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mercredi 18 novembre 2015

Attentas du 13 Novembre 2015 ...


Fabrice Hadjadj : «Il faut prendre le glaive pour étendre le Royaume de l’amour» [*]

"Contrer l’idéologie djihadiste" Par Gérard Leclerc (@LeclercGerard) [*]

"Islamisme : les propositions choc d'un groupe de hauts fonctionnaires" (le Plessis) [*]

Abdennour Bidar : «Les musulmans doivent passer à la responsabilité de l'autocritique» [*]

Xavier Luffin: "Il faut cesser de dire que l'état Islamique (DAESH)  ce n'est pas l'Islam"
                                                                                  Interview de Nicolas Zomersztajn [*]

VIDEO "Réaction de Philippe de Villiers aux attentats du 13 novembre 2015" [*]






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Fabrice Hadjadj : «Il faut prendre le glaive pour étendre le Royaume de l’amour»


Nous avions perdu la guerre. Je ne parle pas d’une absence de succès. Au contraire, nous avions pris l’habitude de nous endormir dans le confort et les succès, jusqu’à ce qu’une maladie, un accident, un fait divers, un mal sans lutte ni ennemi, nous emportent comme un ordinateur plante, dans une insignifiance en deçà de l’absurde.

Nous nous étions ramollis, nous avions perdu toute virilité, réduits à l’état d’enfants gâtés piquant leur crise, de pantins soucieux de leur cardio-training, de bisounours consommateurs de porno. Nous voulions non pas la paix qu’on fait, mais celle qu’on nous fiche, peu importe à quel prix de dévastations, de « dégâts collatéraux ». Mais « la paix est œuvre de justice », dit Isaïe, et il est normal, quand on refuse ce combat pour la justice, que notre paix apparente nous saute à la figure. Et voilà que flâner dans la rue ne va plus de soi, comme pour des promeneurs blasés. La guerre nous a regagnés. C’est déjà quelque chose dans l’ordre de l’éveil. Mais, cette guerre, la gagnerons-nous ? Combattrons-nous le « bon combat », selon le mot de saint Paul ?

C’est la figure de l’amour qui domine dans la vie chrétienne, celle du frère, du fils, de celui qui dialogue, de celui qui compatit. Mais nous ne pouvons plus oublier celle du guerrier. Guerrier dont les armes sont d’abord spirituelles, mais guerrier quand même. Certes, contrairement à ce que croit un certain darwinisme, la vie est communion avant d’être combat, don avant d’être lutte. Mais parce que cette vie est blessée dès l’origine, sans cesse attaquée par le Malin, il faut lutter pour le don, combattre pour la communion, prendre le glaive pour étendre le Royaume de l’amour.


Si nous ne retrouvons pas cette virilité guerrière, celle qui faisait chanter à saint Bernard la « louange de la nouvelle milice », nous aurons perdu contre l’islamisme aussi bien spirituellement que matériellement. Beaucoup de jeunes, en effet, se tournent vers l’islam parce que le christianisme que nous proposons ne contient plus d’héroïcité ni de chevalerie (alors que Tolkien est avec nous), mais se réduit à de gentils conseils de civisme et de communication non-violente.

Quel est le vrai terrain de cette guerre ? Certains voudraient nous faire croire que ce qui fait la force des terroristes du vendredi 13 dernier, c’est qu’ils ont été entraînés, formés dans des camps de Daech, de sorte que le combat serait encore celui de la puissance techno-capitaliste fabriquant un armement plus lourd. En quoi un jeune type bloqué aux portillons de sécurité, et qui se fait sauter avec des explosifs rudimentaires, est-il un soldat expérimenté ? Nous savons – et l’expérience récente d’Israël l’a prouvé – que n’importe qui peut s’improviser tueur du moment qu’il est possédé par une résolution suicidaire. Ce qui fait sa force de destruction, prête à exploser n’importe quand, n’importe où, ce n’est pas son habileté militaire, c’est son assurance morale.

Qu’avons-nous à opposer pour empêcher la contagion ? Nos « valeurs » peuvent lever des armées de consommateurs, pas de combattants. Aussi est-ce là que se situe le combat élémentaire – à la hauteur d’une foi qui sait affirmer un vrai martyre – contre la parodie diabolique du martyre qu’est l’attentat-suicide.

Le communiqué de Daech revendiquant l’« attaque bénie » parle de Paris comme de la capitale « qui porte la bannière de la croix en Europe ». On aimerait qu’il dise la vérité. La guerre est ici : dans le courage de porter une espérance assez forte pour que nous puissions donner nos vies et donner la vie. 

Lire aussi de Fabrice Hadjadj :
 "Terrorisme et technocapitalisme : s’envoyer en l’air en appuyant sur des boutons" [*]


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Il existe des correspondances frappantes entre l’immense émotion populaire qui avait suivi les attentats de janvier dernier et celle que soulève la tragédie de vendredi. On retrouve des gestes analogues, aussi bien du côté des autorités que de la rue. La détermination manifestée au sommet correspond à l’attente unanime de l’opinion publique. On chante la Marseillaise. On annonce des mesures décisives… La question qui se pose pourtant est de savoir si on a vraiment progressé depuis janvier. Il serait défaitiste de prétendre qu’il ne s’est rien passé, d’autant que notre pays est celui qui, en Europe, a consenti les engagements les plus décisifs dans la lutte sur les terrains extérieurs, aussi bien en Afrique qu’en Irak et en Syrie. On ne saurait oublier l’engagement permanent sur notre propre territoire des forces de l’ordre, qui sont, au témoignage de leurs représentants, dans un état de fatigue et de tension extrême.

Il n’en reste pas moins que la menace djihadiste subsiste avec la même intensité et que nous sommes tous contraints d’admettre un état de guerre qui ne souffre aucun relâchement. Le président de la République a annoncé hier, à Versailles, un certain nombre de mesures pratiques dont l’adoption devrait contribuer à parfaire nos moyens de résistance. Mais il faudra aussi se confronter à des objectifs de nature plus subtils peut-être, car le djihadisme est d’abord une pathologie d’ordre idéologique qui doit se combattre dans les esprits. Rien de décisif ne saurait être accompli dans ce domaine sans l’aide de nos compatriotes musulmans. Si désagréable que soit la réalité, il faut admettre que le djihadisme est une pathologie qui concerne l’islam et l’on ne s’en sortira pas sans que les musulmans s’engagent complètement dans la bataille idéologique.

Pierre Manent dans son essai récent a indiqué quelques lignes de réflexion et d’action pour s’attaquer à ce problème, soulignant la priorité de l’intégration des musulmans dans la communauté nationale. C’est bien dans cette direction qu’il faudra marcher, dans un esprit de véritable unité française.




(Source: France Catholique / Radionotredame)



Gérard Leclerc sur les attentats - KTOTV 19 Nov 2015



(Source: KTOTV)

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(Source: Le Figaro)

Extrait

"Islamisme : les propositions choc d'un groupe de hauts fonctionnaires" (le Plessis)

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Après les nouveaux attentats qui viennent de frapper la France, il est vital de revenir avec lucidité sur les graves menaces qui pèsent sur notre société et notre peuple. Depuis les attaques de janvier, un grand nombre d'analyses plus ou moins judicieuses avaient été publiées, de l'atrabilaire Qui est Charlie?* d'Emmanuel Todd, au subtil Situation de la France de Pierre Manent.

Le slogan majeur avait alors été «pas d'amalgame», sous-entendu entre l'islam et les terroristes. La situation présente invalide brutalement cet artifice de communication. Admettons que la raison d'Etat pousse les dirigeants à fermer les yeux sur certaines situations dont l'énoncé même pourrait remettre en cause certaines de leurs politiques. Les attentats du 13 novembre nous montrent que cette posture empêche de lutter efficacement contre des menaces pourtant bien identifiées. Il n'y a que des politiques aveugles ou craintifs et des médias tenants du politiquement correct pour affirmer qu'il n'y a pas de problème de l'islam en France, comme ailleurs. Les responsables religieux et les intellectuels musulmans* les plus avisés et les plus honnêtes le reconnaissent .

Certes, porter la parole publique en ces temps troublés est difficile. Mais nier les problèmes, c'est en créer d'autres, plus vastes, plus graves, voire insolubles. Après les attentats de Charlie Hebdo, le président de la République avait sans doute raison lorsqu'il voulait éviter la stigmatisation injuste et la confrontation de nos concitoyens, mais il aurait tort d'affirmer de nouveau que les assassins, comme ceux de Charlie Hebdo «n'ont rien à voir avec l'islam» . Et doublement tort, d'abord parce que cette parole présidentielle ne porte pas auprès d'une population qui vit, au quotidien, frictions et incompréhensions et, ensuite, parce que les meurtriers de janvier et de novembre, s'ils ne sont pas l'islam de France ont bien à voir avec lui. Et cet islam de France peine à se dégager des dérives que connaît l'islam dans trop de pays. Essayons d'y voir clair et de dégager quelques points.

Premier point: l'islam de France est très largement sunnite. Ce qui induit au moins trois difficultés.

Idéologiquement le sunnisme est aujourd'hui travaillé par des tendances dures et rétrogrades qui ont peu à peu pris l'ascendant sur les autres courants. Abdennour Bidar, Malek Chebel et quelques autres peuvent forcer notre estime en appelant à un islam des Lumières, dont il faudrait creuser s'il est théologiquement possible. En tout état de cause, ils ne pèsent tien auprès de la masse sunnite.

Politiquement, le sunnisme, dans le monde en général et en France en particulier, est travaillé par les influences extérieures toutes plus dangereuses les unes que les autres. Algériens, Saoudiens, Qataris, Turcs, Marocains, dans une moindre mesure Egyptiens, tentent tous de contrôler via leur argent, leurs imams ou leur capital religieux (lieux saints, aura, institutions…) une large part du marché des biens du salut islamique en France et ailleurs. Or, ce sont aussi des Etats, qui jouent leurs partitions destinées à accroître leur pouvoir et leur influence sur le grand échiquier mondial ; la France en est une case essentielle, notamment en raison de son rôle en Europe.

Organiquement, le sunnisme est peu structuré et permet à toutes sortes de groupes, ou d'individus, de dessiner les contours de leur islam et de leur djihad. C'est d'autant plus fâcheux que n'importe quel lecteur du Coran en aura découvert les contradictions qui peuvent justifier bien des interprétations dont celles, très nombreuses, qui recèlent d'importantes potentialités de violence.

Deuxième point: l'islam de France est confronté à une radicalisation de ses jeunes. Il est d'abord essentiellement la religion de citoyens ou d'immigrés issus de pays anciennement colonisés par la France. Si l'ancienne génération a largement tourné la page, il n'en va pas de même des nouvelles. Leur situation sociologique, éducative et culturelle, conjuguée à l'instrumentalisation de l'Histoire par certains Etats, comme l'Algérie, ou encore aux propos irresponsables de spécialistes de la repentance, réactive sans cesse des relations psychologiques difficiles et une mentalité d'exploités en révolte. Ne voit-on pas jusqu'à l'avocat de l'un des ex-complices d'Amedy Coulibaly le présenter comme une victime révulsée par les exactions de la police? Peu importe que ces jeunes soient nourris au biberon de l'enseignement gratuit français, des allocations sociales françaises, hébergés dans des logements sociaux, certes parfois dégradés, mais fort peu onéreux grâce à l'effort financier français. Ils ne se perçoivent pas comme Français, mais parfois même comme anti-Français. Une part non négligeable d'entre eux a touché à la délinquance qu'ils ne vivent pas tant comme l'entrée en criminalité que comme l'inévitable opposition à des institutions dont une large part des médias et médiateurs de toutes sortes leur serinent à longueur de journée qu'elles sont injustes. Ceux-là sont habitués à la police et à nos tribunaux. Ils les détestent, mais n'en ont plus peur tant la réponse pénale est devenue risible depuis vingt ans.

Troisième point: l'islam de France baigne dans l'un des pays les plus laïcs d'Europe! Non seulement l'Etat français s'est longtemps révélé incapable de comprendre la question religieuse par une sorte de cécité institutionnelle largement partagée par certaines «élites», mais ce laïcisme, souvent porté par la gauche, a aussi eu pour effet la fragilisation de la confession majoritaire en France, le catholicisme, et s'est trop souvent traduit par une agressivité à l'égard du christianisme en général. Les uns et les autres, catholiques compris -et parfois catholiques en tête- ont soigneusement appris que le christianisme ne devait plus structurer l'univers mental des Français, niant de ce fait son rôle essentiel dans la constitution de notre civilisation dans le passé et dans la conservation de ses valeurs dans l'avenir. Nos concitoyens ont souvent perdu de vue leur identité religieuse et n'ont plus pour horizon qu'un vague humani(tari)sme, certes issu d'un christianisme éthique dégradé, mais encombré d'un anticléricalisme culturel qui ne lui permet guère d'apercevoir les forces de régénération œuvrant au cœur du christianisme.

Dans une économie en crise, un pays à «l'identité malheureuse», qui ne croit plus en grand-chose, a bien peu à offrir à des jeunes en quête de références: des centres commerciaux? Le mariage homosexuel et la GPA? Des plugs devant le ministère de la justice? Au fond, d'une certaine façon, le problème de l'islam de France est aussi celui du christianisme en France: trop peu levain dans une pâte trop lourde. Un christianisme trop absent et qui a admis un peu vite son élimination de la scène publique.

Ces trois séries de problèmes dessinent les contours d'une politique visant à éradiquer l'islamisme en France qui pourrait comporter quelques axes.

1er axe: trancher les relations d'influence/allégeance entre l'islam de France et certains pays arabes. Les choses sont, au fond, assez simples: notre pays ne doit plus tolérer la présence sur son sol d'imams étrangers, officiels ou officieux, qui développent des thèses qui, de près ou de loin, vont à l'encontre de nos valeurs ou de la tranquillité publique. Il s'agit donc de disposer des moyens juridiques d'expulser les responsables à la moindre suspicion. Il s'agit aussi d'interdire et de réprimer très sévèrement tout financement par l'étranger. Cela suppose également de rompre les relations financières douteuses avec certains pays, tel le Qatar qui investit massivement dans l'économie française et dans les banlieues. Cela suppose enfin de reconsidérer nos relations avec des pays qui jouent un rôle trouble et foulent aux pieds nos valeurs, tels que l'Arabie Saoudite.

2ème axe: conforter les courants modérés au sein de l'islam, ce qui signifie, les aider à s'organiser et leur confier les clés de l'enseignement, du prêche et de l'exégèse dans notre pays. Ce qui signifie, à l'inverse, priver les radicaux de tout lieu d'expression. Concrètement, cela suppose d'interdire, au moins pour un temps, tout enseignement coranique par des personnes non agréées et contrôlées par l'Etat, d'interdire tout prêche, spécialement en langue étrangère, non visé par les autorités et d'expulser ou de condamner les réfractaires, d'interdire de la même façon les livres et publications internet suspects, de mettre sous tutelle les lieux de culte musulman ou a minima de les contrôler sérieusement.

3ème axe: achever l'organisation de l'islam de France. La création du CFCM était un pas… qui n'a pas suffi. Comme le proposait Malek Chebel, il faut un grand mufti de la République et la mise en place d'une organisation interne de l'islam sunnite. L'Etat peut y aider en ne tolérant l'existence que d'imams formés à ses écoles, et agréés par ses soins, en n'acceptant l'administration des lieux de culte que par des associations elles aussi contrôlées et dûment habilitées, en tout cas qui ne soient pas confiées aux plus extrémistes. Et il est indispensable que l'ensemble des responsables musulmans condamnent sans ambigüité non seulement ces actes terroristes, mais aussi, les organisations islamo-fascistes et leurs membres de l'EI, du front Al-Nosra et assimilés.

4ème axe: lutter contre la radicalisation de manière radicale. L'identification a fait des progrès mais ne suffit pas. L'échange de données avec nos partenaires doit s'intensifier. L'isolement des détenus islamistes doit devenir une réalité, isolement des autres détenus, mais aussi isolement entre eux. Les étrangers doivent être expulsés et les doubles nationaux déchus de leur nationalité puis expulsés. Plus généralement, les délinquants doivent sentir la force de l'Etat dont la répression pénale doit être très sévère. Cela devrait être, en particulier à l'égard du trafic de stupéfiants, dont certains n'ont toujours pas compris qu'il finançait, pour une part, le terrorisme et, d'autre part, qu'il était poreux avec les milieux radicalisés. Enfin, il n'est plus tolérable qu'en France des salafistes, puissent fréquenter des mosquées salafistes et écouter des prêches violents sans autre intervention des pouvoirs publics qu'une surveillance par les services de renseignement. Lorsqu'ils sont étrangers, ces extrémistes doivent être massivement expulsés, à titre préventif, pour raison d'ordre public.

5ème axe: maîtriser les flux migratoires. La dynamique démographique de la population musulmane en France, entretenue notamment par une immigration massive en provenance de pays à majorité musulmane, n'est pas de nature à faciliter la mise en place d'une cohabitation durable et harmonieuse entre les différentes composantes de la société. Du reste, l'absence de statistiques précises en la matière pourrait masquer un accroissement beaucoup plus significatif qu'on ne le pense généralement. La question de l'islam en France est ainsi étroitement liée à la maîtrise des flux migratoires, réguliers et irréguliers. Nous renvoyons pour plus de détails à notre précédent article , s'agissant notamment de l'indispensable contrôle effectif et rigoureux des frontières.

6ème axe: le plus difficile, envisager de manière différente les religions. Le combat idéologique face à l'islamisme ne peut embrasser qu'un nombre limité d'options, toutes aussi complexes dans notre pays traversé de contradictions. La première option serait de réactiver un laïcisme sourcilleux qui fut celui des radicaux du début du XXème siècle, mais la gauche et ses élites terranovesques ont déserté ce combat. L'actuel premier ministre peut bien prétendre le ranimer , mais, paraphrasant François Mitterrand face à Jacques Chaban-Delmas, on est tenté de lui répondre: «Quand je vous regarde, je ne doute pas de votre sincérité, mais quand je regarde votre majorité, je doute de votre réussite»* . Le risque existe au surplus que cette lutte se déchaîne encore et avant tout contre le catholicisme, plus tendre et tolérant (voir la «crise» des crèches avant Noël qui, avec le recul, montre à quel point les «libres penseurs» se sont trompés d'adversaires, par facilité et sans doute aussi par lâcheté), que contre un islam volontiers chatouilleux. Sur le fond, par ailleurs, ce combat a-t-il des chances d'être efficace et est-il même souhaitable? L'effacement du religieux est une part du problème. Faut-il creuser davantage le fossé entre des peuples avides de sens et leurs institutions?

La seconde option serait d'accepter une nouvelle place des religions dans notre société de façon à en apaiser les relations et à franciser l'islam.

A moins d'accepter l'islamisation de notre pays, cette option doit consister aussi à renforcer le christianisme pour équilibrer la situation et la résistance naturelle à l'islam, réactiver le fond éthico-philosophique qui fait le soubassement de nos valeurs républicaines et qui est profondément chrétien. Cela passe par un nouveau dialogue avec les institutions chrétiennes. Cela suppose une nouvelle réflexion sur la présentation du fait chrétien et de son impact sur la France, l'Europe et l'Occident notamment dans les programmes scolaires, les manuels, à l'inverse de la mise en valeur actuelle de l'islam au détriment du christianisme. Franciser l'islam cela passe aussi par une politique claire en matière de symbolique: pas de burqa, ni de qamis afghan sur le territoire national, pas de voile, pas de prières publiques, pas de mosquée ostentatoire et l'application scrupuleuse de nos lois, par exemple en matière de polygamie. Côté christianisme, les institutions nationales et locales doivent ranger au rayon des vieilleries les oripeaux du laïcisme d'antan, peut-être avec regret, mais «comme on peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages»* .

Non seulement une telle évolution pourrait bien rassurer nombre de nos concitoyens mais aussi attirer une part de la jeunesse d'origine immigrée. Mais ce n'est pas le seul enjeu: notre société doit inspirer le respect, retrouver des valeurs fortes et se libérer d'un consumérisme et d'un libertarisme débridés. Le Gouvernement est-il en capacité d'y contribuer? Sa gestion du mariage homosexuel, l'insistance renouvelée du ministre de la Justice sur la PMA au profit des lesbiennes, démontre qu'un certain establishment n'a rien compris aux évolutions profondes de notre société.

Voilà bien une des racines de l'absence de résolution du problème de l'islam en France depuis des années et des inquiétudes que nous pouvons nourrir pour l'avenir: nos «intelligentsias» parisiennes sont trop libertaires, tout à la fois pour brider les forces de désordre et pour donner, notamment à nos jeunes, une espérance qui dépasse le matérialisme. Elles sont encore trop laïcardes pour s'appuyer sur le catholicisme honni et dont elles font encore leur principal adversaire, comme autrefois les politiques français qui s'aveuglèrent au point de ne vouloir détruire que l'Autriche et de laisser croître la Prusse. Qui sera capable de se saisir du problème?

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Abdennour Bidar : «Les musulmans doivent passer à la responsabilité de l'autocritique»



(Source: Le Figaro)

Suite aux attentats effroyables de Paris, il y a un piège dans lequel nous ne devons pas tomber: la stratégie claire de Daesh est de provoquer le chaos dans la société française en alimentant la peur, qui va nourrir le vote d'extrême droite. Au-delà, c'est le risque que partout en Europe ces attentats aggravent encore la suspicion et le rejet à l'égard de nos concitoyens musulmans en provoquant une flambée de l'intolérance et de la haine. Car en France aujourd'hui, et dans bien d'autres pays européens se creuse dramatiquement le fossé d'incompréhension entre les musulmans et les autres: d'un côté une véritable allergie se répand à l'égard d'une religion perçue comme violente et agressive, de l'autre se propage le sentiment d'être toujours plus «montrés du doigt», stigmatisés. Le rejet n'en finit plus de monter des deux côtés: les uns rejettent, les autres se sentent rejetés. Voilà le mécanisme, l'engrenage maudit, qui pourrait dresser demain nos populations les uns contre les autres dans des tensions civiles très graves. Face à cela, nous devons avoir un sursaut de lucidité collective: être capables de comprendre le piège à temps, et l'éviter tous ensemble, non musulmans et musulmans unis, avant que ne se déclenche son mécanisme de désastre sur les plans social et politique.

Au bord de ce péril, les réactions des musulmans eux-mêmes qui expriment leur dénonciation de Daesh sont nécessaires et salutaires, indispensables pour faire diminuer la suspicion à l'égard de l'islam. Mais c'est insuffisant. Tragiquement insuffisant. Il ne suffit plus de dire «ne faisons pas l'amalgame entre islam et islamisme». Comme je l'ai écrit dans ma Lettre ouverte au monde musulman, les musulmans du monde entier doivent passer du réflexe de l'autodéfense à la responsabilité de l'autocritique. Car comme le dit le proverbe français, «le ver est dans le fruit»: ce n'est pas seulement le terrorisme djihadiste qui nous envoie de mauvais signaux en provenance de cette civilisation et culture musulmane, mais l'état général de celle-ci. Voilà en effet une culture tout entière qui est menacée par la régression vers l'obscurantisme, le dogmatisme, le néo-conservatisme, le rigorisme incapable de s'adapter au présent et aux différents contextes de société… et qui, c'est le comble, parle parfois de liberté de conscience pour réclamer le droit de donner libre cours à sa radicalité, ou pour faire valoir publiquement ses «principes éternels», sa «loi divine intangible et indiscutable», comme si quelque chose pouvait et devait échapper aussi bien à la marche de l'histoire et à la volonté des hommes!

De plus en plus de musulmans prennent conscience qu'il y a là un cancer interne de civilisation gravissime, un cancer qui se généralise à grande vitesse et face auquel les courants progressistes reculent. Un cancer face auquel les musulmans lucides souffrent de voir leur religion ainsi dégénérer, et se sentent terriblement impuissants. Qu'ils ne se laissent pas paralyser par ce sentiment d'impuissance! L'optimisme est une responsabilité. Quand on agit, il n'y a plus de place pour la peur et le désespoir. La tâche est qu'il faut de tout faire, chacun à son niveau, chacun avec ses moyens, pour régénérer, réinventer, métamorphoser cette culture spirituelle en perdition. Et pour cela la première chose à comprendre est qu'il faut arrêter de dire seulement «le vrai islam ce n'est pas cela», «cet obscurantisme ce n'est pas l'islam de mes grands-parents, de mon village, ou des âges d'or de l'islam, comme l'Espagne andalouse». Ce type de nostalgie ne vaut guère mieux face à la gravité du présent que la solution des salafistes qui veulent revenir à un «islam originel», à un «islam pur», à un «noyau» ou à une «essence» de l'islam. Rien de plus stérile que de vouloir fabriquer du futur avec le passé! Rien de plus dangereux que de vouloir faire triompher la «pureté» de quoi que ce soit: ce fantasme de «pureté» passe toujours, l'histoire nous l'a enseigné, par la «purification totalitaire» de tout ce qui n'est pas conforme au modèle!

Pour dire cela, combien sommes-nous? D'intellectuels de culture musulmane? De philosophes critiques? De consciences engagées? Dès aujourd'hui, il faut que du côté musulman les voix de la transformation soient beaucoup plus nombreuses et puissantes - et que même nous entendions dans ce concert la voix de plus de théologiens ou d'imams, bien qu'en tant que philosophe je suis toujours très prudent avec les «clercs éclairés»: même ouvert d'esprit jusqu'à un certain point, le savant ou le chef religieux restent des «maîtres de religion» attachés au noyau du dogme, et face auxquels toute conscience doit garder farouchement sa vigilance et sa liberté. La responsabilité des musulmanes et de musulmans dans nos sociétés européennes? Elles et ils doivent s'engagent massivement, pas seulement en tant que croyants de telle religion mais en tant que citoyens qui participent au progrès moral et social général, à la reconstruction ici en Europe de sociétés plus justes, plus fraternelles. Contre le libéralisme sauvage, contre les inégalités entre riches et pauvres, contre le matérialisme anti spirituel de nos sociétés. C'est en participant à tous ces combats que les musulmans d'Europe pourront affirmer une voix propre, et peut-être construire le modèle d'une autre identification à la culture musulmane - non plus repliée sur elle-même, sur la défense de son identité et de ses intérêts mais ouverte et engagée dans une logique de contribution au bien collectif.

Comme toujours, l'intellectuel est en première ligne, il doit monter au front des idées, des propositions, de l'ouverture de nouveaux horizons de sens et de société. Il doit porter un projet de civilisation nouveau face à la «fin des idéologies» et au «désenchantement du monde» où nous sommes tombés en Occident. C'est ce que j'essaie de faire aussi bien dans ma Lettre ouverte au monde musulman que dans mon Plaidoyer pour la fraternité. Dans ces deux essais publiés en 2015 suite aux attentats de janvier à Paris, je n'écris pas «en tant que philosophe de culture musulmane qui ne s'adresserait qu'aux musulmans». A partir de ma double culture française et musulmane, j'essaie d'expliquer que nous sommes tous maintenant, musulmans et occidentaux, et la planète entière avec nous, confrontés à une immense question qui fait son grand retour au milieu du monde humain: la question du sacré. Voilà le défi du siècle qui s'ouvre. Il nous renvoie non pas à la crise écologique, ni aux crises financières ou politiques, ni aux crises géopolitiques, mais à la mère de toutes les crises: celle du spirituel. Quelle vie spirituelle pour l'humanité, à l'heure où tout entière elle essaie de se rassembler dans la mondialisation? A l'heure où elle cherche un «projet de civilisation» qui ne soit pas seulement politique et économique mais qui nous permette de devenir plus humains? Comment donc grandir en humanité- la définition même du spirituel - et comment faire converge toutes les forces de la civilisation autour de cet objectif?

Voilà le défi qui se cache encore derrière tous les autres - et que nos grands médias, nos classes politiques n'ont pas encore eu la lucidité de voir alors même que, du côté des sociétés civiles, beaucoup de consciences ont déjà compris que, comme l'avait dit André Malraux, «le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas». Daesh? L'islamisme radical? Oui c'est l'urgence mais c'est une goutte d'eau dans l'immense tâche qui nous incombe aujourd'hui: sortir enfin des guerres de religion, sortir enfin du conflit immémorial entre les formes du sacré, pour aller ensemble vers un sacré partageable entre toutes les cultures, toutes les civilisations. Mais où est-il ce sacré partageable qui créerait l'unité spirituelle entre nous, sans abolir la diversité de nos croyances? Où est-il ce sacré dans lequel il y aurait à la fois la liberté de conscience et la transcendance, le bien politique et la vie spirituelle, la communion spirituelle et le respect du pluralisme de nos visions du monde? Au-delà de mes deux derniers livres, c'est l'axe de tous mes travaux depuis des années. Sans relâche, j'essaye de dessiner, d'esquisser les formes de ce sacré partageable - je m'y consacre à partir de l'intuition qu'il s'établira sur une vision de l'être humain, un humanisme complètement réinventé à partir de tous nos héritages d'Orient et d'Occident, critiqués et mis en mutation créatrice.

En vue de cet objectif élevé d'un sacré partageable qui soit un juge de paix nous évitant de nous battre, je demande solennellement aux musulmanes et aux musulmans européens de ne pas rester de leur côté, de ne pas céder à la tentation de se replier sur eux-mêmes dans la défense exclusive de leurs intérêts propres. Qu'ils répondent à la suspicion par l'ouverture. Qu'ils répondent au rejet par la contribution. Qu'ils répondent au mal par le bien, comme le conseille le Coran (41, 34). Qu'ils regagnent le respect et la considération de tous en s'associant intellectuellement et humainement, partout où c'est possible et par leur engagement social et politique de tous les jours, à tous ceux qui refusent un monde égoïste où l'on vit séparés en communautés et en tribus, et où l'homme est un loup pour l'homme. Qu'ils regagnent l'estime générale en unissant leurs efforts à tous ceux aussi - c'est capital à mes yeux - qui refusent aussi bien un monde matérialiste, sans spiritualité, qu'un univers où telle religion domine tout sans laisser à chacun sa liberté de conscience et en fermant les portes extérieures pour créer une communauté close.

Contre cela, cherchons ce sacré partageable que j'évoque ici à l'horizon de nos sociétés. Il commence là. Dans la lutte pour une fraternité sans frontières, qui travaille aussi bien à réduire les inégalités sociales qu'à combler les distances, les «coexistences» sans mélange, les fossés d'incompréhension, le choc des ignorances, des rejets et des peurs, entre les cultures et les croyances. Quand je parle du sacré et du spirituel, son sens est très simple: il surgit de cette fraternité qui crée du lien et qui fait grandir en humanité. Plus largement, vivre spirituellement c'est vivre relié: à soi, aux autres, à la nature et à l'univers. Nos individualités étouffent et meurent lorsque ces liens sont rompus ou endommagés - soit par une vie superficielle où l'on n'écoute plus sa voix intérieure, soit par une vie égoïste et indifférente à l'autre, soit encore par une vie loin d'une nature qui nous enseigne la façon sublime dont toujours la vie triomphe de la mort. Daesh? J'y insiste: sa seule force est de profiter de nos faiblesses. Si nous persistons à vivre en régime de «déliaison du monde», où la qualité de ce triple lien à soi, à autrui, à la nature, reste si mauvaise, alors le néant, le nihilisme, de Daesh viendra comme un poison s'infiltrer dans toutes nos brèches, dans toutes les blessures de nos liens. Travaillons à nous relier, resserrons nos liens, tous nos liens de sens et de fraternité, et Daesh n'aura pas pour nous diviser le passage d'une seule petite faille. Retissons les liens de fraternité avec nous-mêmes, avec les autres, avec la nature et l'univers. Respiritualisons le monde et nous aurons une chance de le guérir de ses souffrances.

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(source: CCLJ)


Xavier Luffin: "IL FAUT CESSER DE DIRE QUE L'ETAT ISLAMIQUE (DAESH) 
CE N'EST PAS L'ISLAM" Interview de Nicolas Zomersztajn

Pour Xavier Luffin, professeur de littérature arabe à l’Université libre de Bruxelles (ULB), les musulmans doivent se demander pourquoi le texte coranique peut être si souvent utilisé pour revendiquer des actes meurtriers et cesser de s’enfermer dans des schémas victimaires qui sont encore repris suite aux tueries de Paris du 13 novembre 2015.


Quel regard portez-vous sur cette réaction musulmane selon laquelle la violence de l’Etat islamique n’a rien à voir avec l’islam ?
Xavier Luffin : Cela nous renvoie à un problème récurrent dans le monde arabo-musulman : le refus d’assumer la part de responsabilité des maux qu’il connaît et une grande propension à souligner la responsabilité de l’autre, que ce soit l’Occident, Israël ou le monde chrétien. On voit bien qu’il existe une réelle difficulté à assumer une responsabilité dans son propre chef, même quand un parallèle peut être établi. Ainsi les conquêtes coloniales et l’esclavage ne seraient des questions que seul l’Occident doit assumer, alors qu’on trouve des phénomènes similaires dans l’histoire arabo-musulmane. Outre les facteurs historiques qui expliquent cette incapacité d’assumer, il y a aussi des facteurs religieux. Le Coran étant considéré par les musulmans comme un texte révélé, le texte ne peut donc être remis en question. Or, le Coran contient des passages problématiques, et notamment belliqueux. Par ailleurs, ces passages sont utilisés par les extrémistes religieux et les propagandistes de l’Etat islamique. Il faut bien comprendre que ces passages existent. On peut certes décider de les expliquer, et c’est ce que font les exégètes du Coran. Mais le problème, c’est que bien souvent ce travail d’exégèse est trop proche du sens littéral du texte. Je n’ignore pas non plus les approches visant à replacer ces passages problématiques dans un contexte historique bien précis remontant aux périodes conflictuelles de l’expansion de l’islam au 7e siècle. En réalité, on trouve de tout dans ces approches exégétiques et il n’existe aucune hiérarchisation. Personne n’indique clairement quel texte il faut suivre ni celui qu’il faut abandonner une fois pour toutes. Les musulmans se retrouvent donc avec un discours qui n’est pas suffisamment remis en question. Il est donc urgent que les musulmans s'interrogent, se demandent pourquoi le texte coranique peut être si souvent utilisé pour revendiquer des actes aussi violents que les tueries de Paris.

Cela signifie-t-il que l’Etat islamique n’est pas un repère d’ignorants des sources coraniques ? X.L. :
Tout à fait. Il faut cesser de dire l’Etat islamique (Daesh), ce n’est pas l’islam. Il suffit d’écouter les discours et les prêches d’Abou Bakr al-Baghdadi ou d’autres responsables de cette organisation pour comprendre qu’ils ont une bonne connaissance des sources coraniques. L’Etat islamique publie sur internet une revue en anglais, Dabiq, et même en français, Dar al-Islam, dans laquelle l’ensemble des articles sont truffés de références au Coran, à des Hadith, et à un nombre considérable de penseurs particulièrement conservateurs comme Ibn Taymiyya ou Mohammed Ben Abdelwahhab, le fondateur du wahhabisme. Ces textes sont cités avec les références de la même manière qu’un article pour une revue scientifique occidentale. On ne peut donc pas du tout affirmer que ces gens ne connaissent rien aux textes coraniques qu’ils citent abondamment.

Que faut-il faire alors ? X.L. :
Commencer par entamer un travail critique au sein même de l’islam. Car lorsqu’on entend les réactions musulmanes actuelles selon lesquelles ce ne sont pas des vrais musulmans qui ont commis ces actes ou que ce n’est pas l’islam, cela reviendrait à dire que ce ne sont pas les Etats-Unis qui ont mené la Guerre au Vietnam parce que ce n’est pas cela les vrais Américains, ou encore que le Congo n’a pas été colonisé par les Belges parce que ce n’est pas cela la vraie belgitude, etc. Il y a un moment où un groupe humain, quel qu’il soit, doit pouvoir dire qu’il assume la responsabilité des actes commis par les siens au nom des références dont se revendique l’ensemble du groupe, même si ces références ne sont pas claires. C’est un travail que les musulmans doivent aussi entreprendre, sinon ils resteront enfermés dans ce discours de la victimisation et de la déresponsabilisation. Quand on regarde de nombreux discours de prédicateurs musulmans vivant en Europe, on s’aperçoit qu’ils ne remettent nullement en cause des passages belliqueux du Coran.

Des tentatives d’approches critiques ont pourtant été initiées… X.L. :
Oui, mais elles posent deux problèmes majeurs. Tout d’abord, ces réouvertures de la tradition exégétique du Coran depuis le début du 20e siècle, comme celle de Mohammed Arkoun, sont certes très intéressantes, mais elles restent prisonnières du texte. Puisque le Coran est censé être une parole divine révélée, elles doivent tenter de critiquer le texte sans pour autant l’invalider, ce qui est un exercice périlleux. Mais cette explication critique est toujours littéraliste. Le deuxième problème de ce mouvement de pensée réside dans son impact réel. Ces nouveaux penseurs de l’islam existent bel et bien, ils publient énormément par ailleurs, mais leurs travaux sont surtout lus par des intellectuels occidentaux ou par une frange marginale d’intellectuels du monde arabo-musulman. Ainsi, je n’ai jamais entendu un imam bruxellois se référer aux écrits de Nasr Hamid Abou Zayd, ce théologien égyptien cherchant à interpréter le Coran à travers une herméneutique humaniste. Je n’affirme pas que l’impact de ces penseurs musulmans humanistes soit inexistant, mais il demeure malgré tout très faible. Quand on franchit la porte d’une librairie musulmane du boulevard Lemonnier à Bruxelles, les livres qu’on vend sont surtout des traités médiévaux conservateurs et des manuels d’une pauvreté intellectuelle et spirituelle n’abordant que la question du licite et de l’illicite ! Il n’est jamais question de remettre en cause certains préceptes problématiques ni de les contextualiser historiquement. Or, le discours ambiant répétant que l’Etat islamique n’est pas l’islam minimise complètement la portée des textes qui sont réels et qui sont utilisés par les fondamentalistes les plus violents et les plus rétrogrades, comme par les plus modérés et les plus humanistes.



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Lire ensemble le Notre père et la Fatiha ! 
            (Culture d'Islam avec Abdennour Bidar et Chawkat Moucarry)
«Ce n'est pas l' Islam...» ? - Rémi Brague,  André Malraux, Paul anel"#JeSuisCharlie : En état de choc, on fait n’importe quoi
par Guillaume de Prémare (...et autres assais)
Attentats:  Unité de la France ,unité de l'Islam  et civilisation ?
"Les prophéties de Bernanos" ( Clément Borgal ) - Impasse de la Liberté
Réaction du Cardinal Mamberti sur le jugement de la Cour européenne
 à propos de la Liberté de conscience et religieuse (@news_va_fr 2013)
Le Gender ou "L'idéologie libertaire à l'assaut de nos libertés fondamentales"  par François-Xavier BELLAMY
"Jeunesse Lumière à 30 ans" JL30 avec le Père Daniel Ange 
La France est-elle encore la « fille aînée de l’Eglise » ? Par le cardinal Philippe Barbarin
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 1/2 - "Le rêve de Dieu par Yves Semens"
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 2/2 - "Une spiritualité conjugale"
Lettre de Mgr Aillet (MANIFPOURTOUS , Bioéthique , Gender , Euthanasie Morale Laïcque...)
Homélie de Mgr Marc Aillet à Notre Dame de Chartres (clôture du pèlerinage)
Dominique Humbrecht : " À défaut d'avoir précédé, nous (L'Église de France) 
pouvons encore suivre. Nous sommes acculés à l'exemplarité culturelle."
Veilleurs: "Cathos et rebelles" ( via Le Figaro 18 Avril 2014)
"Les Veilleurs" (20 Avril 2013)
Proclamation de St Thomas More comme patron des responsables 
de gouvernement et des hommes politiques
Loi naturelle et loi civile: 1-"un mariage de raison"
"1984" de George Orwell avec Raphaël Enthoven dans"Le Gai Savoir
Halte au narcissisme du corps avec Adèle van Reeth
Les nouvelles technologies vont-elles réinventer l' homme ?
"Le droit canonique est un droit de guérison"(L'Eglise : une institution juridique ? )
La liberté religieuse en cause en Europe
La voix éloquente et claire de la Conscience
Conscience morale: "Les chrétiens au risque de l'abstention ? "
La liberté de conscience et religieuse menacée aux États-Unis


Cardinal André XXIII - Extrait " Vision actuelle sur la Laïcité (KTO) "
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie I)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie II)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie III)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie IV)

La laïcité à la française " une analyse de Mgr Jean-Louis Bruguès
La voix éloquente et claire de la Conscience
"La révolte des masses" - d' Ortega Y Gasset
Quand l' Eglise interpelle les consciences....pour 2012
Adieu Benoît XVI - Livre d' Or (ici)
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 1/2 - Le rêve de Dieu par Yves Semens
Démocratie "entre" Loi civil et loi morale - Extrait de l' Evangile de la Vie (Evangelium vitae)
Inauguration de la statue de Jean-Paul II par Monsieur le Sénateur Gérard COLLOMB
Dans les combats, "Mes Armes" - faisons les nôtres ... (Ste Thérèse de l' enfant Jésus)
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dimanche 22 février 2015

" Comment faire aimer la France aux français musulmans ?" - Guillaume de Prémare reçoit Xavier Lemoine et Camel Bechikh















( Source: Ichtus )




Guillaume de Prémare, Délégué Général d'Ichtus rencontre Xavier Lemoine, Maire de Montfermeil, et Camel Bechikh, Président de Fils de France pour réfléchir à l'après Charlie...assimilation culturelle ? Amalgame ? Situation en France et dans les autres pays. Peut-on interroger l'Islam sur ses rapports avec la violence ? Dénonciation des persécutions des chrétiens par 120 théologiens de l'Islam. Déterminisme communautaire et social des musulmans. Enjeux de la politique culturelle dans les banlieues. Connaissance de la langue française. Connaître, Aimer, Respecter. De la connaissance vient la reconnaissance. L'expérience du défilé de mode à Montfermeil. Processus d'aculturation des musulmans. Connaître et aimer son pays. Mixité sociale. Reconnaissance des subtilités de l'identité française. La France a un substra profondément catholique. Expérience de l'Ecole Alexandre Dumas. Capacité de la France à exporter l'universel. S'intégrer par les valeurs communes.

Fil d'actualité sur Guillaume de Prémare: ici

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mardi 13 janvier 2015

"#JeSuisCharlie: "En état de choc, on fait n’importe quoi" par Guillaume de Prémare ( ... et autres essais)




"#JeSuisCharlie : En état de choc, on fait n’importe quoi" 
par Guillaume de Prémare [*]

"Terrorisme : la culture du mépris fait le lit de la violence religieuse"
par Charles-Eric de Saint Germain  [*]

"Le destin de Charlie" 
par Emmanuel di Rossetti   [*]

"Les conditions culturelles et spirituelles de la paix" 
par Henri Hude   [*]

"Pourquoi “Charlie” ne peut pas être un symbole de la liberté d’expression"
par Laurent Sentis   [*]

«Ce qui arrive est la conséquence de notre aveuglement»
par Xavier Lemoine   [*]

Après le drame, un débat sur la "liberté d'expression"
par Patrice de Plunkett   [*]




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(source: Ichtus)

"CharlieHebdo"... par Guillaume de Prémare


"#JeSuisCharlie : En état de choc, on fait n’importe quoi" 


Que pensez-vous de ce que nous vivons autour du choc « Charlie Hebdo » ?

Il faut partir du fait générateur qui est le terrorisme. La France a déjà connu, dans un passé récent, des vagues de terrorisme. Mais elles n’étaient pas de la même nature. Je vois deux différences profondes.

La première différence est que les vagues de terrorisme des années 1980 et 1990 étaient 
principalement destinées à faire pression sur la politique internationale de la France, qu’il s’agisse du conflit israélo-palestinien ou de l’Algérie. Aujourd’hui, les terroristes cherchent aussi à faire pression sur la France par rapport à ses engagements militaires à travers le monde, mais ils poursuivent plus largement un objectif de conquête politico-religieuse à l’échelle mondiale, ce qui est nouveau, appuyé sur une idéologie politico-religieuse qui est ancienne.

La deuxième différence, c’est que les terroristes venaient jusqu’ici le plus souvent de l’extérieur. Aujourd’hui, l’islam radical s’appuie principalement sur des musulmans qui vivent en France, et sont même de nationalité française. Les jeunes sont radicalisés en France, font leurs armes à l’étranger puis reviennent en France pour combattre. C’est un élément-clé de la stratégie terroriste en France : mener une guerre de l’intérieur qui s’appuie sur des troupes déjà sur le sol français.

Selon vous, quelle est la stratégie de ces terroristes ?

Leur stratégie est de semer le chaos, de provoquer un état de choc global de notre société, pour créer une fracture irrémédiable entre les musulmans français et le reste de la population. Ils commettent donc des attentats pour faire grimper à son paroxysme la peur de l’islam et l’hostilité envers l’islam, jusqu’à la psychose, à un point tel que les musulmans ressentent cette hostilité, y compris, si possible, en raison de représailles contre la communauté musulmane. Il nous faut donc impérativement éviter les délires identitaires agressifs.

Ils misent sur l’aspect très communautaire de la religion musulmane pour gagner l’opinion musulmane. Celle-ci, se sentant en terrain hostile, se communautariserait toujours davantage et serait mûre pour d’abord éprouver de la sympathie pour le djihadisme, ensuite leur apporter un soutien. Cela ne signifie pas qu’une majorité des millions de musulmans qui vivent en France deviendrait terroriste – dans une guerre les combattants sont toujours minoritaires -, mais les islamistes pourraient recruter de jeunes musulmans sur un terreau de plus en plus favorable et évoluer, dans les quartiers musulmans, en terrain ami. Je ne dis pas qu’ils vont réussir, mais je pense que c’est leur projet.

Pour accentuer ce processus de séparation des musulmans de la communauté nationale, il y a un autre aspect qui est la guerre culturelle. Il s’agit de séparer toujours davantage culturellement les musulmans de la culture française. Pour cela, ils s’appuient sur la décomposition de la culture française pour en faire un parfait repoussoir pour tout bon musulman. Plus la société française est athée, libertaire, permissive, consumériste, sans repères, vide de sens, et en faillite éducative, plus la fracture culturelle grandit avec les musulmans. Je crois que cet aspect des choses est majeur dans le défi auquel nous sommes confrontés. Ce n’est pas le « choc des cultures », mais le « choc des incultures » comme dit François-Xavier Bellamy.

Alors, pourquoi Charlie Hebdo ?

C’est ce que l’on nomme la guerre psychologique. Il y deux choses : le choix de la cible et les moyens employés. Les moyens visent à provoquer l’état de choc : l’utilisation d’armes de guerre, l’exécution froide des journalistes de Charlie Hebdo, et celle bien sûr d’un policier achevé à terre. C’est le complément idéal de l’état de choc mondial volontairement créé par la diffusion de vidéos des horreurs commises au Proche-Orient par l’Etat islamique. Il faut que ça fasse barbare. Plus nous les voyons comme barbares, mieux ils se portent. La deuxième chose, c’est le choix de la cible, Charlie Hebdo. A mon avis, c’est un choix parfaitement pensé.

Charlie Hebdo est honni par l’opinion musulmane, les musulmans n’ont pas besoin d’être islamistes pour détester Charlie Hebdo. En attaquant Charlie Hebdo, les terroristes veulent désensibiliser les musulmans à la compassion pour les victimes. Cette action psychologique vise notamment les jeunes musulmans qui, comme beaucoup de jeunes de leur génération, sont de plus en plus désensibilisés à la violence par les films, les jeux vidéo et tout ce qu’ils voient à la télévision. Nous avons vu cette semaine, par exemple dans les écoles de Seine-Saint-Denis, que cette action psychologique fonctionne à merveille. Dans certaines écoles, il a été très difficile d’organiser ou de faire respecter la minute de silence.

Ensuite, en attaquant Charlie Hebdo, les islamistes provoquent une sympathie généralisée pour Charlie Hebdo dans l’opinion publique française. Charlie devient le symbole de la France et la décomposition culturelle s’accélère : la France c’est Charlie et Charlie c’est la France. Dimanche, la France de Saint Louis, de Napoléon, de de Gaulle, d’Aragon et Hugo est devenue « Charlie », ce qui est une régression culturelle. A partir de là, dans le meilleur des cas le jeune musulman est poussé à faire une quenelle à la France, geste de mépris et de défi très populaire dans la jeunesse des banlieues, dans le pire des cas on fabrique les futurs jeunes djihadistes.

D’une certaine manière, nous n’avons pas affirmé ce que nous sommes vraiment…

En effet, nous avons affirmé l’inverse de ce que nous sommes. L’article 4 de la déclaration des droits de l’homme dit que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». C’est un principe fondamental puisqu’il est dans notre document de référence fondamental. Il y a deux ans, le plus grand nombre était d’accord pour critiquer la parution des caricatures parce qu’elles étaient jugées insultantes, blessantes. L’insulte est une violence et la violence nuit à autrui, la violence nuit à celui qui la subit. Bien évidemment, la liberté d’expression est un bien précieux, mais il n’y a pas de liberté absolue dans une société. Nous piétinons donc nos propres principes dits « fondateurs » en disant qu’il y a, en quelque sorte, un droit à l’insulte. La déclaration des droits de l’homme dit l’inverse ! Comment voulez-vous faire respecter des principes que nous piétinons ?

Ensuite, devons-nous accepter, pour nous-mêmes, cette régression culturelle qui veut que « La France c’est Charlie », qui veut que le poids symbolique de nos valeurs, de notre identité et de notre unité repose sur Charlie ? Luz, un dessinateur de Charlie, a expliqué dans les Inrockuptibles que cette charge symbolique que l’on met sur Charlie Hebdo était à côté de la plaque.

Vous êtes en train de nous expliquer que nous avons fait exactement ce qui convient aux terroristes islamistes ?

Absolument. Au départ, il y a une excellente intention : dire sa compassion envers des victimes d’un assassinat terrible et inacceptable, dire son refus de la violence et du terrorisme. Mais le slogan « Je suis Charlie » est venu donner à ce bel élan un contenu hystérique à contre-emploi : la France c’est Charlie et Charlie c’est la France. Ensuite il y a eu la marche, ce bel élan populaire de citoyens qui ont besoin de se rassembler pour dire leur refus du terrorisme et rendre hommage à nos morts. Cet élan a été récupéré par une caste politico-médiatique décrédibilisée qui y a vu l’occasion de se refaire la cerise sur l’affaire Charlie Hebdo. En état de choc, on fait n’importe quoi, on est manipulable, le cerveau sur-sensibilisé jusqu’à l’hystérie est disponible à la manipulation. La broyeuse médiatique est passée par là et la France a défilé avec comme slogan « Je suis Charlie », comme image des caricatures insultantes et comme symbole suprême le crayon qui manie l’insulte. En gros, la caste politico-médiatique est parvenue à donner l’image d’un peuple réuni autour des valeurs, non pas de la France, mais des valeurs vides de sens de leur caste : ce que la propagande politique et télévisuelle a nommé « nos valeurs », « notre modèle », « notre mode de vie ». Le terme même de « marche républicaine » est insuffisant. La question n’est pas celle de la forme de gouvernement, acceptée par le plus grand nombre, mais celle de la France. La France est d’abord un pays, pas une forme de gouvernement.

La marche était donc une mauvaise idée selon vous ?

Non, c’était une bonne chose dans l’élan initial. Il aurait peut-être fallu faire une marche blanche, sans slogans ni pancartes, une marche citoyenne, de société civile. Une marche avec pour seul contenu le refus du terrorisme et l’hommage rendu aux victimes. Nous aurions alors gagné une bataille psychologique. Or, dimanche, nous avons perdu une bataille culturelle et psychologique. Ce qui s’est passé est grave et beaucoup de gens ne s’en rendent pas compte parce qu’une propagande sans précédent dans l’histoire de la France contemporaine a été diffusée par la télévision et démultipliée sur les réseaux sociaux comme un réflexe pavlovien. Nous sommes guidés et informés par des irresponsables, des aveugles qui guident des aveugles. Il est temps d’ouvrir les yeux.

Que pouvons-nous faire ?

Tout d’abord mener la guerre sans faiblesse sur le sol même de France contre les terroristes, avec nos services spécialisés et nos moyens policiers. Ensuite, il faut contrer l’adversaire sur les points-clés de sa stratégie : éviter la psychose et garder calme et sang-froid, éviter autant que possible les attitudes agressives et hostiles envers les musulmans, les représailles. Il y en a eu, pour le moment légères. Nous devons ensuite entrer dans la lutte d’influence sur l’opinion musulmane, essayer de nous gagner l’opinion musulmane avant que les islamistes ne la gagnent. Nous devons stopper notre décomposition culturelle et redécouvrir ce que nous sommes vraiment, c’est-à-dire Hugo plutôt que Charlie. Et nous devons, sur cette base commune, nous battre sur le terrain éducatif et culturel. Nous avons tout investi dans le social dans les banlieues, à fonds perdus. Nous devons essayer de transmettre aux jeunes musulmans ce qu’est la France, faire aimer la France aux jeunes musulmans et à leurs parents. Demandez à Jean-François Chemain, Xavier Lemoine ou Camel Bechikh si c’est possible de réduire la fracture culturelle, ils vous diront que oui. C’est leur expérience concrète, pas une idée abstraite. A Montfermeil, ils ont proposé une offre éducative avec les cours Alexandre Dumas. C’est le prototype d’écoles qu’il faudrait étendre sur tout le territoire. Ce qui réussit aujourd’hui à petite échelle, il faut le faire à grande échelle.

Est-il encore temps ?

Je ne sais pas, mais partons du principe que oui, il est encore temps. Travaillons avec cœur, détermination et amour. Toute victoire commence par un premier pas, partons à la conquête des cœurs !

Propos recueillis par Nicole Buron.
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(source: Liberté politique)


"Terrorisme : la culture du mépris fait le lit de la violence religieuse"



À travers l'odieux attentat contre Charlie Hebdo, c'est encore une fois la liberté de pensée et d'expression que l'on attaque, alors qu'elle constitue un droit fondamental de l'homme, de tout homme. Mais au-delà de cette tragédie, qui nous a laissé « sans voix », il faut aussi se demander ce qui peut pousser des fondamentalistes fanatiques à commettre des actes aussi barbares.

J'ai tendance à penser que le recours à la violence commise (et j'aurais aimé que tous ceux qui ont "suivi Charlie" manifestent également une solidarité semblable à l'égard des chrétiens massacrés dans les pays d'Orient par des fondamentalistes musulmans) est la réponse (inacceptable) à une violence subie, elle est une contre-violence, certes irrationnelle et inqualifiable, mais qui doit, si nous voulons éviter l'escalade de la violence dans la société, nous amener à réfléchir sur ce qui a pu générer une telle réaction à l'égard des journalistes de Charlie Hebdo.

Tout d'abord, je tiens à rendre hommage à leur courage : ils se savaient menacés, ils ont continué à faire usage de leur liberté de pensée et d'expression, au risque du martyre. Leur mémoire doit être honorée à ce titre. Mais une chose est de louer leur courage, autre chose de justifier leurs écrits : personnellement, j'ai toujours trouvé leurs caricatures de la religion grossières, et elles ne m'ont jamais fait rire.

Elles participent surtout de cette inculture religieuse galopante qu'elles contribuent à entretenir auprès des lecteurs de Charlie-Hebdo, et si l'on manque un peu d'humour pour prendre suffisamment de distance, certains croyants peuvent même se sentir profondément blessés par ce qu'ils vivent comme une véritable « agression » (ce qui est le cas pour certains musulmans qui n'admettent pas que l'on touche au « prophète », mais les chrétiens n'étaient pas en reste dans cette revue, qui ne cessait de s'en prendre, souvent plus bêtement que méchamment d'ailleurs, aux principaux dogmes de la religion chrétienne).

L'obscurantisme antireligieux
La question est de savoir comment gérer cette « violence » que génère la société actuelle vis-à-vis des religions quand on ne reconnaît plus (ce qui est malheureusement le cas aujourd'hui) l'apport fondamental des religions à la culture, et que l'obscurantisme antireligieux (bien qu'il prenne des formes fort heureusement plus douces), n'a finalement rien à envier à l'obscurantisme religieux, que sa propre ignorance du « fait religieux » ne fait en réalité qu'exacerber.

Certains objecteront, certes, que la religion semble avoir partie liée avec la violence, prenant appui sur certains versets isolés des textes sacrés. Et il est vrai qu'ils n'ont pas totalement tort, car la dimension sacrificielle est bien au cœur de toute religion. René Girard a d'ailleurs montré, dans La Violence et le Sacré, que les sociétés modernes ont trouvé le moyen de traiter la violence en punissant le vrai coupable là où les sociétés qui sont encore sous l’emprise de la religion archaïque font souvent appel à un « bouc émissaire », c’est-à-dire à une victime innocente que l’on sacrifie pour purifier la société de ses maux, l’harmonie de la société ne pouvant se rétablir qu'en déchargeant sa colère vengeresse sur ce « bouc émissaire ».
L’exception chrétienne

Le christianisme constitue, de ce point de vue, une exception, il faut bien le reconnaître, puisque dans cette religion, c'est Dieu lui-même qui, en offrant sa vie en sacrifice expiatoire pour le pardon des péchés, va catalyser sur sa personne la violence sociale : celle-ci, en se déchaînant sur cette « victime innocente », va néanmoins permettre de réconcilier définitivement les hommes avec Dieu, moyennant la foi dans la valeur rédemptrice de ce sacrifice puisque rachetés par le sang précieux du Christ versé pour le pardon des péchés, les hommes pourront, par la foi, s'approprier la justice que le Christ leur aura acquise sur la Croix et seront désormais vus « en Christ » (graciés) et non « en Adam » (reconnus coupables).

C'est ce qu'on appelle la « théorie de la substitution pénale » : par son sacrifice, une victime innocente se substitue aux pécheurs coupables, pour satisfaire à la justice divine, qui exige le châtiment des coupables (les hommes, en tant qu'ils ne cessent de transgresser la loi divine).

Ce qu'on oublie de dire, c'est qu'en accomplissant « une fois pour toutes » le « sacrifice parfait », le Christ a mis définitivement fin à la dimension violente et sacrificielle des religions : ayant réalisé l'offrande parfaite pour le pardon des péchés, on ne peut plus désormais que commémorer ce sacrifice, et plus personne ne pourra désormais se réclamer de Dieu ou de la religion pour commettre des actes de violence ou des actes sacrificiels sans renier et trahir du même coup la parfaite suffisance du sacrifice accompli par le Christ sur la Croix.

Toutes les religions ne se valent pas

Voilà pourquoi le christianisme ne prêche pas la violence, ni la vengeance, mais à la « loi du talion », il oppose l'amour de ses ennemis, et à la place de la vengeance, il ouvre la porte à la miséricorde et au pardon pour l'homme qui se repent de ses péchés et croit au sacrifice du Christ pour l'expiation de ceux-ci. En mettant un terme au cycle sans fin de la vengeance et de ses représailles, le christianisme a donc aboli la violence puisqu'il la désarme à sa racine même.

Force est de reconnaître que, de ce point de vue, toutes les religions ne se valent pas, et que la culture du relativisme propre à notre démocratie actuelle tend à nous cacher cette évidence : une religion qui appelle à la vengeance ne vaut pas une religion qui place l'amour et le pardon au cœur de son message, quand bien même ce message aurait été trahi, au cours des siècles — et à de multiples reprises ! — par ceux qui se sont pourtant réclamés du christianisme.

Une laïcité complice

Mais la société française à tout intérêt à faire elle-même son autocritique, en se demandant si elle n'a pas une responsabilité complice dans la violence qui sévit aujourd'hui en son sein. Car nul ne peut contester que la sphère médiatico-politique véhicule aujourd'hui, à l'égard des religions, une « culture du mépris » (quand ce n'est pas de l'ignorance pure et simple) qui ne peut engendrer, à terme, qu'une escalade de la violence, et les journalistes de Charlie Hebdo ont largement été complices, il faut bien le reconnaître, de cette « culture du mépris » à laquelle ils ont sans doute eu le tort de contribuer par leur propre inculture religieuse, même si le caractère satirique et humoristique de leurs propos peut éventuellement valoir pour absolution.

La « laïcité française » aurait néanmoins tout intérêt à tirer les leçons de cet épisode sanglant, et à se demander si elle laisse une place suffisante aux religions et à la liberté d'expression religieuse, afin de ne pas attiser, justement, la violence que ce « mépris » ne peut manquer de susciter chez les croyants, en particulier ceux qui, en mal d'intégration, ne parviennent pas à vivre pleinement le « message évangélique ».

Comment se manifeste cette « culture du mépris » des religions ?

Outre le caractère de plus en plus agressif de la laïcité vis-à-vis des religions, qui sont souvent caricaturées, comme on l'a vu plus haut, y compris dans des lieux (comme celui de l'école) qui devraient plutôt avoir la mission de faire ressortir leur apport à la culture (qui est considérable, au moins pour ce qui concerne le judéo-christianisme), le mercantilisme de la société de consommation qui est la nôtre, en évacuant toute dimension de transcendance sacrée, ne peut que faire violence à l'humanité de l'homme, dont la nature spirituelle est de plus en plus méconnue ou étouffée, au profit d'une réduction de l'humain à la seule logique du marché et de la consommation de masse.

Or quand le croyant ne peut plus faire entendre sa voix dans l'espace public, ou quand celui-ci n'est plus que l'expression monocorde d'un conformisme idéologique « convenu », il ne faut pas s'étonner, même si on doit bien sûr le déplorer, que la violence et l'humiliation subie ne puisse que générer une réaction violente en retour, car faute de pouvoir dire et exprimer publiquement cette frustration par la parole, la violence physique est parfois l'ultime « moyen d'expression » qui reste à ceux qui ne partagent pas les « valeurs » de cette société de consommation où la mort de Dieu conduit nécessairement aussi à la mort de l'homme lui-même.

Le débat et le dialogue ont pourtant toujours été les moyens de conjurer la violence, en substituant le « choc » et le « heurt des idées » à la seule nudité de la violence physique. La démocratie, il faut le rappeler, se nourrit de ces heurts et de ces contradictions, car ce sont les régimes non-démocratiques qui refusent ces « tensions » au profit d'une pensée unique et monolithique.

Quand cette confrontation n'existe plus vraiment dans l'espace public, parce qu'il n'y a plus de « contradicteurs », ou qu'on ne laisse plus vraiment de « place » à la contradiction, les conditions d'un authentique débat pacifique et démocratique ne sont plus réunies, et seule reste alors (pour ceux qui ne partagent pas cette vision de la société ayant évacuée toute dimension spirituelle de son horizon) l'expression de la violence à l'état brut, dans son « fanatisme meurtrier ».

Laïcité ou liberté

Pour mettre fin à cette violence, il faut refuser que l'espace public soit monopolisé par une tendance à imposer une vision du monde « unique » (que ce soit celle de l'idéologie mercantile libérale, ou celle que les partisans de l'islam voudraient lui opposer) et restaurer la nécessaire pluralité que la démocratie doit théoriquement garantir, ce qu'elle ne fait plus aujourd'hui.

Restaurer une liberté d'expression et de pensée pour tous, que l'on soit croyant, agnostique ou athée, dans le respect des convictions propres à chacun, tel serait le seul moyen d'exorciser la violence que génère une vision « monolithique » du monde pour ceux qui n'en partagent pas les valeurs.

Condamner ouvertement le « fondamentalisme religieux » sans remettre en cause ce qui peut générer la violence chez ce fondamentalisme ne fera malheureusement pas avancer les choses d'un pouce. Et si la société française ne parvient pas à remettre en cause sa propre violence idéologique, il est à craindre qu'elle ne puisse trouver de remède à cette violence (terrible dans l'histoire de Charlie Hebdo) qu'elle a subie par contre-choc, et d'une manière particulièrement barbare, il faut bien le reconnaître.

Charles-Eric de Saint Germain est professeur agrégé de philosophie. A paraître : La défaite de la raison : Essai sur la barbarie politico-morale contemporaine (Salvator, mai 2015).


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(Source: contrelesrobots)


"Le destin de Charlie"



« L’ennemi te limite donc te donne ta forme et te fonde ». Cette phrase de Saint-Exupéry exprime assez bien notre condi­tion à la fin de cette pre­mière semaine de l’année 2015. L’ennemi m’oblige à évoluer selon ses codes, à l’intérieur d’un espace qu’il a cir­cons­crit. Je suis d’abord pri­son­nier. Il choi­sit le ter­rain et m’astreint à y res­ter confiné. Des deux don­nées humaines immuables, l’espace et le temps, il m’ôte l’espace. Ôter l’espace au temps c’est un peu ôter Lau­rel à Hardy. L’autre unité conti­nue de vivre, mais elle est défi­gu­rée. Elle a perdu l’équilibre offert par l’altérité de son conjoint. Le temps n’est pas le même sui­vant l’espace dans lequel il évolue. La géo­gra­phie accom­plit le des­tin avec une mesure aussi pré­cise que le sablier.


Mori­hei Ueshiba, l’inventeur de l’aïkido, qui était prêtre et phi­lo­sophe, vou­lait « chan­ger les hommes », leur ôter toutes vel­léi­tés de vio­lence. Il vou­lait vaincre, mais aussi que le vaincu soit changé, qu’il n’ait plus jamais envie de se battre ou d’attaquer quelqu’un. La défaite se trans­for­mait en remède au mal de l’agression. Si l’ennemi m’accule, je l’évite une pre­mière fois, une deuxième, une troi­sième… Un petit ascen­dant m’anime, et l’habite. Dans les arts mar­tiaux, il n’existe pas d’enchaînements com­men­çant par une attaque. L’art de la guerre repose sur la défense. J’ai accepté parce que je ne pou­vais pas faire autre­ment l’espace, j’ai accepté, car j’ai été agressé, mais mon adap­ta­tion à l’espace doit être supé­rieure à celle de l’ennemi, car je ne suis pas aveu­glé par la haine. La haine est mul­tiple et révèle la pré­sence de Satan sur Terre. La haine n’est jamais une liberté, ou bien c’est la liberté volée à l’autre. La haine sait très bien se dis­si­mu­ler sous un sou­rire ou même un rire. Elle est tou­jours une perte de soi, elle blesse l’agresseur et la vic­time. Soyons donc bien conscients que l’ennemi n’est jamais lui-même et que pour le vaincre ma plus grande force est de res­ter moi-même. Pour vaincre, je dois tou­jours me vaincre. Si, une par­tie de moi renonce à l’autre, si la divi­sion m’habite, si je crois qu’il me suf­fit de me ser­rer la main ou de me ser­rer dans mes bras, de pava­ner devant les médias, je suis fichu. Je m’envolerai au pre­mier coup de vent. Je dois tou­jours res­ter fidèle à mon des­tin, cette âme, cette liberté, ce don de Dieu. Le mal n’est pas une puni­tion nous dit Pas­cal, il est une voie tra­cée, une obs­ti­na­tion à cher­cher Dieu, à s’accorder à Lui, à aimer1. Tout mal est une nou­velle chance de conver­sion. Tout mal est une chance d’échapper aux griffes acé­rées du mon­dain repu d’identité, de puis­sance et d’envie qui, si elles peuvent s’avérer des armes dans le com­bat, ne fondent rien qui res­semble à une civilisation.

L’ennemi agit d’abord sur mon âme

« L’ennemi te limite donc te donne ta forme et te fonde ». L’ennemi en me limi­tant m’oblige à défi­nir ce que je suis à tra­vers ma géo­gra­phie. La géo­gra­phie com­bine la carte et le ter­ri­toire. La culture et la nature. L’ennemi se ren­force de ma fai­blesse. Si ma culture et ma nature ne s’accordent pas, si elles ne se res­pectent pas ou si je ne res­pecte pas l’une ou l’autre, mon ennemi a gagné. Lorsque j’esquive, mon esprit ne peut lan­cer le mou­ve­ment et mon corps, après réflexion, déci­der de le suivre. Mon corps et mon esprit doivent ne faire qu’un. C’est tout l’art du com­bat. C’est la forme. L’ennemi me donne ma forme non pas en me mode­lant, mais en me décons­trui­sant2, si je ne suis pas un, si je suis fait de bric et de broc, si je suis raccommodé.

Et il me fonde… parce qu’il me force à m’abandonner et à me retrou­ver. L’ennemi est aussi alté­rité. Il me force à m’abandonner, car je ne veux pas du com­bat, mais il le faut. Le déploie­ment de ma force est juste, car elle vient pro­té­ger ce qui me fonde. La force qui pro­tège est la seule qui nous pré­serve de la volonté de puis­sance. Sinon, si elle est au ser­vice de la puis­sance, si elle me force à m’ensauvager, elle signe la vic­toire de l’ennemi. La guerre me force à me retrou­ver parce que je ne peux vaincre qu’en étant cette âme que Dieu appelle à la conver­sion à tra­vers le mal. L’ennemi agit d’abord sur mon âme. Il m’agresse, il veut que je vienne sur son ter­rain, dans son espace. Mon pre­mier et déci­sif défi consiste à accep­ter sa charge (je ne peux faire autre­ment sauf à être éliminé avant d’avoir com­battu), mais à chan­ger son espace en le mien, tout en conti­nuant à agir comme s’il s’agissait de son ter­rain de vin­dicte, sa forme devient la mienne, il ne fonde que sa perte.
La France est tel­le­ment plus que la République

La France a contri­bué à façon­ner le monde en l’aimant. C’est la mis­sion de la France depuis tou­jours. Pas depuis deux siècles comme nos gou­ver­nants veulent le croire et le faire croire. La France est tel­le­ment plus que la Répu­blique. Il est aussi facile pour les incultes de bro­car­der la mis­sion de la France dans l’Histoire. L’ennemi est double et inté­rieur : il nous gou­verne, il incarne notre ave­nir. De géné­ra­tion en géné­ra­tion, nos chefs cultivent une crasse igno­rance dont ils s’honorent éhon­té­ment. Chaque nou­veau pré­ten­dant nous pousse à croire que l’on peut aller plus loin dans ce sillon de la médio­crité. La Répu­blique dont ils ne cessent de bran­dir les valeurs subit le plus impor­tant revers de sa jeune exis­tence, elle, qui fon­dait son empire sur l’instruction, par­don, l’éducation, ne recon­nait plus ses enfants, et ses enfants la haïssent. Notre jeu­nesse se repaît de la vio­lence et l’appelle de ses vœux. Aux deux bouts de la chaîne, l’inconnaissance com­mande et ordonne, trou­vant des sub­ter­fuges pour ne pas se remettre en ques­tion en poin­tant des boucs émis­saires qu’elle va tra­quer jusque dans la lit­té­ra­ture, c’est dire comme elle est aux abois. L’inconsistance com­mande et ordonne parce qu’aux deux bouts de la chaîne, l’idéologie pré­do­mine. La Répu­blique et son cor­tège de concepts flous publi­ci­taires (anti-racisme, laï­cité, etc.) et l’islamisme can­cer de l’islam qui tarde a réa­li­ser le virage de Ratis­bonne3. Le lien orga­nique qui a couru bon an mal an depuis le début de la France, depuis Clo­vis, trans­mis de-ci de-là par une mul­ti­tude quel­que­fois connue, sou­vent mécon­nue ou incon­nue, petite Jeanne ou grand Charles4, conti­nue d’exister. Il suf­fi­rait de se bais­ser un peu pour le ramas­ser, de le prendre dans ses mains, de le réchauf­fer et de le récon­for­ter pour qu’il retrouve sa joie de vivre. Et il est cer­tain que seul ce lien, ce petit lien si fra­gile qui n’a l’air de rien, mais qui a façonné le monde, peut nous aider à sur­mon­ter l’épreuve de la guerre. Il est tout aussi cer­tain qu’il n’existe aucun diri­geant connu suf­fi­sam­ment armé pour le retrou­ver. Il a été égaré depuis si long­temps. Nom­breux sont ceux qui font comme s’il n’avait jamais existé. Comme s’il était un fan­tasme. Per­sonne ne semble habité par une foi suf­fi­sante. C’est ce qui ne cesse d’inquiéter. Quand le malade ne croit plus en sa gué­ri­son, la mala­die place ses ban­de­rilles et attend de por­ter l’estocade. Notre conver­sion se mor­fond d’attendre. Notre des­tin ne peut s’appeler soumission.

1 - « Vous ne lais­sez sub­sis­ter le monde et toutes les choses du monde que pour exer­cer vos élus »

2 - Un grand maître de karaté oki­na­waïen dit un jour lors d’un cours qu’il don­nait : « Après quelques secondes de mains col­lantes, je connais tous les points faibles de la per­sonne en face de moi. Je n’ai plus qu’à appuyer sur ceux-ci lors du com­bat » et il démon­tra aisé­ment contre les meilleurs élèves ce qu’il venait de dire.

3 - Voici le lien vers le Dis­cours de Benoit XVI le 12 sep­tembre 2006. Ce dis­cours, main ten­due afin d’avoir une vraie dis­cus­sion autour de la vio­lence et des reli­gions et pas seule­ment concer­nant l’Islam, a été bro­cardé par tous les bien-pensants euro­péens. Tous se sont écriés que le Pape n’aurait jamais dû par­ler de cela et même qu’il n’en avait pas le droit. Dont acte !
4 - Charles de Gaule qui n’avait plus été fêté avec autant d’enthousiasme depuis fort long­temps, sans que les gens le sachent


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(source: Liberté politique)


"Les conditions culturelles et spirituelles de la paix" 



Dans le numéro n° 55 (Juil.-Sept. 2009), de la revue Humanitas, de l'Université catholique pontificale du Chili, le philosophe Henri Hude, membre du Conseil des collaborateurs de la revue, publiait un essai dans lequel il analyse, depuis la perspective de la philosophie morale et politique, les discours du pape Benoît XVI et du président américain Barak Obama, au Moyen Orient. Dans un entretien à l’agence Zenit (26/08/09), Henri Hude, ancien professeur à l'Institut Jean-Paul II pour la famille, à Rome, revenait sur cet essai : « Comment la religion peut être facteur fondamental de paix. »

ZENIT :Henri Hude, pourquoi un tel parallèle entre les discours de Benoît XVI et ceux de Barak Obama ?

Henri HUDE. — L'humanité a besoin de prendre « un nouveau départ », pas seulement au Moyen-Orient. Benoît XVI et Barak Obama l'affirment et emploient la même expression. C'est leur premier et leur dernier mot. Le but où tend ce « nouveau départ » est la paix universelle. Tous deux veulent y tendre sans utopie. Ce « nouveau départ » n'est possible, selon eux deux, qu'avec une prise en compte sérieuse de la religion. Les deux hommes prêtent donc une attention particulière aux conditions culturelles et spirituelles de la paix universelle. Leurs perspectives sur l'avenir, différentes mais croisées, suggèrent une possible recomposition positive du paysage global, spirituel et temporel.

Quel est selon vous l'apport essentiel de leurs interventions parallèles ?

Dire que la religion peut être facteur de paix. Barak Obama pense que les religions peuvent vivre ensemble harmonieusement en se soumettant à la norme d'une philosophie assurant l'égalité et la liberté des opinions et traditions, au sein d'une constitution politique visant à rassembler toute la pluralité dans l'unité, sans l'annuler. « E pluribus Unum ». Et à cette condition, leur apport à la société est très positif.

Benoît XVI dit encore mieux, à mon avis, à savoir : comment ce modèle théorique peut marcher, sans se dégrader dans l'utopie, ou dans la manipulation ? Benoît XVI parle moins de la religion en général, qu'il ne traite méthodiquement, avec réalisme et respect, les diverses relations particulières en présence : entre le christianisme et les Lumières ; entre les Lumières et l'islam ; entre le christianisme et l'islam. Il tient compte aussi du judaïsme, bien sûr.

Vous mettez donc les Lumières au nombre des religions ?

Bien entendu. C'est vrai même des Lumières en leur phase actuelle, toute relativiste. On se dit qu'il serait plus simple de reconnaître mutuellement nos « opinions » sans chercher de « vérité absolue »... Mais ce n'est pas si simple. Car s'il n'y a pas de vérité absolue, cela même devient la vérité absolue et alors il y a encore une vérité absolue. Et cette dernière « vérité absolue » n'est pas une simple règle pratique utile à la tolérance, mais c'est une croyance métaphysique déterminée, jointe à tout un système de permissions et d'interdictions. Si chaque esprit individuel est susceptible de faire surgir une vérité, nous sommes en plein polythéisme, ou panthéisme.

Les Lumières ont donc tout à fait raison de poser aux religions des questions sur la tolérance, la liberté religieuse et les guerres de religions — mais à condition de s'inclure elles-mêmes, et à égalité, dans le dispositif problématique qu'elles dégagent. Car la Raison des Lumières, elle aussi, quand on l'approfondit, est une des idées possibles de l'Absolu, de la Divinité, en concurrence avec toutes les autres.

Quel peut être l'intérêt de ces « profils parallèles », par rapport à l'œuvre de l'évangélisation ?

L'évangélisation n'est possible que si les chrétiens sont fiers de leur foi, et ne se sentent pas culpabilisés à cause d'elle. Benoît XVI déculpabilise les chrétiens, mais aussi les musulmans et les juifs. Une âme culpabilisée n'ose pas parler publiquement de sa foi. Pourquoi ? Benoît XVI le dit : « Certains soutiennent que la religion est nécessairement une cause de division dans notre monde ; et ils prétendent que moins d'attention est prêtée à la religion dans la sphère publique, mieux cela est » (Discours dans la mosquée Al Hussein, §3).

Et l'argument pour prouver cela est l'existence des guerres de religions, qui seraient inévitables. Barak Obama et Benoît XVI affrontent cette question avec franchise et profondeur. Il en résulte deux idées, très différentes, mais en partie convergentes, de la religion comme facteur fondamental de paix. Cela tend à déculpabiliser le chrétien par rapport à ce genre de reproche. Cela lui évite aussi de s'y exposer.

Quelle est la plus grande différence entre les deux hommes ?

Le président traite politiquement les religions, même s'il n'est pas dénué de sensibilité religieuse ; et il fait progresser la réflexion publique en faisant sentir qu'il discerne bien la complexité du problème. Toutefois, il s'élève difficilement au-dessus d'une rhétorique pacifiste interreligieuse, chaleureuse mais un peu vague, dont l'efficacité sur les esprits religieux restera mitigée, et sera souvent fonction de leur degré de sécularisation.

Bien sûr, la dissolution des religions dans l'ambiance séculariste et relativiste, qu'Obama ne désire pas, serait automatiquement la solution des problèmes que pose leur existence. Mais en ce cas, la dissolution du sécularisme serait aussi une solution possible des problèmes qu'il pose aux religions... Comment aller plus loin que ces pseudo-solutions ?

Le pape, lui, traite religieusement les religions. Il considère la relative difficulté de leur coexistence politique (qui est un fait indéniable) d'abord comme un problème religieux. Ce problème se pose à chacune sérieusement à l'intérieur de la conscience religieuse. Le pape ne part pas de ce que requièrent la politique démocratique, ou la paix mondiale, posées comme des absolus, mais il part de la recherche de la volonté de Dieu dans chaque situation. C'est aussi pourquoi sa philosophie politique est plus profonde et entre davantage dans le concret des conditions effectives de la paix.

Mais alors que signifie exactement l'appel à la paix interreligieuse, si on ne la lance plus uniquement au nom des Lumières ?

C'est la bonne question. Il faut évidemment que cet appel ne renferme en lui-même rien de contraire à la conviction fondamentale de chacune de parties en présence. Autrement, il sonne comme un appel à l'apostasie. Pour cela il faut un dialogue d'une totale franchise.

Supposez, par exemple, que Dieu ait révélé que la guerre sainte serait un devoir religieux — je ne me prononce pas ici sur le fond ; c'est une simple hypothèse de travail ; qu'est-ce que vous voudriez que cela fasse à un « vrai croyant », dans cette hypothèse, que de lui objecter que Dieu ne serait pas politiquement correct ? L'appel à la paix, formulé à l'occidentale, serait irrecevable.

En revanche, il pourrait être efficace et non déloyal de faire remarquer à ce genre de croyant que, dans les conditions nouvelles du monde, une guerre sainte, surtout usant de moyens affreux, aurait pour la cause de sa religion un caractère tout à fait contreproductif, qui ne conduirait qu'à l'affaiblissement de cette religion au profit d'une conception irréligieuse de la liberté et de la paix. Ce fut l'expérience amère de la chrétienté européenne aux XVIe et XVIIe siècles. Les guerres de religions ont fondé la sécularisation en Europe. Ceci n'est bien sûr qu'un exemple.

Un appel à la «tolérance » est donc tout à fait superficiel, s'il consiste à faire la leçon aux théistes du point de vue polythéiste, ou panthéiste. Supposez qu'on demande aux musulmans d'accepter de considérer Allah comme un des dieux du Panthéon relativiste : ce serait une mauvaise plaisanterie, qu'ils prendraient très mal. Un chrétien aussi, d'ailleurs. Car qu'est-ce qu'un descendant d'Abraham selon la foi ? Quelqu'un qui pense que Dieu l'a appelé à une rupture décisive avec le panthéisme et le polythéisme.

C'est pourquoi la prédication séculariste d'une vague tolérance relativiste ne promeut aucun dialogue sérieux et profond. Elle tend seulement, ou à dissoudre les religions théistes en les réduisant au silence par culpabilisation, ou à les dresser avec violence contre l'idée même de la tolérance. Pour établir un dialogue sérieux et pacifiant, un « croyant aux Lumières » devrait commencer par dire : « Je suis polythéiste, ou panthéiste, et j'estime que ma croyance est la vraie. » Discutons-en, si vous le voulez. L'appel à un dialogue profond suppose la vérité, et accepte le tragique du dissentiment sur l'essentiel.

Mais comment peut-on vivre en paix ensemble si on est séparé par des dissentiments sur l'essentiel qu'on refuse de relativiser ?

Ce qui permet la coexistence, c'est l'estime et l'amitié, par la communauté du sérieux éthique d'une vie vertueuse. Ainsi s'était bâti le consensus des États-Unis, entre philosophes et croyants, depuis l'Indépendance. C'est ce consensus qui a volé en éclat depuis l'arrêt sur l'avortement. Barak Obama voudrait le rebâtir, mais comment ?

Si les Lumières abandonnent le devoir kantien au profit de l'hédonisme et du relativisme éthique, la démocratie « éclairée » ne se structure plus autour de la liberté qui monte mais autour de celle qui descend, et il n'y a alors plus de lieu commun entre elle et les religions, ni d'ailleurs entre les Lumières tardives et les Lumières triomphantes.

Les questions d'éthique de la vie sont cruciales à cet égard. Si les Lumières renoncent à l'exigence rigoureuse du devoir, elles se dégradent en un laxisme intolérant qui pousse au choc des civilisations.

Pourquoi y a-t-il des guerres de religions ?

Il faut comprendre ce terme de « guerre de religions » au sens le plus large. Les guerres entre idéologies issues des Lumières, ou entre une religion et une telle idéologie, sont aussi des guerres de religions, en ce sens large. Le pape note que les guerres de religion existent, au sens large, mais ne sont pas forcément très religieuses : « C'est souvent la manipulation idéologique de la religion, parfois à des fins politiques, qui est le véritable catalyseur des tensions et des divisions » (Discours dans la mosquée Al Hussein, §3). On pourrait ici invoquer le témoignage du philosophe Montaigne, qui vivait en France aux temps des guerres de religions (Essais, II, 12).

Si l'action du Général Petraeus, en Irak, y a tant amélioré les affaires des Etats-Unis, c'est qu'elle a été bâtie, justement, sur une analyse beaucoup plus fine du caractère d'un conflit comportant une dimension religieuse, comme l'explique le Pr. Ahmed S. Hachim [1]. Aussi Benoît XVI loue-t-il les dirigeants jordaniens de « s'assurer que le versant public de la religion reflète sa véritable nature » (Discours dans la mosquée Al Hussein, §3).

Propos recueillis par Jaime Antúnez Aldunate
Texte espagnol de l'article de H. Hude dans Humanitas, n°55 :http://www.humanitas.cl/html/revista/hum55_2009.html


Fil d'actualité d'Henry Hude: Ici

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(source: Liberté politique)


"Pourquoi “Charlie” ne peut pas être un symbole de la liberté d’expression"





La liberté d’expression illimitée n’est pas une condition de la démocratie. Elle en est même le contraire, a fortiori si c’est l’État qui s’attribue le pouvoir d’en fixer les principes. Car c’est ainsi qu’on passe très facilement d’une liberté illimitée au despotisme d’une politique liberticide. Le peuple français s’en rend-il compte ?

À LA SUITE de l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, de nombreux commentateurs ont développé l’idée qu’à travers ces dessinateurs, était visée la liberté d’expression. Or celle-ci étant un élément fondamental de notre société, c’est la démocratie elle-même qui était attaquée. Que veut-on dire par là ? Veut-on dire que notre société présuppose une liberté d’expression illimitée ? Et si l’on concède qu’il existe des limites à cette liberté d’expression, sur quoi se fonde cette limite ? Il semble nécessaire de méditer ces questions si l’on veut raison garder dans notre appréciation des événements.

I- La liberté d’expression est-elle illimitée ?

Poser la question c’est déjà y répondre. Car, de fait, aucune société n’a pu supporter une liberté d’expression illimitée. De façon générale, les incitations au crime sont toujours considérées comme des délits plus ou moins graves selon les circonstances. Notre société, qui se veut pourtant libérale et permissive, considère à juste titre, depuis1972, l’incitation à la haine raciale comme un délit.

La déclaration de 1789 a posé très clairement le principe d’une limitation de la liberté d’expression :

Art. 10. - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.
Art. 11. - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

On remarquera que la Déclaration ne fait pas de la liberté d’expression un droit fondamental mais un droit précieux et confère à la loi le pouvoir de poursuivre un usage abusif de cette liberté. Mais comment établir que telle ou telle manifestation d’opinion trouble l’ordre public ?
II- La contradiction interne de la Déclaration de 1789

Si l’on se réfère à la déclaration de 1789 on voit que de façon générale « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (art. 4). Et il appartient à la loi telle que l’a établie la volonté générale de « ne défendre que les actions nuisibles à la société » (art. 5).

La loi, quant à elle, provient de la volonté générale. Elle provient du peuple agissant souverainement par lui-même ou par ses représentants (art. 6). Concrètement, dans les démocraties modernes, c’est le parlement qui est chargé d’établir les lois. Cela veut dire qu’il convient de promouvoir un débat, de permettre aux différentes opinions de s’exprimer et à une majorité de définir ce qui aura force de loi.

Ainsi, d’un certain point de vue, la liberté d’expression est une condition de possibilité du débat démocratique. Et d’un autre point de vue c’est au parlement de définir les limites de la liberté d’expression. On perçoit dès lors le danger qui menace une démocratie qui n’a pas d’autres références morales que l’exigence de « ne pas nuire à autrui ».

Dans la mesure où c’est la volonté générale qui définit ce qui nuit et ce qui ne nuit pas à autrui, on passe très facilement d’une liberté illimitée à la tyrannie d’une majorité parlementaire qui peut, au nom de ce qu’elle perçoit comme le bien commun, empêcher toute contestation de certaines de ses orientations.

III- Démocratie et liberté d’expression

Les remarques qui précèdent ne doivent pas nous conduire à récuser toute forme de démocratie parlementaire. Que des hommes libres puissent s’associer, débattre et décider selon des procédures de type parlementaire les règles qui doivent définir les droits et les devoirs de chacun, cela semble tout à fait légitime. Mais cela implique-t-il que tout puisse être soumis à un vote parlementaire ? De toute évidence, on ne peut soumettre à ce vote ce qui en rend possible les procédures. Or celles-ci semblent provenir d’une conviction simple : il appartient à des hommes raisonnables et libres de pouvoir s’associer et débattre entre eux sur les règles susceptibles de régir leur vie commune.

Mais pour accéder à la raison et à la liberté, l’homme a besoin d’une éducation morale. Cette éducation se réfère à un certain nombre de principes. Pour dire les choses avec plus de clarté, la liberté n’est pas d’emblée pleine et entière. Elle se développe en chacun de nous dans la mesure où s’enracinent en nous les diverses vertus et en particulier les vertus cardinales [1].

Ces vertus et les principes moraux qui en découlent permettent à la démocratie d’exister dans la mesure où ils permettent à chacun d’accéder à sa pleine humanité et à une liberté responsable. En tant que conditions de possibilité du débat démocratique, ils ne peuvent pas être remis en cause par une majorité parlementaire.

Il n’appartient pas au pouvoir politique de définir les principes moraux mais d’organiser la vie commune.

Nous pouvons en tirer les conséquences en ce qui concerne cette liberté d’expression qui est au fondement de nos sociétés. Celle-ci ne consiste pas à pouvoir publier n’importe quoi [2] [comme vient de le rappeler le pape François, Ndlr]. Mais elle est le pouvoir d’exprimer loyalement et respectueusement ses convictions en ce qui concerne cette organisation de la vie commune.

Dans la mesure où cette liberté d’expression est une condition de possibilité de la démocratie, elle n’a pas à être limitée par une majorité parlementaire. Une authentique liberté d’expression se développe donc sur la base du respect de notre prochain aussi bien dans la manière d’exprimer nos convictions que dans le contenu de ces convictions.

IV- Des publications à promouvoir, à réprimer ou à tolérer

Une société démocratique doit donc promouvoir la liberté d’expression comprise comme le pouvoir d’exposer ses convictions dans le souci de la vérité et le respect de ses interlocuteurs. Cette liberté contribue alors à la vitalité de la société. Mais la société doit aussi gérer l’abus qui peut être fait de cette liberté. Parfois, il faudra réprimer sévèrement certains fauteurs de troubles. Mais le plus souvent, il faudra renoncer à réprimer, c’est-à-dire tolérer des publications moralement répréhensibles, soit quant au fond soit quant à la forme.

En ce qui concerne Charlie Hebdo, cet hebdomadaire s’est fait une spécialité de tourner en dérision ce qui sert de raison de vivre à ses concitoyens. Cette dérision est incompatible avec une authentique liberté d’expression [3]. Loin de contribuer à fonder une démocratie véritable, elle détruit plutôt le lien social. Il est donc indécent de faire de cette revue un symbole de la liberté d’expression.

Certes, on peut estimer que la prohibition de ce type de publication serait davantage source de désordre que de paix sociale. Par ailleurs, répondre à l’injure par le meurtre est évidemment intolérable. Mais le fait de condamner sans réserves l’assassinat des dessinateurs ne nous conduit pas à nous identifier à une publication qui doit être dénoncée comme foncièrement immorale.

V- Le moral et le légal

La grosse difficulté à laquelle nous nous heurtons est que, pour beaucoup de gens, la distinction entre le légal et le moral est obscure. Ce que la société ne punit pas leur apparaît comme un droit. Incapables de percevoir que l’homme accède à son humanité grâce aux vertus, ils n’ont pas d’autre ambition que de se conformer à ce que la société dans laquelle ils vivent déclare légitime.

En fait il est clair que le pouvoir politique doit souvent tolérer un certain mal moral, c’est-à-dire renoncer à le réprimer. Mais cette tolérance est tout à fait autre chose que le respect dû à la légitime diversité des convictions et des opinions relatives à l’organisation de la vie sociale. Or nombreux sont ceux qui ne parviennent pas à faire cette distinction.

En ce qui concerne toute une presse de bas étage, il faut comprendre que le fait de la tolérer ne lui confère aucune dignité. Nous avons le droit et le devoir d’en dénoncer la sottise et la méchanceté. Nous pouvons, si nous jugeons que cela est avisé et utile, nous tourner vers les tribunaux pour obtenir réparation des injures subies.

On doit constater toutefois que de nombreux chrétiens de droite comme de gauche manquent de réalisme politique lorsqu’ils demandent à l’État d’imposer à nos concitoyens, par voie administrative ou répressive, un mode de vie conforme à l’ensemble des principes moraux auxquels nous sommes légitimement attachés. Ils ne mesurent pas les difficultés auxquelles sont confrontés les hommes politiques. Ils ont oublié l’enseignement de saint Thomas d’Aquin selon laquelle le pouvoir civil ne pouvant réprimer tous les vices doit se contenter de réprimer en priorité les comportements qui menacent la paix civile.

L’attitude intransigeante de ces chrétiens est contreproductive. Car elle les éloigne de ce qui demeure notre responsabilité qui est de distinguer le vice et la vertu et de faire usage de la liberté d’expression pour expliquer sans relâche en quoi la vertu conduit au bonheur et à la liberté et pourquoi le vice conduit au malheur et à la servitude.

VI- L’Évangile et le dynamisme humanisant

Dans l’effort pour déterminer ce qui est conforme à la dignité de l’homme, les chrétiens font œuvre de raison et peuvent se trouver en accord avec des hommes et des femmes qui ne partagent pas leur foi. Il faudra alors bien distinguer deux choses. D’une part la coexistence pacifique au quotidien, d’autre part la question de la vérité.

En ce qui concerne la vie quotidienne, il faudra bien accepter de respecter la diversité de nos convictions religieuses et philosophiques. Il faudra reconnaître que le dynamisme moral inscrit dans le cœur de tout homme conduit à cette coexistence pacifique et au respect mutuel.

L’effort entrepris à l’heure actuelle pour obtenir que nos compatriotes musulmans condamnent le terrorisme islamiste est méritoire. Pour qu’il porte du fruit il faut bien sûr que soit posée la question de l’interprétation du Coran. Mais il faut aussi que nous prenions conscience de ce que peut avoir d’odieux toute une « culture occidentale » qui se glorifie de tourner en dérision certaines réalités constitutives de l’humanité de l’homme.

Mais tout cela ne nous dispense pas d’annoncer l’Évangile. Notre désir de parvenir à une coexistence pacifique n’implique aucun relativisme. N’oublions pas que notre foi est une grâce qui n’est pas encore donnée à tous. Seule cette grâce permet de percevoir la vérité du christianisme. En tant que citoyens, nous affirmons la nécessité d’un respect mutuel et d’une neutralité de l’État. Mais cela ne nous empêche d’espérer que, Dieu aidant, nos concitoyens accèdent à la pleine vérité du mystère du Christ.

Pratiquement, que faire ?

1/ À court terme


L’analyse qui précède n’a pas d’objectif politique à court terme. Il n’est pas question de se désolidariser du mouvement de protestation contre le terrorisme ou de s’opposer à l’action du gouvernement. On peut, de façon légitime, déplorer le simplisme des slogans qui ont fédéré tous ceux qui ont participé d’une manière ou d’une autre aux manifestations. Mais les hommes politiques se trouvent confrontés à des situations d’urgence et savent qu’il va falloir intensifier la lutte contre le terrorisme islamiste.

Or ce qu’ils craignent par-dessus tout c’est d’avoir à affronter en plus de l’ennemi extérieur un ennemi intérieur. Ils ont perçu que l’occasion se présentait d’obtenir que la population de notre pays les soutienne davantage dans cette lutte et qu’un grand nombre de musulmans condamnent ces assassinats comme étrangers à l’islam. L’avenir dira dans quelle mesure ces objectifs ont été atteints.

2/ À long terme

Nous devons comprendre que l’action policière et militaire demeure et demeurera nécessaire mais ne peut à elle seule résoudre les problèmes posés par le terrorisme islamiste.

Deux points sont à mes yeux incontournables.

En ce qui concerne les musulmans. Il faudra bien que soit posée la question de l’interprétation du Coran. C’est une question que les autorités et les intellectuels musulmans ne peuvent indéfiniment esquiver. C’est une question qu’il faudra bien aborder dans l’indispensable dialogue avec les musulmans.

En ce qui concerne la culture occidentale. Nous devons nous aussi nous interroger sur notre propre tradition. Il faut que nous acceptions de nous interroger sur notre conception libérale de la liberté. Nous ne pouvons pas continuer à définir la liberté en disant que celle-ci « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas autrui » (article 4 de la déclaration de 1789). Nous ne le pouvons pas pour trois raisons :
1/ Cette définition est insuffisante car l’homme n’accède à la liberté qu’en développant en lui la maîtrise de soi, la fermeté d’âme, le respect d’autrui et la clairvoyance sur ce qu’il a à faire.
2/ Cette définition est illusoire car elle ne donne aucune limite à la volonté de la majorité parlementaire et autorise toutes les restrictions venant du pouvoir politique.
3/ Cette définition est incompréhensible pour la multitude des hommes qui sont les héritiers d’autres traditions religieuses et d’autres sagesses que celles qui ont façonné la civilisation occidentale.

Il est temps de remettre en cause la prétention de l’individualisme libéral à régenter la planète.

Il est temps de comprendre qu’il y a un dynamisme moral constitutif de l’humanité de l’homme et que l’on ne construira aucune société, aucune démocratie en méprisant ce dynamisme

Il est temps de percevoir que la liberté est la capacité d’initiative dans le bien.


Laurent Sentis est docteur en théologie, spécialisé en théologie morale catholique. Il travaille depuis longtemps pour montrer comment la vertu est le fondement de la liberté. On trouvera, sur cette question, des éclaircissements dans l’ouvrage intitulé De l’utilité des vertus (Beauchesne, 2004). Un ouvrage en préparation : La liberté qui nous est donnée. On pourra aussi télécharger diverses études sur le site : http://www.bibletcec.com/sentis.ws

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«Ce qui arrive est la conséquence de notre aveuglement»

http://www.famillechretienne.fr/societe/politique/apres-les-attentats-de-paris-xavier-lemoine-ce-qui-arrive-est-la-consequence-de-notre-aveuglement-nbsp-157666

par Xavier Lemoine

Le maire de Montfermeil alerte les pouvoirs publics depuis des années. Voici son diagnostic.

Comment avez-vous reçu la nouvelle de l'attentat contre Charlie Hebdo ?

 Face à une telle nouvelle, c'est la stupeur qui règne d'abord. L'attaque a été menée de façon très professionnelle, avec une vraie intelligence politique. La réponse immédiate émotive est légitime. Mais au fond, je ne suis pas vraiment étonné. Nous savions que des gens revenaient du djihad, aguerris et déterminés. Nous voyons se manifester la conséquence logique de notre aveuglement.

De quel aveuglement parlez-vous?

Je parle de l'impossibilité en France d'utiliser des mots précieux, comme patrie. Je parle de la machinerie de la gauche qui l'a utilisée pour interdire une réflexion sur l'im­migration. Je parle de la lâcheté de la droite, et de son incapacité à reprendre ce débat, de la loi Gayssot, qui a paralysé l'expression politique sur l'immigration. Depuis plusieurs dizaines d'années, il n'est plus pos­sible de mener une réflexion sur l'immigration sans être accusé de racisme. Aussi est-il interdit de réflé­chir sur la bascule démographique qui se met en place dans notre pays, et de penser que c'est la démographie qui fait l'histoire. Autre aveu­glement, celui qui consiste à ne pas voir notre responsabilité collective dans la mise en place d'une société hédoniste et matérialiste. Philippe de Villiers remarque que tous les ans, en France, ont lieu deux cent mille avortements et que deux cent mille immigrés entrent sur le territoire. Le paral­lèle est frappant.
«Les "succès" de l'islam sont proportionnels à la tiédeur des chrétiens et inversement.»
L'expression violente de ce malaise n'est peut-être qu'un épiphénomène, non?

J'ai bien peur que non, et que nous entrions dans le temps où nous allons solder dans la douleur nos reniements. La Répu­blique française connaît la réalité du terrain, mais elle n'a pas voulu, pour des raisons idéologiques, prévenir le danger. Elle a préféré s'enfermer dans un discours lénifiant. Notre surdité a enclenché des mécanismes extrêmement puissants, encore amplifiés par des événements internationaux, en Syrie, par exemple, où l'Occident a sa part de responsabilité. Face à cela, le discours dominant qui proclame: «Attention, pas d'amalgame ! » ne convainc plus. Au contraire, j'ai le sentiment que la machine s'emballe et monte en puissance.

Il faut pourtant le dire : tous les musulmans ne sont pas des terroristes, tant s'en faut !

Certes ! Il faut toujours fermement distinguer l'islam comme système politico-religieux et les musulmans. Ces derniers ont des lectures et des pratiques très diverses du Coran, d'autant qu'il n'existe pas à pro­prement parler de hiérarchie dans l'islam, au moins chez les sunnites. Beaucoup en ont une lecture pacifiste. Mais la lecture belliciste n'est pas moins licite que la pre­mière ! Ces minorités qui ont une lecture violente du Coran font fortement pression sur le reste de leur communauté. J'en témoigne, moi qui ai vu en trente ans nombre de musulmans que je connaissais s'éloi­gner de nous par leurs comportements ves­timentaires, alimentaires, et recréer une société parallèle à la nôtre. ÏÏ faut aussi avoir le courage de dire que l'islam est un sys­tème totalisant. Céder à l'intimidation et se taire, c'est s'interdire de poser un constat et d'y répondre. Nous avons besoin d'un nouveau discours de Ratisbonne. Benoît XVI se contentait de poser une question sur la place de la violence dans l'islam, question à partir de laquelle l'intelligence peut s'exercer. C'était un discours prémonitoire. Mais nous avons choisi de refuser la réflexion, et refermé le couvercle, pour être sûr que la situation explose vraiment un jour.

Mais la violence de cet attentat permet­tra de mettre sur la table ces non-dits?

Nos politiques continuent de refuser de poser la question, et pratiquent le déni.

Les premières réactions du système média­tique sont édifiantes. Mais la population, elle, commence à s'exaspérer. Il y a une telle violence rentrée en France ! Je crains que les choses ne se fissurent, mais dans la violence, et non pas dans l'analyse. Pour l'éviter, il est primordial pour chacun de prendre de la hauteur, d'analyser avec luci­dité ce qui se passe, avant que tout discer­nement soit aboli et que les passions se déchaînent.

Quelles ressources les Français ont-ils aujourd'hui pour redresser un pays débous­solé?

Les « succès » de l'islam sont proportion­nels à la tiédeur des chrétiens et inverse­ment. Il me semble que la France se perd aujourd'hui à rechercher une identité. Son renouveau me semble plutôt lié à sa vocation. La vocation n'est pas quelque chose que l'on choisit, que l'on revendique, elle est donnée et on se met à son service. Pour la France, cette vocation s'est exprimée dans la bouche des souverains pontifes, des grands mystiques et des saints. La France est fille aînée de l'Église et édu-catrice des peuples. Pour arracher la France a sa vocation, on a coupé les Français de leurs racines, de leur histoire. Chacun à son poste est responsable de cette transmis­sion, chacun est appelé à être le témoin de cette vocation. Il faut cesser d'attendre l'homme providentiel, celui qui ne vient jamais et décourage chacun d'agir selon son devoir d'État.

Comment, en tant que maire et en tant que chrétien, vous préparez-vous?

J'ai la prière comme point d'appui, n nous faut être éclairés au jour le jour pour savoir ce que nous devons faire. J'essaie aussi de cultiver une attitude spirituelle de demande et de confiance. Je médite la lettre de Charles de Foucauld qui propose comme seul remède la cohabitation quotidienne avec les musulmans, pour les amener à découvrir le Christ. •

Propos recueillis par Pauline Quillon

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Après le drame, un débat sur la "liberté d'expression"

par Patrice de Plunkett 

Dans le sillage du drame de la semaine dernière, Le secret des sources (France Culture) traitait de la « liberté d'expression » : irresponsabilité des médias ? sens du « je suis Charlie » ? etc :

La sémiologue Mariette Darrigrand a mis en cause la mentalité du journaliste retranché derrière le « je fais mon métier » (« comme pourrait le dire un industriel de l'agro-alimentaire ») et revendiquant sa propre subjectivité « alors que dès la première année d'école de journalisme on leur apprend à ne pas dire "je"». La sémiologue s'interroge même sur le dogme de la« liberté d'expression » : « C'est une notion qu'il faudrait réviser... La liberté d'expression ne peut pas être l'émanation du Moi, le droit personnel à jouir de quelque chose... Il faut réfléchir à la finalité ! »

Sous la direction de Val puis de Charb, Charlie Hebdoavait cessé d'être un journal anarchiste pour devenir l'une des expressions du subjectivisme contemporain. Insulter les religions toutes les semaines (de façon ordurière), mais en ignorant tout de ces religions : la posture de Charlie ne mérite pas d'être appelée« critique des systèmes de pensée » – n'en déplaise à Christophe Deloire*, autre invité de l'émission de ce matin. D'autant que ces insultes véhiculaient une véritable haine antireligieuse, synthétisée par la phrase de Charb : « Ce ne sont pas des églises et des mosquées qu'il faut construire, mais des asiles psychiatriques ! ». Cette phrase était digne de Béria*. Or elle a été proclamée dimanche soir dans le grand auditorium de Radio France, à la soirée d'hommage àCharlie Hebdo, et elle a été acclamée par le public : un public composé du tout-Paris politico-médiatique, sous le patronage du ministère de la Culture.

Nathalie Saint-Cricq est qualifiée par Rue89 de« grande prêtresse de la politique sur France 2 ». Elle y a fait cette déclaration qui donne froid dans le dos : tous ceux qui « ne sont pas Charlie », tous ceux « qui ne voient pas en quoi ça les concerne », il faut (a-t-elle dit) les « repérer » et les « traiter ». Repérer ettraiter ! Ce vocabulaire est symptomatique. Un certain nombre de nos « leaders d'opinion » n'hésitent pas à refuser la liberté d'expression à ceux qui disent « je ne suis pas Charlie », et à demander qu'on les rééduque ! Et ils en appellent pour ça « aux politiques » : ce qui pourrait présager des lois répressives sans précédent de ce côté-ci de l'Atlantique.

Et à quoi faudrait-il « rééduquer » les non-Charlie ? à« nos valeurs » ? les valeurs de qui ? ou plus exactement, de quoi ? Celles du matérialisme mercantile, de l'hédonisme de consommation, de l'hyper-individualisme libéral. Des valeurs de néant, qui sont, en fait, la meilleure arme – contre nous – de nos agresseurs djihadistes, dont l'idéologie folle vient remplir nos vides. D'où le phénomène de conversion de jeunes « Français de souche » au salafisme...

Valeurs de néant qui inspirent, chez les médias, le recroquevillement du journaliste sur « l'émanation du Moi, le droit personnel à jouir de quelque chose » ; et chez le rédacteur en chef d'un canard papier en déclin, la recherche maniaque, et par n'importe quel moyen, du « coup » sans autre finalité que les ventes. Et quand je dis « n'importe quel moyen », ce moyen peut être « l'allumette con dans la poudrière » – comme Daniel Cohn-Bendit le reprochait à Charb en 2012, et comme le disent aujourd'hui (en d'autres termes) Frédéric Lordon, Rony Brauman et d'autres.

Il y a dix ans, Philippe Muray ou Alain Finkielkraut signalaient l'entrée de notre société dans la tyrannie de la Dérision. C'est l'idéal affiché de notre post-démocratie : le droit à l'insulte, ignorante mais d'une violence inouïe. Les chrétiens ne répliquent pas aux insultes car c'est selon leur foi : Matthieu 5,11,« bienheureux serez-vous quand on vous injuriera et qu'on dira en mentant toute sorte de mal contre vous à cause de moi... » Mais l'islam est une loi : et les djihadistes sont résolus à l'appliquer par la terreur à tout le monde – même hors des terres d'islam, et même aux incroyants. Croire que l'on peut traîner impunément dans la boue «toutes les religions» est une fausse symétrie et un mirage dangereux... Mais le tout-Paris politico-médiatique n'en a pas la moindre idée. La dernière couverture de Charlie Hebdo incendie de nouveau le monde arabo-musulman, des foules furieuses brûlent des drapeaux français dans les rues d'Alger ; les confrères de Mme Saint-Cricq ne voient pas l'enchaînement de cause à effet.

Que proposent-ils ? L'un d'eux disait ce matin qu'il fallait maintenant « agir au niveau international » : il pensait sans doute à l'OTAN. Plus notre néant culturel, spirituel et moral pousse nos propres musulmans (et d'autres) vers la révolution djihadiste, plus il faut envoyer nos avions bombarder des villages musulmans dans le reste du monde. Et l'on entend rire le diable.

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"Tatouage,Tattoos, piercing : pourquoi ?" (Patrice de Plunkett)

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"#JeSuisCharlie : En état de choc, on fait n’importe quoi
par Guillaume de Prémare (...et autres assais)
Attentats:  Unité de la France ,unité de l'Islam  et civilisation ?
"Les prophéties de Bernanos" ( Clément Borgal ) - Impasse de la Liberté
Réaction du Cardinal Mamberti sur le jugement de la Cour européenne
 à propos de la Liberté de conscience et religieuse (@news_va_fr 2013)
Le Gender ou "L'idéologie libertaire à l'assaut de nos libertés fondamentales"  par François-Xavier BELLAMY
"Jeunesse Lumière à 30 ans" JL30 avec le Père Daniel Ange 
La France est-elle encore la « fille aînée de l’Eglise » ? Par le cardinal Philippe Barbarin
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 1/2 - "Le rêve de Dieu par Yves Semens"
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 2/2 - "Une spiritualité conjugale"
Lettre de Mgr Aillet (MANIFPOURTOUS , Bioéthique , Gender , Euthanasie Morale Laïcque...)
Homélie de Mgr Marc Aillet à Notre Dame de Chartres (clôture du pèlerinage)
Dominique Humbrecht : " À défaut d'avoir précédé, nous (L'Église de France) 
pouvons encore suivre. Nous sommes acculés à l'exemplarité culturelle."
Veilleurs: "Cathos et rebelles" ( via Le Figaro 18 Avril 2014)
"Les Veilleurs" (20 Avril 2013)
Proclamation de St Thomas More comme patron des responsables 
de gouvernement et des hommes politiques
Loi naturelle et loi civile: 1-"un mariage de raison"
"1984" de George Orwell avec Raphaël Enthoven dans"Le Gai Savoir
Halte au narcissisme du corps avec Adèle van Reeth
Les nouvelles technologies vont-elles réinventer l' homme ?
"Le droit canonique est un droit de guérison"(L'Eglise : une institution juridique ? )
La liberté religieuse en cause en Europe
La voix éloquente et claire de la Conscience
Conscience morale: "Les chrétiens au risque de l'abstention ? "
La liberté de conscience et religieuse menacée aux États-Unis


Cardinal André XXIII - Extrait " Vision actuelle sur la Laïcité (KTO) "
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie I)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie II)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie III)
( Quelle société voulons nous ? (Cardinal André XXIII ) - Partie IV)

La laïcité à la française " une analyse de Mgr Jean-Louis Bruguès
La voix éloquente et claire de la Conscience
"La révolte des masses" - d' Ortega Y Gasset
Quand l' Eglise interpelle les consciences....pour 2012
Adieu Benoît XVI - Livre d' Or (ici)
Spiritualité conjugale selon Jean Paul II - 1/2 - Le rêve de Dieu par Yves Semens
Démocratie "entre" Loi civil et loi morale - Extrait de l' Evangile de la Vie (Evangelium vitae)
Inauguration de la statue de Jean-Paul II par Monsieur le Sénateur Gérard COLLOMB
Dans les combats, "Mes Armes" - faisons les nôtres ... (Ste Thérèse de l' enfant Jésus)
"DIVINI ILLIUS MAGISTRI" LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ
LE PAPE PIE XI SUR L'ÉDUCATION CHRÉTIENNE DE LA JEUNESSE
La morale laïque, une nouvelle religion pour la République ?
(Observatoire Sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon)
"Notre République" par Charles Vaugirard
La Laïcité, 4éme devise de la République pour Mr Olivier Falorni !!!!
"Tomber la culotte" ET "morale laïque" de Vincent Peillon à l' école 
Chiara Petrillo: "OUI à la VIE"
L' état doit il avoir une éthique ? La loi est elle pédagogique et donc
oriente elle vers le bien ?
Démocratie "entre" Loi civil et loi morale
Extrait de l' Evangile de la Vie (Evangelium vitae)
Chronique libre: "De l'ordre moral à l'ordre infernal"
Conscience morale: "Les chrétiens au risque de l'abstention ? "
La liberté de conscience et religieuse menacée aux États-Unis


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