samedi 15 février 2014

Jean-François Mattei, sur l'affaire Vincent Lambert, « Le conseil d'Etat est contraint à un jugement de Salomon »









Jean-François Mattei est philosophe, spécialiste d'éthique et membre de l'Institut Universitaire de France. Il a écrit de nombreux ouvrages dans une perspective critique de la modernité, notamment Le Regard vide. Essai sur l'épuisement de la culture européenne, Paris, Flammarion, 2007.

La Belgique est devenue hier le premier pays au monde à légaliser l'euthanasie pour les mineurs. Que vous inspire cette décision?

Jean-François Mattei: Nous sommes dans une civilisation mortifère, qui sous couvert d'humanisme, voire d'humanitarisme, veut éliminer les personnes dérangeantes, faibles ou malades, qui ne correspondent pas aux critères de l'individu libéral. Derrière tout cela se cache une perspective utilitariste, notamment développée dans les travaux du philosophe australien Peter Singer, qui parle de «non-personnes» à propos des nouveaux nés, et justifie l'euthanasie et même l'infanticide de ces «surnuméraires». Jacques Monod l'avait prédit lorsqu'il reçut son prix Nobel de Biologie en 1965 «le monde moderne n'échappera pas à l'eugénisme».


L'invocation d'un « droit à mourir dans la dignité » est absurde. De quelle dignité parle-t-on ?

Est-ce à l'Etat de prendre des décisions sur des sujets aussi délicats que la fin de vie?

Les décisions ultimes sur ce qu'on appelle hypocritement «fin de vie» ne devraient relever que des médecins ou de la famille. La législation est par définition universelle, or, on a sur ces questions toujours affaire à des cas extrêmement particuliers, dépendant d'une multitude de facteurs. L'Etat est un monstre froid, une abstraction, qui ne saurait prendre en compte l'infinité de paramètres qu'exigent ces situations toujours tragiques et particulières.

D ans le cas de l'affaire Vincent Lambert, on a bien vu que la loi était insuffisante pour répondre à toutes les situations. Est-ce aux juges de décider en dernière instance sur la vie d'une personne?

Le Conseil d'Etat n'a pas vraiment le choix dans cette affaire, où il n'y a pas de bonne solution, mais que des solutions plus ou moins mauvaises. En première instance, il faut tout faire pour conserver la vie, et quand on ne le peut pas, c'est le médecin, en accord avec la famille, qui doit trancher. Dans le cas de Vincent Lambert, la famille étant déchirée et les médecins en désaccord, c'est au juge de décider en dernière instance. On a affaire à un jugement de Salomon, les juges doivent prendre une décision pour briser une situation de statuquo insupportable.

Que vous inspire l'expression «droit à mourir dans la dignité» invoquée par les défenseurs de l'euthanasie?

L'invocation d'un «droit à mourir dans la dignité» est absurde. De quelle dignité parle-t-on? Si Vincent Lambert est complétement inconscient, il ne pourra mourir «dans la dignité». Il mourra, un point c'est tout. Même l'expression «fin de vie» est hypocrite et vise à dissimuler une réalité devenue insupportable, parce qu'inéluctable, aux individus: la mort. On peut avoir une vie digne, mais une «mort digne» n'a aucun sens. D'ailleurs, ceux qui s'acharnent à vouloir débrancher les gens dans les hôpitaux, vous le remarquerez, sont souvent des gens en bonne santé, en pleine possession de leurs capacités physiques et mentales, ils projettent leur conception d'une vie digne sur des situations dont ils n'ont aucune idée. Ils se donnent bonne conscience à peu de frais en essayant de botter en touche les experts, les spécialistes de la bioéthique, en faisant appel aux journalistes et à l'opinion.


Dans nos sociétés sans transcendance, c'est l'homme qui doit décider en dernière instance des questions existentielles. Mais quel homme doit décider ? L'expert, le journaliste, le politique, l'homme de la rue ?

Justement, comment lutter contre la dictature de l'émotion fortement présente sur la question de l'euthanasie, où on met en avant des cas particuliers extrêmement émouvants pour convaincre l'opinion?

Nous sommes dans une civilisation de type scientifique, technique, froide et informatique, et en même temps, on essaie de compenser cette froideur par un déluge d'affectivité permanent. On demande au citoyen moyen son avis sur toutes les questions, et la parole des experts (philosophes, médecins, juristes) est mise sur le même plan que celle de l'individu lambda.

Dans nos sociétés sans transcendance, c'est l'homme qui doit décider en dernière instance des questions existentielles. Mais quel homme doit décider? L'expert, le journaliste, le politique, l'homme de la rue? C'est le grand défaut de nos sociétés démocratiques et c'est ce qui rend les débats sociétaux insolubles.

Mais que peuvent faire les experts quand 92 % des français se disent favorables à une légalisation de l'euthanasie?

On ne peut rien faire. C'est la règle du jeu de la démocratie. Celle qui, je vous le rappelle, a porté Hitler à la tête de l'Etat en 1933 et fait voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. C'est le risque de toute démocratie, et en particulier les démocraties d'opinion dans lesquelles nous vivons, de basculer dans ce que Tocqueville appelait la «tyrannie de la majorité». On a aboli la peine de mort en 1981, alors que la majorité des Français étaient pour, aujourd'hui on se rend compte dans certains sondages que les français se déclarent à nouveau pour: faut-il alors rétablir la peine de mort?


source: Le Figaro


Archives du blog sur ce sujet:

2014


Jean-François Mattei, sur l'affaire Vincent Lambert, « Le conseil d'Etat est contraint à un jugement de Salomon »
"Euthanasie, directives anticipées, sédation : synthèse et analyse d'AllianceVITA"

Affaire Vincent Lambert : le coup d’éthique du Conseil d’Etat

"Comment réduire la vulnérabilité des personnes en fin de vie" Avec Didier Sicard 

2013

Avis de 18 citoyens  sur La fin de Vie ! 

                 Mrs,Mmes les Parlementaires, de qui se moque t on !

"Solidaires en fin de vie, Ta vie vaut mieux que l'euthanasie !"


L' embrouille du Rapport Sicard sur la Fin de Vie,

suicide assisté et Euthanasie en embuscade.

La justice sauve un patient d’une euthanasie

Euthanasie - Lettre ouverte à mes confrères de l’Ordre des médecins

par le Docteur Léonard Tandeau de Marsac

Rapport Sicard: "Penser solidairement la fin de vie


2012


Rapport à François Hollande Président de la république Française


Euthanasie, soins palliatifs... La fin de vie en France n'est pas celle qu'on croyait


Fin de vie : l’Académie nationale de médecine se prononce


Fin de vie: "Même une personne vulnérable, fragile, abîmée reste digne jusqu’au bout"


Mission Sicard - Fin de vie : faut-il aller plus loin que la loi Leonetti ?


Le débat sur l'euthanasie devient un débat sur le suicide assisté


Vivre la fin de vie (RCF) avec Tugdual Derville


Le député UMP Jean Leonettio estime que la loi sur la fin de vie portant


son nom peut être améliorée.


L’exception d’euthanasie


Le droit devant la mort


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"Au pays des kangourous" - Fin de vie et dépression , l' importance du "regard" de l' "autre"


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Pourquoi la question de la fin de vie est-elle si politique ? avec Tugdual Derville



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France Catholique: La tentation de l' Euthanasie, enjeu majeur de l' élection présidentielle


Fin de vie, faut il une nouvelle loi ? avec Tugdual Derville sur BFMbusiness


2011


Carte vigilance "Fin de vie" - 10 idées solidaires de la dépendance


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Face à une demande d' euthanasie ! (Mieux comprendre la complexité des soins palliatifs)


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