DECLARATION DE LA CONFERENCE EPISCOPALE ESPAGNOLE
La Commission permanente de la Conférence épiscopale espagnole a fait part
de sa position a propos du « Projet de loi de réglementation des droits de la personne
en fin de vie » dans une déclaration rendue publique le 27 juin 2011 lors de la discussion
au parlement espagnol, après une longue étude du Projet. Elle apporte ainsi
sa contribution au débat public, attirant l'attention sur une possible reconnaissance
de l'euthanasie.
1. En Espagne, comme ailleurs dans le monde occidental, on discute et on légifère depuis des années à propos de la meilleure manière de faire face à la mort, ce qui est compréhensible pour ce moment si délicat et fondamental de la vie humaine. La question est d'actualité pour plusieurs raisons. Il est possible que la plus déterminante d'entre elles réside dans les progrès de la médecine qui, s'ils ont d'un côté permis d'allonger la durée
de la vie, sont par ailleurs fréquemment à l'origine de situations complexes dans les moments ultimes, pour lesquelles il devient difficile de distinguer ce qui est naturel de ce qui est artificiel, ou encore la souffrance inévitable de la souffrance due à certaines interventions des nouvelles techniques médicales. De plus, l'augmentation du nombre de personnes qui arrivent à un âge avancé, en situation de faiblesse, pose à nouveau la question du sens de la vie humaine dans ces conditions.
2. En diverses occasions, exigeant une parole éclairante à ce sujet, la Conférence épiscopale, à la lumière de l'Évangile de la vie et des droits fondamentaux de la personne, a fait entendre sa voix à travers ses différents organismes (1).
Les principes de base de la doctrine catholique concernant « l'Évangile de la vie humaine », dans tous ses aspects, et, par conséquent, tout autant dans ceux qui se rapportent au « respect et au soin de la vie humaine souffrante et [en phase]
terminale », se trouvent lumineusement synthétisés dans le troisième chapitre de l'Instruction pastorale de l'Assemblée plénière intitulée
La famille,sanctuaire de la vie et espoir de la société (2).
3. Le gouvernement de la nation a approuvé le 17 juin dernier un « projet de loi de réglementation des droits de la personne en fin de vie » qui aborde pour la première fois cette question en vue d'instituer une norme pour toute l'Espagne (3).
Nous souhaitons exprimer notre position sur le sujet afin de contribuer au débat public nécessaire et serein que requiert une question d'une telle importance et afin d'aider les catholiques et tous ceux qui voudront nous écouter à se faire une opinion pondérée et en accord avec l'Évangile et avec les droits fondamentaux de l'être humain.
4. Dans cette perspective, nous rappelons d'abord succinctement les principes de base de l'Évangile de la vie puis nous proposons notre approche du Projet à la lumière de ces principes.
PREMIÈRE PARTIE
L'ÉVANGILE DE LA VIE La vie de chaque personne est sacrée, même si elle est faible ou souffrante ou si elle arrive au terme de son séjour sur terre; les lois doivent toujoursprotéger sa dignité et garantir ses soins (4)
La dignité de la vie humaine et son caractère sacré
5. Lorsque nous parlons de dignité humaine, nous nous référons à la valeur incomparable de chaque être humain particulier. Chaque vie humaine nous apparaît comme quelque chose d'unique et d'irremplaçable ; sa valeur ne peut se mesurer par rapport à aucun objet, ni même par comparaison avec une autre personne ; chaque être humain constitue, en ce sens, une valeur absolue.
6. La révélation de Dieu en Jésus-Christ nous dévoile la raison d'être ultime de la dignité sublime que possède chaque être humain, puisqu'elle nous enseigne que l'origine et le destin de chaque homme se trouvent dans lAmour que Dieu est lui-même. [...] Les êtres humains ne sont pas Dieu, nous ne sommes pas des dieux, nous sommes des créatures finies. Mais Dieu nous veut avec lui. C'est pour cela qu'il nous crée : sans aucun motif dû à la raison, mais par pure générosité et gratuité, il veut faire de nous des participants libres de sa vie divine, c'est-à-dire de son Amour éternel. C'est pour cela que la vie humaine est sacrée.
« Dignification » de la souffrance et de la mort, face aux faux critères de la « qualité de la vie » et de « l'autonomie » du patient
7. Lorsque l'existence est régie par les critères d'une « qualité de la vie » définie principalement par le bien-être subjectif se mesurant seulement en termes matériels et utilitaires, les mots « maladie », « douleur » et « mort » ne peuvent avoir de sens humain. Si l'on ajoute à cela une conception de la liberté comme simple capacité à réaliser ses
désirs propres (sans référence au bien objectif), il n'est pas étonnant que, dans ces circonstances, on en arrive à justifier et même à exalter le suicide comme s'il s'agissait d'un acte humain responsable, voire même héroïque. Ce retour à une légitimation sociale de l'euthanasie, phénomène très commun dans les cultures païennes préchrétiennes, se présente aujourd'hui, avec un criant individualisme antisocial, comme un acte de plus du choix de l'individu sur ce qui lui appartient : dans le cas présent, sur la vie même, lorsque la « qualité » fait défaut.
8. L'Évangile de la vie renforce la raison humaine pour l'amener à comprendre la véritable dignité des personnes et à la respecter. Associées au mystère pascal du Christ, la souffrance et la mort apparaissent éclairées par la lumière de cet Amour originel, l'amour de Dieu, qui, dans la Croix et la Résurrection du Sauveur, se révèle à nous plus fort que le péché et la mort. De cette manière, la foi chrétienne confirme et dépasse ce que pressent le cœur humain : que la vie est capable de dépasser ses conditions temporelles et spatiales précaires, car elle est, en un certain sens, éternelle. Jésus-
Christ ressuscité met devant nos yeux émerveillés le futur que Dieu offre à la vie de tout être humain : la glorification de notre corps mortel.
9. L'espoir en la résurrection et la vie éternelle nous aide non seulement à percevoir le sens caché de la souffrance et de la mort, mais aussi à comprendre que notre vie ne peut être comparée à aucune de nos possessions. La vie est à nous, nous en sommes responsables, mais en réalité elle ne nous appartient pas en propre. S'il fallait parler d'un « propriétaire » de notre vie, ce serait celui qui nous l'a donnée : le Créateur. Mais lui n'est pas, non plus, propriétaire de qui que ce soit. Il est la Vie et lAmour. C'est-à-dire que notre Seigneur véritable - grâce à Dieu ! - n'est pas notre petit
« moi » fragile et périssable, mais la Vie et l'Amour éternels. Il n'est pas raisonnable que nous désirions devenir propriétaires de nos vies. Notre raison le sait, qui connaît l'existence de biens qui ne nous sont pas accessibles, comme par exemple la liberté, et, à la source de tous les biens, la vie elle-même. La foi éclaire et renforce cette connaissance.
10. La vie humaine a un sens, qui est au-delà d'elle-même, pour lequel cela vaut la peine qu'on l'abandonne. La souffrance, la faiblesse et la mort ne suffisent pas pour ôter à la vie son sens. Il faut savoir assimiler ces côtés obscurs de l'existence dans le sens intégral de la vie humaine. La souffrance peut déshumaniser celui qui ne parvient pas à cette intégration, mais elle peut aussi constituer la source de la libération et de l'humanisation véritables. Non parce que la souffrance ou la mort seraient bonnes, mais parce que lAmour de Dieu est capable de leur donner un sens. Il ne s'agit pas de choisir la souffrance ou la mort. C'est cela qui précisément les déshumaniserait. Ce qui importe c'est de vivre la souffrance, et la mort elle-même, comme étant des actes d'amour, d'abandon de la vie à celui dont nous l'avons reçue. Là réside le véritable secret de la « dignification » de la souffrance et de la mort.
La mort ne doit pas être provoquée (non à l'euthanasie), mais elle ne doit pas non plus être retardée de manière absurde (non à l'acharnement thérapeutique)
11. Nous réaffirmons la condamnation explicite de l'euthanasie en tant qu'elle est gravement en contradiction avec le sens de la vie humaine. Nous rejetons l'euthanasie au sens propre, c'est-à-dire « une action ou omission qui, par sa nature et dans son intention, cause la mort, dans le but d'éliminer une souffrance » (5). Par contre, ne sont pas considérées comme participant de l'euthanasie proprement dite, et par conséquent « ne sont pas moralement rejetables, des actions ou omissions qui ne causent pas la mort par leur propre nature et intention. Par exemple, l'administration appropriée de calmants (même si cela a pour conséquence d'écourter la vie) ou le renoncement à des thérapies disproportionnées (ledit « acharnement thérapeutique »), qui retardent la mort de manière forcée aux dépens de la souffrance du mourant et de ses proches. La mort ne doit pas être provoquée, mais elle ne doit pas non plus être retardée de manière absurde » (6).
Il est possible de rédiger un « testament vital »
12. Répondant aux critères énoncés, la Conférence épiscopale a proposé à son tour un modèle de manifestation anticipée de la volonté, que nous présentons en appendice à cette déclaration, dans une formulation actualisée (voir p. 860). Ceux qui souhaiteraient signer un document de ce type pourraient trouver dans ce « testament vital » un modèle en accord avec la doctrine catholique et avec les droits fondamentaux de la personne, ce qui n'est pas toujours le cas dans
d'autres modèles.
La légalisation expresse ou implicite de l'euthanasie, est en réalité l'ennemie des plus faibles
13. La légalisation de l'euthanasie est inacceptable, non seulement parce qu'elle supposerait la légitimation d'un mal moral grave, mais aussi parce qu'elle créerait une intolérable pression sociale sur les personnes âgées, les handicapés et tous ceux dont les vies pourraient être considérées comme étant « de qualité inférieure » et comme des fardeaux pour la société ; elle conduirait — comme le montre l'expérience - à de véritables homicides, allant au-delà du consentement supposé des patients, et introduirait dans les familles et les institutions sanitaires la méfiance et la crainte face à la dépréciation et la marchandisation de la vie humaine.
L'objectif de la législation sur la fin de vie doit être de garantir les soins au mourant, et non de recourir à de faux critères de « qualité de la vie » et d'« autonomie » pour, en réalité, mettre en péril sa dignité et son droit à la vie
14. La complexité croissante des moyens techniques capables aujourd'hui de prolonger la vie des malades et des personnes âgées crée certainement des situations et des problèmes nouveaux qu'il est nécessaire de savoir bien évaluer, au cas par cas. Mais le plus important, sans doute, est que l'effort considérable que fait notre société pour les soins des malades s'accroisse encore plus pour le respect de la dignité de chaque vie humaine. La qualité des soins ne peut se
réduire à la seule technique, elle doit être à la fois professionnelle et familiale.
15. Dans notre société où la proportion des personnes âgées augmente chaque jour, les institutions gériatriques et sanitaires - en particulier les unités de douleur et de soins palliatifs – se doivent d'être [bien équipées et] en coordination avec les familles, et celles-ci à leur tour, qui constituent l'environnement naturel et originel des personnes âgées et des malades, doivent recevoir l'appui social et économique nécessaire pour que soit rendu ce service inestimable au bien commun. La famille est le lieu naturel de l'origine et de la fin de la vie. Si elle est valorisée et reconnue comme telle, ce n'est pas la fausse compassion qui tue, qui aura le dernier mot, mais l'amour véritable, lui qui veille sur la vie, même au prix de son propre sacrifice.
Dénoncer la possible légalisation implicite de l'euthanasie est un devoir moral et démocratique
16. Lorsque nous affirmons que la légalisation implicite ou expresse de l'euthanasie est intolérable, nous ne mettons pas en cause l'organisation démocratique de la vie publique, et nous n'essayons pas d'imposer une conception morale privée à l'ensemble de la vie sociale. Nous soutenons simplement que les lois ne sont pas justes du seul fait d'avoir été approuvées par les majorités correspondantes, mais par leur adéquation à la dignité humaine.
17. Nous n'identifions pas l'ordre légal à l'ordre moral. Nous sommes donc conscients qu'à l'occasion, les lois, dans l'intérêt du bien commun, se doivent de tolérer et réglementer certaines situations et comportements chaotiques. Mais il ne peut jamais en être ainsi quand ce qui est enjeu est un droit fondamental, tel que le droit à la vie. Les lois qui tolèrent et réglementent les violations du droit à la vie sont dangereusement injustes et on ne doit pas leur obéir. De plus, ces lois mettent en cause la légitimité des pouvoirs publics qui les élaborent et les approuvent. Il est nécessaire de les dénoncer
et de faire en sorte, à l'aide de tous les moyens démocratiques disponibles, qu'elles soient abolies, modifiées ou, le cas échéant, non approuvées.
Le droit à l'objection de conscience
18. Sur une question aussi importante, il doit être clair, du point de vue légal encore une fois, que les personnes qui peuvent se voir professionnellement impliquées dans des situations entraînant des atteintes « légales » à la vie humaine, ont droit à l'objection de conscience et à n'être lésées en aucune manière pour l'exercice de ce droit. Face au vide légal existant, la réglementation de ce droit fondamental devient aujourd'hui indispensable.
DEUXIÈME PARTIE
Un projet qui pourrait supposer
une légalisation implicite de pratiques
euthanasiques et qui n'encourage pas
le droit fondamental à la liberté
religieuse
Intention louable : protéger la dignité de la personne en fin de vie sans dépénaliser l'euthanasie
19.Le texte que nous considérons ici poursuit une fin certes positive : « La présente Loi a pour objet d'assurer la protection de la dignité des personnes en fin de vie » (art. 1), plus précisément, de celles qui se trouvent en phase
terminale ou d'agonie (art. 2).
20. À cette fin, il se propose de « garantir le plein droit de la libre volonté » (art. 1) des personnes se trouvant dans cette situation, sans altérer pour autant « la classification pénale en vigueur de l'euthanasie ou du suicide assisté »
(Exposé des motifs).
Approche unilatérale : la supposée autonomie absolue du patient
21. Pourtant, avec une conception de l'autonomie de la personne comme étant pratiquement absolue et avec le poids que l'on accorde à une telle autonomie dans le développement de la Loi, on finit par dénaturer l'intention déclarée et par outrepasser la limite proposée de ne pas admettre l'euthanasie.
22. En effet, « l'affirmation claire et la préservation de l'autonomie et de la volonté des patients » (Exposé des motifs), à qui est octroyé le « droit à décider librement pour les interventions et les traitements à suivre » (art. 4), conduit à ce que leur soit concédée l'aptitude à refuser les interventions et les traitements proposés par les professionnels, même dans les cas où cette décision pourrait avoir pour effet d'écourter leur vie ou de la mettre en danger imminent » (art. 6.1).
23. Cette perspective constituant l'épine dorsale de l'argumentation de l'avant-projet, certaines distinctions et limitations, fondamentales pour assurer la protection effective de la dignité de la personne et son droit à la vie, sont inévitablement négligées. De plus, le concept même de dignité humaine se trouve également négativement affecté, puisque, implicitement, on semble soutenir qu'une vie humaine pourrait être dépourvue de toute dignité, du moment que la partie intéressée elle-même, voire éventuellement un tiers, en déciderait ainsi (7).
Définition réductrice du concept d'euthanasie
24. Parmi les questions manquant de précision suffisante se trouve le concept même d'euthanasie ou suicide assisté, conçu comme « l'acte de causer ou contribuer activement, par des actions délibérées et directes, la mort d'autrui » (Exposé des motifs, selon le Code pénal), à la demande d'une personne atteinte d'une maladie mortelle ou de souffrances graves et permanentes. Avec cette définition réductrice centrée uniquement sur les actions directes, on laisse la porte ouverte aux omissions volontaires pouvant causer la mort ou cherchant directement son accélération. Cela est confirmé par d'autres dispositions précises, destinées à légaliser de telles omissions.
Attitudes euthanasiques qui bénéficieraient d'une couverture légale
25. Parmi les comportements euthanasiques qui seraient légalisés avec cette Loi, il y a, en premier lieu, la possible sédation inadaptée. L'avant-projet établit que les personnes en fin de vie ont le droit « de recevoir, lorsqu'elles en ont
besoin, une sédation palliative, même si cela conduit à écourter la vie » (art. 11.2c). Plus loin, dans l'art. 17.2, la sédation est soumise à des critères de proportionnalité. Cependant, le fait que l'administration de la sédation soit adaptée ou non
dépend du jugement médical et non de la volonté du patient, ce qui n'apparaît pas clairement dans ce texte qui présente le traitement spécifique de la sédation comme un « droit » de ce dernier. De plus, la manière selon laquelle la proportion doit être appliquée à la sédation, condition nécessaire pour qu'elle ne soit pas utilisée, de fait, comme un moyen de causer la mort, n'apparaît pas clairement.
26. En deuxième lieu, si ce Projet devait se transformer en loi, l'abandon thérapeutique ou l'omission des soins nécessaires pourraient aussi bénéficier d'une couverture légale. L'obligation morale de ne pas interrompre les soins normaux dûs au malade n'est pas affirmée dans le texte. Celui-ci se contente d'établir les « actions sanitaires qui garantissent sa protection et son bien-être » (art. 17, 2), en tant que limite ambiguë du droit des patients à refuser les traitements et de l'obligation corrélative pour les professionnels de la santé de réduire l'effort thérapeutique. Parmi les aspects qui doivent être inclus dans les « soins nécessaires » figurent toujours l'alimentation et l'hydratation. Mais le texte n'envisage pas non plus ces soins nécessaires, laissant ainsi la porte ouverte à des comportements euthanasiques par omission des soins nécessaires. Lorsque l'avant-projet stipule qu'il est nécessaire d'éviter « l'adoption ou le maintien d'interventions et de mesures de soutien vital dépourvues d'utilité clinique » (art. 17.2), il se tient dans une ambiguïté aux graves conséquences morales et juridiques, en ne précisant pas ce en quoi consistent ces « mesures de soutien vital » qui peuvent être - ou ne pas être - adaptées.
Les professionnels de la santé réduits à n'être que des exécutants de la volonté des patients, et à qui n'est même pas reconnu le droit à l'objection de conscience
27. Dans sa détermination excessive à encourager l'autonomie des patients, le Projet transforme les médecins et autres professionnels de la santé pratiquement en de simples exécutants des décisions des patients : « Les professionnels de la santé doivent respecter la volonté manifestée par le patient concernant les soins et le traitement d'assistance qu'il souhaite recevoir à la fin de sa vie, selon les termes établis dans cette loi » (art. 16. 1). Il semble que ces professionnels n'ont que des obligations et pas de droits, dont il n'est jamais question. Mais les professionnels de la santé ont aussi le droit à ce que leurs opinions et leurs actes soient respectés lorsque, en accord avec ce qu'est une bonne pratique médicale, ils cherchent le meilleur traitement pour le patient en vue de promouvoir sa santé et ses soins. Ils ont le droit à ce que ne leur soient pas imposés des critères ou des actions contraires à la finalité essentielle de l'acte médical, qui est la protection du malade. Un bon texte de loi en la matière se doit de concilier les droits des patients avec ceux des médecins. Chacun a sa part de responsabilité dans l'alliance thérapeutique qui doit être établie entre eux, si l'on veut obtenir une relation appropriée entre le malade et le médecin. Il ne peut être question que celui-ci soit exonéré de toute responsabilité morale et légale, comme cela semble être le cas (art. 15.3)
et que celui-là soit habilité à prendre pratiquement n'importe quelle décision. Il est très significatif, sur ce dernier point, que la première disposition additionnelle de ce Projet, en exigeant une nouvelle rédaction de l'article 11 de la loi de 2002 sur l'autonomie du patient, supprime le paragraphe établissant que « ne seront pas appliquées les instructions antérieures [concernant le patient] contraires à l'ordre juridique, à la lex artis, ni celles qui ne concordent pas avec celui-ci dans le cas où l'intéressé aurait prévu de les faire valoir à un moment donné ». Le critère de la lex artis - ou bonne pratique médicale - disparaît ainsi, en tant que limitation de l'autonomie absolue du patient en phase terminale.
28. Le Projet ne fait allusion à aucun moment
au droit à l'objection de conscience, qui devrait être
reconnu et garanti pour le personnel sanitaire aussi
amplement que possible. Devrait aussi apparaître
le fait que l'idéal catholique d'un centre sanitaire
sera dûment respecté.
Le droit de l'homme à la liberté religieuse malmené
29. Lors de graves maladies et plus encore quand la mort approche, les personnes se trouvent en général particulièrement démunies et désireuses de recevoir une assistance religieuse. C'est un fait qui est en cohérence avec la nature religieuse de l'être humain, dont on trouve un reflet dans les constatations sociologiques correspondantes.
30. Pourtant, le Projet actuel ne mentionne même pas le droit fondamental à la liberté religieuse, tel qu'il est reconnu par la Constitution dans l'article 16. 1. Cela attire l'attention car la nature même des situations qu'il régule est chargée - comme nous venons de le souligner - de profondes significations religieuses qui exigeraient d'être traitées dans un cadre légal explicitant et encourageant positivement ce droit fondamental. Mais, de plus, l'absence mentionnée est encore moins explicable si l'on se rappelle que la perspective adoptée par le texte est celle du développement maximum des droits fondamentaux de la personne se trouvant dans les circonstances citées (8).
31. Par contre, le texte de loi en projet formule un nouveau droit qu'il nomme « droit à l'accompagnement » (art. 12), qui inclut une « assistance spirituelle ou religieuse », dont il est dit que les patients « auront le droit de la recevoir », s'ils « se la procurent », en accord avec leurs convictions et leurs croyances, et « pour autant que cela soit compatible avec l'ensemble des soins nécessaires pour qu'ils soient de qualité ».
32. Le droit à la liberté religieuse, en tant que droit humain fondamental et primordial, ne peut être tronqué par une Loi qui ne fait que tolérer la pratique religieuse, comme c'est le cas ici, qui la soumet en plus de manière absolue à des conditionnements juridiques indéterminés et la place dans les mains de tiers (la compatibilité avec « l'ensemble des mesures sanitaires »). Une Loi juste et en accord avec la Constitution sur ce point doit prévoir la reconnaissance du droit à la liberté religieuse de manière explicite et positive. Que les patients aient le droit à l'exercice de leurs convictions religieuses suppose que l'État, de son côté, garantisse et favorise l'exercice de ce droit fondamental, sans préjudice de sa juste laïcité.
33. À ce propos, on doit faire mention des accords internationaux ou des conventions de coopération avec les différentes confessions religieuses, dans le droit transitoire, spécifiant que l'assistance religieuse sera effective dans le cadre de ces instruments juridiques. Dans le cas particulier de l'Église catholique, c'est l'article 4 de lAccord sur les questions juridiques qui est ici pertinent.
Autres carences du projet
34. D'autres questions qui ne sont pas sans importance manquent de clarté dans ce texte. Nous nous contentons de les énumérer. La signification de « dégradation extrême » (Exposé des motifs) ne semble pas adaptée pour qualifier toutes les phases terminales. L'information à laquelle on a droit doit être « claire et compréhensible », dit l'article 5.1, mais on devrait ajouter qu'elle doit être continuellement actualisée et vérifiée, pour que sa compréhension soit effective. On accorde aux mineurs émancipés ou âgés de moins de 16 ans la même habilitation qu'aux adultes à décider quant à
leurs traitements, au détriment de la responsabilité des parents (cf. art. 7). Larticle 16 protège peu le malade contre les possibles intérêts injustes que pourraient avoir des membres de sa famille ou des professionnels, à l'heure où doit être établie son incapacité de fait. Dans l'article 20, il est dit que les comités d'éthique pour l'assistance « pourront accorder des protocoles d'action afin de garantir l'application effective de ce qui est prévu dans cette Loi », étant entendu que, statutairement, lesdits comités ont seulement un caractère consultatif.
CONCLUSIONS
35. Nous synthétisons comme suit notre point de vue du Projet de loi qui fait l'objet de cette Déclaration :
- Le Projet prétend proposer une nouvelle approche légale qui dépasserait celle de l'assistanat et ouvrirait la voie à une autre approche, basée sur la reconnaissance des droits de l'individu dans le contexte des situations créées par les avancées de la médecine. Mais il n'y parvient pas.
- Il ne parvient pas à garantir, comme il le souhaite, la dignité et les droits des personnes dans le processus de leur fin de vie temporelle, mais laisse la porte ouverte à la légalisation de comportements euthanasiques, qui porteraient gravement atteinte aux droits de la personne de voir sa dignité et sa vie respectées.
- Le traitement impropre du droit fondamental à la liberté religieuse constitue un recul par rapport à la législation en vigueur.
- Il n'est même pas fait allusion au droit à l'objection de conscience, qui doit être reconnu et garanti aux personnels de la santé.
- L' imprécision et l'ambiguïté des propositions grèvent le projet dans son ensemble, de sorte que, s'il était approuvé, il conduirait à une situation où les droits de la personne dans le domaine en question seraient moins préservés qu'avec la législation actuelle. Par cette déclaration, nous souhaitons contribuer à une coexistence plus humaine dans notre société, qui ne peut être effective que si les lois reconnaissent les droits fondamentaux et inaliénables de la personne humaine, et qu'elles encouragent la mise en pratique effective de ces droits.
à retrouver aussi sur Facebook : http://on.fb.me/nTwT2i
(1) Commission épiscopale pour la Doctrine de la Foi,
Sur
l'euthanasie (15 avril 1986); Comité épiscopal pour la défense de
la vie, L'euthanasie. Cent questions et réponses (14 février 1993);
Commission permanente, Déclaration:
L'euthanasie est immorale
et antisociale (18 février 1998). Dans: L. M. Vives Soto (Éd.),
La vie
humaine, don précieux de Dieu. Documents de la Conférence épisco
pale espagnole sur la vie, 1974-2006, Edice, Madrid 2006,235-340;
aussi sur www.conferenciaepiscopal.es/(section Documentas).
(2) LXXVP Assemblée plénière de la Conférence épiscopale
espagnole, Instr. Past.
La famille, sanctuaire de la vie et espoir
de la société (27 avril 2001), spéc. chapitre 3, « L'Évangile de la
vie humaine». In
Bulletin officiel de la Conférence épiscopale
espagnole 16 (2001) 12-60; aussi dans: L. M. Vives Soto (Ed.),
idem, p. 45-63; aussi sur www.conferenciaepiscopal.es/ (section
Documentas).
(3) II existe déjà des normes émanant de corps législatifs autono
mes sur lesquelles, en leur temps, les évêques concernés se sont
prononcés. Ainsi, les évêques d'Andalousie ont publié une Notice,
le 22 février 2010, sur le « Projet de Loi sur les droits et garanties
pour la dignité de la personne dans le processus de la mort »,
de l'Assemblée d'Andalousie. Les évêques d'Aragon ont publié
une Charte pastorale le 24 avril 2011 sur la « Loi sur les droits
et garanties pour la dignité de la personne en processus de fin de
vie », du Parlement d'Aragon.
(4) Tout au long de cette première partie, nous suivons presque toujours littéralement le troisième chapitre de l'Instruction pastorale de la LXXVP Assemblée plénière de la Conférence épiscopale espagnole, La famille, sanctuaire de la vie et espoir de la société (27 avril 2001), numéros 101 à 128.
(5)Jean-Paul II, Evangelium vitae, 65
(6) Commission permanente de la Conférence épiscopale espa
gnole, Déclaration « L'euthanasie est immorale et antisociale », 6.
(7) Dans l'Exposé des motifs, il est dit de manière explicite que « le processus de la fin de vie, conçu en tant que fin proche et irréversible, éventuellement douloureux » serait aussi « préjudiciable à la dignité de celui qui le subit », une affirmation qui se révèle non seulement anthropologiquement inacceptable, mais aussi probablement contraire à la Constitution.
(8) L'Exposé des motifs du Projet se réfère à la Constitution espagnole, là où elle reconnaît plusieurs droits fondamentaux comme la dignité (art. 10), la vie et l'intégrité physique (art. 15) ou l'intimité (art. 18.1) et aussi la santé (art. 43), qui, selon le principe constitutionnel, ne constitue pas un droit fondamental, mais un principe directeur de la politique sociale et économique
Pour aller plus loin :
Vers l’euthanasie des “vieux” ? (23 dec 2011)
Mieux comprendre les soins palliatifs
Soins palliatifs: Une fin de vie paisible est elle possible ?
SOS fin de vie
Faut pas pousser "et si on revenait à la réalité ?"
"La fin de vie en débat" (Dr Xavier Mirabel - Président d' "Alliance VITA")
La maladie d'Alzheimer justifie l' Euthanasie au Pays-bas !
Pay-bas,l' euthanasie s' étend - "le désir de mort une fois exprimé doit il être exécuté ?"
Non à l' acharnement thérapeuthique
Euthanasie, LA PEUR fait parler les chiffres
Les personnes agées CONTRE l' Euthanasie
.
Mieux comprendre les soins palliatifs
Soins palliatifs: Une fin de vie paisible est elle possible ?
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Les personnes agées CONTRE l' Euthanasie
.
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