30 avec le Père Daniel Ange 
La France est-elle encore la « fille aînée de l’Eglise » ? Par le cardinal Philippe Barbarin
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 1/2 - "Le rêve de Dieu par Yves Semens"
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 2/2 - "Une spiritualité conjugale"
Lettre de Mgr Aillet (MANIFPOURTOUS , Bioéthique , Gender , Euthanasie Morale Laïcque...)
Homélie de Mgr Marc Aillet à Notre Dame de Chartres (clôture du pèlerinage)
Dominique Humbrecht : " À défaut d'avoir précédé, nous (L'Église de France) 
pouvons encore suivre. Nous sommes acculés à l'exemplarité culturelle."
Veilleurs: "Cathos et rebelles" ( via Le Figaro 18 Avril 2014)
"Les Veilleurs" (20 Avril 2013)
Proclamation de St Thomas More comme patron des responsables 
de gouvernement et des hommes politiques
Loi naturelle et loi civile: 1-"un mariage de raison"
"1984" de George Orwell avec Raphaël Enthoven dans"Le Gai Savoir
Halte au narcissisme du corps avec Adèle van Reeth
Les nouvelles technologies vont-elles réinventer l' homme ?
"Le droit canonique est un droit de guérison"(L'Eglise : une institution juridique ? )
La liberté religieuse en cause en Europe
La voix éloquente et claire de la Conscience
Conscience morale: "Les chrétiens au risque de l'abstention ? "
La liberté de conscience et religieuse menacée aux États-Unis


Cardinal André XXIII - Extrait " Vision actuelle sur la Laïcité (KTO) "
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie I)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie II)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie III)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie IV)

La laïcité à la française " une analyse de Mgr Jean-Louis Bruguès
La voix éloquente et claire de la Conscience
"La révolte des masses" - d' Ortega Y Gasset
Quand l' Eglise interpelle les consciences....pour 2012
Adieu Benoît XVI - Livre d' Or (ici)
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 1/2 - Le rêve de Dieu par Yves Semens
Démocratie "entre" Loi civil et loi morale - Extrait de l' Evangile de la Vie (Evangelium vitae)
Inauguration de la statue de Jean-Paul II par Monsieur le Sénateur Gérard COLLOMB
Dans les combats, "Mes Armes" - faisons les nôtres ... (Ste Thérèse de l' enfant Jésus)
"DIVINI ILLIUS MAGISTRI" LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ
LE PAPE PIE XI SUR L'ÉDUCATION CHRÉTIENNE DE LA JEUNESSE
La morale laïque, une nouvelle religion pour la République ?
(Observatoire Sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon)
"Notre République" par Charles Vaugirard
La Laïcité, 4éme devise de la République pour Mr Olivier Falorni !!!!
"Tomber la culotte" ET "morale laïque" de Vincent Peillon à l' école 
Chiara Petrillo: "OUI à la VIE"
L' état doit il avoir une éthique ? La loi est elle pédagogique et donc
oriente elle vers le bien ?
Démocratie "entre" Loi civil et loi morale
Extrait de l' Evangile de la Vie (Evangelium vitae)
Chronique libre: "De l'ordre moral à l'ordre infernal"
Conscience morale: "Les chrétiens au risque de l'abstention ? "
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mardi 25 novembre 2014

Discours du Pape François au Parlement Européen et Conseil de l'Europe de strasbourg + réactions et décryptage (25 nov 2014)



* Discours du Pape François au Parlement Européen (Strasbourg): [*]
* Discours du Pape François au Conseil de l'Europe (Strasbourg): [*]
* Discours de Martin Schulz, Président du Parlement européen: [*]
* Audio sur RCF: [*]
* Audio sur Radionotredame + interview dans "La Vie" et "La voix de la
    Russie": [*]   (avec Gregor Puppink)






















(source: vatican)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Vice-présidents,

Honorables Députés Européens,

Personnes qui travaillent à des titres divers dans cet hémicycle,

Chers amis,

Je vous remercie pour l’invitation à prendre la parole devant cette institution fondamentale de la vie de l’Union Européenne, et pour l’opportunité qui m’est offerte de m’adresser, à travers vous, à plus de cinq cents millions de citoyens des 28 pays membres que vous représentez. Je désire exprimer une gratitude particulière à vous, Monsieur le Président du Parlement, pour les paroles cordiales de bienvenue que vous m’avez adressées, au nom de tous les membres de l’Assemblée.

Ma visite a lieu plus d’un quart de siècle après celle accomplie par le Pape Jean-Paul II. Beaucoup de choses ont changé depuis lors, en Europe et dans le monde entier. Les blocs opposés qui divisaient alors le continent en deux n’existent plus, et le désir que « l’Europe, se donnant souverainement des institutions libres, puisse un jour se déployer aux dimensions que lui ont données la géographie et plus encore l’histoire »[1]
, se réalise lentement.

Un monde toujours plus interconnecté et globalisé

À côté d’une Union Européenne plus grande, il y a aussi un monde plus complexe, et en fort mouvement. Un monde toujours plus interconnecté et globalisé, et donc de moins en moins « eurocentrique ». À une Union plus étendue, plus influente, semble cependant s’adjoindre l’image d’une Europe un peu vieillie et comprimée, qui tend à se sentir moins protagoniste dans un contexte qui la regarde souvent avec distance, méfiance, et parfois avec suspicion.

En m’adressant à vous aujourd’hui, à partir de ma vocation de pasteur, je désire adresser à tous les citoyens européens un message d’espérance et d’encouragement.

Un message d’espérance fondé sur la confiance que les difficultés peuvent devenir des promotrices puissantes d’unité, pour vaincre toutes les peurs que l’Europe – avec le monde entier – est en train de traverser. L’espérance dans le Seigneur qui transforme le mal en bien, et la mort en vie.

Revenir à la ferme conviction des Pères fondateurs

Encouragement pour revenir à la ferme conviction des Pères fondateurs de l’Union Européenne, qui ont souhaité un avenir fondé sur la capacité de travailler ensemble afin de dépasser les divisions, et favoriser la paix et la communion entre tous les peuples du continent. Au centre de cet ambitieux projet politique il y avait la confiance en l’homme, non pas tant comme citoyen, ni comme sujet économique, mais en l’homme comme personne dotée d’une dignité transcendante.

Je tiens avant tout à souligner le lien étroit qui existe entre ces deux paroles : « dignité » et « transcendante ».

La « dignité » est le mot-clé qui a caractérisé la reprise du second après-guerre. Notre histoire récente se caractérise par l’indubitable centralité de la promotion de la dignité humaine contre les violences multiples et les discriminations qui, même en Europe, n’ont pas manqué dans le cours des siècles. La perception de l’importance des droits humains naît justement comme aboutissement d’un long chemin, fait de multiples souffrances et sacrifices, qui a contribué à former la conscience du caractère précieux, de l’unicité qu’on ne peut répéter de toute personne humaine individuelle. Cette conscience culturelle trouve son fondement, non seulement dans les événements de l’histoire, mais surtout dans la pensée européenne, caractérisée par une riche rencontre, dont les nombreuses sources lointaines proviennent « de la Grèce et de Rome, de fonds celtes, germaniques et slaves, et du christianisme qui l’a profondément pétrie»[2]
, donnant lieu justement au concept de « personne ».

Promouvoir la dignité de la personne

Aujourd’hui, la promotion des droits humains joue un rôle central dans l’engagement de l’Union Européenne, en vue de favoriser la dignité de la personne, en son sein comme dans ses rapports avec les autres pays. Il s’agit d’un engagement important et admirable, puisque trop de situations subsistent encore dans lesquelles les êtres humains sont traités comme des objets dont on peut programmer la conception, la configuration et l’utilité, et qui ensuite peuvent être jetés quand ils ne servent plus, parce qu’ils deviennent faibles, malades ou vieux.

Quelle dignité existe vraiment, quand manque la possibilité d’exprimer librement sa pensée ou de professer sans contrainte sa foi religieuse ? Quelle dignité est possible, sans un cadre juridique clair, qui limite le domaine de la force et qui fasse prévaloir la loi sur la tyrannie du pouvoir ? Quelle dignité peut jamais avoir un homme ou une femme qui fait l’objet de toute sorte de discriminations ? Quelle dignité pourra jamais avoir une personne qui n’a pas de nourriture ou le minimum nécessaire pour vivre et, pire encore, de travail qui l’oint de dignité ?

Promouvoir la dignité de la personne signifie reconnaître qu’elle possède des droits inaliénables dont elle ne peut être privée au gré de certains, et encore moins au bénéfice d’intérêts économiques.

Mais il convient de faire attention pour ne pas tomber dans des équivoques qui peuvent naître d’un malentendu sur le concept de droits humains et de leur abus paradoxal. Il y a en effet aujourd’hui la tendance à une revendication toujours plus grande des droits individuels, qui cache une conception de la personne humaine détachée de tout contexte social et anthropologique, presque comme une « monade » (μονάς), toujours plus insensible aux autres « monades » présentes autour de soi. Au concept de droit, celui - aussi essentiel et complémentaire - de devoir, ne semble plus associé, de sorte qu’on finit par affirmer les droits individuels sans tenir compte que tout être humain est lié à un contexte social dans lequel ses droits et devoirs sont connexes à ceux des autres et au bien commun de la société elle-même.

Par conséquent je considère qu’il est plus que jamais vital d’approfondir aujourd’hui une culture des droits humains qui puisse sagement relier la dimension individuelle, ou mieux, personnelle, à celle de bien commun, de ce « nous-tous » formé d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui s’unissent en communauté sociale.[3]
. En effet, si le droit de chacun n’est pas harmonieusement ordonné au bien plus grand, il finit par se concevoir comme sans limites et, par conséquent, devenir source de conflits et de violences.

Regarder l’homme comme un être relationnel

Parler de la dignité transcendante de l’homme signifie donc faire appel à sa nature, à sa capacité innée de distinguer le bien du mal, à cette « boussole » inscrite dans nos cœurs et que Dieu a imprimée dans l’univers créé [4]
; cela signifie surtout de regarder l’homme non pas comme un absolu, mais comme un être relationnel. Une des maladies que je vois la plus répandue aujourd’hui en Europe est la solitude, précisément de celui qui est privé de liens. On la voit particulièrement chez les personnes âgées, souvent abandonnées à leur destin, comme aussi chez les jeunes privés de points de référence et d’opportunités pour l’avenir ; on la voit chez les nombreux pauvres qui peuplent nos villes ; on la voit dans le regard perdu des migrants qui sont venus ici en recherche d’un avenir meilleur.

Cette solitude a été ensuite accentuée par la crise économique, dont les effets perdurent encore, avec des conséquences dramatiques du point de vue social. On peut constater qu’au cours des dernières années, à côté du processus d’élargissement de l’Union Européenne, s’est accrue la méfiance des citoyens vis-à-vis des institutions considérées comme distantes, occupées à établir des règles perçues comme éloignées de la sensibilité des peuples particuliers, sinon complètement nuisibles. D’un peu partout on a une impression générale de fatigue et de vieillissement, d’une Europe grand-mère et non plus féconde et vivante. Par conséquent, les grands idéaux qui ont inspiré l’Europe semblent avoir perdu leur force attractive, en faveur de la technique bureaucratique de ses institutions.

Indifférence aux plus pauvres

À cela s’ajoutent des styles de vie un peu égoïstes, caractérisés par une opulence désormais insoutenable et souvent indifférente au monde environnant, surtout aux plus pauvres. On constate avec regret une prévalence des questions techniques et économiques au centre du débat politique, au détriment d’une authentique orientation anthropologique [5]
. L’être humain risque d’être réduit à un simple engrenage d’un mécanisme qui le traite à la manière d’un bien de consommation à utiliser, de sorte que – nous le remarquons malheureusement souvent – lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître.

C’est une grande méprise qui advient « quand l’absolutisation de la technique prévaut»[6]
, ce qui finit par produire « une confusion entre la fin et moyens »[7]
. Résultat inévitable de la « culture du déchet » et de la « mentalité de consommation exagérée ». Au contraire, affirmer la dignité de la personne c’est reconnaître le caractère précieux de la vie humaine, qui nous est donnée gratuitement et qui ne peut, pour cette raison, être objet d’échange ou de commerce.Dans votre vocation de parlementaires, vous êtes aussi appelés à une grande mission, bien qu’elle puisse sembler inutile : prendre soin de la fragilité des peuples et des personnes. Prendre soin de la fragilité veut dire force et tendresse, lutte et fécondité, au milieu d’un modèle fonctionnaliste et privatisé qui conduit inexorablement à la « culture du déchet ». Prendre soin de la fragilité de la personne et des peuples signifie garder la mémoire et l’espérance ; signifie prendre en charge la personne présente dans sa situation la plus marginale et angoissante et être capable de l’oindre de dignité [8]
.

Comment donc redonner espérance en l’avenir, de sorte que, à partir des jeunes générations, on retrouve la confiance afin de poursuivre le grand idéal d’une Europe unie et en paix, créative et entreprenante, respectueuse des droits et consciente de ses devoirs ?

Pour répondre à cette question, permettez-moi de recourir à une image. Une des fresques les plus célèbres de Raphaël qui se trouvent au Vatican représente la dite École d’Athènes. Au centre se trouvent Platon et Aristote. Le premier a le doigt qui pointe vers le haut, vers le monde des idées, nous pourrions dire vers le ciel ; le second tend la main en avant, vers celui qui regarde, vers la terre, la réalité concrète. Cela me paraît être une image qui décrit bien l’Europe et son histoire, faite de la rencontre continuelle entre le ciel et la terre, où le ciel indique l’ouverture à la transcendance, à Dieu, qui a depuis toujours caractérisé l’homme européen, et la terre qui représente sa capacité pratique et concrète à affronter les situations et les problèmes.

« Esprit humaniste »

L’avenir de l’Europe dépend de la redécouverte du lien vital et inséparable entre ces deux éléments. Une Europe qui n’a plus la capacité de s’ouvrir à la dimension transcendante de la vie est une Europe qui lentement risque de perdre son âme, ainsi que cet « esprit humaniste » qu’elle aime et défend cependant.

Précisément à partir de la nécessité d’une ouverture au transcendant, je veux affirmer la centralité de la personne humaine, qui se trouve autrement à la merci des modes et des pouvoirs du moment. En ce sens j’estime fondamental, non seulement le patrimoine que le christianisme a laissé dans le passé pour la formation socioculturelle du continent, mais surtout la contribution qu’il veut donner, aujourd’hui et dans l’avenir, à sa croissance. Cette contribution n’est pas un danger pour la laïcité des États ni pour l’indépendance des institutions de l’Union, mais au contraire un enrichissement. Les idéaux qui l’ont formée dès l’origine le montrent bien: la paix, la subsidiarité et la solidarité réciproque, un humanisme centré sur le respect de la dignité de la personne.

Je désire donc renouveler la disponibilité du Saint-Siège et de l’Église catholique – à travers la Commission des Conférences Épiscopales Européennes (COMECE) – pour entretenir un dialogue profitable, ouvert et transparent avec les institutions de l’Union Européenne. De même, je suis convaincu qu’une Europe capable de mettre à profit ses propres racines religieuses, sachant en recueillir la richesse et les potentialités, peut être plus facilement immunisée contre les nombreux extrémismes qui déferlent dans le monde d’aujourd’hui, et aussi contre le grand vide d’idées auquel nous assistons en Occident, parce que « c’est l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la violence »[9]
.

Nous ne pouvons pas ici ne pas rappeler les nombreuses injustices et persécutions qui frappent quotidiennement les minorités religieuses, en particulier chrétiennes, en divers endroits du monde. Des communautés et des personnes sont l’objet de violences barbares : chassées de leurs maisons et de leurs patries ; vendues comme esclaves ; tuées, décapitées, crucifiées et brulées vives, sous le silence honteux et complice de beaucoup.

La devise de l’Union Européenne est Unité dans la diversité, mais l’unité ne signifie pas uniformité politique, économique, culturelle ou de pensée. En réalité, toute unité authentique vit de la richesse des diversités qui la composent : comme une famille qui est d’autant plus unie que chacun des siens peut être, sans crainte, davantage soi-même. Dans ce sens, j’estime que l’Europe est une famille des peuples, lesquels pourront sentir les institutions de l’Union proches dans la mesure où elles sauront sagement conjuguer l’idéal de l’unité à laquelle on aspire, à la diversité propre de chacun, valorisant les traditions particulières, prenant conscience de son histoire et de ses racines, se libérant de nombreuses manipulations et phobies. Mettre au centre la personne humaine signifie avant tout faire en sorte qu’elle exprime librement son visage et sa créativité, au niveau des individus comme au niveau des peuples.

Maintenir vivante la démocratie des peuples d’Europe

D’autre part, les particularités de chacun constituent une richesse authentique dans la mesure où elles sont mises au service de tous. Il faut toujours se souvenir de l’architecture propre de l’Union Européenne, basée sur les principes de solidarité et de subsidiarité, de sorte que l’aide mutuelle prévale, et que l’on puisse marcher dans la confiance réciproque.

Dans cette dynamique d’unité-particularité, se pose à vous, Mesdames et Messieurs les Eurodéputés, l’exigence de maintenir vivante la démocratie des peuples d’Europe. Il est connu qu’une conception uniformisante de la mondialité touche la vitalité du système démocratique, affaiblissant le débat riche, fécond et constructif des organisations et des partis politiques entre eux.

On court ainsi le risque de vivre dans le règne de l’idée, de la seule parole, de l’image, du sophisme… et de finir par confondre la réalité de la démocratie avec un nouveau nominalisme politique. Maintenir vivante la démocratie en Europe demande d’éviter les « manières globalisantes » de diluer la réalité : les purismes angéliques, les totalitarismes du relativisme, les fondamentalismes anhistoriques, les éthiques sans bonté, les intellectualismes sans sagesse [10]
.

Maintenir vivante la réalité des démocraties est un défi de ce moment historique, en évitant que leur force réelle – force politique expressive des peuples – soit écartée face à la pression d’intérêts multinationaux non universels, qui les fragilisent et les transforment en systèmes uniformisés de pouvoir financier au service d’empires inconnus. C’est un défi qu’aujourd’hui l’histoire vous lance.

La famille unie, pour donner espérance à l’avenir

Donner espérance à l’Europe ne signifie pas seulement reconnaître la centralité de la personne humaine, mais implique aussi d’en favoriser les capacités. Il s’agit donc d’y investir ainsi que dans les domaines où ses talents se forment et portent du fruit. Le premier domaine est sûrement celui de l’éducation, à partir de la famille, cellule fondamentale et élément précieux de toute société. La famille unie, féconde et indissoluble porte avec elle les éléments fondamentaux pour donner espérance à l’avenir. Sans cette solidité, on finit par construire sur le sable, avec de graves conséquences sociales. D’autre part, souligner l’importance de la famille non seulement aide à donner des perspectives et l’espérance aux nouvelles générations, mais aussi aux nombreuses personnes âgées, souvent contraintes à vivre dans des conditions de solitude et d’abandon parce qu’il n’y a plus la chaleur d’un foyer familial en mesure de les accompagner et de les soutenir.

À côté de la famille, il y a les institutions éducatives : écoles et universités.L’éducation ne peut se limiter à fournir un ensemble de connaissances techniques, mais elle doit favoriser le processus plus complexe de croissance de la personne humaine dans sa totalité. Les jeunes d’aujourd’hui demandent à pouvoir avoir une formation adéquate et complète pour regarder l’avenir avec espérance, plutôt qu’avec désillusion. Ensuite, les potentialités créatives de l’Europe dans divers domaines de la recherche scientifique, dont certains ne sont pas encore complètement explorés, sont nombreuses. Il suffit de penser par exemple aux sources alternatives d’énergie, dont le développement servirait beaucoup à la protection de l’environnement.

Une responsabilité personnelle dans la protection de la création

L’Europe a toujours été en première ligne dans un louable engagement en faveur de l’écologie. Notre terre a en effet besoin de soins continus et d’attentions ; chacun a une responsabilité personnelle dans la protection de la création, don précieux que Dieu a mis entre les mains des hommes. Cela signifie, d’une part, que la nature est à notre disposition, que nous pouvons en jouir et en faire un bon usage ; mais, d’autre part, cela signifie que nous n’en sommes pas les propriétaires. Gardiens, mais non propriétaires. Par conséquent, nous devons l’aimer et la respecter, tandis qu’« au contraire, nous sommes souvent guidés par l’orgueil de dominer, de posséder, de manipuler, d’exploiter; nous ne la “gardons” pas, nous ne la respectons pas, nous ne la considérons pas comme un don gratuit dont il faut prendre soin»[11]
. Respecter l’environnement signifie cependant non seulement se limiter à éviter de le défigurer, mais aussi l’utiliser pour le bien. Je pense surtout au secteur agricole, appelé à donner soutien et nourriture à l’homme. On ne peut tolérer que des millions de personnes dans le monde meurent de faim, tandis que des tonnes de denrées alimentaires sont jetées chaque jour de nos tables. En outre, respecter la nature, nous rappelle que l’homme lui-même en est une partie fondamentale. À côté d’une écologie environnementale, il faut donc une écologie humaine, faite du respect de la personne, que j’ai voulu rappeler aujourd’hui en m’adressant à vous.

Le deuxième domaine dans lequel fleurissent les talents de la personne humaine, c’est le travail. Il est temps de favoriser les politiques de l’emploi, mais il est surtout nécessaire de redonner la dignité au travail, en garantissant aussi d’adéquates conditions pour sa réalisation. Cela implique, d’une part, de repérer de nouvelles manières de conjuguer la flexibilité du marché avec les nécessités de stabilité et de certitude des perspectives d’emploi, indispensables pour le développement humain des travailleurs ; d’autre part, cela signifie favoriser un contexte social adéquat, qui ne vise pas l’exploitation des personnes, mais à garantir, à travers le travail, la possibilité de construire une famille et d’éduquer les enfants.

On ne peut tolérer que la Mer Méditerranéenne devienne un grand cimetière !

De même, il est nécessaire d’affronter ensemble la question migratoire. On ne peut tolérer que la Mer Méditerranéenne devienne un grand cimetière ! Dans les barques qui arrivent quotidiennement sur les côtes européennes, il y a des hommes et des femmes qui ont besoin d’accueil et d’aide. L’absence d’un soutien réciproque au sein de l’Union Européenne risque d’encourager des solutions particularistes aux problèmes, qui ne tiennent pas compte de la dignité humaine des immigrés, favorisant le travail d’esclave et des tensions sociales continuelles. L’Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l’immigration si elle sait proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en acte des législations adéquates qui sachent en même temps protéger les droits des citoyens européens et garantir l’accueil des migrants ; si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leurs pays d’origine dans le développement sociopolitique et dans la résolution des conflits internes – cause principale de ce phénomène – au lieu des politiques d’intérêt qui accroissent et alimentent ces conflits. Il est nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs les Députés,

La conscience de sa propre identité est nécessaire aussi pour dialoguer de manière prospective avec les États qui ont demandé d’entrer pour faire partie de l’Union Européenne à l’avenir. Je pense surtout à ceux de l’aire balkanique pour lesquels l’entrée dans l’Union Européenne pourra répondre à l’idéal de paix dans une région qui a grandement souffert des conflits dans le passé. Enfin, la conscience de sa propre identité est indispensable dans les rapports avec les autres pays voisins, particulièrement avec ceux qui bordent la Méditerranée, dont beaucoup souffrent à cause de conflits internes et de la pression du fondamentalisme religieux ainsi que du terrorisme international.

À vous législateurs, revient le devoir de protéger et de faire grandir l’identité européenne, afin que les citoyens retrouvent confiance dans les institutions de l’Union et dans le projet de paix et d’amitié qui en est le fondement. Sachant que « plus grandit le pouvoir de l’homme plus s’élargit le champ de ses responsabilités, personnelles et communautaires »[12]
. Je vous exhorte donc à travailler pour que l’Europe redécouvre sa bonne âme.

Un auteur anonyme du IIe siècle a écrit que « les chrétiens représentent dans le monde ce qu’est l’âme dans le corps » [13]
. Le rôle de l’âme est de soutenir le corps, d’en être la conscience et la mémoire historique. Et une histoire bimillénaire lie l’Europe et le christianisme. Une histoire non exempte de conflits et d’erreurs, mais toujours animée par le désir de construire pour le bien. Nous le voyons dans la beauté de nos villes, et plus encore dans celle des multiples œuvres de charité et d’édification commune qui parsèment le continent. Cette histoire, en grande partie, est encore à écrire. Elle est notre présent et aussi notre avenir. Elle est notre identité. Et l’Europe a fortement besoin de redécouvrir son visage pour grandir, selon l’esprit de ses Pères fondateurs, dans la paix et dans la concorde, puisqu’elle-même n’est pas encore à l’abri de conflits.

Chers Eurodéputés, l’heure est venue de construire ensemble l’Europe qui tourne, non pas autour de l’économie, mais autour de la sacralité de la personne humaine, des valeurs inaliénables ; l’Europe qui embrasse avec courage son passé et regarde avec confiance son avenir pour vivre pleinement et avec espérance son présent. Le moment est venu d’abandonner l’idée d’une Europe effrayée et repliée sur elle-même, pour susciter et promouvoir l’Europe protagoniste, porteuse de science, d’art, de musique, de valeurs humaines et aussi de foi. L’Europe qui contemple le ciel et poursuit des idéaux ; l’Europe qui regarde, défend et protège l’homme ; l’Europe qui chemine sur la terre sûre et solide, précieux point de référence pour toute l’humanité !

Merci

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ou Discours de Martin Schulz, Président du Parlement européen: [*]

2 [] Jean-Paul II, Discours à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 8 octobre 1988.

3 [] Cf. Benoît XVI, Caritas in veritate, n. 7 ; Conc. Œcum. Vat. II, Const. Past. Gaudium et spes, n. 26.

4 [] Cf. Compendiumde la Doctrine Sociale de l’Église, n. 37.

5 [] Cf. Evangelii gaudium, n. 55.

6 [] Benoît XVI, Caritas in veritate, n. 71.

7 [] Ibid.

8 [] Cf. Evangelii gaudium, n. 209.

9 [] Benoît XVI, Discours aux Membres du Corps Diplomatique, 7 janvier 2013.

10 [] Cf. Evangelii gaudium, n. 231.

11 [] François, Audience générale, 5 juin 2013.

12 [audium et spes, 34.

13 [] cf. Lettre à Diognète , 6.

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Discours du Pape François au Parlement Européen et Conseil de l'Europe de strasbourg
                        + réactions et décryptage (25 nov 2014)
Discours intégrale du Pape à la FAO: « L'affamé réclame de la dignité, pas l'aumône »
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Vidéo "Audience du pape François aux couples de fiancés" (KTOTV)
Lettre Encyclique "Lumière de la Foi" (Lumen Fidei) du Pape François

Fil d'actualité du Pape François: ici
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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS AU CONSEIL DE L'EUROPE


Monsieur le Secrétaire Général,
Madame la Présidente,
Excellences, Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de pouvoir prendre la parole en cette Assemblée qui voit réunie une représentation significative de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, les Représentants des pays membres, les Juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et aussi les diverses Institutions qui composent le Conseil de l’Europe. De fait, presque toute l’Europe est présente en cette enceinte, avec ses peuples, ses langues, ses expressions culturelles et religieuses, qui constituent la richesse de ce continent. Je suis particulièrement reconnaissant à Monsieur le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Monsieur Thorbjørn Jagland, pour la courtoise invitation et pour les aimables paroles de bienvenue qu’il m’a adressées. Je salue Madame Anne Brasseur, Présidente de l’Assemblée parlementaire, ainsi que les représentants des diverses institutions qui composent le Conseil de l’Europe. Je vous remercie tous de tout cœur pour l’engagement que vous prodiguez et pour la contribution que vous offrez à la paix en Europe, par la promotion de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit.

Dans l’intention de ses Pères fondateurs, le Conseil de l’Europe, qui célèbre cette année son 65ème anniversaire, répondait à une tension vers un idéal d’unité qui, à plusieurs reprises, a animé la vie du continent depuis l’antiquité. Cependant, au cours des siècles, des poussées particularistes ont souvent prévalu, caractérisées par la succession de diverses volontés hégémoniques. Qu’il suffise de penser que dix ans avant ce 5 mai 1949, où a été signé à Londres le Traité qui a institué le Conseil de l’Europe, commençait le plus cruel et le plus déchirant conflit dont ces terres se souviennent et dont les divisions se sont poursuivies pendant de longues années, alors que ce qu’on a appelé le rideau de fer coupait en deux le continent de la Mer Baltique au Golfe de Trieste. Le projet des Pères fondateurs était de reconstruire l’Europe dans un esprit de service mutuel, qui aujourd’hui encore, dans un monde plus enclin à revendiquer qu’à servir, doit constituer la clef de voûte de la mission du Conseil de l’Europe, en faveur de la paix, de la liberté et de la dignité humaine.

D’autre part, la voie privilégiée vers la paix - pour éviter que ce qui est arrivé durant les deux guerres mondiales du siècle dernier ne se répète -, c’est de reconnaître dans l’autre non un ennemi à combattre, mais un frère à accueillir. Il s’agit d’un processus continu, qu’on ne peut jamais considérer pleinement achevé. C’est justement l’intuition qu’ont eue les Pères fondateurs, qui ont compris que la paix était un bien à conquérir continuellement, et qu’elle exigeait une vigilance absolue. Ils étaient conscients que les guerres s’alimentent dans le but de prendre possession des espaces, de figer les processus qui progressent et de chercher à les arrêter ; par contre, ils recherchaient la paix qui peut s’obtenir seulement par l’attitude constante d’initier des processus et de les poursuivre.De cette manière, ils affirmaient la volonté de cheminer en murissant dans le temps, parce que c’est justement le temps qui gouverne les espaces, les éclaire et les transforme en une chaîne continue de croissance, sans voies de retour. C’est pourquoi, construire la paix demande de privilégier les actions qui génèrent de nouveaux dynamismes dans la société et impliquent d’autres personnes et d’autres groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils portent du fruit dans des événements historiques importants [1].

Pour cela, ils ont créé cet Organisme stable. Le bienheureux Paul VI, quelques années après, eut à rappeler que « les institutions mêmes qui, sur le plan juridique et dans le concert des nations, ont pour rôle - et ont le mérite - de proclamer et de conserver la paix, n'atteignent le but prévu que si elles sont continuellement à l'œuvre, si elles savent à chaque instant engendrer la paix, faire la paix »[2]. Un chemin constant d’humanisation est nécessaire, de sorte qu’« il ne suffit pas de contenir les guerres, de suspendre les luttes, (…) une paix imposée ne suffit pas, non plus qu'une paix utilitaire et provisoire; il faut tendre vers une paix aimée, libre, fraternelle, et donc fondée sur la réconciliation des esprits »[3]. C’est-à-dire poursuivre les processus sans anxiété mais certainement avec des convictions claires et avec ténacité.

Pour conquérir le bien de la paix, il faut avant tout y éduquer, en éloignant une culture du conflit qui vise à la peur de l’autre, à la marginalisation de celui qui pense ou vit de manière différente. Il est vrai que le conflit ne peut être ignoré ou dissimulé, il doit être assumé. Mais si nous y restons bloqués, nous perdons la perspective, les horizons se limitent et la réalité elle-même demeure fragmentée. Quand nous nous arrêtons à la situation conflictuelle, nous perdons le sens de l’unité profonde de la réalité[4], nous arrêtons l’histoire et nous tombons dans les usures internes des contradictions stériles.

Malheureusement, la paix est encore trop souvent blessée. Elle l’est dans de nombreuses parties du monde, où font rage des conflits de diverses sortes. Elle l’est aussi ici en Europe, où des tensions ne cessent pas. Que de douleur et combien de morts encore sur ce continent, qui aspire à la paix, mais pourtant retombe facilement dans les tentations d’autrefois ! Pour cela, l’œuvre du Conseil de l’Europe dans la recherche d’une solution politique aux crises en cours est importante et encourageante.

Mais la paix est aussi mise à l’épreuve par d’autres formes de conflit, tels que le terrorisme religieux et international, qui nourrit un profond mépris pour la vie humaine et fauche sans discernement des victimes innocentes. Ce phénomène est malheureusement très souvent alimenté par un trafic d’armes en toute tranquillité. L’Église considère que « la course aux armements est une plaie extrêmement grave de l’humanité et lèse les pauvres d’une manière intolérable »[5]. La paix est violée aussi par le trafic des êtres humains, qui est le nouvel esclavage de notre temps et qui transforme les personnes en marchandises d’échange, privant les victimes de toute dignité. Assez souvent, nous notons également comment ces phénomènes sont liés entre eux. Le Conseil de l’Europe, à travers ses Commissions et ses Groupes d’Experts, exerce un rôle important et significatif dans le combat contre ces formes d’inhumanité.

Cependant, la paix n’est pas la simple absence de guerres, de conflits et de tensions. Dans la vision chrétienne, elle est, en même temps, don de Dieu et fruit de l’action libre et raisonnable de l’homme qui entend poursuivre le bien commun dans la vérité et dans l’amour. « Cet ordre rationnel et moral s'appuie précisément sur la décision de la conscience des êtres humains à la recherche de l'harmonie dans leurs rapports réciproques, dans le respect de la justice pour tous»[6].

Comment donc poursuivre l’objectif ambitieux de la paix ?

Le chemin choisi par le Conseil de l’Europe est avant tout celui de la promotion des droits humains, auxquels est lié le développement de la démocratie et de l’État de droit. C’est un travail particulièrement précieux, avec d’importantes implications éthiques et sociales, puisque d’une juste conception de ces termes et d’une réflexion constante sur eux dépendent le développement de nos sociétés, leur cohabitation pacifique et leur avenir. Cette recherche est l’une des plus grandes contributions que l’Europe a offerte et offre encore au monde entier.

C’est pourquoi, en cette enceinte, je ressens le devoir de rappeler l’importance de l’apport et de la responsabilité de l’Europe dans ledéveloppement culturel de l’humanité. Je voudrais le faire en partant d’une image que j’emprunte à un poète italien du XXème siècle, Clemente Rebora, qui, dans l’une de ses poésies, décrit un peuplier, avec ses branches élevées vers le ciel et agitées par le vent, son tronc solide et ferme, ainsi que ses racines profondes qui s’enfoncent dans la terre[7]. En un certain sens, nous pouvons penser à l’Europe à la lumière de cette image.

Au cours de son histoire, elle a toujours tendu vers le haut, vers des objectifs nouveaux et ambitieux, animée par un désir insatiable de connaissance, de développement, de progrès, de paix et d’unité. Mais l’élévation de la pensée, de la culture, des découvertes scientifiques est possible seulement à cause de la solidité du tronc et de la profondeur des racines qui l’alimentent. Si les racines se perdent, lentement le tronc se vide et meurt et les branches – autrefois vigoureuses et droites – se plient vers la terre et tombent. Ici, se trouve peut-être l’un des paradoxes les plus incompréhensibles pour une mentalité scientifique qui s’isole : pour marcher vers l’avenir, il faut le passé, de profondes racines sont nécessaires et il faut aussi le courage de ne pas se cacher face au présent et à ses défis. Il faut de la mémoire, du courage, une utopie saine et humaine.

D’autre part – fait observer Rebora – « le tronc s’enfonce là où il y a davantage de vrai »[8]. Les racines s’aliment de la vérité, qui constitue la nourriture, la sève vitale de n’importe quelle société qui désire être vraiment libre, humaine et solidaire. En outre, la vérité fait appel à la conscience, qui est irréductible aux conditionnements, et pour cela est capable de connaître sa propre dignité et de s’ouvrir à l’absolu, en devenant source des choix fondamentaux guidés par la recherche du bien pour les autres et pour soi et lieu d’une liberté responsable[9].

Il faut en suite garder bien présent à l’esprit que sans cette recherche de la vérité, chacun devient la mesure de soi-même et de son propre agir, ouvrant la voie à l’affirmation subjective des droits, de sorte qu’à la conception de droit humain, qui a en soi une portée universelle, se substitue l’idée de droit individualiste. Cela conduit à être foncièrement insouciant des autres et à favoriser la globalisation de l’indifférence qui naît de l’égoïsme, fruit d’une conception de l’homme incapable d’accueillir la vérité et de vivre une authentique dimension sociale.

Un tel individualisme rend humainement pauvre et culturellement stérile, parce qu’il rompt de fait les racines fécondes sur lesquelles se greffe l’arbre. De l’individualisme indifférent naît le culte de l’opulence, auquel correspond la culture de déchet dans laquelle nous sommes immergés. Nous avons, de fait, trop de choses, qui souvent ne servent pas, mais nous ne sommes plus en mesure de construire d’authentiques relations humaines, empreintes de vérité et de respect mutuel. Ainsi, aujourd’hui nous avons devant les yeux l’image d’une Europe blessée, à cause des nombreuses épreuves du passé, mais aussi à cause des crises actuelles, qu’elle ne semble plus capable d’affronter avec la vitalité et l’énergie d’autrefois. Une Europe un peu fatiguée, pessimiste, qui se sent assiégée par les nouveautés provenant d’autres continents.

À l’Europe, nous pouvons demander : où est ta vigueur ? Où est cette tension vers un idéal qui a animé ton histoire et l’a rendue grande? Où est ton esprit d’entreprise et de curiosité ? Où est ta soif de vérité, que jusqu’à présent tu as communiquée au monde avec passion ?

De la réponse à ces questions, dépendra l’avenir du continent. D’autre part – pour revenir à l’image de Rebora – un tronc sans racines peut continuer d’avoir une apparence de vie, mais à l’intérieur il se vide et meurt. L’Europe doit réfléchir pour savoir si son immense patrimoine humain, artistique, technique, social, politique, économique et religieux est un simple héritage de musée du passé, ou bien si elle est encore capable d’inspirer la culture et d’ouvrir ses trésors à l’humanité entière. Dans la réponse à cette interrogation, le Conseil de l’Europe avec ses institutions a un rôle de première importance.

Je pense particulièrement au rôle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui constitue en quelque sorte la ‘‘conscience’’ de l’Europe pour le respect des droits humains. Je souhaite que cette conscience murisse toujours plus, non par un simple consensus entre les parties, mais comme fruit de la tension vers ces racines profondes, qui constituent les fondements sur lesquels les Pères fondateurs de l’Europe contemporaine ont choisi de construire.

Avec les racines – qu’il faut chercher, trouver et maintenir vivantes par l’exercice quotidien de la mémoire, puisqu’elles constituent le patrimoine génétique de l’Europe – il y a les défis actuels du continent qui nous obligent à une créativité continue, pour que ces racines soient fécondes aujourd’hui et se projettent vers des utopies de l’avenir. Je me permets d’en mentionner seulement deux : le défi de la multipolarité et le défi de la transversalité.

L’histoire de l’Europe peut nous amener à concevoir celle-ci naïvement comme une bipolarité, ou tout au plus comme une tripolarité(pensons à l’antique conception : Rome – Byzance – Moscou), et à nous mouvoir à l’intérieur de ce schéma, fruit de réductionnismes géopolitiques hégémoniques, dans l’interprétation du présent et dans la projection vers l’utopie de l’avenir.

Aujourd’hui, les choses ne se présentent pas ainsi et nous pouvons légitimement parler d’une Europe multipolaire. Les tensions – aussi bien celles qui construisent que celles qui détruisent – se produisent entre de multiples pôles culturels, religieux et politiques. L’Europe aujourd’hui affronte le défi de «globaliser» mais de manière originale cette multipolarité. Les cultures ne s’identifient pas nécessairement avec les pays : certains d’entre eux ont diverses cultures et certaines cultures s’expriment dans divers pays. Il en est de même des expressions politiques, religieuses et associatives.

Globaliser de manière originale – je souligne cela : de manière originale – la multipolarité comporte le défi d’une harmonie constructive, libérée d’hégémonies qui, bien qu’elles semblent pragmatiquement faciliter le chemin, finissent par détruire l’originalité culturelle et religieuse des peuples.

Parler de la multipolarité européenne signifie parler de peuples qui naissent, croissent et se projettent vers l’avenir. La tâche de globaliser la multipolarité de l’Europe, nous ne pouvons pas l’imaginer avec l’image de la sphère – dans laquelle tout est égal et ordonné, mais qui en définitive est réductrice puisque chaque point est équidistant du centre – mais plutôt avec celle du polyèdre, où l’unité harmonique du tout conserve la particularité de chacune des parties. Aujourd’hui, l’Europe est multipolaire dans ses relations et ses tensions ; on ne peut ni penser ni construire l’Europe sans assumer à fond cette réalité multipolaire.

L’autre défi que je voudrais mentionner est la transversalité. Je pars d’une expérience personnelle : dans les rencontres avec les politiciens de divers pays de l’Europe, j’ai pu remarquer que les politiciens jeunes affrontent la réalité avec une perspective différente par rapport à leurs collègues plus adultes. Ils disent peut-être des choses apparemment similaires, mais l’approche est différente. Les paroles sont semblables, mais la musique est différente. Cela s’observe chez les jeunes politiciens des divers partis. Cette donnée empirique indique une réalité de l’Europe contemporaine que l’on ne peut ignorer sur le chemin de la consolidation continentale et de sa projection future : tenir compte de cette transversalité qui se retrouve dans tous les domaines. Cela ne peut se faire sans recourir au dialogue, même inter-générationnel. Si nous voulions définir aujourd’hui le continent, nous devrions parler d’une Europe en dialogue, qui fait en sorte que la transversalité d’opinions et de réflexions soit au service des peuples unis dans l’harmonie.

Emprunter ce chemin de communication transversale comporte non seulement une empathie générationnelle mais aussi une méthodologie historique de croissance. Dans le monde politique actuel de l’Europe, le dialogue uniquement interne aux organismes (politiques, religieux, culturels) de sa propre appartenance se révèle stérile. L’histoire aujourd’hui demande pour la rencontre, la capacité de sortir des structures qui « contiennent » sa propre identité afin de la rendre plus forte et plus féconde dans la confrontation fraternelle de la transversalité. Une Europe qui dialogue seulement entre ses groupes d’appartenance fermés reste à mi-chemin ; on a besoin de l’esprit de jeunesse qui accepte le défi de la transversalité.

Dans cette perspective, j’accueille positivement la volonté du Conseil de l’Europe d’investir dans le dialogue inter-culturel, y compris dans sa dimension religieuse, par les Rencontres sur la dimension religieuse du dialogue interculturel. Il s’agit d’une occasion propice pour un échange ouvert, respectueux et enrichissant entre personnes et groupes de diverses origine, tradition ethnique, linguistique et religieuse, dans un esprit de compréhension et de respect mutuel.

Ces rencontres semblent particulièrement importantes dans le contexte actuel multiculturel, multipolaire, à la recherche de son propre visage pour conjuguer avec sagesse l’identité européenne formée à travers les siècles avec les instances provenant des autres peuples qui se manifestent à présent sur le continent.

C’est dans cette logique qu’il faut comprendre l’apport que le christianisme peut fournir aujourd’hui au développement culturel et social européen dans le cadre d’une relation correcte entre religion et société. Dans la vision chrétienne, raison et foi, religion et société sont appelées à s’éclairer réciproquement, en se soutenant mutuellement et, si nécessaire, en se purifiant les unes les autres des extrémismes idéologiques dans lesquelles elles peuvent tomber. La société européenne tout entière ne peut que tirer profit d’un lien renouvelé entre les deux domaines, soit pour faire face à un fondamentalisme religieux qui est surtout ennemi de Dieu, soit pour remédier à une raison « réduite », qui ne fait pas honneur à l’homme.

Les thèmes d’actualité, dans lesquels je suis convaincu qu’il peut y avoir un enrichissement mutuel, où l’Église catholique – particulièrement à travers le Conseil des Conférences Épiscopales d’Europe (CCEE) – peut collaborer avec le Conseil de l’Europe et offrir une contribution fondamentale, sont très nombreux. Avant tout, à la lumière de tout ce que je viens de dire, il y a le domaine d’une réflexion éthique sur les droits humains, sur lesquels votre Organisation est souvent appelée à se pencher. Je pense particulièrement aux thèmes liés à la protection de la vie humaine, questions délicates qui ont besoin d’être soumises à un examen attentif, qui tienne compte de la vérité de tout l’être humain, sans se limiter à des domaines spécifiques médicaux, scientifiques ou juridiques.

De même, ils sont nombreux, les défis du monde contemporains qui requièrent une étude et un engagement commun, à commencer par l’accueil des migrants, qui ont besoin d’abord et avant tout de l’essentiel pour vivre, mais principalement que leur dignité de personnes soit reconnue. Il y a ensuite le grave problème du travail, surtout en ce qui concerne les niveaux élevés de chômage des jeunes dans beaucoup de pays – une vraie hypothèque pour l’avenir – mais aussi pour la question de la dignité du travail.

Je souhaite vivement que s’instaure une nouvelle collaboration sociale et économique, affranchie de conditionnements idéologiques, qui sache faire face au monde globalisé, en maintenant vivant ce sens de solidarité et de charité réciproques qui a tant caractérisé le visage de l’Europe grâce à l’action généreuse de centaines d’hommes et de femmes – dont certains sont considérés saints par l’Église catholique – qui, au cours des siècles, se sont dépensés pour développer le continent, tant à travers l’activité d’entreprise qu’à travers des œuvres éducatives, d’assistance et de promotion humaine. Surtout ces dernières représentent un point de référence important pour les nombreux pauvres qui vivent en Europe. Combien il y en a dans nos rues ! Ils demandent non seulement le pain pour survivre, ce qui est le plus élémentaire des droits, mais ils demandent aussi à redécouvrir la valeur de leur propre vie, que la pauvreté tend à faire oublier, et à retrouver la dignité conférée par le travail.

Enfin, parmi les thèmes qui sollicitent notre réflexion et notre collaboration, il y a la protection de l’environnement, de notre bien-aimée Terre qui est la grande ressource que Dieu nous a donnée et qui est à notre disposition non pour être défigurée, exploitée et avilie, mais pour que nous puissions y vivre avec dignité, en jouissant de son immense beauté.

Monsieur le Secrétaire, Madame la Présidente, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Le bienheureux Paul VI a défini l’Église « experte en humanité »[10]. Dans le monde, à l’imitation du Christ, malgré les péchés de ses enfants, elle ne cherche rien d’autre que de servir et de rendre témoignage à la vérité[11]. Rien d’autre que cet esprit ne nous guide dans le soutien du chemin de l’humanité.

Avec cette disposition d’esprit, le Saint-Siège entend continuer sa propre collaboration avec le Conseil de l’Europe, qui revêt aujourd’hui un rôle fondamental pour forger la mentalité des futures générations d’Européens. Il s’agit d’effectuer ensemble une réflexion dans tous les domaines, afin que s’instaure une sorte de « nouvelle agorà », dans laquelle chaque instance civile et religieuse puisse librement se confronter avec les autres, même dans la séparation des domaines et dans la diversité des positions, animée exclusivement par le désir de vérité et par celui d’édifier le bien commun. La culture, en effet, naît toujours de la rencontre réciproque, destinée à stimuler la richesse intellectuelle et la créativité de ceux qui y prennent part ; et cela, outre le fait que c’est la réalisation du bien, cela est beauté. Je souhaite que l’Europe, en redécouvrant son patrimoine historique et la profondeur de ses racines, en assumant sa vivante multipolarité et le phénomène de la transversalité en dialogue, retrouve cette jeunesse d’esprit qui l’a rendue féconde et grande.

Merci !

1 [] Cf. Evangelii gaudium, n. 223

2 [] Paul VI, Message pour la VIIIe Journée Mondiale de la Paix, 8 décembre 1974.

3 [] Ibid.

4 [] Cf. Evangelii gaudium, n. 226.

5 [] Catéchisme de l’Église Catholique, n. 2329 et Gaudium et spes n. 81.

6 [] Jean-Paul II, Message pour la XVe Journée Mondiale de la Paix, 8 décembre 1981, n. 4.

7 [] “Vibra nel vento con tutte le sue foglie / il pioppo severo; / spasima l’aria in tutte le sue doglie / nell’ansia del pensiero: / dal tronco in rami per fronde si esprime / tutte al ciel tese con raccolte cime: / fermo rimane il tronco del mistero, / e il tronco s’inabissa ov’è più vero”, Il pioppo in : Canti dell’Infermità, ed. Vanni Scheiwiller, Milano 1957, 32.

8 [] Ibid.

9 [] Cf. Jean-Paul II, Discours à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 8 octobre 1988, n. 4.

10 [] Lett. Enc. Populorum progressio, n. 13.

11 [] Cf. ibid.
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Avec Grégor PUPPINCK, juriste, directeur du CEJD , Centre Européen pour la justice et les droits fondamentaux de la personne humaine.






Grégor Puppinck : « Le pape François est dans la continuité avec les autres papes »

« Je note que le pape ainsi que ses discours ont été très bien bien accueillis. Celui devant le Conseil de l'Europe était centré sur la paix. Il défendait l'idée d'une Europe multipolaire, un concept que ses prédécesseurs n'avaient pas beaucoup développé. Le discours devant le Parlement européen était plus « global » et m'a semblé particulièrement riche, même s'il a peu insisté sur les questions de société. L'élément central était sa critique de l'individualisme et de la« culture du déchet ».

Le Pape a parlé d'un Occident en crise, où l'on a absolutisé l'individu, la technique et l'économie. Un individualisme qui conduit notamment à la solitude, un véritable fléau. A juste titre, le pape a suggéré qu'il faudrait réhumaniser l'Europe et replacer la personne humaine dans le contexte social. A mon avis, le pape François est dans une continuité avec les autres papes des XXe et XXIe siècles. Comme eux, Il s'inscrit dans la défense du projet européen. Et comme eux, il a mis en avant l'importance de garder les racines chrétiennes vivantes. »


http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/5646129/280559512/

"Le pape François a rendu service aux institutions européenes"

(par Gregor puppink)

Un sermon sans précédent a eu lieu le 25 novembre à Strasbourg, prononcé non pas au sein de la fameuse cathédrale gothique, mais devant les tribunes les plus mondaines d’Europe. C’est la première fois qu’un Pape non européen prend la parole devant les institutions européennes.

(Audio en téléchargement)

Les interventions du Pontife devant le Parlement européen et le Conseil de l’Europe étaient, bien entendu, plus politiques que pastorales. C’est la raison pour laquelle certains sceptiques, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon, considèrent que le déplacement du Pape François, ainsi que ses deux discours violent la laïcité. Nous avons demandé à notre interlocuteur Grégor Puppinck, directeur du Centre Européen pour les droits de l'homme et la justice, qui a assisté à deux interventions du vicaire du Christ, de démythifier les « motifs » du Saint-Père et d’analyser son discours.

Grégor Puppinck.Pourquoi cette visite ? Cela fait plusieurs années que les institutions européennes, le Parlement européen et, en particulier, le Conseil de l’Europe, ont invité le Saint-Père, le Pape, à venir s’adresser aux institutions et au peuple européen. C’est également une tradition que le Pape vienne régulièrement parler, donner et partager sa vision de l’Europe. Je pense qu’aujourd’hui cette visite a un sens particulier parce que l’Europe a fait un virage, elle est sur le point critique de son histoire avec une concomitance de plusieurs crises actuelles : une crise de confiance dans le mécanisme européen, dans le processus institutionnel et de développement de l’Union européenne. C’est une crise importante parce que nous avons vu les résultats des élections qui ont montré que maintenant, il y a beaucoup de scepticisme à l’égard des institutions européennes. Vient ensuite une crise économique très forte, même financière également, il y a beaucoup de chômage, surtout parmi les jeunes. S’y ajoute une crise culturelle : l’Europe ne sait plus très bien quelles sont ses valeurs. Et puis, une crise géopolitique avec le conflit ukrainien qui traverse actuellement l’Europe. Toutes ces crises sont importantes, elles mettent en cause l’avenir du continent européen, de notre civilisation. Lorsque l’Europe est en crise, c’est le moment extrêmement important où l’Eglise catholique peut venir parler pour resituer l’Europe, notre projet politique, notre société dans une perspective beaucoup plus longue afin d’essayer de sortir de cette crise, de voir au-delà des événements à court terme. C’est le moment où l’Eglise peut venir repositionner l’Europe, nous resituer dans le temps long, dans le temps de l’Eglise qui atteint bimillénaires. Dès le départ, l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe ont toujours accompagné l’histoire du continent européen. Donc, lorsque le continent est en crise, il est important que les chrétiens s’adressent et remontrent aux peuples européens quelles sont les vraies valeurs et les priorités. Plus précisément, le sens du message du Pape François était d’essayer de dépasser la crise pour remontrer aux peuples européens quelles sont les vraies valeurs qu’il faut rechercher, qu’il faut poursuivre au-delà des valeurs purement mercantiles et individualistes qui, trop souvent, déterminent notre politique.

La Voix de la Russie.Merci d’avoir présenté les thèmes principaux de l’intervention du Pape. Vous y avez assisté, n’est-ce pas ?

Grégor Puppinck.Oui, j’ai assisté aux interventions. Il y a eu deux interventions : une au Parlement européen, puis l’autre au Conseil de l’Europe. Le Parlement européen, donc c’est l’intervention devant les institutions de l’Europe occidentale, le Pape a beaucoup parlé de la dignité transcendante de la personne humaine. Il a invité les institutions de l’Europe occidentale à refonder notre projet politique non plus sur l’économie, sur les finances ou sur la technologie, mais sur la personne, sur la dignité transcendante de la personne humaine. C’est une question de hiérarchie de valeurs. Trop souvent, la politique européenne est déterminée uniquement par les intérêts économiques et technologiques. Et le Pape a dit : cette approche-là, individualiste, rend stérile notre culture. Il faut réussir à dépasser ces valeurs économiques, financières et techniques en plaçant au-dessus un point de référence bien plus élevé et important qui est issu de la personne humaine et de sa transcendance, c’est-à-dire de la capacité, de la spécificité de la personne humaine qui la distingue de tout le reste qui est à la fois son enracinement dans la réalité et son ouverture au spirituel. Alors, tout le propos du Pape a été de dire : au-dessus de l’économie, au-dessus de la finance, il doit y avoir d’abord la recherche de la protection et de l’affirmation de la dignité transcendante de la personne humaine. C’est uniquement si on refonde notre politique, notre projet politique sur cette dignité qu’elle peut retrouver un sens et être réhumanisée. Finalement, ce que le Pape a dit, c’est que l’Europe souffre aujourd’hui d’être déshumanisée, d’avoir perdu le sens de l’humain. Il faut de nouveau humaniser notre société. Il a beaucoup insisté sur les ravages d’individualisme qui cause énormément de solitude, qui crée un esprit d’exploitation de la personne et qui dénature les droits de l’homme. Il a invité à essayer de recomprendre la société au service de la personne qui est aussi un être social, un être qui fait partie d’une société, d’une communauté et qui doit être appréhendée dans sa totalité.

Par contre, le deuxième discours qu’il a fait devant le Conseil de l’Europe, institution qui regroupe 47 Etats dont, notamment, toute l’Europe centrale, l’Europe orientale, la Russie, l’Ukraine, la Turquie, etc. Le deuxième discours du Pape a été également très important. Il s’est concentré essentiellement sur la paix. Il a rappelé que la finalité du Conseil de l’Europe a toujours été d’être au service de la paix en Europe et qu’aujourd’hui encore cette institution doit maintenir cette œuvre, cette recherche d’instauration de la paix en Europe. Cette paix, il l’a dit, il l’a défendait d’abord, doit être fondée sur une juste compréhension de l’homme et de la société. Mais il a ajouté deux éléments qui me paraissent très importants et nouveaux dans le discours de l’Eglise catholique. L’Europe doit renoncer à une approche purement monolithique, elle ne doit pas chercher à constituer un ensemble politique monolithique mais doit se considérer elle-même comme un ensemble multipolaire. La multipolarité c’est la reconnaissance qu’il peut y avoir légitimement plusieurs centres de pouvoir politique en Europe. Le but n’est pas de construire une Europe uniforme mais de reconnaître que l’Europe est un organisme vivant, est une culture, une société, une civilisation qui a une diversité. Très concrètement, dans le contexte du conflit actuel autour de l’Ukraine, c’est la reconnaissance que chacun dans cette Europe doit avoir sa place, aussi bien la Russie avec sa culture et ses valeurs que l’Europe occidentale. Il ne faut pas chercher à imposer les valeurs de l’un au détriment de l’autre, il ne faut pas chercher à imposer une Europe monolithique, a-t-il dit, mais reconnaître son caractère pluriel, sa multipolarité. Comment ensuite faire vivre une Europe multipolaire ? C’est là la difficulté. Il a précisé : par une approche transversale. Cela veut dire non pas par un pouvoir, un peu comme on voit aujourd’hui qui irait de bas en haut, selon l’approche monolithique, mais une vie politique transversale essentiellement animée par le dialogue entre les peuples, entre les cultures. C’est une approche différente de la situation culturelle et politique européenne qui, au départ, reconnaît la légitimité de la diversité culturelle et de la multiplicité de centres politiques. Pour le Pape, la reconnaissance de cette multipolarité et de la nécessité de vivre dans la transversalité constitue également une condition à la paix en Europe. C’est la volonté d’imposer un pouvoir unique et vertical sous l’ensemble du continent qui est source de conflit. Je pense que c’est un élément important et assez nouveau dans le discours du Saint-Père. Et je crois qu’il faut l’étudier profondément.

LVdlR. Est-ce qu’il s’est également prononcé sur l’Ukraine ?

Grégor Puppinck.Non, il n’a pas parlé précisément de l’Ukraine. Mais, évidemment, lorsqu’il est intervenu au Conseil de l’Europe, la question des conflits politiques qui divisent aujourd’hui l’Europe était en arrière-fond. Je pense que c’est dans le contexte du conflit ukrainien qui oppose, en particulier, l’Union européenne et la Russie que le discours du Pape trouve tout son sens.

LVdlR. Vous savez, sans doute, que certains sceptiques craignent que l’intervention d’une personnalité religieuse comme le Pape devant les institutions politiques puisse porter atteinte contre la laïcité. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Grégor Puppinck.Ceux qui craignent cela sont étroits d’esprit et ne savent pas considérer la réalité dans son intégralité. Le monde est bien plus large que simplement la matière, il faut donc parler aux esprits, savoir que l’homme a aussi un esprit, une spiritualité et que, naturellement, l’homme sans la spiritualité n’est qu’un animal. Je pense que c’est tout à fait légitime et important que le Pape puisse s’exprimer au Parlement européen, au Conseil de l’Europe. Il a été très bien accueilli. Je répète encore une fois, l’histoire des Eglises catholique et orthodoxe accompagne l’histoire européenne. L’Europe a été largement issue, créée par cet héritage à la fois de Rome et d’Athènes. On connaît, bien sûr, Sts. Cyrille et Méthode, le rôle des apôtres, etc. Même aujourd’hui, l’Europe est fondamentalement chrétienne dans sa culture.

LVdlR. Il paraît que vous partagez presqu’entièrement la position du Pape…

Grégor Puppinck.Oui, je suis tout à fait content de cette intervention. Aujourd’hui, je la partage à tous points de vue. Je dois dire que ce sont des interventions très riches, en particulier, au Parlement européen, lorsque le Pape a abordé beaucoup de sujets. Il a parlé des enjeux de la société actuelle, il a également parlé sur le fond, sur la civilisation, il a aussi parlé des questions plus géopolitiques actuelles. Je pense que ce sont deux discours riches et importants. Mais il va falloir un peu de temps pour bien les assimiler. Je crois que les deux discours du Pape donnent une orientation au travail politique des peuples européens. C’est vrai que nous avons besoin aujourd’hui d’une hauteur de vue. Souvent, le problème que nous avons dans les démocraties, c’est que la politique se fait à court terme. Nous avons besoin de personnes capables de voir l’histoire, le destin de notre société sous le long terme, dans la durée. L’Eglise est capable de le faire. Elle cherche avant tout le bien de l’homme, elle ne cherche pas un intérêt particulier politique ou géopolitique. Et nous avons besoin de cette orientation, de cette vision d’avenir pour guider notre action. Je crois que c’est vraiment essentiel et en cela, le Pape a vraiment rendu un grand service aux institutions européennes. J’espère que les institutions européennes sauront l’écouter.

Commentaire.Face au schisme de l’Europe, le Saint-Père semble prétendre à assurer quelques fonctions politiques. Qu’il ait eu l’intention de le faire ou non, il en a le droit. Car pour sauver l’intégralité du continent européen, il faut tout d’abord préserver son héritage de base, son héritage romano-chrétien.

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(Source: News.va)

Discours de Martin Schulz, Président du Parlement européen

Vingt-six ans se sont écoulés depuis le discours de Jean-Paul II au Parlement européen. C’était le 11 octobre 1988. La visite du Pape fut un prélude à l’annus mirabilis de l’Europe: 1989. Jean-Paul II et toute l’Eglise eurent un rôle fondamental dans le processus qui mit un terme au joug soviétique, en soutenant la demande de liberté, d’émancipation et d’indépendance de millions de citoyens de l’Europe centrale et orientale.

En 1988, Jean-Paul II parlait à des députés de douze pays, élus pour représenter 330 millions de citoyens. Le Pape François parlera à des députés européens provenant de vingt-huit pays, qui représentent plus d’un demi-milliard de personnes. L’espérance que Jean-Paul II a contribué à réaliser est aujourd’hui achevée. L’Eglise a toujours soutenu l’Europe dans sa croissance, mais elle a également contribué de manière cruciale à sa réunification.
Mais quelle mission doit accompagner l’Europe dans son avenir? La visite du Pape François aidera à répondre à cette question, à pousser tous les Européens à s’interroger sur le sens le plus profond de notre union. Voulons-nous une Europe qui ne soit qu’un marché uni pour la libre circulation des biens et des capitaux? Ou voulons-nous une Europe qui renouvelle les valeurs de solidarité, tolérance, respect de la personne et égalité, qui ont inspiré ses pères fondateurs?
La visite du Pape François n’est pas une atteinte à la laïcité des institutions européennes. La laïcité ne veut pas dire manque de dialogue. La laïcité ne veut pas dire nier le pluralisme sur lequel l’Europe est fondée. La laïcité signifie autonomie, impartialité, garantie et liberté, non pas introspection.
Les objectifs et les valeurs qui nous unissent sont beaucoup plus forts que les éléments de division. Souvent, nous l’oublions. En tant que maire, en apportant de l’aide aux sans-abris et en accueillant les immigrés, j’ai toujours pu compter sur l’aide de mon diocèse. En tant que président du Parlement européen, je ne peux que reconnaître le rôle de premier plan de l’Eglise en vue de limiter les dégâts, matériels et immatériels, de la crise économique.
La présence à Strasbourg du Pape François, le Pape qui est venu « du bout du monde », peut servir à secouer l’Union du sentiment d’égarement préoccupant qui, au cours des dernières années, a conduit les Européens à chercher des coupables plutôt qu’à identifier des solutions. Nous avons un programme à partager et une voie commune à parcourir. Cette voie doit conduire l’Europe vers ses périphéries, matérielles et immatérielles, géographiques et spirituelles.
L’un des premiers actes publics du Pape François a été sa visite à Lampedusa, à la périphérie de l’Europe, où la solidarité, des Européens et entre les Européens, est fortement mise à l’épreuve. Non seulement les paroles, mais l’histoire même du Pape François devraient nous rappeler que, de même qu’aujourd’hui, l’Europe est un lieu d’immigration, elle a été longtemps un continent d’émigration. Que la solution pour l’avenir est, d’un côté, créer un système d’immigration légale et, de l’autre, accroître les efforts afin que l’accueil des demandeurs d’asile soit une responsabilité partagée.
Mais les paroles du Pape nous rappellent aussi les autres « périphéries » de notre temps: les jeunes exclus du monde du travail et de la perspective d’un avenir digne, les personnes âgées qui sont laissées seules et considérées comme un poids pour les familles et la société, les chômeurs qui à long terme, sont inexorablement éloignés du monde du travail, les familles qui sont repoussées aux marges des villes et n’ont pas accès aux services sociaux. Nos périphéries sont complexes, isolées et peu accueillantes. Pour les transformer, nous avons besoin d’énergie, de temps, d’imagination et d’unité.
Nous avons embrassé la mondialisation, non pas pour nous laisser emporter par elle, mais pour la rendre humaine, sociale et durable. Nous avons embrassé l’Europe, non pas pour défendre nos conquêtes derrière un mur, mais afin que toujours plus de personnes puissent jouir des mêmes droits que nous.
Je remercie le Pape François pour sa visite au Parlement européen et au Conseil de l’Europe, je suis certain qu’il contribuera à réveiller la vieille Europe de sa torpeur et à la reconduire au milieu de ses populations et ses périphéries.
Martin Schulz, Président du Parlement européen
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Discours du Pape François au Parlement Européen et Conseil de l'Europe de strasbourg
                        + réactions et décryptage (25 nov 2014)
"La renonciation à la vérité est mortelle pour la foi"  par Benoît XVI
"Dagerman l’inconsolable (soixantenaire de sa disparition)" @JosephGynt @cahierslibres @TdCfr
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pouvons encore suivre. Nous sommes acculés à l'exemplarité culturelle."
Veilleurs: "Cathos et rebelles" ( via Le Figaro 18 Avril 2014)
"Les Veilleurs" (20 Avril 2013)
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Cardinal André XXIII - Extrait " Vision actuelle sur la Laïcité (KTO) "
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie I)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie II)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie III)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie IV)

La laïcité à la française " une analyse de Mgr Jean-Louis Bruguès
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